Chapitre VIII
LE DÉCÈS
Je me suis cramponné solidement aux jambes de mon père qui me caressait les cheveux pour me rassurer. Son instinct paternel lui avait permis de ressentir la stupeur, l’effarement, l’étonnement qui cravachait mon esprit scandalisé. L’atmosphère de la salle glaçante, qui servait de lieu infernal de jugement et de condamnation, était noyée par les jets de l’arrogance, les trombes de l’injustice, les vagues de la honte qui caractérisaient cette époque où la vie des individus était devenue aussi fragile qu’une toile d’araignée. On y percevait, par la même occasion, la montée progressive des flots de révolte qui se formaient dans la gorge des « zeks », et qui, quelques décennies plus tard, allaient réussir à drainer les colluvions d’une dictature féroce, dressée comme une crête-de-coq sur cette portion de terres héroïques des Antilles. Denis Amar aura dit plus tard : « Le pouvoir est aveugle, la misère est muette. » Cependant, j’aurai ajouté moi-même : « Lorsque la misère aura appris à parler, personne ne pourra jamais plus la faire taire; personne ne pourra jamais plus lui imposer le silence; personne ne pourra jamais plus la contenir.»