Bébé-élection et/ou bébé-piège à cons

 par Roland Sabra

Editorial du 15/05/2011

 

Après le bébés éprouvette, le bébé médicament voici le bébé-élection. La maîtrise du processus de fécondité permet de programmer les naissances en fonction de nécessités externes au processus de la grossesse. Cette maîtrise peut servir des fins politiques.

La dernière élection présidentielle a été l’occasion pour les agences de communication de tester avec succès une technique venue des Etas-Unis le « storytelling », en bon français la communication narrative.  Le procédé en politique consiste à introduire dans la présentation du candidat une histoire à fort niveau de séduction qui s’adressera, principalement pour ne pas dire uniquement, à l’émotion et surtout pas à la raison. Les conseillers en communication du politicien ( les spin doctors) sont donc des machines à fabriquer des histoires toujours réinventées pour formater les esprits et ainsi les détourner du débat politique au risque de vider de sens toute consultation démocratique.

Il y a cinq ans nous avons eu droit à l’histoire de la famille moderne recomposée  unie par l’amour autour de Cécilia. L’imposture a volé en éclats le jour même de l’élection puisque la parfaite épouse n’était pas allée voter pour son mari et demandait le divorce quelques semaines plus tard pour rejoindre l’amant de son cœur, qui patientait le temps de la campagne.. Qu’à cela ne tienne! Les spin doctors, jamais en retard d’une histoire, en inventèrent, une autre au moment du vote du bouclier fiscal : celle du mannequin poussant la chansonnette qui épouse le Président, variante à peine édulcorée de la bergère et du prince charmant. La bergère s’est-elle révélée volage? Une certaine presse le prétend. Qu’importe, cette histoire est usée, il en faut une autre. Celle du père apaisé pour faire oublier les impairs de l’agité.

L’histoire à raconter étant trouvée reste à fixer « le timing » du « plan com ». Un journal populaire ( Le Parisien, une radio non moins populaire ( RTL), un Journal Télévisé de la France profonde, celle de l’anisette ( JP Pernault) devaient avoir la primeur de l’info. Las! Ben Laden et DSK ont tout foutu par terre. Le début de la narration de l’histoire ne pouvait être parasitée par d’autres évènements. C’est donc le beau-père de la future maman  qui a lâché le morceau dans la presse allemande!

L’éclatement de la bulle DSK est intervenue trop vite, trop tôt disent les spécialistes chargés de la communication du candidat. C’eut été mieux à la veille du scrutin ou alors au pire après la désignation officielle de l’adversaire par le primaires. « Ah! le bonheur d’opposer l’image rassurante du bon père de famille à celle d’un violeur présumée de femme de ménage ». La sexualité apaisée d’un ex(?)agité face à l’hybris ( démesure) libidinale et maladive d’un faux calme.

Le début de l’histoire est un peu ratée mais rien n’est perdu. Les médias sont invités, avec toute la complaisance dont ils savent faire preuve, à se lancer sans retenue dans le suivi de la grossesse. La future mère, ex-mannequin, a-telle des nausées? Est -elle fatiguée? N’est-elle pas radieuse? Quelle sera la marque des couches culottes utilisées, D’abord, soucieuse de l’environnement utilisera-t-elle des couches culottes? Le futur papa est-il attentionné? N’est-il pas transformé? N’est-ce pas un autre homme? [ ça c’est bon coco s’il veut être réélu, il faut changer l’image, changer l’image.., sinon c’est foutu…]

On nous avait déjà rabâché la formule gavée de cynisme selon laquelle « Les promesses électorales n’engagent que eux qui les écoutent », maintenant il n’est même plus question de politique, encore moins de programme. Il faut raconter des histoires glamour, des histoires pour endormir les gens, quitte à instrumentaliser la vie, la vie des autres bien sûr . Ne pas parler des questions qui fâchent comme la pauvreté qui ne cesse de s’étendre, les inégalités qui se creusent, le chômage qui grimpe, la misère qui ronge. De la politique de lutte contre la misère à la misère de la politique, pauvre pays.

R.S. Fort-de-France le 18 mai 2011