Chroniques heureuses du quotidien

Après les perturbations qui nous ont agités ces temps derniers, qu’il fait bon découvrir ou relire les textes de Chabine Lamontay, publiés sur le journal en ligne « Montraykreyol ». Qu’elle nous mette l’eau à la bouche en nous parlant de la cuisine traditionnelle créole, qu’elle évoque la belle transmission des coutumes de nos grands-mères, la force résiliente de notre île — après telle catastrophe naturelle, par exemple —, ou qu’elle rende hommage aux héros discrets de notre quotidien, Chabine nous permet en la lisant de retrouver un peu de cette sérénité nécessaire à notre équilibre, fort mis à mal par une pandémie assortie de son confinement obligé. Elle nous dit de ne pas oublier que derrière les masques nécessaires, et qui cachent nos sourires, il est tout autour de nous des femmes et des hommes de bonne volonté. Et qu’encore il faut savoir apprécier les bonheurs simples de la vie, le bonheur du jour étant celui de retrouver le sable et le soleil des plages ! (Janine Bailly)

Lundi, 4 Mai 2020  : le repas créole est sacré en Martinique

Au début du confinement, nous avons été plusieurs à craindre quelque chose en particulier : ne pas pouvoir se nourrir correctement. Mais, c’était sans compter sur l’implication sans failles de nos boutiques de proximité et surtout, sur nos valeureux agriculteurs. En effet, il nous a été possible d’acheter des fruits et des légumes locaux, afin de nous maintenir en bonne forme physique et psychologique.

Il faut dire qu’en Martinique, nous accordons une importance particulière au fait de « bien manger ». « Bien manger » signifie déguster un bon repas créole. Nous y sommes habitués car dès notre plus jeune âge, ils sont généralement préparés dans nos familles par nos Grand-Mères et nous avons la chance d’observer leurs méthodes de préparation. Évidemment, nous répondons présents pour les déguster à leurs côtés, et cela leur procure un grand plaisir. Il faut dire que nos aînés ont conscience que le fait de préparer ce type de repas ne revient pas uniquement à nous nourrir. En effet, ce repas leur permet de nous transmettre des pratiques, afin de nous faire découvrir notre richesse culturelle et historique. D’ailleurs, nous apprenons à faire la différence entre un repas exceptionnel et un repas juste convenable. Pire encore, il nous arrive de devenir trop exigeants en grandissant, allant jusqu’à vexer certains cuisiniers…

Venons-en à la préparation de notre plat. Pour réaliser un bon repas créole cette semaine, nous vous proposons tout d’abord d’acheter de la viande et des légumes. Nous affectionnons particulièrement la savoureuse viande de porc. Même si nous débutons, nous sommes tous capables de la cuisiner. Il faut tout d’abord faire en sorte d’assaisonner la viande depuis la veille, puis, de la placer au réfrigérateur. Nous pouvons l’assaisonner à notre convenance, mais quelques éléments demeurent indispensables : le sel, le poivre, le citron, l’oignon, l’ail, le piment, et le bouquet garni. Il nous sera possible d’ajouter des épices indiennes à notre préparation au moment de la mettre au four, afin de lui donner encore plus de saveur. Pour accompagner notre viande, nous ferons cuire des légumes pays. Nous vous suggérons des bananes jaunes et des patates douces : un vrai régal!

Ainsi, en attendant de pouvoir nous rendre dans nos restaurants favoris pour consommer nos plats créoles préférés, n’hésitons pas à faire vivre l’économie locale et particulièrement nos agriculteurs et nos marchandes. En plus, c’est l’occasion pour nous de nous essayer à la cuisine créole. Elle nous invite, en effet, à effectuer un délicieux voyage culinaire, au cœur de notre culture, et ce, pour notre plus grand bien.

Dimanche, 24 Mai 2020 : escapade dans le Nord Caraïbe 

Je me suis enfin décidée à aller faire une balade dans le Nord Caraibe après avoir entendu l’annonce de la réouverture des plages en Martinique.

