Catégorie : Sciences Sociales

Caraïbes : l’effondrement silencieux des récifs coralliens

— Par Sabrina Solar —

Les récifs coralliens des Caraïbes traversent une crise écologique majeure, d’une ampleur sans précédent. En un peu plus de quatre décennies, près de la moitié de la couverture en coraux durs de la région a disparu. Entre 1980 et 2024, cette couverture a chuté de 48 %, selon les travaux du Global Coral Reef Monitoring Network, un réseau international mobilisant plus de 200 scientifiques issus de 44 pays et territoires. Ces données, collectées sur près de 14 000 sites suivis depuis les années 1970, dressent un constat alarmant pour un écosystème qui représente à lui seul près de 10 % des récifs coralliens mondiaux.

Au cœur de cette dégradation se trouve le réchauffement accéléré des océans. Dans les zones récifales des Caraïbes, la température moyenne de surface de la mer a augmenté de 1,07 °C entre 1985 et 2024, soit un rythme de réchauffement de 0,27 °C par décennie. En 2023, la température de l’eau a même dépassé les 30 °C durant plusieurs semaines consécutives, un seuil critique pour la survie des coraux. Cette élévation thermique, directement liée aux émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine, provoque des épisodes répétés de blanchissement massif.

→   Lire Plus

Taïnos et Kalinagos : une exposition et un livre

— par Selim Lander —

La Fondation Clément à la Martinique organise à côté des expositions mettant en valeur les artistes caribéens contemporains des événements prestigieux en relation avec d’autres institutions. Après Télémaque et Le Geste et la Matière avec le Musée Pompidou (2016 et 2017), Afrique (2108 avec la Fondation Dapper), Révélation ! (2025 avec la République du Bénin) c’est cette fois d’un retour aux sources les plus lointaines de la création dans l’archipel caribéen qu’il est question, en collaboration avec le Musée du Quai Branly. Plus de 300 pièces sont rassemblées en provenance des collections européennes mais aussi bien américaines, dominicaines, portoricaines, guadeloupéennes et bien sûr martiniquaises, sous le commissariat d’un ancien directeur du Musée de l’Homme, André Delpuech qui signe plusieurs articles du catalogue.

Les catalogues sont souvent comme ces beaux livres qu’on range dans un coin pour ne plus les consulter. Celui de cette exposition devrait connaître un sort différent et devenir un ouvrage de référence concernant une ou plutôt des civilisations à propos desquelles on manquait jusqu’ici cruellement d’informations aisément accessibles, sachant que ni le livre ni l’exposition ne pourront lever tous les secrets de sociétés sans écriture et dont les seuls témoignages dont nous disposions par les récits des premiers colonisateurs (soldats ou plus souvent membres du clergé) ne portent que sur la période la plus récente de leur histoire, comme celui du Père Breton (1665), lequel a laissé de précieuses informations et même un dictionnaire callinago-français.

→   Lire Plus

Guadeloupe–Martinique : sortir de l’économie de dépendance

Le combat contre la vie chère est une impasse tant que le modèle économique antillais demeure inchangé.
— Par Jean-Marie Nol —

La vie chère aux Antilles n’est ni un accident conjoncturel ni une dérive temporaire des marchés, mais l’expression la plus visible d’un modèle économique profondément déséquilibré, hérité de l’histoire coloniale et perpétué sous des formes modernes. En Martinique comme en Guadeloupe, le combat contre la cherté de la vie revient de manière cyclique dans le débat public, porté par des mobilisations populaires, des négociations institutionnelles et des promesses politiques de textes de lois récurrentes. Pourtant, malgré l’intensité des colères et la légitimité des revendications, rien ne change fondamentalement. Les prix restent durablement plus élevés qu’en France hexagonale, le pouvoir d’achat s’érode et le sentiment d’injustice sociale s’enracine. Cette répétition de l’échec n’est pas le fruit du hasard : elle révèle une impasse structurelle.

Le coût de la vie aux Antilles est sensiblement supérieur à celui de l’Hexagone, avec des écarts sur l’alimentation qui atteignent en moyenne plus de 40 % selon les données de l’Insee. Cette situation est souvent expliquée par des facteurs techniques — éloignement géographique, surcoûts de transport, petitesse des marchés, faibles volumes importés — qui, bien que réels, ne constituent que la surface du problème.

