Avignon 2022 : « La galerie. Machine de cirque », « Ici la nuit »

— Par Dominique Daeschler —

La galerie. Machine de cirque. La Scala Provence
Ici la nuit. Jon Fosse, m.e.s. Frédéric Garbe. Théâtre Transversal.

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La galerie. Machine de cirque. La Scala Provence.

Nouveau lieu à Avignon, la Scala Provence a repris les salles d’un ancien cinéma : plus de places et de grands plateaux , ce qui est rare en off. Le luxe ! Comme à la Scala Paris, la programmation est axée sur des spectacles mêlant le cirque, la performance, la danse faisant souvent appel à des références plastiques.

Machine de cirque, compagnie québécoise composée de sept acrobates et d’une musicienne y présente un spectacle déboulonnant les codes d’une galerie d’art branchée terriblement monochrome, adepte d’un dépouillement ascétique. Tabernacle ! Ils foutent le souk, le boxon, le bordel en exécutant des numéros de haut vol, réglés à l’américaine, valorisant la performance en toute décontraction. Le décor bouge autant qu’eux : tout se transforme pour que l’imaginaire reprenne possession de l’espace et de la poésie qu’une musicienne intemporelle distille d’un saxo impertinent. La couleur éclate sur d’immenses toiles, avec un sourire de connivence à Pollock, barbouillant salopettes et cheveux. C’est joyeux, plaisant, rythmé, avec la juste prétention du travail bien fait.

 

Ici la nuit. Jon Fosse, m.e.s. Frédéric Garbe. Théâtre Transversal.

Quel bonheur qu’un spectacle destiné d’abord aux enfants réunisse deux textes (Si lentement et Kant) du grand dramaturge norvégien Jon Fosse avec l’ambition d’amadouer la nuit, sans éliminer une peur redoutée et attendue. Il faut faire avec des parents aimants mais trop rationnels, en repoussant de petits mensonges ( rôle rassurant dans le quotidien de la maman) ou en entrant en grande réflexion métaphysique sur l’infini et l’univers ( rôle valorisant du papa sur la pensée et Kant). Ce n’est ni docte ni lénifiant : n’est-ce pas d’abord notre façon de ressentir qui nous définit ? L’immersion est nécessaire. Alors voyager dans les émotions de l’enfance se fait avec un casque audio : des animations graphiques sur grand écran accompagnent texte et musique. L’échappée poétique est nourrie par la qualité des images de l’illustratrice Camille Desbiez, la vidéo reflète par son rythme l’expérience de danseur de Baptiste Alexandrowicz enfin la conception sonore( Alexandre Maillard) ne reste pas campée sur des bases classiques et attendues, elle a ses envolées pour accompagner la voix volontairement posée de Frédéric Garbe qui appelle à la sérénité.