Catégorie : Littératures

« Symbioses » & « Surinformés ! »

Par Patrick Mathelié-Guinlet

Symbioses

Quand je m’endors avec mon chat
allongé à côté de moi,
son ronron est un nirvana !
Je me dissous dans l’animal…

Serrant un arbre dans mes bras,
le contact avec son écorce
me communique alors sa force,
je suis uni au végétal…

Mettant la joue contre une pierre,
comme le sang dans mes artères
j’y sens battre un pouls de la Terre.
Je deviens part du minéral…

Depuis la naissance du temps
tout est relié, tout est vivant
et tout est de valeur égale…
Nature est l’unique morale !

Surinformés !

Un quotidien froissé
rempli d’histoires tristes :
la misère des gens
et la trop longue liste
des guerres, d’accidents
et de crimes étalés…

Tandis qu’à l’encre noire
s’écrit le désespoir,
en photos en couleur
s’exhibe la douleur !

Le “Siècle des Lumières”
des gazettes premières
a fait place aujourd’hui
au monde de ténèbres
en sa marche funèbre,
ne donnant plus envie,

lorsque tout va si mal,
de lire le journal…
Lors, en froisser les pages
et, tel un singe sage,

ne rien entendre et voir
pour ne plus rien savoir
de cet ambiant malheur,
ne plus être informé
et saturé d’images
est la clé du bonheur !

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« Entre Jacques Roumain et David Bontemps »

Une originale et magistrale conférence-concert de la SRDMH

— Par Robert Berrouët-Oriol(*)

[Mais que le langage de la musique…seul réunisse les caractères contradictoires d’être tout à la fois intelligible et intraduisible, fait du créateur de musique un être pareil aux dieux, et de la musique elle-même le suprême mystère des sciences de l’homme, celui contre lequel elle bute, et qui garde la clé de leur progrès. (Claude Lévi-Strauss, Mythologiques, t. I : « Le cru et le cuit », 1964.)  

Le 25 mai 2025, au Conservatoire de musique de Montréal, la Société de recherche et de diffusion de la musique haïtienne (SRDMH) a offert aux mélomanes et amateurs de musique savante haïtienne une originale conférence-concert logée dans les plissures de la haute couture musicale, « Entre Jacques Roumain et David Bontemps ». À la jonction de la poésie de Jacques Roumain et des exceptionnelles compositions musicales de David Bontemps, il s’est agi d’un spectacle où dès les premiers instants l’expression « l’or pur de la relation du texte et de la musique » a pris tout son sens (Christian Flavigny, « La mise en musique du poème », revue Corps & Psychisme, numéro thématique « La voix », 2007/4 n° 48).

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Lire : La langue des choses cachées, de Cécile Coulon

— Par Janine Bailly —

Cécile Coulon, la littérature sans concession

Cécile Coulon est une jeune romancière, nouvelliste et poétesse, qui dès l’âge de seize ans fit une entrée prometteuse en littérature en publiant un premier roman, Le voleur de vie, pour lequel il serait parlé de « langue coup de poing ».

Elle nous livre aujourd’hui, avec son neuvième opus, La langue des choses cachées, une histoire singulière, qui par son sujet pourrait décontenancer un lecteur rétif à l’irrationnel des choses. Parce que ses personnages sont de ces guérisseurs, magiciens, rebouteux ou sorciers qui entrent dans le secret des âmes, que l’on appelle quand la médecine ordinaire s’est avérée impuissante à soulager les maux du corps. Parce qu’ils sont ceux qui soignent, qui guérissent ou conduisent vers la mort. Et qu’ils possèdent un don de divination, dans la mesure où ils découvrent ce qui est caché, par des moyens autres que ceux d’une connaissance naturelle ou scientifique : ils pressentent, entendent, voient et déchiffrent les secrets enfouis au cœur le plus profond des maisons et des hommes, débusquent ce que d’ordinaire l’on tait, bien serré dans les liens tissés au sein obscur des familles.