→   Lire Plus

Paul Julvécourt, le saxophoniste de Redoute, s’éteint à 98 ans

Le 24 décembre 2025, la Martinique a perdu une de ses plus grandes figures musicales : Paul Julvécourt, à l’âge de 98 ans. Originaire du quartier de Redoute à Fort-de-France, cet homme d’exception a traversé plus de sept décennies de musique, laissant une empreinte indélébile sur la scène musicale antillaise.

Surnommé « Paulo » par ses amis, Paul Julvécourt s’est d’abord fait connaître comme flûtiste avant de se tourner vers le saxophone à l’âge de 16 ans. Cet instrument deviendra le cœur de sa carrière, qu’il débute au sein des orchestres locaux. Il intègre les célèbres formations Harmony King d’Henri Sommier et Blue Star de Jean Guannel, avant de rejoindre Stardust de Fernand Donatien. Sa carrière prend également une dimension internationale lorsqu’il représente la France à l’Exposition Universelle de 1967 au Canada.

De Francisco à Lola Martin, en passant par Les Frères Coppet, Paul Julvécourt accompagne les plus grands noms de la musique martiniquaise. Sa virtuosité au saxophone et sa capacité à marier tradition et modernité font de lui une référence incontournable du jazz antillais. Durant 17 ans, il anime également les soirées de l’hôtel Hilton, qui deviendra l’hôtel Batelière, un lieu emblématique de Fort-de-France.

→   Lire Plus

“Ce que Mumia Abu Jamal révèle des démocraties occidentales”

— Philippe Yerro (Ali Babar Kenjah) sur Mumia Abu-Jamal. Entretien avec Rodolf Etienne —

Plus de quarante ans après son arrestation, Mumia Abu-Jamal demeure l’un des noms les plus emblématiques de la lutte contre la répression d’État et le racisme structurel.

Philippe Yerro (Ali Babar Kenjah) nous livre une lecture caribéenne et postcoloniale : de la justice américaine comme prolongement historique de la domination, jusqu’au rôle des figures assignées au statut de martyr de la cause.

Entre références à Fanon, Glissant, Foucault, Deleuze et une méditation sur la spiritualité comme ressort de résistance, Philippe Yerro interroge aussi la Martinique : mémoire, clivages, responsabilité et devoir de ne pas détourner le regard.

Q : En tant qu’anthropologue et intellectuel martiniquais, comment lisez-vous la trajectoire de Mumia Abu-Jamal : affaire judiciaire singulière ou plutôt symptôme profond d’un système politique et racial ?

R : Se mêlent en moi au moins deux registres quand je m’évoque le destin singulier de Mumia : il y a le logos militant, panafricain, frotté aux Frères de Soledad depuis mes années de collège, familier du regard myope de Malcom et de la réalité théorique de ce qu’est le Ku Klux Klan (KKK)… C’est l’approche de l’ancien combattant sans illusions sur la cruauté de Babylone.

→   Lire Plus

Changer de statut, fuir l’essentiel ?

Ary Chalus vs Guy Losbar, où l’art de la rupture consommée sans le dire ouvertement, mais à demi mot .

— Par Jean-Marie Nol —

Le slow dumping est un processus indirect et progressif par lequel un partenaire prend ses distances. C’est là exactement le cas de figure qui se profile entre le président du conseil régional et le président du conseil départemental de la Guadeloupe.La Guadeloupe donne aujourd’hui le sentiment paradoxal de consacrer une énergie considérable à penser son avenir institutionnel tout en dilapidant ce qui devrait constituer sa ressource la plus rare : le temps long de la vision prospective. Dans un contexte marqué par la désorganisation des priorités publiques et par une incapacité chronique à hiérarchiser les urgences économiques et sociales, le débat institutionnel semble avancer comme une évidence politique, alors même qu’il repose sur des postulats fragiles. Or, dans un territoire où la perte de productivité, l’inefficacité administrative et la mauvaise allocation du temps institutionnel coûtent cher, récupérer ne serait-ce que 10 % d’heures utiles pourrait suffire à relancer la croissance, créer de l’emploi et dégager des marges de manœuvre pour financer des politiques publiques plus ambitieuses et plus efficaces.