Après avoir quitté Schoelcher et Case-Pilote, je me suis retrouvée plongée un paysage jusqu’alors inconnu alors qu’il m’est véritablement familier. Cependant, il faut dire que le confinement était passé par là et qu’il nous avait tous forcés à ne voir que nos murs blancs. Le carême, quand à lui, avait fait son œuvre sur la nature, mais avec encore plus de violence que d’habitude. En effet, les mornes étaient tous pratiquement orange feu et les arbres, aux troncs couleur charbon, ressemblaient à des squelettes ambulants qui avaient été carbonisés par un soleil beaucoup trop cruel. Mais, bizarrement, une certaine beauté émanait tout de même de ce spectacle désolant qui semblait se jeter avec fracas dans la mer des Caraïbes.

C’est ainsi, qu’après ce passage dans les mornes, la descente au niveau de la mer a débuté. Que d’émotion ! Voir la vie reprendre petit à petit dans les bourgs : les pâtisseries et les petits commerces ouverts, les pêcheurs ayant ramenés du thon ou de la dorade, les acheteurs qui se pressent pour récupérer les meilleurs morceaux afin préparer leurs festins de ce soir, et les marchés de fruits et légumes frais bondés. Bref, la vie reprend. Le Corona n’aura pas eu raison de nous. Des magasins de maillots de bain exposent même déjà leurs plus belles pièces et accessoires indispensables des grandes vacances.

Les grandes vacances ! C’est justement d’une ambiance de grandes vacances dont il a été question sur les plages que j’ai sillonnées. Des familles, des couples, des personnes seules sur le sable ou dans l’eau, affichant la satisfaction de pouvoir à nouveau goûter au bonheur de se mouvoir dans le sable et dans la mer. Et que dire de Saint-Pierre la magnifique ! Éblouissante de beauté, déjà habituée à se relever de tant de catastrophes, à l’image de notre peuple.

Mardi, 26 Mai 2020  : à tous nos héros silencieux

Après le week-end que nous venons de vivre, il nous semble indispensable de mettre en avant toutes les personnes qui permettent à notre population de ne pas sombrer dans le désespoir au quotidien.

En effet, ces personnes n’ont pas attendu le Covid-19 pour être au service des malades et pour leur porter assistance.  Il s’agit bien évidemment, de tout le personnel soignant, des aidants familiaux, des associations et des bénévoles. Mais, dans le contexte particulier qui implique l’impératif du respect des mesures barrières, je voudrais ici remercier particulièrement tous les laboratoires d’analyses médicales de la Martinique ainsi que leurs personnels : biologistes, techniciens de laboratoire, infirmiers, secrétaires, femmes de ménage et vigiles.

Les vigiles, ceux qui arrivent avant nous devant le laboratoire, avant que le soleil ne se lève et qui dans l’obscurité de nos matinées tristes nous disent bonjour et nous demandent : « Qui est la première personne ? ». Ensuite, il nous donnent des tickets afin de respecter l’ordre d’arrivée de chacun. Mais, ces vigiles sont également attentifs à ceux qui accompagnent les personnes âgées malades, qui ne peuvent donc pas attendre, debout et à jeun, le moment de leur prise de sang. Ils comprennent la situation avec bienveillance et les font rentrer en priorité afin d’éviter encore un plus grand malheur.  Nous tenons donc à rendre hommage à toutes celles et tous ceux, qui d’une manière ou d’une autre, ne participent pas à l’analyse de l’état de notre corps à l’oeil nu. Il faut noter que cette analyse s’effectue souvent à partir du prélèvement de notre sang.

Maintenant, nous souhaitons rendre hommage à ceux qui donnent leur sang pour sauver des vies. Sachez que vous êtes des héros silencieux et que quand vous sauvez une vie, en fait, vous en sauvez de multiples. Vous permettez donc à des personnes de rester en vie, mais vous permettez également à ceux qui les aiment de continuer à vivre en les ayant auprès d’eux. Vous rendez-vous compte de l’importance de votre acte ?

Il existe encore tellement de héros silencieux qui accomplissent des actes au quotidien. Nous pensons à vous ! Comme nous ne savons pas qui vous êtes, comme nous ne pouvons pas vous dire merci en vous appelant par vos prénoms et en vous regardant dans les yeux, nous vous nommons, tout au fond de nos coeurs joyeux, nos héros silencieux.

Fort-de-France, le 26 mai 2020