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Quand la littérature pactise avec la corruption

Le Fonds national de l’éducation, vaste système de corruption en Haïti et fantastique partenaire du Festival international de littérature créole

 — Par Robert Berrouët-Oriol (*)—

Plusieurs collègues journalistes et enseignants oeuvrant en Haïti sont préoccupés et alertent sur ce qui est perçu comme la récidive d’une errance idéologique et politique au Festival international de littérature créole (FEL)… De quoi s’agit-il ? Le 3 juin 2025, le FEL a fait paraître sur Facebook et sur WhatsApp la note suivante : « Bon nouvèl. Gras ak konkou patenè tankou Akademi kreyòl ayisyen, FNE [Fonds national de l’Éducation], Direction nationale du livre, C3 Éditions, ministère de la Culture, UNESCO, nou rive mete FELmag nan yon pri atèplat espesyalman pou Livres en Folie. 100 goud pou tout moun ki vle soti ak yon egzanplè magazin Festival entènasyonal literati kreyòl la. PS : FELmag toujou gratis pou tout lekòl ak inivèsite ki envite nou pou yon entèvansyon kèlkonk nan kad premye sezon Karavàn kreyolofoni nou pwolonje jiska 15 jen 2025 lan. Djanm pou yon Kreyolofoni syantifik ak yon Kreyolofoni literè fètefouni ! » [Document publié le 3 juin 2025 sur Facebook et accessible par le lien suivant : https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=pfbid02QWWoQUvrLYu1g868bsVobhRBkd5rVngmapyzfC3todGBQ7fMkH1HFdgt5m144pGdl&id=100063695276121&sfnsn=wa&mibextid=6aamW6&_rdr

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Berlin au temps du mur

— Par Gary Klang —
En souvenir de mon ami Miguel Jaar
Dans les années 60, je me rendis à Berlin en compagnie de quelques amis, dont Miguel Jaar.
Celui-ci, arrivé à Paris en plein Mai 68, ne trouva aucun taxi pour le conduire chez moi, au 34 de la rue Gay-Lussac. Il lui fallut donc porter sa lourde valise de ses bras frêles depuis la gare jusqu’à mon appartement, ce qui représentait un long trajet. Personne pour l’aider car la France entière était bloquée et les gens restaient terrés chez eux. Pour passer le temps, nous décidâmes de nous rendre à Berlin en compagnie de son neveu Roger Jaar et de son cousin, René. Mais pourquoi Berlin ? Par goût de l’aventure et parce que John Le Carré avait mis cette ville à la mode avec son best-seller, L’Espion qui venait du froid. Nous voilà donc partis, direction le Danemark d’abord pour aller demander au consul américain à Copenhague un visa nous permettant de prendre le long couloir menant à Berlin, alors divisé en deux par le fameux Mur. Ledit consul, comme tout bon consul américain, commença par vouloir nous décourager.

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Kòn-lanbi

— Par Daniel M. Berté —

Bou-ou-ou-ou-ou !
Touououououou !
Toutoutou-ououou !
Tou ! Tou ! Tou ! Tououou !

Lé grangrek dénonmen’w Strombus gigas
Yo kriyé’w Caracol pa bò Nicaragua
Butoto Bénézwel, Cambombia Panama
Carrucho Potorik ek Cobo a Kiba

Queen conch sé non yo ba’w adan péyi anglé
Pa koté Matinik ou sé an Kòn-lanbi
Ou dan léritaj-nou dépi Kalinago
Pou té sèvi manjé an lasos pimanté

Épi pou té sa fè braslé ek bel kolié
A lépok ladjoukan ou sèvi Neg-mawon
Pou té kominiké épi fè gawoulé
Pou yo té sa trapé an wouspel libèté

Ou matjé lé moman potalan lavi-nou
Di nésans a mayé, rivé jik a lanmò
Ou té la lè péchè té ka sòti lapech
Ou té ka ba’y signal larékot bokodji

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Suite du chapitre XIII

— Par Robert Lodimus —

(Suite du chapitre XIII)

LES ÉCHANGES

Tout d’un coup, Richard l’emporta sur Silas. La main de sa conscience ébranlée, de son cerveau perturbé, de son esprit troublé, le tout plongé dans un bassin de confusion caustique, corrodante, depuis sa fuite héroïque, désempoigna cette rampe de tergiversation qui lui faisait dandiner à la manière du  bateau de Rimbaud. Richard se sentit éjecter de sa caverne de scepticisme. Les ombres s’évaporèrent. L’univers intelligible, comme dans un conte de fée, s’ouvrit devant ses paupières froissées. Un frisson de révolte, de la tête à la nuque, traversa son corps aminci et momifié. Il venait de découvrir « les chemins de la liberté » : cette route véritable capable de conduire les pas des pauvres jusqu’aux écluses de la régénérescence spirituelle et matérielle. Richard enleva son chapeau de paille, qui ressemblait à un canotier de montagnard, et exposa ses cheveux courts et bouclés au soleil des revers de l’existence humaine. Ses regards, pareils à un panoramique effectué au moyen du kinétographe de Thomas Edison et William Kennedy Dickson, exécuta un mouvement célère de la droite vers la gauche.

