Conte Dogon : Une fille nommée Yasama

CONTE 12

Dans le temps immémorial quand tu t’appelais Yassama, tu n’avais pas de mari, parce que si un homme épousait une fille du nom de « Yassama », il devait mourir le jour même du décès du père de Yassama.
Alors, un jour un homme arrive dans un village où il fait la connaissance d’une belle fille qui n’est pas encore mariée et qui s’appelle Yassama.
Il demande aux villageois pourquoi cette belle fille n’est pas encore mariée.
Les gens lui disent: »Si tu l’épouses, tu seras enterré le jour où son père mourra»
Cet homme voit son âge avancer, tandis qu’il n’a pas encore eu d’épouse et donc il décide d’épouser malgré tout Yassama. Il se dit que tout ce que Dieu fait est bon pour lui.

Ainsi la cérémonie de mariage a eu lieu. L’homme conduit sa nouvelle épouse chez lui, mais il passe encore un moment dans la maison de sa belle-famille puis décide de rentrer chez lui. C’est à ce moment que le père de Yasama meurt et les voisins envoient quelqu’un pour venir prévenir le mari de Yassama qu’il va être enterré avec son beau-père qui vient de mourir.

Poursuivant son chemin, il rencontre le caméléon qui lui demande pourquoi il pleure. L’homme lui explique la raison, le caméléon lui demande de le prendre avec lui. Il a pris le caméléon et l’a mis dans son sac.
Il contenue sa route et rencontre le crapaud qui lui demande pourquoi il pleure,et l’homme explique encore la situation. Le crapaud lui dit : «Hé! Prends-moi avec toi!». Et il a mis aussi le crapaud dans son sac .

Alors les trois prennent le chemin jusqu’à l’entrée du cimetière. Le caméléon est sorti de son sac et est monté sur l’arbre et le crapaud aussi est sorti du sac et s’est caché dans le sol.
Au moment de l’enterrement, le caméléon a crié:»Hé!hé ! qui vous a dit d’enterrer le mort avec une personne vivante, ce n’est pas le dieu du Ciel ou bien est-ce celui de la Terre ?». Le crapaud étant sous la terre a répondu «  Non, non ! Ce n’est pas non plus le dieu de la Terre qui a dit cela! »
Alors tout le monde a été pris de frayeur et s’est enfui. Arrivés à la maison, les gens ont dit aux enfants d’aller au cimetière et de mettre vite le mort dans le trou et de revenir ensuite.

C’est ainsi que le mari de Yassama a été sauvé et depuis lors les « Yassama »se marient comme les autres filles.

Le conte prend fin et il se tait.

Commentaire :
Voici un conte qui mérite un regard psychanalytique. L’idée d’un nouveau marié qui n’a pas le droit de survivre à la mort de son beau-père exprime le désir inconscient du père de garder sa fille pour lui. Puisque cela n’est pas possible, il est donc préférable que le gendre meurt en même temps que lui, ainsi sa fille sera préservée et en quelque sorte lui sera réservée.
Les animaux, le caméléon et le crapaud délivrent le gendre de cette malédiction, l’un représentant le ciel ( la transcendance, la loi divine), l’autre la terre c’est-à-dire l’ordre des choses naturelles. L’un et l’autre se conjuguent pour rappeler la Loi, aussi bien divine que naturelle qui ,comme le rappelle l’Evangile veut, que le garçon ou la fille quitte père et mère pour fonder une nouvelle famille.

 

Lire :« Contes Dogon », recueillis par Malick Guindo à Endé (Pays Dogon) Mali