À propos d’un naufrage de la lexicographie créole…

Le naufrage de la lexicographie créole au « New Jersey Judiciary Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole »

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Le vocabulaire créole du Droit et de l’administration de la justice, depuis la co-officialisation du créole et du français dans la Constitution haïtienne de 1987, n’a toujours pas fait l’objet de chantiers lexicographiques élaborés au creux d’une mise en commun des compétences des juristes, des lexicographes, des traducteurs et des linguistes. Une recherche documentaire multifacette n’a pas permis de retracer des lexiques ou des dictionnaires juridiques bilingues français-créoles, ou encore des glossaires créoles élaborés en Haïti et regroupant la terminologie du Droit. Le très rachitique site Internet de la plus ancienne institution d’enseignement supérieur du pays créée en 1859 –la Faculté de Droit et des sciences économiques de l’Université d’État d’Haïti–, ne fournit aucune information pertinente ni sur le contenu des programmes d’enseignement, ni sur les ouvrages de référence utilisés dans l’apprentissage des spécialisations juridiques (droit de la famille, droit du travail, etc.), ni sur les instruments didactiques et/ou lexicographiques éventuellement usités (par exemple le « Dictionnaire des expressions juridiques » de Henri Roland, Éditions Lexis Nexis, 5ème édition, 2020). En ce qui a trait à la formation juridique dispensée à l’Université Quisqueya, le site Internet de cette institution, lui aussi très chétif, consigne lapidairement que la « Faculté des Sciences juridiques (FSJU) créée en 1992 est devenue en 2002 la Faculté des Sciences juridiques et politiques (FSJP) ». Aucune information pertinente n’est donnée sur le contenu des apprentissages ni sur les ouvrages de référence utilisés ni sur les instruments didactiques et/ou lexicographiques éventuellement usités. Pour sa part, l’Université de la Fondation Dr Aristide, sur son site Internet également maigrichon, expose qu’elle offre une formation juridique au sein de sa Faculté des Sciences juridiques et politiques. Sur le plan de l’information accessible en ligne, on cherchera en vain des données pertinentes sur la formation dispensée et sur les instruments didactiques et/ou lexicographiques éventuellement usités.

La recherche au long cours que nous avons menée et qui a abouti à la publication de notre « Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 » (Le National, 21 juillet 2022) a permis d’identifier 64 dictionnaires et 11 lexiques, soit un total de 75 ouvrages édités pour la plupart au format livre imprimé. Cette production lexicographique vieille de 65 ans comprend très peu d’ouvrages spécialisés tel que le « Petit lexique créole haïtien utilisé dans le domaine de l’électricité » d’Henry Tourneux (Éditions CNRS/Cahiers du Lacito, 1986), et nous n’avons relevé aucun dictionnaire, aucun lexique, aucun glossaire du domaine du droit et de l’administration de la justice rédigé partiellement ou entièrement en créole.

Le site d’information juridique LegiGlobe comprend un profil consacré à Haïti. Au chapitre « Système juridique », il consigne qu’« Haïti est un pays de droit civiliste : le droit haïtien repose en effet sur la législation française remontant au premier Empire français [le régime impérial français est selon l’usage chronologiquement daté de mai 1804]. Le code civil haïtien est constitué d’un ensemble de lois traitant de la situation juridique des personnes depuis la naissance jusqu’à la mort, il se modèle sur le code civil français de 1804. [En Haïti] Le premier Code civil parut en 1825. En 1826 fut publié un Code de commerce, en 1835 parurent le Code de procédure civile et le Code d’instruction criminelle. Le pays s’est également doté d’un Code pénal, d’un Code du travail et d’un Code administratif. Au cours des années, des modifications ou des ajouts furent parfois apportés à ces différents codes de lois. » Au chapitre « Organisation judiciaire », LegiGlobe précise que « La République d’Haïti, indépendante depuis le 1er janvier 1804, a adopté le système juridique français comme modèle structurel de son organisation judiciaire. L’organisation judiciaire comprend deux ordres de juridiction : judiciaire (la Cour de cassation, les cours d’appel, les tribunaux de première instance, les tribunaux de paix et les tribunaux spéciaux) et administratif (Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif) ».