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Le Diable

Essai de présentation d’un célèbre personnage

— Par Michel Pennetier —

Le Diable et moi

Le Diable me plonge dans un océan de perplexité. Où le trouver ? Partout je vois sa trace, nulle part je ne le rencontre … à moins que ce ne soit au fond de moi-même ! Ne serait-ce pas lui qui me fait fourcher la langue et me pousse à faire ce que je ne veux pas faire, me murmurant  : «  Mais si, c’est bon puisque c’est ton désir ! » . Obscure connexion entre le diable et le désir que j’aime et qui me fait peur, que je veux et que je refuse. Voilà d’emblée ce qui est diabolique : la coupure entre moi et moi-même. Et, en effet, il n’a pas volé son nom, ce diable, puisqu’il signifie la séparation, la division. Le Diable est le maître du Deux. Suivons cette piste, voyons si en toute dualité, le Diable ne s’y cache pas.

Le Serpent

A Eve, le Serpent offre le fruit de l’arbre de la Connaissance du Bien et du Mal. Connaissance dualiste donc, par où l’on reconnaît la présence du Diable.

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Dépasser le marronnage et le détour

— Par Patrick Chamoiseau —

Pour le colon, le marronnage ancestral est un retour à la vie sauvage, un état antérieur à sa régie du monde. Il ne pouvait pas concevoir une projection dans un autre devenir. Il ne pouvait pas identifier le marronnage créateur du tanbouyé, du danseur, du chanteur, du conteur … Ce fut notre chance.

Le marron ancestral s’élance hors de l’écosystème esclavagiste. Mais il ne quitte pas l’écosystème colonial. Le marronnage africain (bossale) court vers un monde perdu, puis, se heurtant à l’impossible retour, il tente de recréer une communauté archaïque. Le marronnage créole (le détour) s’efforce vers la marge du système oppresseur, mais il s’y s’adapte, sans une remise en question déterminante. Ce qui se pense ou qui se fait dans ces deux écosystèmes, sont des fuites, des marginalités ou des accommodements insolents. Mais cela nous ouvre malgré tout du possible.

Le marronnage d’aujourd’hui doit, à la fois, dans un balan d’imaginaire, accéder d’emblée à une divination du post-colonial et du post-capitalisme. Mais il doit aussi se confronter à l’inconnu du devenir planétaire face aux défis qui, déjà, nous aggripent leurs vieux fers aux chevilles.

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« L’aménagement linguistique en Haïti / Textes choisis. » de Robert Berrouët-Oriol

Linguiste-terminologue canadien originaire d’Haïti, spécialiste de l’aménagement linguistique, Robert Berrouët-Oriol a longtemps travaillé à l’Office québécois de la langue française où il a contribué à l’analyse, au stockage, à la mise à jour et à la diffusion des vocabulaires scientifiques et techniques de la Banque de terminologie du Québec (aujourd’hui dénommée Grand dictionnaire terminologique). Par la suite il a enseigné la linguistique et la terminologie à la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti. Depuis avril 2021, il est membre du Comité international de suivi du Dictionnaire des francophones, le DDF. Auteur depuis plusieurs années d’articles de vulgarisation linguistique parus en Haïti dans Le National, il a publié en 2011 le livre collectif de référence « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » (Éditions de l’Université d’État d’Haïti et Éditions du Cidihca ; ouvrage réédité en France, en 2023, par l’antenne du Cidihca-France). En 2014 il a publié le livre « Plaidoyer pour une éthique et une culture des droits linguistiques en Haïti / Pledwaye pou yon etik ak yon kilti ki tabli respè dwa lengwistik ann Ayiti » (Centre œcuménique des droits humains (Port-au-Prince) et Cidihca (Montréal).