→   Lire Plus

La Volonté contre l’aliénation.

— Par Camille Loty Malebranche —

L’aliénation est dénaturation de la volonté. À la différence de l’aboulie qui est directement pathologique en tant que déficience mentale qui bloque la capacité conscientielle de vouloir, l’aliénation, quant à elle, corrompt la volonté et fait de l’individu une sorte de reflet compulsif du maître bourreau personnel ou institutionnel introjecté dans sa conscience dénaturée. Là où la volonté normale est activité, proactivité, affirmation, fut-ce par exigence d’une négation affirmée, l’aliénation est une altération de la volonté rendue passive, laissant l’autre décider contre soi. Là où la conscience devrait choisir en souveraineté à travers le recul critique de l’intelligence et du jugement, l’aliénation ravale le sujet victime à une auto-dénégation qui nie toute faculté d’autodétermination.

La servitude est immanente à l’aliénation et lui est une conséquence immédiate. On ne peut être libre sans vouloir assumer sa propre conscience, sans décider pour soi-même et choisir sa voie en pleine lumière des buts visés et de la responsabilité qui y est inscrite. On ne peut être libre sans la volonté d’être libre en se travaillant soi-même au plan mental pour affiner le jugement et atteindre la finesse du jugement juste qui rend libre.

→   Lire Plus

Solidarité et Mobilisation contre les Violences Sexistes et Sexuelles dans le Sport en Martinique

— Association féministe Culture Egalité —

À la suite de l’agression sexuelle d’une jeune fille de 14 ans par son entraîneur, une action inédite de solidarité s’est réalisée ce samedi 20 décembre, lors d’un tournoi internationalde compétition de judo.

À 7h30, soutenues et accompagnées par l’association Culture Egalité, des sportives de la Ligue de judo Martiniquaise ontorganisé un happening fort et symbolique pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles dans le milieu sportif.

Un rassemblement pour dire : “plus jamais ça”

Banderoles, pancartes et prises de parole ont marqué ce moment de mobilisation. Toutes les jeunes sportives et tous les jeunes sportifs parés.es pour ce moment de compétition, leurs familles, entraineur.es et arbitres sont venu.es sur le tatami soutenir cette action. Une grande première en Martinique ! Les messages étaient clairs : « Brisons le silence », «La honte doit changer de camp », « Violeur on te voit, victime on te croit», « Piès violans kont fanm » !

Un temps d’explication pour sensibiliser

L’association Culture Egalité a rappelé l’urgence de mettre fin au sexisme dans le sport et à l’omerta qui entoure encore trop souvent les violences dans les clubs.

→   Lire Plus

L’ambiguïté des Plans Locaux d’Urbanisme.

— Par Florent Grabin, Président de l’association écologique P.U.M.A. —

Dans le cadre de l’aménagement du territoire, il existe une série de documents administratifs qui peut donner le tournis, avec pour incidence de plonger son lecteur dans un maquis réglementaire. Arrêtons-nous aux principaux plans :

  1. Le Plan Local dUrbanisme (PLU) est un document qui, à l’échelle de la commune, traduit un projet global d‘aménagement et fixe en conséquence les règles d‘utilisation des sols.
  2. Le schéma de cohérence territoriale (SCOT) incarne la réflexion stratégique à grande échelle et à long terme, tandis que les PLU et les cartes communales représentent les moyens de déclinaison locale et opérationnelle de cette stratégie.
  3. Le Schéma d’Aménagement Régional (SAR) élaboré en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à Mayotte et à la Réunion, fixe les orientations fondamentales à moyen terme en matière de développement durable, de mise en valeur du territoire et de la protection de l’environnement.
  4. Le Schéma de Mise en Valeur de la Mer (SMVM) est, en France, un outil d’aménagement du territoire qui vise à une meilleure intégration et une meilleure valorisation du littoral et portée à connaissance du citoyen.