Jointe aux remontées de terrain, la précision apportée par LegiGlobe, à savoir qu’« Haïti est un pays de droit civiliste : le droit haïtien repose (…) sur la législation française remontant au premier Empire français », permet d’exposer un premier constat : le droit haïtien comprend un ensemble de documents rédigés uniquement en français. Le second constat découlant du fait qu’Haïti est un pays de droit civiliste signifie qu’Haïti n’est pas un pays de tradition Common Law comme c’est le cas de l’Angleterre, du Canada, de l’Australie, etc. Le site du ministère de la Justice du gouvernement fédéral canadien définit comme suit la tradition de la Common Law : « La Common Law est un droit qui n’est pas écrit. La Common Law est devenue avec le temps un ensemble de règles fondées sur des précédents, c’est-à-dire de règles qui guident les juges appelés plus tard à prendre des décisions dans des causes semblables. On ne trouve la Common Law dans aucun « code » ou corps de loi. Elle n’existe que dans les décisions antérieures. Mais elle est en même temps souple et s’adapte à l’évolution des circonstances, car les juges peuvent établir de nouvelles doctrines ou changer les précédentes. » Selon le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française, la Common Law désigne un « Ensemble des règles non écrites formant le droit anglais, qui se sont graduellement dégagées des décisions des tribunaux ». L’anglais est la langue usuelle des pays régis par la Common Law, à l’exception notable du Canada puisque « Le système juridique canadien découle des systèmes anglais et français que les explorateurs et les colons ont importés au Canada au XVIIe et au XVIIIe siècles. Après la bataille de Québec en 1759, le pays est passé au régime de la Common Law anglaise, sauf le Québec, qui applique le droit civil » (ministère de la Justice du Canada, op. cit.). Il existe toutefois une tradition de Common Law comprenant un large éventail de documents rédigés et/ou traduits en français en raison des dispositions constitutionnelles relatives au bilinguisme découlant de la Constitution du Canada (1867) et de la Charte canadienne des droits et libertés signée en 1982. La Common Law en français rassemble textes de jurisprudence ainsi que des dictionnaires et des lexiques thématiques et elle a donné lieu à la mise sur pied de quelques instruments de diffusion tel que le site Jurisource.ca et le Comité de normalisation de la terminologie française de la Common Law. Sur le registre des institutions de recherche et d’enseignement, le Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ) a été créé en 1979 par la Faculté de droit de l’Université de Moncton pour appuyer la mise en œuvre du bilinguisme juridique dans les provinces et territoires canadiens de Common Law. Ce qu’il faut principalement retenir de ce bref arpentage de la tradition de la Common Law et de la tradition civiliste au Canada et au Québec, c’est qu’elles ont donné lieu au fil des ans à de vastes chantiers traductionnels et terminologiques dont Haïti, au besoin, pourrait s’inspirer. Elles ont confirmé la survenue d’une spécialisation majeure, la jurilinguistique, terrain situé à la confluence du Droit et de la linguistique et mettant en lien les compétences juridiques et linguistiques des jurilinguistes.

Tel que mentionné plus haut, Haïti étant un pays de « tradition civiliste française », le droit haïtien comprend un ensemble de documents qui sont tous rédigés uniquement en français : aucun document de l’arsenal juridique du pays n’a été élaboré en créole. L’unilinguisme français perdure dans le domaine du Droit en Haïti en dépit de la co-officialisation du créole et du français dans la Constitution haïtienne de 1987 (article 5) et malgré le caractère contraignant de l’article 40 qui consigne l’obligation impartie à l’État haïtien de produire et de diffuser tous ses documents dans les deux langues officielles du pays. Il est significatif que cet état de fait confirme l’existence au pays d’une « fracture » à la fois juridique et judiciaire, sociale et politique, attestant la minorisation institutionnelle du créole. Cette « fracture juridique » a été rigoureusement analysée par le juriste Alain Guillaume dans l’une des rares études consacrées à ce sujet, « L’expression créole du droit : une voie pour la réduction de la fracture juridique en Haïti » (Revue française de linguistique appliquée, vol. XVI, 2011/1). Alain guillaume expose que « La société haïtienne est marquée par des dichotomies bi-séculaires faites d’oppositions aussi extrêmes que constantes. (…) Cette configuration sociale affecte jusqu’aux structures juridiques du pays. Elle a donné lieu à une véritable fracture juridique avec un bijuridisme inégalitaire compliqué du facteur linguistique. Le bijuridisme renvoie en Haïti à une situation de cohabitation de deux traditions juridiques, l’une écrite, exprimée de préférence en français, et l’autre orale, coutumière, utilisant le créole comme vecteur linguistique (Dorval 2003). Il peut être qualifié d’inégalitaire, en ce sens qu’il consacre la domination, ou tout au moins la volonté de domination du second par le premier. Cette domination se manifeste principalement par la négation du droit coutumier informel (Montalvo Despeignes 1976) –généralement considéré comme dépourvu de toute réelle valeur juridique, bien qu’il régisse des pans entiers du corps social–, et par le refus de rendre l’information juridique disponible en créole. (…) L’inaccessibilité de l’information juridique à la majorité créolophone et la non-correspondance entre la règle de droit édictée par les institutions étatiques et le vécu de la majorité des Haïtiens demeurent deux des problèmes juridiques majeurs en Haïti ».