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« Traces » & « Aube »

 — Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Traces

Se dissipe la brume
de l’esprit endormi…
Demeure un peu d’écume
du parfum de la nuit
qu’à mon réveil je hume
dans la froisse du lit…

D’un océan de bruits
sous une lune pleine
ne subsistent qu’à peine
de menus acouphènes
lorsque le soleil luit…

Et puis, par-dessus tout,
quand le jour neuf se lève
traîne encor sur mes lèvres,
tel celui d’un doux rêve,
le goût de baisers fous…

Aube

Un rayon de soleil
et son goût d’arc-en-ciel
à l’heure du réveil
comme un rayon de miel…

Juste un brin de lumière
pour éclairer le jour
comme un hymne à l’amour
refusant la misère…

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La Mort des Valeurs

— Par Camille Loty Malebranche —

Je suis venu, j’ai vécu et surtout j’ai vu !
J’ai vu le dédale de la vie et du social
Écrouer l’homme dans son cul de sac
J’ai entendu et compris toutes les aberrations
Et tous les mensonges, montagne d’infamies
D’une génération de peine de folie et de haine
J’ai vu le spectacle des guerres civiles
Et des conflagrations entre nations
J’ai vu des soldats tirer sur des femmes
Qui réclamaient du pain et de l’eau
Et sur des enfants qui pleuraient leurs pères morts
J’ai vu des bombes détruire des pays, des villes et des peuples
Pour défendre l’opulence des cartels et des trusts
J’ai vu des hommes sabrés pour un baril de pétrole
J’ai vu des étoiles d’argent et d’or décorer des sicaires et honorer des généraux maniaques de sang,

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L’aménagement du créole dans l’École haïtienne, entre mutité et cécité

Le ministre de l’Éducation nationale Augustin Antoine et l’aménagement du créole dans l’École haïtienne, entre mutité et cécité

— Par Robert Berrouët-Oriol (*) —

Montréal, le 28 mai 2025

De gauche à droite : Sterline Civil, nouvelle directrice du Fonds national de l’Éducation (FNE) ; Augustin Antoine, ministre de l’Éducation nationale ; Didier Fils-Aimé, Premier ministre ; Fritz Alphonse Jean, actuel président du Conseil présidentiel de transition. (Source : profil Facebook du Fonds national de l’Éducation, 16 mai 2025.)

Augustin Antoine, un enseignant de carrière, a accédé au poste de ministre de l’Éducation nationale d’Haïti le 11 juin 2024. Sociologue de formation, ancien étudiant en sociologie à la Faculté d’ethnologie de l’Université d’État d’Haïti, Augustin Antoine est détenteur d’un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie de l’Université catholique de Louvain. Il est actuellement doctorant en sociologie à l’Université de Liège en Belgique. Le sociologue Augustin Antoine est dépositaire d’une vaste expérience des milieux de l’éducation en Haïti, tant sur le registre de la conception que sur celui de la mise en œuvre de projets et de programmes divers. Il a été responsable de la Direction de l’enseignement secondaire (DES) au ministère de l’Éducation nationale où il a travaillé au suivi pédagogique des programmes du Secondaire et à l’élaboration du document-maître des « Lycées de référence ».

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Ngũgĩ wa Thiong’o (1938–2025)

Auteur kényan, géant des lettres africaines, qui a affronté l’héritage  culturel colonial

L’écrivain kényan Ngũgĩ wa Thiong’o est décédé le 28 mai 2025 à l’âge de 87 ans, à Buford, dans l’État de Géorgie (États-Unis). Figure majeure des littératures africaines, il laisse derrière lui une œuvre abondante, traduite dans près de quarante langues, et marquée par une réflexion continue sur les rapports entre culture, langue et pouvoir.

Né le 5 janvier 1938 à Kamiriithu, dans la région de Limuru au Kenya, alors colonie britannique, Ngũgĩ – de son nom de naissance James Ngugi – grandit dans un contexte politique tendu, marqué par l’insurrection des Mau Mau. Après une scolarité brillante qui le conduit de l’Alliance High School à l’université de Makerere (Ouganda), puis à celle de Leeds (Royaume-Uni), il publie son premier roman Weep Not, Child en 1964. L’ouvrage aborde les tensions coloniales à travers le regard d’un enfant, déjà révélateur des préoccupations politiques et culturelles qui nourriront toute son œuvre.

Tout au long des années 1960 et 1970, Ngũgĩ s’impose comme l’un des intellectuels les plus influents du continent africain.