→   Lire Plus

Les municipalités qu’il nous faut (3)

— RS n° 426 lundi 22 décembre 2025 —

La réflexion sur les municipalités et les campagnes municipales du passé, doit nous servir à sauver ce qu’il y a de meilleur dans les divers héritages, nous aider à se débarrasser des tares du passé et du présent, nous permettre de confronter ce legs d’expériences aux impératifs des temps présents et à venir.

Des choix politiques adaptés à l’échevon municipal

L’échelon municipal est celui qui met le plus immédiatement au contact des problèmes du quotidien. C’est là que le rapport de proximité est le plus évident entre la population et les élu·e·s.

Si l’on s’en tient aux institutions politiques, la commune comme la ville, doit être l’instance première de résistance à la politique scélérate des classes dominantes et de leurs divers relais. Les traditions d’identification aux masses laborieuses, sur le plan social, et de résistance au colonialisme sur le plan politique, sont un patrimoine précieux qui doit nous écarter des discours aseptisés de la neutralité dans la lutte de classes, de la prétention trompeuse de représenter aussi bien les exploiteurs et les dominants que les exploités et les dominés, au féminin comme au masculin.

→   Lire Plus

Parutions du 22 décembre : Caraïbes, Economie, Entreprises…

Essais

Bretons dans la mer des Caraïbes

Dans les pas des marins bretons à l’époque moderne
Yajaira Vargas Velásquez
Préface de Michel L’Hour

Cet ouvrage s’inscrit dans le sillage de Fortunes de mer et sauvetages dans la mer des Caraïbes du XVIe au XVIIIe siècle. Il met en lumière le rôle méconnu des Bretons dans les Caraïbes aux XVIIe et XVIIIe siècles.
De la course à la traite, en passant par la colonisation et le commerce de toiles, de vêtemen[…]

  • EAN : 9782336571973

  • Parution : 20/11/2025

  • Format : 135 × 215 mm

  • Collection : Historiques

  • Pagination : 158 pages

  • Prix : 20,00 €


Boire le vin et le champagne à la table des élites martiniquaises

(1914–1945)
Abel Alexis Louis

→   Lire Plus

La crise de l’igname en Martinique : un héritage local en péril

Les fêtes de fin d’année approchent, et avec elles, l’espoir de déguster des plats traditionnels à base d’ignames locales. Pourtant, cette année encore, les tables martiniquaises risquent de se voir privées de cette précieuse racine, autrefois symbole de notre culture culinaire. Si les ignames péyi, cultivées sur notre sol, ont toujours occupé une place de choix dans les assiettes locales, la production s’effondre sous le poids de deux maladies dévastatrices : la rouille et l’anthracnose.

Des maladies dévastatrices

L’agriculteur Éric Fage, installé au Vauclin, déclare dans France Antilles avoir vu ses terres ravagées par ces infections fongiques. La rouille, notamment, a attaqué ses plantations d’ignames, et en particulier l’igname portugaise, sur laquelle il fondait ses espoirs économiques. Après plusieurs tentatives infructueuses de relance, il n’a plus que quelques variétés résistantes à cultiver, telles que l’igname jaune de Guinée. Malheureusement, même cette variété se trouve aujourd’hui menacée, victime de la rouille qui continue de détruire les récoltes avant leur maturation complète.

« J’avais quatre variétés de Saint-Vincent, l’igname atoutan, la portugaise, mais aussi la dominiquaise et l’igname jaune. Aujourd’hui, je n’arrive plus à produire qu’une petite quantité », se désole-t-il.

→   Lire Plus

GBH dans le viseur de la justice financière

Le groupe Bernard Hayot visé par une enquête judiciaire pour pratiques anticoncurrentielles et escroquerie présumée

Le groupe Bernard Hayot (GBH), acteur majeur de la distribution et de l’automobile en outre-mer, fait désormais l’objet d’une information judiciaire ouverte par le parquet national financier. La procédure, engagée au mois d’août et confiée à des juges d’instruction parisiens, porte sur des soupçons d’escroquerie en bande organisée, d’abus de position dominante et d’entente, en particulier dans le secteur automobile ultramarin.