Sur le registre de la « fracture juridique » examinée avec hauteur de vue par le juriste Alain Guillaume, il faut prendre toute la mesure que le justiciable haïtien unilingue créolophone, majoritaire dans la population, est confronté à un appareillage juridique rédigé dans une langue qu’il ne comprend pas, le français, et qu’il ne peut faire valoir sa défense et ses droits citoyens dans sa langue maternelle en se référant à des lois rédigées uniquement en français. Au tribunal, face au juge et/ou au jury, le justiciable haïtien unilingue créolophone est donc un locuteur linguistiquement démuni et minoré même s’il est parfaitement capable de répondre en créole aux questions du juge et de son avocat. Mais il est tout à fait incapable de faire le lien entre sa compétence linguistique en langue créole et l’appareillage conceptuel du registre juridique consigné dans des textes de loi rédigés exclusivement en français. Une recherche de terrain devra valider l’hypothèse selon laquelle dans les différents espaces d’exercice du Droit en Haïti, les transactions langagières entre les intervenants (juge, justiciable, avocat, témoin) sont le lieu d’une dynamique appropriation par le créole d’un nombre indéterminé de notions juridiques consignées en français dans divers textes de loi. Ce phénomène, que nous désignons provisoirement par « réappropriation terminologique », se manifeste sans doute selon les procédés habituels des emprunts néologiques et sur le mode de l’adaptation phonologique, de la transformation morphosyntaxique et de l’extension de sens (exemple hypothétique : « lwa » (dans le Vodou) et « lalwa » (dans un tribunal) désignant deux notions différentes). (Sur la problématique des emprunts néologiques, voir « L’adaptation morphologique des emprunts néologiques : en quoi est-elle précieuse ?, par Anna Anastassiadis-Syméonidis et Georgia Nikolaou, revue Langages, 2011/3 (n° 183) ; voir aussi l’article de Sylvia Pavel « Néologie lexicale : transfert, adaptation, innovation » paru dans la revue de l’Association canadienne de traductologie TTR (Textes, traduction, rédaction), 1989, 2(1) ; consulter également l’étude du linguiste québécois Jean-Claude Boulanger de l’Université Laval, « Problématique d’une méthodologie d’identification des néologismes en terminologie » parue en 1979 dans R. Adda [et al.], Paris, Larousse Université, coll. « Langue et langage ».)

Il est également hautement significatif que dans un domaine majeur qui touche à la vie quotidienne des Haïtiens –l’administration de la justice versus l’efficience des droits citoyens–, la Constitution haïtienne, de 1987 à nos jours, n’a été au fondement d’aucun chantier lexicographique/terminologique permettant de penser, d’exprimer et d’administrer le Droit dans « la langue qui unit tous les Haïtiens », le créole. Nous sommes donc en présence, d’une part, d’une historique « fracture juridique » comme l’atteste le juriste Alain Guillaume, et, d’autre part, nous faisons face à un déni de justice sur le registre des droits linguistiques de l’ensemble des locuteurs haïtiens en lien avec les articles 5 et 40 de la Constitution de 1987 (voir notre livre « Plaidoyer pour les droits linguistiques en Haïti / Pledwaye pou dwa lengwistik ann Ayiti » (Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2018) ; voir aussi notre article « Droits linguistiques et droits humains fondamentaux en Haïti : une même perspective historique » (Le National, 11 octobre 2017).