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« Les mystères de Fort-Royal », de William Vaquette, Général de Gendarmerie

L’enquête du gendarme, abolitionniste, qui devint député de la Martinique

Les mystères de Fort-Royal est un roman policier historique qui plonge ses racines dans l’histoire de la Martinique et de la lutte pour l’abolition de l’esclavage. Signé par le général de gendarmerie William Vaquette, ce livre mêle habilement faits réels et fiction pour nous faire découvrir une figure oubliée mais essentielle de l’histoire : Joseph France. Cet officier de gendarmerie, tout d’abord discipliné et dévoué à la loi, se transforme, face aux horreurs de l’esclavage, en un abolitionniste engagé. À travers une enquête audacieuse, il défie les autorités coloniales et met sa carrière en péril pour défendre les droits des esclaves.

Résumé de l’histoire :

Nous sommes en 1843, sur l’île de la Martinique, un territoire où l’esclavage est toujours en vigueur, et où la richesse des plantations repose sur le travail forcé des esclaves. Le commandant de gendarmerie Joseph France, fraîchement arrivé sur l’île, est confronté à un mystère intrigant : le cadavre d’une esclave disparaît dans une habitation, emportant avec elle une précieuse statuette religieuse. Un autre secret se cache derrière cette disparition : le trésor de l’Église, volé depuis la Révolution, pourrait bien être retrouvé.

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La prière du poète

—  Par Robert Lodimus —

I

Pardon Seigneur
J’ai enterré ma Grâce
Sous la palanque
De nos épreuves
J’ai blasphémé
Contre l’Éden
Des aliénés
Car j’ai juré
D’assassiner la trahison
Qui a transpercé
L’Innocence
Aux yeux d’émeraude
Pendant la nuit
De la grande fête foraine
En ce temps-là
Xaragua
Paré de perles et de diamants
Trépassa dans son sang
Après qu’il eut baisé l’anneau
De l’«hilotisme»
Dès ma naissance
Je voulais être Méliès
Pour immortaliser
La reine de la comète jaune
Sur un grand nuage
De lumière bleue
Accroché aux ailes
De ma colère
Je suis parti un jour
À la recherche des trublions
Qui ont inventé
Le mot « négrier »
Pour humilier
Et torturer l’Afrique
Ô Père des Putes
Et des Justes
À toi
Je me confesse

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Fanon, côté coeur, côté sève

— Par Patrick Chamoiseau —

Il faut recommencer Fanon au point exact où l’on a tendance à l’arrêter. Son œuvre ne s’arrête pas à l’effondrement colonialiste, avec quelques lumières sur l’ère des indépendances et du post-colonialisme. C’est justement à partir de ces frontières-là que sa pensée s’ouvre, et qu’elle nous offre, sinon le seul Fanon qui vaille, mais le plus riche de tous : celui qui est en devenir.

Je ne crois pas aux vérités de lectures et d’interprétation, je crois à la richesse des « expériences », en ce que l’expérience déserte toute Vérité, laquelle ne fait que figer les choses en dehors du réel. L’expérience personnelle –– ce que l’on fait de ce que la vie nous réserve –– nous instruit des tremblements d’une conscience individuelle : une conscience solitaire (mais solidaire) qui cherche sa voie dans l’imprévisible et l’impensable du monde. C’est tout ce que nous pouvons transmettre : notre propre expérience.

Dans mes rencontres avec Fanon – cette expérience – je distingue quatre niveaux.

1 – D’abord, le choc d’une langue, ou plus exactement d’un langage. Un sens prodigieux de la formule.

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« Péplé la révolt »

— Par Daniel M. Berté —

Nou za péplé la révolt
An voum ek an voukoum
An dézodman ek gawoulé
An lensireksion ek rébélion

Nou za péplé la révolt
Epi baton ek koutla… Frapé !
Epi pawol ek matjé… Kouté !
Epi san ek viktim… Sonjé !

Zeslav za péplé la révolt
Anlè bato lé négriyé… Lévé !
An bitasion kolon bétjé… Difé !
An mawonaj foukan alé… Chapé !

Neg za péplé la révolt
An 1848 yo lévé yo krazé… Raché !
An 1870 yo lévé yo brizé… Koupé !
An 1900 yo lévé yo grévé… Tiré !

