« Aliker – Sucre amer » : un hommage à la résilience et au combat pour la vérité

— Par M’A —

La compagnie Car’Avan présente avec force et émotion « Aliker – Sucre amer », une pièce de théâtre contemporaine qui puise son inspiration dans la vie tragique d’André Aliker, figure marquante du journalisme martiniquais.

Dans cette œuvre portée par la mise en scène de Thierry Sirou, les acteurs Laurence Couzinet-Letchimy et Jean l’Océan se glissent avec virtuosité dans les 17 rôles de la pièce, explorant les multiples facettes de la vie et de la mort d’André Aliker.

La pièce tisse un récit intense, illustré par des chants et de la musique, qui ravive la mémoire collective et soulève les questions essentielles sur la justice et la vérité. L’histoire d’André Aliker, né au Lamentin en 1894, se dessine avec éclat, de ses exploits pendant la Première Guerre mondiale à son engagement militant en tant que rédacteur en chef du journal « Justice », en passant par son combat pour dénoncer les injustices sociales.

Au centre de la pièce se trouve le scandale financier impliquant le puissant béké Eugène Aubéry, que Aliker a courageusement exposé dans ses écrits, mettant ainsi sa vie en danger. Les tentatives d’intimidation et les violences physiques n’ont pas réussi à le faire taire. Sa mort tragique, survenue en janvier 1934, reste une énigme non résolue, marquant l’histoire et la conscience collective de la Martinique.

Laurence Couzinet-Letchimy, à la fois auteure et actrice de la pièce, a choisi une forme théâtrale connue, en Europe depuis le tout début du 17ème siècle avec Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare (1600), L’Illusion comique de Pierre Corneille (1635) ou L’École des femmes de Molière (1662) , qui est celle du théâtre dans le théâtre, procédé qui intervient dans une pièce lorsque les comédiens jouent une pièce de théâtre à l’intérieur même de la pièce. La « seconde pièce », ou « petite pièce » peut avoir une similitude avec la « première » ou la « grande » pièce. Les personnages auront le même comportement, les mêmes attitudes, seront confrontés aux mêmes problèmes et la mise en abyme permettra, la plupart du temps, de faire émerger une solution, de trouver une issue, qui sera réintégrée dans la « grande pièce ».

Laurence Couzinet-Letchimy fait un pas de plus, c’est son grand mérite, et se rapproche, de ce que fait, par exemple, d’Eric-Emmanuel Schmitt qui, dans sa pièce Frédérick ou le boulevard du crime, multiplie les jeux de miroirs, ajoutant au métathéâtre – réflexion sur le théâtre, le jeu, le comédien, l’interprétation, – du théâtre dans le théâtre vu de face, des coulisses ou de loin, et pose des personnages de l’action dans le vrai public. Laurence Couzinet-Letchimy et Jean l’Océan viendront tour à tour s’assoir sur une chaise au milieu du public.

Sur scène, le comédien et la metteure en scène- comédienne s’interrogent : « Comment représenter Aliker dont l’histoire dit qu’il est un modèle parfait de dévouement et de courage ? Mais n’a-t-il jamais songé à renoncer ? Quel est le profil émotionnel d’un puissant et comment le restituer sans être dans la caricature ? Et pour la lecture de cet article, faut-il être de face, de profil, puisque la gestuelle qui accompagne le dire en modifie la perception et le sens ? Où se placer en fond de scène, côté cour, côté jardin ?…

À travers les répétitions, les comédiens sont confrontés à la profondeur du personnage, à ses convictions politiques et journalistiques qui ont marqué toute une époque.  Sur le plateau  Laurence Couzinet-Letchimy fait preuve d’une folle énergie, totalement investie dans ce travail et Jean l’Océan, que le drame touche intimement, est à la hauteur de son attente. On regrettera la dernière réplique de la comédienne-auteure qui voulait sans doute avoir le dernier mot : « Tout n’est pas foutu, alors!« . Il eut été préférable de conclure la pièce avec une phrase d’André Aliker, celle justement que prononce Jean l’Océan .

L’auteure souligne l’importance de donner la parole aux Martiniquais, de raviver les mémoires et de questionner les silences de l’histoire. « Aliker – Sucre amer » s’érige comme un hommage à la résilience et au combat pour la vérité, invitant le public à réfléchir sur les enjeux toujours actuels de justice et de mémoire collective.

On notera pour la petite histoire que la pièce est née d’un appel d’offre de Tropiques-Atrium, il y a cinq ans de cela, qui n’a jamais été suivi d’effet…

M’A.

MAI

Vendredi 3 Mai 2024: à 19h30 « Aliker – Sucre amer » – Centre Culturel – Rue Joinville-Saint-Prix (Bourg)– Rivière-Salée

Samedi 18 Mai 2024: à 19h « Aliker – Sucre amer » – Maison de la Canne (Les Trois-Ilets) dans le cadre des « Nuit du Musée »

Jeudi 23 Mai 2024: à 19h « Aliker – Sucre amer » – Médiathèque Alfred Melon-Dégras – Saint- Esprit (972)

JUILLET

Vendredi 19 juillet 2024 : à 19h30 « Aliker – Sucre amer » – Foyer Rural Sarrault-Duchesne avec l’Office de la Culture du Lamentin

A suivre….

Alker-Sucre amer
Théâtre
Fiction dramatique inspirée de l’histoire vraie d’André Aliker
Tout public (à partir de 15 ans)
Durée: 1h23
Mise en scène: Thierry Sirou
Interprètes: Laurence Couzinet-Letchimy & Jean L’Océan
Écriture: Laurence Couzinet-Letchimy
Composition & chant: Sarah-Corinne Emmanuel
Musicien: Don Shorty