Comme nous l’avons mentionné en introduction de cet article, une recherche documentaire multifacette n’a pas permis de retracer des lexiques ou des dictionnaires juridiques bilingues français-créoles, ou encore des glossaires créoles élaborés en Haïti et regroupant la terminologie du Droit. Également, pour l’ensemble des aires francocréolophones (Caraïbe, Océan indien), nous n’avons retracé ni dictionnaires ni lexiques créoles du Droit. Toutefois, dans le vaste chantier de néologie créole élaboré par les Martiniquais Raphaël Confiant et Serge Colot, « 2 000 pawol-nèf kréyol / 2 000 néologismes créoles » (originellement paru en 2000, s.l.é.), il est possible de relever des constructions néologiques pouvant appartenir au domaine du Droit. Exemples :

lajan-pé-bouch [laʒanpebuʃ] n. Argent versé à quelqu’un pour acheter son silence, pot de vin. Yo ba Wobè on lajan-pé-bouch pou i pa té témwagné. On a donné à Robert un pot de vin pour qu’il ne témoigne pas. (page 61)

malpalans [malpalans] n. Médisance. Poutji ou ka rakonté malpalans kon sa asou kouzen’w la ? Pourquoi racontes-tu des médisances sur ton cousin ? (page 70) [Note de RBO : le terme « malpalans » peut désigner une offense caractérisée dans une procédure judiciaire intentée au motif d’une atteinte à la réputation d’un individu ou d’une institution.]

maskoté [maskote] v. Frauder. Fred toujou maskoté adan tout lekzanmen i pasé. Fred a toujours fraudé dans tous les examens où il s’est présenté. An kréyol Gwadloup, “ba on moun masko” vlé di “faire faux bond”. Maskotè n. Fraudeur. Yo pa rivé tjenbé sé maskotè-a davwè yo té a twop. Ils n’ont pas réussi à attraper les fraudeurs car ils étaient trop nombreux. Maskotaj n. Fraude. Ni onlo maskotaj ki woulé adan sé dènié éleksion-la. Il y a eu pas mal de fraudes au cours des dernières élections. (page 71)

C’est dans un tel contexte et selon les caractéristiques de la problématique ici exposée que nous avons procédé à l’évaluation lexicographique du « New Jersey Judiciary Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole ». Nous avons jugé utile de procéder à l’évaluation analytique de ce document principalement du fait qu’il est le seul ouvrage lexicographique bilingue du domaine du Droit que nous avons pu retracer et dont la langue d’arrivée est le créole haïtien. Notre évaluation lexicographique est conduite selon les critères de la méthodologie de la lexicographie professionnelle clairement identifiés plus bas.

Évaluation analytique du « New Jersey Judiciary Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole »

Ce document de 31 pages a été mis en ligne en mai 2018 et il comprend en page couverture le logo de l’institution l’ayant élaboré, le « New Jersey Courts », suivi du titre de l’ouvrage, « New Jersey Judiciary Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole », suivi de l’identification de la structure administrative émettrice, le « Language Services Section / Programs and Procedures Unit / Office of Trial Court Services / Administrative Office of the Courts ». Le titre de l’ouvrage porte la mention « Glossary » (glossaire) alors qu’en réalité il s’agit d’un lexique bilingue anglais-créole. Dans la terminologie usuelle de la lexicographie professionnelle, un « glossaire » est défini comme un « Répertoire [unilingue] des termes tirés d’un corpus pour leur difficulté de compréhension et pour lesquels il est donné un synonyme connu ou une explication. (…) Un glossaire peut se présenter soit sous la forme d’un document autonome, soit sous la forme d’une annexe à un document ou à une partie de document. (…) Répertoire qui définit ou explique des termes anciens, rares ou mal connus » (Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française).

TABLEAU 1 / Image partielle d’une page-écran du « New Jersey Judiciary Glossary

of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole »

Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole

A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W

A

accommodation (for a disability) aranjman espesyal (pou moun andikape)

acquit akite

acquittal akitman

affidavit of merit Atestasyon/Afidavi byen fonde

Revised 05/2018, CN 11783-Haitian Creole Page 1

Revise 05/2018, CN 11783-Haitian Creole paj 1

Tel qu’illustré au Tableau 1, ce lexique est accessible au format PDF uniquement. Il se présente sur le mode de pages-écran déroulantes, page après page, et chaque page comprend en colonne de gauche les termes anglais suivis en colonne de droite des équivalents créoles. Le format PDF, « figé », ne permet pas d’accéder directement à l’information par l’interrogation des termes anglais ou des termes créoles. Par exemple, pour accéder à l’équivalent créole de « temporary detention », l’usager doit faire dérouler les pages-écran jusqu’à la lettre « T » (page 26) où il trouvera l’équivalent « detansyon tanporè ». Et puisque les termes anglais et créoles ne sont pas « cliquables », ils ne permettent pas d’interagir en activant des liens hypermédia donnant accès à des informations apparentées ou complémentaires. Cette lourde lacune sur le plan des fonctionnalités d’accès à l’information est partiellement compensée par la présence, au haut et à droite des pages-écran, d’une fenêtre d’interrogation par terme simple uniquement.