Fanm-nonm za péplé la révolt
An 1935 yo maché an grèv lafen… Libéré !
An 2009 yo kriyé kont la profitasion… Bésé !
An 2025 yo protesté kont lavi chè… Chawjé !

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Lire : « Encabanée », de Gabrielle Filteau-Chiba

— par Janine Bailly —

Paru en 2018, Encabanée est le premier opus d’une trilogie québécoise proposée par l’écrivaine écoféministe Gabrielle Filteau-Chiba. Suivront, dans le même esprit, Sauvagines en 2019 et Bivouac en 2021. Des romans ancrés dans l’air du temps.

Ce court mais très dense roman d’une centaine de pages s’inscrit dans la lignée de Henry David Thoreau, dont l’écrivaine se revendique dans l’une de ses dernières pages, faisant dire à son héroïne : « Moi aussi, je mènerai un combat, mais sans arme, sans vandalisme, sans sensationnalisme. Dans les limites légales de la désobéissance civile et dans la sagesse de Thoreau. » En 1845, le philosophe américain se construit une cabane près de l’étang de Walden – il choisira ce nom pour son roman, devenu culte (Walden ou la vie dans les bois). Il vivra là en autarcie pendant deux ans, au fond des bois, pour se retirer de la ville, retrouver la nature, écrire. Il sera aussi le chantre de la désobéissance civile, en particulier face aux autorités esclavagistes de l’époque.

Gabrielle Filteau-Chiba renouvelle l’expérience, réactive au féminin le mythe de la cabane où l’on s’enferme pour se ressourcer, se trouver ou se retrouver, pour aller aux choses essentielles.

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XIII

— Par Robert Lodimus —

Chapitre XIII

LES ÉCHANGES

« La joie et la tristesse sont inséparables. Ensemble elles viennent. Et quand l’une s’assoit seule avec vous, rappelez-vous que l’autre est endormie sur votre lit. »

(Khalil Gibran)

Les Rochois avaient atteint visiblement les parapets de l’épuisement. Le cœur gros, découragés, ils exhalaient à grand-peine les vapeurs nuisantes de la frayeur et du désagrément. Sur la toile de sombreur où était peinte cette bergerie d’incertitude, se mouvait un demain glacial, algide, marmoréen : une sorte de représentation picturale de pâleur cadavérique. Mais ce demain, en toute franchise, n’avait-il pas toujours été pour les indigents un réservoir de malaise, un canari de contrariété, un ballast de misère et un abreuvoir du scepticisme de Pyrrhon? Les paysans avaient finalement pris la décision de ne pas s’aventurer plus loin. Ils avaient saccagé les tripes de la forêt, bouleversé les entrailles des eaux stagnantes, creusé sous les rochers sans découvrir le moindre indice qui aurait fait croire à tout le moins que le petit Sauveur serait encore vivant ou déjà mort. Après mûre réflexion, ils avaient convenu d’abandonner les recherches, et de s’en remettre complètement à la volonté du Créateur.

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À propos de la « Créolophonie scientifique » du PHTK néo-duvaliériste

Une mystification, une arnaque à géométrie variable

— Par Robert Berrouët-Oriol (*) —

La « Créolophonie scientifique » du PHTK néo-duvaliériste est une mystification, une arnaque à géométrie variable

Plusieurs familiers de Facebook et de WhatsApp ont été étonnés et choqués au constat que le Festival entènasyonal literati kreyòl avait reproduit aveuglément, le 14 mai 2025, une circulaire du ministère de l’Éducation nationale d’Haïti datée du 21 février 2024 et relative à une prétendue « Créolophonie scientifique » qui aurait, semble-t-il, été lancée par ce ministère. Nombre de familiers de Facebook et de WhatsApp ont été d’autant plus stupéfaits et offusqués que le Festival entènasyonal literati kreyòl, depuis sa création en 2019 et jusqu’à aujourd’hui, n’avait manifesté aucune complaisance ni aucun aveuglement volontaire vis-à-vis le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste dans le domaine de l’éducation ou dans celui de la culture… Il y a lieu de rappeler que le Festival entènasyonal literati kreyòlsoutenu par des institutions telles que la Fondation Maurice Sixto et l’OMDAC (l’Organisation martiniquaise pour le développement des arts et de la culture)–, est une structure d’intervention culturelle basée à Port-au-Prince et dont l’action s’étend à plusieurs villes de province.

