— Par Roland Sabra —
La salle était pleine à craquer, rarement une soirée d’ouverture du Biguine Jazz Festival a réuni autant de monde. Déjà sur la route, il était possible de se rendre compte de l’affluence : plus d’une heure pour faire le trajet entre Fort-de-France et la Pointe du Bout. Il ne fallait pas avoir raté la navette de 19h !
C’est Chris Combette qui ouvre la soirée après avoir rendu un hommage appuyé au fondateur du Festival, Christian Boutant dont il rappelle le soutien déterminant dans l’attribution du Prix de la Sacem en 1996 pour sa chanson Lè Siel Si Ba qui marquera un tournant important dans sa carrière.
Il est solidement soutenu par une guitare solo ( Eric Bonheur), une basse (Patrick Plénet), une batterie (Eric Valérius) et une percussion (Georges Mac). Très vite le public va constater les limites de l’acoustique de la tente posée dans les jardins de l’hôtel Bakoua. Mais cela, somme toute, a peu d’importance tant l’enthousiasme de Chris Combette et l’énergie déployée sur le podium sont communicatifs. Il prend le public par l’oreille et lui rappelle quelques rêves de l’enfance, une nostalgie de l’âge adulte, des tranches de vie de ces petites gens qui font l’histoire, dans une traversée de rythmes caribéens qui,s’ils puisent leurs racines du coté de l’île de Gorée, se sont nourris des douleurs incommensurables de la déportation mais aussi des joies et des plaisirs d être toujours vivant.


Chris Combette:
— Présentation par Christian Boutant, directeur du festival —
« Tous ces buveurs d’azur faits pour s’enivrer d’air,
=> 15 h,
— Par Janine Bailly —
Une des qualités du festival d’Almada, et non des moindres, est de faire se rencontrer, sans avoir aucunement à craindre la comparaison, le théâtre lusophone dans sa contemporanéité et les théâtres différents venus d’autres pays, théâtres émergés d’autres continents, certains nous disant être pour la première fois invités hors de leur pays d’origine. Ainsi la proposition « Do que é que somos feitos ?!, De quoi sommes-nous faits ?! », nous est offerte par la « Compagnie 1ER Temps » originaire de Dakar et jointe à la « Compagnie ABC » de Paris. Une création riche de sens, et qui comme tout bon spectacle, ne se donne pas dans l’instant à comprendre tout entière.
Venue de Bruxelles, la Needcompany présente, dans une adaptation et mise en scène de Jan Lauwers, la pièce « Guerra et terebintina, Guerre et térébenthine » tirée du roman éponyme que publia en 2014 Stefan Hertmans, qui obtint un vif succès et fut vite traduit en diverses langues. Sa genèse particulière se fit quand Jan, dans les années quatre-vingts, reçut de son grand-père les deux cahiers dans lesquels il avait, au cours des dix-sept années suivant le traumatisme de la Première Guerre Mondiale, relaté sa vie avec obstination et grande fidélité. Le spectacle, qui travaille sur la mémoire, intime et collective, comporte trois périodes, une première évoquant l’enfance du grand-père Urbain Martien, la deuxième figurant la guerre de tranchées à laquelle il participa, la troisième relatant la dernière période de sa vie, sentimentale, picturale et familiale.
Patrice Thibaud et Jean-Marc Bihour, à l’origine au théâtre de Nîmes en France, puis au théâtre de Chaillot ont créé « Franito », pièce au titre éponyme du prénom donné à l’un des deux acteurs, celui qui aussi est danseur, le troisième présent sur scène étant le guitariste. Et c’est un double propos qui nous est tenu puisque nous découvrons, au rythme du flamenco andalou qui sous-tend l’ensemble, le conflit générationnel entre mère et fils autant que les dérives d’un système matriarcal en pays de tradition et culture latines, un système fécondé dans l’utérus féminin. Le fait que le rôle de la mère soit tenu par un comédien corpulent mais de corps souple, emperruqué, aux mimiques exagérément expressives, ajoute à la dimension critique qui pourrait ressortir au grotesque dans les allusions sexuelles par exemple, mais sans jamais tomber dans l’excès de caricature. Tendre et touchant, le portrait