Notre évaluation analytique du « New Jersey Judiciary Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole » est effectuée selon les critères méthodologiques suivants :

1. identification du projet éditorial et des usagers-cibles visés ;

2. identification ses sources du corpus de référence en vue de l’établissement de la nomenclature ;

3. identification des critères relatifs à l’établissement de la nomenclature des termes retenus à l’étape du dépouillement du corpus de référence ;

4. identification des critères du traitement lexicographique des termes de la nomenclature et, dans le cas des dictionnaires, critères relatifs à la rédaction des rubriques dictionnairiques (définitions, notes).

Utile rappel : ce sont ces mêmes critères méthodologiques que nous avons utilisés pour évaluer d’autres ouvrages lexicographiques (voir nos articles « Le traitement lexicographique du créole dans le « Diksyonè kreyòl Vilsen », Le National, 22 juin 2020 ; « Le traitement lexicographique du créole dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative », Le National, 21 juillet 2020 ; « Le traitement lexicographique du créole dans le « Leksik kreyòl » d’Emmanuel W. Védrine », Le National, 11 août 2021 ; « Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative », Le National, 15 février 2022 ; « Le traitement lexicographique du créole dans le « Diksyonè kreyòl karayib » de Jocelyne Trouillot » , Le National, 12 juillet 2022).

Le « New Jersey Judiciary Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole » comprend une courte « Introduction » qui se lit comme suit :

« This document is a working compilation of terminological choices made by the translation team that issues official translations of documents issued by the Administrative Office of the Courts. It is updated each time new documents present translation challenges resolved by the team. The primary purpose of the Glossary is to be a guide to the Judiciary’s translation program in order to promote uniform translation where appropriate. If court interpreters can use it as a reference tool when working on the terminological challenges they encounter, then that is a wonderful additional benefit. The Glossary is NOT intended to be an authoritative reference document that determines once and for all the only correct way to translate an English word or phrase. While there are certainly many wrong and unacceptable ways to translate a word or phrase, it is equally true that there is rarely only one correct way to translate a word or phrase. »

« Ce document est une compilation des choix terminologiques effectués par l’équipe de traduction qui réalise les traductions officielles des documents émis par l’Office administratif des tribunaux. Il est mis à jour chaque fois que de nouveaux documents présentent des problèmes de traduction résolus par l’équipe. Le but premier du glossaire est d’être un guide pour le programme de traduction du pouvoir judiciaire afin de promouvoir une traduction uniforme le cas échéant. Si les interprètes judiciaires peuvent l’utiliser comme outil de référence lorsqu’ils travaillent sur les problèmes terminologiques qu’ils rencontrent, c’est un avantage supplémentaire considérable. Le glossaire n’a pas pour but d’être un document de référence faisant autorité et déterminant une fois pour toutes la seule manière correcte de traduire un mot ou une phrase en anglais. S’il existe certainement de nombreuses façons erronées et inacceptables de traduire un mot ou une expression, il est tout aussi vrai qu’il y a rarement une seule façon correcte de traduire un mot ou une expression. » [Traduction : RBO]

