Bilan de la situation et enjeux de conservation pour la faune de Martinique

15 espèces ont déjà disparu, 62 sont en danger et 56 autres menacées

— Par Sabrina Solar —

Située au cœur d’un point chaud de la biodiversité mondiale, la Martinique présente un patrimoine naturel remarquable mais fortement menacé. Avec un taux d’endémisme de 13 %, de nombreuses espèces animales uniques contribuent à la richesse biologique particulière de l’île.

État des Lieux

Mené dans le cadre de la Liste rouge nationale, l’état des lieux réalisé porte sur 427 espèces indigènes, dont près de 15 % apparaissent menacées. Les analyses concernent des espèces vertébrées et invertébrées dans les milieux marins, d’eau douce et terrestres, incluant notamment les oiseaux, les mammifères, les reptiles, les amphibiens, les mollusques, les poissons et macro-crustacés d’eau douce, les libellules, les papillons de jour et certains coléoptères. Au total, 15 espèces ont déjà disparu, 62 sont menacées et 56 autres sont quasi menacées.

La destruction et la fragmentation des habitats par l’urbanisation et les aménagements représentent les principales menaces pour les espèces animales de Martinique. Les milieux forestiers, particulièrement les forêts semi-humides du Sud, sont les plus touchés. Ces forêts sont l’unique habitat de nombreuses espèces, telles que le Pleurodonte déprimé, un escargot classé “En danger critique”, et les coléoptères xylophages comme le longicorne Dendrobias maxillosus, classé “Vulnérable”.

Le comblement des mares et marais, ainsi que l’artificialisation des berges, menacent les espèces aquatiques, comme la demoiselle Protoneura ailsa, classée “Quasi menacée”. Ces zones humides subissent aussi de fortes pollutions par les rejets d’eaux usées et les pesticides. La chlordécone, un insecticide rémanent utilisé autrefois dans les bananeraies, continue d’affecter la faune, incluant la Crevette transparente et la Limnée de Cuba, toutes deux classées “Vulnérables”, ainsi que le Martin-pêcheur à ventre roux, classé “En danger critique”.

L’extension urbaine entraîne une pollution lumineuse préjudiciable pour les espèces nocturnes, notamment les chauves-souris comme le Murin de la Martinique et les coléoptères comme le Dynaste Hercule, tous deux classés “Quasi menacés”. Sur les plages, cette pollution perturbe les tortues marines pendant la ponte et le départ en mer des juvéniles.

La chasse, bien que réglementée, impacte certaines espèces, en particulier les oiseaux et certains mammifères. La chasse a probablement contribué à la disparition du Rat musqué de la Martinique, autrefois endémique et désormais éteint. Le braconnage, difficile à quantifier, affecte aussi les oiseaux et les tortues marines.

La pêche exerce une forte pression sur des poissons comme l’Anguille américaine, classée “En danger”, et affecte indirectement de nombreuses espèces marines, telles que le Cachalot, classé “En danger”, et la Tortue imbriquée, classée “Vulnérable”. Les mammifères marins subissent la réduction de leurs ressources alimentaires et les dommages causés par les ancres de bateaux de plaisance. La pollution sonore et plastique des océans représente également une menace significative.

L’introduction d’espèces exotiques envahissantes, comme le Rat noir et la Petite Mangouste indienne, constitue une menace majeure pour les espèces indigènes, notamment le Moqueur gorge-blanche et la Couleuvre couresse, tous deux classés “En danger critique”. Des espèces comme le Poisson gale et le Planorbe du Surinam, classés “Vulnérables”, font face à une forte compétition pour les ressources.

Les activités touristiques génèrent une pression supplémentaire pour les mammifères marins, les tortues marines et certains oiseaux, tels que le Pluvier de Wilson et l’Huîtrier d’Amérique, classés “En danger critique”. Les sorties d’observation des baleines sont désormais encadrées pour limiter les impacts sur les mammifères marins comme la Baleine à bosse, classée “Vulnérable”.

Le changement climatique menace particulièrement les espèces en altitude, comme le Colibri à tête bleue et l’Allobate de la Martinique, classés respectivement “En danger” et “En danger critique”. Une espèce sur cinq reste encore très mal connue, avec un manque d’informations sur leur répartition et leurs effectifs, ce qui a conduit à leur classement en catégorie “Données insuffisantes”. C’est le cas du phasme Diapherodes martinicensis et du Leptotyphlops à deux raies, deux espèces endémiques.

Démarche d’Évaluation

Les analyses de la Liste rouge nationale déterminent le risque de disparition pesant sur chacune des 427 espèces évaluées en Martinique. L’évaluation a concerné les mammifères, oiseaux, reptiles terrestres, tortues marines, amphibiens, poissons et macro-crustacés d’eau douce, mollusques terrestres et d’eau douce, libellules, demoiselles, papillons de jour, mantes, phasmes et coléoptères longicornes et scarabéoïdes.

Le projet, mené par le Comité français de l’UICN et l’UMS PatriNat (OFB-CNRS-MNHN), avec le soutien de la DEAL de Martinique, a mobilisé de nombreux spécialistes. Après une phase de compilation et de vérification des données, les experts ont validé les résultats lors d’ateliers en mars-avril 2019, attribuant une catégorie à chaque espèce selon la méthodologie de l’UICN. Les résultats ont ensuite été consolidés conformément au référentiel taxonomique national TaxRef.

Parmi les espèces évaluées, 180 ont été classées “Non applicable”, incluant des espèces non natives introduites récemment et certaines devenues envahissantes, comme la Petite Mangouste indienne et le Rat noir.

Enjeux et Actions de Conservation

Pour répondre à ces menaces, des programmes de conservation ont été lancés, des protections réglementaires mises en place et des aires protégées créées sur terre et en mer. Face à l’ampleur des défis, il est essentiel de renforcer ces mesures pour enrayer le déclin des espèces les plus menacées, préserver les milieux naturels et maintenir des corridors écologiques.

Les résultats de la Liste rouge permettront d’identifier les priorités d’action et d’orienter les futures stratégies de conservation pour sauvegarder le patrimoine naturel exceptionnel et fragile de la Martinique.

D’après La Liste rouge des espèces menacées en France – INPN

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