Brisées dans leur chair : 230 millions de femmes victimes de mutilations génitales dans le monde

Dans le monde, plus de 230 millions de filles et de femmes vivent aujourd’hui avec les séquelles de mutilations génitales, selon un rapport de l’UNICEF publié en 2024. Une statistique glaçante, en hausse de 15 % depuis 2016, qui illustre l’ampleur d’une pratique profondément enracinée dans certaines cultures et toujours trop peu combattue à l’échelle mondiale.

Une violence faite corps

Les mutilations génitales féminines (MGF) regroupent l’ensemble des pratiques qui altèrent ou détruisent les organes génitaux externes des femmes sans justification médicale. Longtemps perçues comme une norme sociale ou un rite de passage à l’âge adulte dans certains pays, ces actes sont aujourd’hui reconnus internationalement comme une violation grave des droits humains. Elles portent atteinte à l’intégrité physique, à la santé sexuelle et reproductive, et parfois même à la vie des femmes.

Une géographie de la douleur

La grande majorité des cas se concentre en Afrique subsaharienne (144 millions), suivie de l’Asie (80 millions) et du Moyen-Orient (6 millions). Mais les effets des migrations ont élargi le périmètre de cette réalité. En France, on estime à 134 000 le nombre de femmes excisées. En Seine-Saint-Denis, 7,2 % des femmes sont concernées.

Pour beaucoup, l’excision reste un sujet tabou. Dans les pays d’origine, elle fait partie d’une norme silencieuse. Une fois arrivées en Europe, ces femmes sont confrontées à un nouvel isolement, entre culpabilité culturelle et traumatisme psychologique. Lors de leur arrivée en France, une femme sur cinq évoque l’excision comme une des raisons de sa demande d’asile.

Corps mutilé, esprit meurtri

Les mutilations ont des conséquences durables sur la santé mentale et sexuelle. Les femmes excisées rapportent fréquemment des douleurs pendant les rapports sexuels (65 %), un manque de plaisir (65 %), et un désir sexuel altéré (20 %). Beaucoup évoquent également un sentiment d’anormalité, une mauvaise image de leur corps ou encore des souvenirs traumatiques.

La violence ne s’arrête souvent pas là. Mariages forcés dès 15 ans, viols sur le trajet migratoire, exploitation sexuelle : ces femmes cumulent les violences, rendant leur reconstruction psychique particulièrement complexe.

Entre protection et suspicion

En théorie, la France reconnaît les MGF comme motif d’obtention du statut de réfugiée. Mais dans la pratique, ce droit est souvent terni par des exigences intrusives. L’Ofpra impose aux parents réfugiés de prouver régulièrement que leurs filles n’ont pas été excisées. Un contrôle qui prend la forme d’examens médicaux répétés et sans bénéfice pour l’enfant, nourrissant une méfiance institutionnelle paradoxale envers des familles ayant justement fui pour protéger leurs filles.

Reconstruire après l’irréparable

Face à cette souffrance, certains lieux comme le Comede offrent un accompagnement médical, psychologique et social adapté. Des ateliers de santé sexuelle, de danse-thérapie ou de soutien mère-enfant y sont proposés. Ces espaces permettent aux femmes de se réapproprier leur corps et leur histoire, à leur rythme.

Si les lois et les politiques publiques ont permis une nette baisse du risque d’excision pour les filles nées en France depuis 1995, la prise en charge des femmes déjà excisées reste un enjeu majeur de santé publique et de justice sociale. Combattre les mutilations génitales féminines, c’est reconnaître la dignité de millions de femmes et soutenir leur droit à vivre, aimer, et exister sans douleur