Selon des éléments révélés par le journal Libération, les activités automobiles du groupe seraient au cœur des investigations. Les concessions détenues par GBH, qui occupent une place prépondérante sur ces marchés, dégageraient des marges nettement supérieures à celles observées en France hexagonale, pouvant aller jusqu’à trois ou quatre fois plus. Les enquêteurs s’intéressent notamment à de possibles déclarations trompeuses de certains concessionnaires, soupçonnés d’avoir minoré leurs marges réelles auprès des constructeurs automobiles.

La justice cherche également à déterminer s’il a pu exister des accords illicites entre GBH et d’autres acteurs économiques locaux, susceptibles de fausser la concurrence dans plusieurs territoires ultramarins. Ces soupçons s’inscrivent dans un contexte de critiques récurrentes visant le groupe, régulièrement accusé par des syndicats, des élus et des associations de contribuer au niveau élevé des prix, notamment aux Antilles.

→   Lire Plus

Liquidation de Lasotè : la fin d’une structure, pas d’un héritage

Liquidation judiciaire de Lasotè : la fin d’une structure emblématique du Nord-Caraïbe, l’héritage d’une culture toujours vivante

— Par Jean Samblé —

Le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France a prononcé, le 17 décembre, la liquidation judiciaire de l’association Lasotè, mettant un terme à une aventure associative et culturelle majeure en Martinique. Malgré un sursis accordé à l’automne, la structure n’est pas parvenue à redresser une situation financière devenue critique. Endettée à hauteur de plus de 1,2 million d’euros, Lasotè n’a pas réussi à mobiliser les ressources nécessaires pour poursuivre ses activités, entraînant la cessation définitive de son fonctionnement et le licenciement de ses quatre derniers salariés.

Placée en redressement judiciaire depuis le mois de juin, l’association faisait face à un passif lourd, composé en grande partie de charges sociales et de subventions non recouvrées, notamment celles issues du Fonds social européen (FSE), via la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM). Un contentieux administratif opposant Lasotè à la CTM sur le versement de ces fonds a pesé durablement sur la trésorerie de la structure. Malgré les efforts de la direction et la reconnaissance, par le tribunal, du caractère actif et emblématique de l’association, le délai supplémentaire accordé n’a pas permis d’inverser la tendance.

→   Lire Plus

Municipalité d’aujourd’hui (2)

— RS n° 425 lundi 15 décembre 2025 —

L’élément nouveau de la situation des municipalités de Martinique, découle de l’évolution de la configuration politique globale. Cette dernière reste à mettre en rapport avec les évolutions économiques, sociologiques, géographiques lourdes, sur lesquelles il conviendra de revenir. Pour l’heure, disséquons-en l’aspect politico-institutionnel.

Par rapport aux époques d’affrontements idéologiques évoqués dans notre précédente édition (RS n°424), la nouveauté est la succession des recompositions politiques avec leurs conséquences au niveau des luttes municipales. Au grand clivage autonomistes/assimilationnistes (PCM/PPM versus DROITE/PS), a succédé le fort conflit PPM/MIM. Cette querelle a structuré la vie politique de façon très pesante.

Il a signifié la course effrénée aux alliances, menée par chaque camp. Le système électoral antidémocratique régnant encore (barre pour fermer la route aux courants minoritaires, et prime pour transformer le courant arrivé en tête en courant dominant absolu) a aggravé les choses.

Dans les alliances extravagantes conclues de part et d’autre, celle réalisée entre le MIM et la droite de Monplaisir mérite une mention spéciale par l’ampleur de ses effets délétères sur le « mouvement anticolonialiste » au sens large.

→   Lire Plus

18 décembre : Journée internationale des migrant.es

Les migrant.es fuient la misère, la dictature, les menaces de mort…mais ils affrontent ici une autre violence : celle des files d’attente, des dossiers refusés, des droits suspendus…d’une administration qui les jette dans des situations inhumaines…

Disons non aux violencs administratives :

⁃ titres de séjour bloqués / refusés sans explication

⁃ dossiers perdus, lointains rendez-vous pas toujours honorés

⁃ -droits sociaux suspendus brutalement ( CAF/Santé/ emploi )

Non aux violences sociales

⁃ Accès limité au logement et aux soins

⁃ Isolement, pauvreté, souffrance psychique…

⁃ Femmes et enfants en première ligne de la précarité

Non au racisme et à la xénophobie

⁃ les Haïtiens.nes/Dominicain.es/ Saint.es Lucien.nes /Vénézuélien.es…qui composent la grande partie de la population migrante en Martinique sont nos frères et soeurs partageant la  même histoire.

