Hommage posthume du père à son fils spirituel
Dans l’au-delà, sur un rivage de mots et d’Histoire
Le vent n’est plus un souffle, mais un murmure d’âmes.
Les vagues se brisent en vers.
Jacques MARTIAL, l’acteur,
L’homme de la Villette et du Mémorial, pose son regard
Sur celui qu’il a si souvent fait vibrer ?
Aimé Césaire, le poète.
Il n’y a pas de scène, pas de projecteur, juste la lumière d’un savoir partagé.
Jacques : Maître, je vous ai porté, non pas sur mes épaules, mais dans ma voix.
J’ai crié votre colère, votre douleur, l’appel de votre « Cahier » qui retournait au pays.
J’ai voulu que ceux qui m’écoutaient, dans l’ombre d’une salle, entendent le grondement de l’Histoire.
Césaire : Je l’ai entendu, mon ami, et il a résonné jusqu’ici.
Vous n’avez pas récité mes mots, vous les avez incarnés.
Vous avez donné une chair à mes idéaux, une âme à mes combats.
Le poème n’est rien sans celui qui le fait vivre, sans celui qui le sent et le transmet.
Jacques : J’ai cru qu’en vous, nous pouvions trouver notre force, notre dignité.
J’ai voulu que la mémoire ne soit pas un fardeau, mais un socle,
Une fondation pour les générations à venir.
Césaire : Et vous l’avez fait. Vous avez été ce pont entre les mondes.
L’acteur, l’homme politique, le gardien du souvenir…
Une seule et même personne pour une seule et même mission.
Vous avez montré que la culture n’est pas un luxe,
Mais une arme, et une lumière.
Vous avez rejoint le chœur.
Jacques : Je suis très honoré.
Je n’ai fait que ma petite part, en humble serviteur.
J’ai essayé de faire de mon mieux. Y suis-je parvenu ?
Je l’espère profondément.
Aimé Césaire
Mon fils Jacques, toi l’homme-poème, tu m’as honoré, laisse-moi faire ton éloge.
Tu as pris la parole de l’aède et l’as faite chair.
Tu as été le souffle, le poing levé, la tendresse rauque de l’océan.
Oui, tu as été l’ensemencement.
Tu n’as pas seulement lu, tu t’es fait l’homme-lune, l’astre de l’acteur.
Tu as été le bras de mon flambeau, la torche qui l’a porté plus loin.
Tu as donné à mes mots l’étoffe de ta voix.
Tu as fait d’eux l’action et le combat, la politique de nos racines.
Tu as été le politique, le démiurge, le faiseur de culture.
Car le poème n’est rien s’il ne se fait pas politique,
S’il ne se fait pas la chair de ceux qui le lisent et le reçoivent.
Toi, mon fils Jacques, tu as été cette chair,
Ce corps qui a fait de mes mots des actes.
Et ce furent un amour, un don et un contre-don,
Un dialogue de l’âme, un serment de l’esprit,
Le don du verbe à la voix,
La voix qui le faisait agir, la voix qui le faisait advenir.
Tu ne m’as pas seulement donné la vie, tu m’as donné l’écho.
Tu ne pars pas, Jacques.
Tu as rejoint le chœur des ancêtres.
Tu as pris place au Panthéon des poètes.
Et mon verbe, désormais, est ta mémoire, ton souffle, ton murmure.
Merci, ta place est ici, au Panthéon des maîtres,
Dans le cercle des nègres Mawons,
Protecteur de notre peuple en chemin, le peuple humain.
Jacques : Merci Aimé, mon Aimé, merci Aimé Césaire.
Aimé Césaire : Viens Jacques MARTIAL ! Voici ton siège, prend place.
Le beau combat se poursuit, avec toi, avec nous. Avec je dis, Eia, Aia !
Leurs voix se fondent dans le silence éternel, où les mots ne s’effacent jamais.
Sur ce rivage, deux hommes se font face, un poète et son écho, et l’histoire continue de s’écrire.