Critère no 1 : identification du projet éditorial et des usagers-cibles visés

Ainsi formulée, l’« Introduction » ne répond que partiellement au premier critère, qui a trait à l’identification du projet éditorial : il s’agit d’« une compilation des choix terminologiques (…) des documents émis par l’Office administratif des tribunaux » d’une part. Et, d’autre part, « Le but premier du glossaire est d’être un guide pour le programme de traduction du pouvoir judiciaire ». Le projet éditorial est donc tourné vers une « consommation interne », le volet traductionnel de l’Office administratif des tribunaux, il ne vise pas en priorité le droit de tout justiciable d’être jugé dans sa langue usuelle. L’« Introduction » ne renseigne nullement sur la nature et les critères de sélection et de validation « des choix terminologiques » allégués et qui auraient été effectués en amont de l’élaboration du lexique. Quels sont donc ces choix sur le plan terminologique, en quoi diffèrent-ils d’une éventuelle autre compilation dans le même domaine ? De manière plus essentielle, l’on ne sait pas non plus à quels éventuels locuteurs créolophones s’adresse le lexique : sont-ils l’objet de procédures judiciaires relevant du droit familial, du droit du travail, du droit d’asile, etc. ? Le terme « créole » lui-même, langue d’arrivée de ce lexique, n’apparaît pas dans l’« Introduction » du document.

Critère no 2 : identification ses sources du corpus de référence en vue de l’établissement de la nomenclature

Le lexique est lourdement lacunaire au chapitre des sources du corpus de référence en vue de l’établissement de la nomenclature : selon l’« Introduction » du document, les seules sources consultées sont « des documents émis par l’Office administratif des tribunaux » du New Jersey. Quels sont ces documents ? Cela signifie que l’équipe de traduction –dont on ne sait strictement rien de la composition : sont-ils des traducteurs et/ou des rédacteurs juridiques, des terminologues ?–, qui réalise les « traductions officielles » n’a pas jugé bon de consulter des sources externes variées, donc un véritable corpus de référence, à l’étape précédant l’établissement de la nomenclature. Or dans l’immense forêt des différents systèmes judiciaires des États-Unis, il existe un ample foisonnement de sources documentaires diverses qu’il aurait fallu consulter pour établir le corpus de référence du lexique. Cette lacune, comme on le verra plus loin, a des conséquences quant à la validation de la nomenclature retenue et quant au choix des équivalents créoles.

Critère no 3 : identification des critères relatifs à l’établissement de la nomenclature des termes retenus à l’étape du dépouillement du corpus de référence

Comme pour le corpus de référence, le lexique est lourdement lacunaire au chapitre des critères d’établissement de la nomenclature. Cette étape est une étape de premier plan en lexicographie professionnelle : établir la nomenclature d’un lexique ou d’un dictionnaire consiste à identifier l’ensemble des termes qui seront rassemblés en vue de leur dépouillement analytique. En réalité, il n’y a pas à proprement parler de critères lexicographiques mis en œuvre à l’étape de l’établissement de la nomenclature de ce lexique. Le seul élément retenu en amont est celui de la « compilation des choix terminologiques », ce qui n’a rien à voir avec le critère de la mesure de la fréquence d’emploi d’un terme en lexicographie. Par exemple, le terme « addendum » est traduit par « adendòm » : fait-il partie du vocabulaire spécifique du Droit ou appartient-il au domaine de la gestion documentaire de divers domaines ?

Critère no 4 : identification des critères du traitement lexicographique des termes de la nomenclature

Le lexique est lourdement lacunaire au chapitre des critères du traitement lexicographique des termes de la nomenclature, et en cela réside la principale caractéristique de ce document. En réalité, l’« Introduction » du document est entièrement muette à ce chapitre, ce qui signifie que l’usager du lexique n’est nullement renseigné sur les critères d’analyse et de classement des termes, et il l’est encore moins sur les critères du choix des équivalents créoles. De la sorte, le critère d’équivalence notionnelle et lexicale n’est pas un critère au fondement de l’élaboration de ce lexique, ce qui signifie, sur le plan méthodologique, qu’aucune garantie de conformité notionnelle ne peut être attachée aux équivalents créoles donnés pour traduire les termes anglais. L’absence de critères relatifs à l’établissement de la nomenclature des termes retenus jointe à l’absence du critère d’équivalence notionnelle et lexicale sont au fondement du naufrage de la lexicographie créole que constitue le « New Jersey Judiciary Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole ». À cela s’ajoute une évidente et une lourde contradiction quant aux buts attribués à ce lexique : d’une part « Le but premier du glossaire est d’être un guide pour le programme de traduction du pouvoir judiciaire » et, d’autre part, « Le glossaire n’a pas pour but d’être un document de référence faisant autorité »… Comment un document peut-il être à la fois « un guide » et en même temps ne pas être « un document de référence faisant autorité » ? Le critère de la conformité de l’équivalence notionnelle et lexicale est absent dans un nombre élevé d’équivalents créoles de ce lexique, ce qui signifie, sur le plan méthodologique, qu’aucune garantie de conformité notionnelle n’est attachée aux équivalents créoles donnés pour traduire les termes anglais. L’absence de critères relatifs à l’établissement de la nomenclature des termes retenus, jointe à l’absence du critère d’équivalence notionnelle et lexicale, sont au fondement du naufrage de la lexicographie créole du « New Jersey Judiciary Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole ».