Exigeons

→   Lire Plus

Mangroves du Pacifique français : des écosystèmes clés au bord de l’effondrement

— Par Sabrina Solar —

Pour la première fois, les mangroves de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna ont fait l’objet d’une évaluation complète dans le cadre de la Liste rouge des écosystèmes en France, selon la méthodologie internationale de l’UICN. Cette analyse scientifique met en lumière la situation préoccupante de ces milieux naturels emblématiques du Pacifique, aujourd’hui soumis à des pressions multiples et croissantes. Le diagnostic est sans appel : les mangroves de Wallis sont classées « En danger critique », tandis que celles de Nouvelle-Calédonie sont jugées « Vulnérables », avec un risque réel d’aggravation à moyen terme.

Les mangroves sont des forêts littorales particulières, installées à l’interface entre la terre et la mer, dans des zones soumises aux marées. Dominées par les palétuviers, des arbres capables de tolérer la salinité et les inondations fréquentes, elles forment des écosystèmes complexes et très productifs. On les trouve uniquement dans les régions tropicales et subtropicales, où elles jouent un rôle fondamental dans l’équilibre écologique des zones côtières.

Au-delà de leur richesse biologique, les mangroves rendent des services écosystémiques essentiels. Elles abritent une biodiversité remarquable : poissons, crustacés, mollusques, insectes, oiseaux, reptiles et chauves-souris y trouvent refuge, nourriture ou zones de reproduction.

→   Lire Plus

Quand l’histoire empêche la bourgeoisie

Analyse inédite du rôle historique de la bourgeoisie locale dans la perte de contrôle de l’économie de la Guadeloupe .

— Par Jean-Marie Nol —

Le paysage économique guadeloupéen contemporain, marqué par la domination d’intérêts martiniquais békés et de groupes métropolitains, ne peut être compris sans revenir à une donnée structurante et largement méconnue du débat public : l’absence durable d’une bourgeoisie nationale endogène capable de se reproduire, de s’organiser et de porter un projet politique et économique autonome. Cette absence n’est ni le fruit d’une fatalité culturelle ni celui d’un simple retard de développement, mais le résultat d’un enchaînement historique singulier, violent et profondément différencié de celui qu’a connu la Martinique, qui a brisé très tôt les conditions matérielles et symboliques de l’émergence d’une classe bourgeoise guadeloupéenne au sens plein du terme.

Dans toutes les sociétés capitalistes, la bourgeoisie ne se définit pas seulement par la richesse, mais par un faisceau de caractéristiques objectives : la détention durable des moyens de production, la capacité à transmettre un capital économique et symbolique sur plusieurs générations, l’existence de lignées familiales solidement ancrées dans un territoire, une sociabilité spécifique, des réseaux d’alliance et une conscience de classe suffisamment structurée pour produire une idéologie justifiant sa domination.

→   Lire Plus

Budget de la Sécurité sociale : les députés martiniquais divisés lors du vote final

Un vote sous tension, des enjeux majeurs pour la Martinique

— Par Jean Samblé —

L’Assemblée nationale a définitivement adopté, mardi 16 décembre, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Le texte a été approuvé par 247 voix contre 232, un écart de 15 voix seulement, révélateur d’un Parlement profondément divisé. Ce vote permet au gouvernement de faire adopter le premier budget social sans recourir à l’article 49.3 depuis le début du second quinquennat d’Emmanuel Macron.

Derrière ce scrutin national se cachent des enjeux particulièrement sensibles pour la Martinique, territoire confronté à une population vieillissante, à des difficultés d’accès aux soins et à une forte dépendance aux mécanismes de solidarité nationale. Le PLFSS pour 2026, largement amendé par les députés, acte notamment la suspension de la réforme des retraites, une décision lourde de conséquences pour de nombreux retraités martiniquais, souvent bénéficiaires de pensions modestes.

Retraites : un soulagement pour de nombreux Martiniquais

La suspension de la réforme permet d’éviter un allongement de la durée de travail et un recul de l’âge effectif de départ à la retraite.