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« Je savais qu’il ne serait jamais à moi » & « Nuitées d’ une clarté nouvelle »

— Par Myrna Nérovique —

Je savais qu’il ne serait jamais à moi

Je savais qu’il ne serait jamais à moi,

Et, mon cœur était tout en émoi.

Le cri de mon bonheur s’insufflait un paradis,
De ceux qui ont perdu et qui ont appris.

Je savais qu’il ne serait jamais dans ma vie,
Avant qu’elle ne serait , à ce jour, partie.

Et, les larmes gonflaient mon cœur,
Face à mon indicible malheur.

Je savais qu’il ne serait jamais à moi,
Et, mon cœur, était tout en émoi.

Myrna Nérovique.

 

Nuitées d’ une clarté nouvelle.

Dans nos nuitées éternelles,
Intimant nos clartés sempiternelles,
La vie abondait avec aisance,
Dans une promiscuité rance.
La nuit rigolait parfois,
Clarifiant nos lois.
Et, l’amertume de nos rires,
S’octroyait de beaux sourires.
Dieu seul sait pourquoi,
Je ne perds point la foi.
Et, dans le cœur de nos baisers,
Je ne peux que m’armer,
Dans un silence tenace,
Où mon problème s’enlace.

Myrna Nérovique

 

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« Fleurs séchées » & “Naufragé”…

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Fleurs séchées

S’effeuillent une à une les heures
tout comme on effeuille une fleur :
j’aime ce jour un peu, beaucoup,
à la folie ou pas du tout ?

Avant qu’une autre fleur en main,
aujourd’hui soit fané demain…
Tel un bouquet de fleurs séchées
au doux parfum de nostalgie,

je me souviens des jours passés,
de tous ces rêves inassouvis,
des grands et des petits bonheurs,
des joies, des peines et des douleurs…

Ces feuilles mortes d’une vie,
emportées par le vent du temps,
sombrent peu à peu dans l’oubli
quand vient l’hiver aux cheveux blancs…

“Naufragé”…

Partir pour un pays
dès lors n’existant plus
et rêver d’une vie,
las, qui n’est plus réelle…

Encore avoir des ailes
mais qui ne battent plus,
tel un oiseau blessé
songeant au vaste ciel…

Au fond d’une mémoire
par l’oubli érodée,
quêter un peu d’espoir
parmi les souvenirs

du joli temps passé,
juste afin de tenter
d’ébaucher un sourire
et d’encore exister…

Patrick Mathelié-Guinlet

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YO vòlè la limiè

— Par Daniel M. Berté —

YO vòlè la limiè

YO vòlè la limiè
Man adan gran fènwè
Man kon papa-vètè
Ka ranpé anba tè

Dépi sétè-di-swè
Bètafé pa wè klè
Kabritbwa ni gro-tjè
Zagriyen an priyè

Sé an sel gran nwèsè
Ki ka vlopé Latè
Ka pati ora tè
Ka monté jik anlè

Tout ti zétwal pran pè
Man Lalin fè dèyè
Lédéef a larè
Pil ek lanp bat dèyè

Pran-nou Manman-Latè
Fè-nou janbé lanmè
Epi fret ek mizè
YO fè-nou djoubak tè

Pou lang YO met bawriè
Pou mes fè machawriè
Fè-nou obliyé yiè
Mété-nou an malè

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Pétet si… Patat sa !

— Par Daniel M. Berté —

Pétet si… Patat sa !
Pétet si
Kok misié Brilan Chal Bobin
Pa té kokorikokriyé an manniè anrajé
A la louré di jou
Man pa té ka’y lévé-ouvè zié
An siwso tjè soté
Entjet kon tatjet an finet nef
Ek pa té ka’y kriyé-jouré
An giz di lapriyè
Patat sa !

Pétet si
Man pa té lévé doubout bien faché
An fènwè-a épi limiè bobech
Olié limen méloulou-a
Man pa té ka’y kongné-pété
Ti-zotey goch-mwen
Anlè pié dèyè goch zoka-a
Ek jouré-anrajé
An giz dézièm priyè
Patat sa !

Pétet si
Man pa té alé fè kafé
Epi limiè flanbo
Adan latjwizin-la
Man pa té ka’y touvé
Bonm sik-la vid
Pli vid ki vid de vid
Ek kriyé-jouré
An giz twazièm priyè
Patat sa !

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