→   Lire Plus

Nécrologie – Liliane Chauleau

C’est avec une profonde émotion que nous rendons hommage à Liliane Chauleau, historienne et chercheuse dont l’œuvre a durablement enrichi la connaissance de l’histoire sociale, religieuse et culturelle de la Martinique et des Antilles.

Par ses travaux rigoureux et profondément humains, Liliane Chauleau a donné une voix à celles et ceux que l’histoire a trop longtemps relégués au silence. Son ouvrage majeur, La voix des esclaves. Foi et société aux Antilles (XVIIᵉ–XIXᵉ siècle), publié en 2012 aux Éditions L’Harmattan, demeure une référence essentielle. Elle y analyse avec finesse la condition servile, façonnée par le cadre juridique et la position de l’Église, tout en mettant en lumière la vie intérieure, la force de caractère et la spiritualité des esclaves. Son regard attentif sur la transmission de cette mémoire et de ces formes de foi dans la société antillaise contemporaine témoigne de son engagement intellectuel et moral.

Historienne du quotidien, Liliane Chauleau s’est également attachée à faire revivre la Martinique d’hier dans toute sa complexité et sa vitalité. Dans Pierrotins et Saint-Pierrais : la vie quotidienne dans la ville de Saint-Pierre avant l’éruption de la montagne Pelée de 1902 (2003), elle restitue avec sensibilité l’effervescence d’une cité alors rayonnante, admirée dans toute la Caraïbe, donnant une place particulière aux femmes et à la jeunesse qui animaient la ville jusqu’à sa disparition tragique.

→   Lire Plus

Situation internationale et orientation générale du CNCP

— Par Robert Saé, Responsable aux affaires extérieures —

16ème Assemblée Génrale de Comités Populaires

Bonjour à toutes et à tous.

Pour commencer, je voudrais dédier cette intervention à Assata SHAKUR, la grande révolutionnaire afro-américaine, décédée le 25 septembre 2025, à l’âge de 78 ans, alors qu’elle vivait à CUBA qui l’avait accueillie comme réfugiée politique. C’est elle qui nous enseignait, je la cite, que « Personne au monde, personne dans l’histoire, n’a jamais obtenu sa liberté en faisant appel au sens moral de ceux qui l’oppriment ! ».

Les camarades ont rappelé dans les précédentes interventions les énormes défis que nous avons à surmonter : Sur le monde entier pèsent des menaces de cataclysmes majeurs et l’agressivité du pouvoir colonial français se renforce dans notre pays, aggravant les énormes difficultés que subit notre Peuple. Il faut que nous fassions preuve d’une extrême lucidité, que nous identifions clairement la source de nos problèmes, ceux qui en sont responsables et que nous nous débarrassions de toutes formes d’illusions pour porter les remèdes efficaces.

* La première idée que je veux développer ici, c’est qu’en aucun cas, la propagande des impérialistes occidentaux ne doit nous servir de grille d’analyse, si nous voulons comprendre la situation mondiale et celle qui prévaut dans notre pays.

→   Lire Plus

Encore une autre pollution de l’eau du robinet.

— Par Florent Grabin, président de l’association écologique P.U.M.A. —

Qu’en est-il pour la production de l’eau de boisson en Martinique ?

Selon l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail), il existe des PFAS qui sont des molécules très persistantes, bioaccumulables largement répandues dans l’environnement, et qui peuvent présenter des effets néfastes sur la santé (notamment des perturbations endocriniennes, des cancers, etc.).

Les PFAS, aussi appelées ‘’polluants éternels’’ représentent une vaste famille de plusieurs milliers de composés chimiques. Antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs, ces substances sont beaucoup utilisées depuis les années 1950 dans diverses applications industrielles et produits de consommation courante : textiles, emballages alimentaires, mousses anti-incendie, gaz réfrigérants, revêtements antiadhésifs, cosmétiques, dispositifs médicaux, produits phytopharmaceutiques, etc.

Les très nombreux PFAS ont comme point commun d’être persistant dans l’environnement en raison de la solidité des liaisons carbone-fluor qu’ils contiennent. Ainsi, le PFOS (sulfonate de perfluorooctane) et le PFOA (acide perfluorooctanoïque), dont les usages ont été très fortement restreints au niveau international, respectivement depuis 2009 et 2020, sont encore fréquemment retrouvés dans l’environnement ; par ailleurs, leur dégradation dans le milieu naturel peut conduire à générer des substances qui, bien qu’ayant des chaînes carbonées plus courtes, suscitent les mêmes préoccupations.

→   Lire Plus

Loin des clichés, les profs des écoles travaillent bien plus qu’on le croit

Enquête sur les coulisses de l’enseignement

Le temps de travail des professeurs des écoles en France fait l’objet de nombreuses représentations sociales négatives, quand il n’est pas franchement question de « profbashing ». En tête de ces croyances, se trouve celle qu’il s’agirait d’un métier aux horaires faibles et accommodants, idéal pour qui souhaite concilier vie privée et vie professionnelle (et notamment, donc, pour les femmes).

Cette sous-estimation de leur charge de travail ne manque pas de provoquer une blessure professionnelle profonde chez des profs des écoles en quête de reconnaissance. La recherche, en effet, montre que leur travail, ne se réduisant pas au temps passé face aux élèves, est en réalité complexe et sous-évalué. Elle offre un autre éclairage sur l’activité dite « de préparation », phénomène peu connu, dont on estimait jusqu’à peu qu’il était grosso modo strictement l’affaire de préparations didactiques (c’est-à-dire de préparations de séances de classe, de « leçons ») réalisées en amont de l’enseignement, et de corrections, réalisées en aval.

Plus encore, en dépit de son rôle incontournable pour l’enseignement, l’activité de préparation ne figure pas dans le cadre réglementaire du travail des professeurs des écoles.

→   Lire Plus

Les jeunes veulent-ils encore la démocratie ?

 — Par Anne Muxel , Directrice de recherches (CNRS) au Cevipof, Sciences Po —

Droitisation de la jeunesse, désamour de la démocratie des moins de 35 ans, distanciation de la politique des seniors : « Fractures françaises », dix ans d’enquête menée par le Cevipof, nous apprennent les évolutions du rapport au politique de différentes générations.

Contrairement à ce qui est souvent asséné, les jeunes ne sont ni en voie de dépolitisation, ni désintéressés de la politique. Ils expriment des choix politiques et adoptent des comportements dans un cadre renouvelé du rapport à la citoyenneté.

Les données de l’enquête annuelle Fractures françaises, depuis 2013, permettent de saisir les évolutions les plus repérables du rapport à la politique dans la chaîne des générations, en en mesurant les écarts ou les similitudes entre les plus jeunes et les plus vieux, à l’échelle d’une dizaine d’années.

→   Lire Plus

De la plantation à la consommation : l’évolution de la classe moyenne

Le poids économique singulier de la classe moyenne de la Guadeloupe qui n’a pas d’équivalent ailleurs dans la Caraïbe.

— Par Jean-Marie Nol —

Au cœur de la société guadeloupéenne, la classe moyenne occupe une place singulière dont le poids économique et social ne trouve que peu d’équivalents dans l’ensemble de la région caraïbe. Loin d’être une catégorie marginale ou en voie de dissolution, elle constitue au contraire un socle central, à la fois numériquement, culturellement et symboliquement, qui structure les dynamiques de consommation, d’éducation, de mobilité et de cohésion sociale de l’archipel. Alors que dans la France hexagonale la classe moyenne est souvent décrite comme fragilisée, inquiète de son avenir et menacée de déclassement, la Guadeloupe présente un visage contrasté, marqué par une résistance relative à ces tendances lourdes et, sur certains indicateurs, par une progression tangible de cette catégorie socio-économique.

Par définition, la classe moyenne regroupe la population située au centre de l’échelle sociale, entre les 30 % les plus modestes et les 20 % les plus aisés. En 2024, selon l’Observatoire des inégalités, elle correspond à des niveaux de vie mensuels compris entre 1 530 et 2 787 euros pour une personne seule, entre 2 300 et 4 200 euros pour un couple sans enfant, et entre 3 800 et 7 000 euros pour un couple avec deux enfants.

→   Lire Plus