TABLEAU 2 / Échantillon de termes anglais suivis de leurs équivalents créoles provenant du « New Jersey Judiciary Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole » + Équivalents français du GDT et de Termium Plus

Terme anglais

Équivalent créole

Remarques de RBO

Équivalents français du Grand dictionnaire terminologique (GDT) ou de la banque terminologique Termium Plus

affidavit

affidavid, atestasyon

Les deux termes semblent être dans un discutable rapport de synonymie, mais l’« affidavit » est un document écrit couvrant différents sujets ; l’« atestasyon » est un « témoignage » pouvant être consigné par écrit.

déclaration sous serment n. f. Dans le GDT, l’« attestation » signifie en Droit « Témoignage fait dans le but de prouver l’authenticité de quelque chose ».

Aid to Families with Dependent Children (AFDC)

Èd pou fanmi ak timoun sou kont yo

Cet équivalent créole est erratique : « Dependent Children » signifie en Droit « enfant à charge » ; le segment « sou kont yo » est opaque et n’éclaire nullement le lien entre « aide » et « enfant à charge ».

Dans le GDT, « Dependent Children » a pour équivalent « enfant à charge », terme normalisé en juillet 1981 par l’Office québécois de la langue française.

Amended Final Restraining Order

Lòd restriksyon modifye

Le segment-pivot de l’équivalent anglais est « Restraining Order » qui, en Droit, désigne une « ordonnance restrictive ». L’équivalent créole est totalement opaque et non conforme au système morphosyntaxique du créole.

Dans le GDT, « ordonnance restrictive » n. f. a pour synonyme

« ordonnance de protection » n. f., qui signifie « Ordonnance du tribunal qui enjoint à une personne de cesser de nuire à une autre personne ou de rester éloignée de celle-ci. »

bench trial

jijman san jiri, jijman devan jiri

Ces deux équivalents créoles ciblent le « jugement » qui est un résultat alors que le terme anglais « bench trial » désigne plutôt le « procès ». Ces deux équivalents créoles se contredisent avec l’emploi équivalent de « san jiri » et de « devan jiri » pour désigner une même notion.

Dans Termium Plus, la banque terminologique du gouvernement fédéral canadien, « bench trial » renvoie à « trial without jury » = « procès sans jury », à « trial by judge without a jury » = « procès devant un juge sans jury », et à « trial by judge alone » = « procès devant juge seul ».

Decision Making Framework (DMF)

Kad desizyon pou akize ki reprezante yon ris de pa konparèt nan tribinal

Les rédacteurs du lexique confondent un terme et une phrase explicative donnée pour équivalent créole. Avec l’emploi du segment « yon ris de pa konparèt », la phrase n’est pas conforme au système grammatical du créole.

Dans Termium Plus, le terme « Decision Making Framework » a pour synonyme « Decision support framework » ayant pour équivalent français « cadre décisionnel » qui s’entend au sens de « cadre de prise de décision ».

house arrest

rezidans siveye

Grande confusion notionnelle : ce n’est pas la « résidence » qui est « surveillée », c’est plutôt une personne qui est « assignée à résidence ».

Dans Termium plus, « house arrest » a pour équivalent français « détention à domicile », « assignation à résidence », « assignation à domicile ».

Dans le GDT, « be under house arrest » a pour équivalent français « être assigné à résidence » v., « être en résidence surveillée » v.

Les nombreuses incohérences ainsi que les approximations et les errements notionnels relevés dans le « New Jersey Judiciary Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole » fournissent plusieurs enseignements préalablement exemplifiés dans nos précédents articles : « Le traitement lexicographique du créole dans le « Diksyonè kreyòl Vilsen », Le National, 22 juin 2020 ; « Le traitement lexicographique du créole dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative », Le National, 21 juillet 2020 ; « Le traitement lexicographique du créole dans le « Leksik kreyòl » d’Emmanuel W. Védrine », Le National, 11 août 2021 ; « Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative », Le National, 15 février 2022 ; « Le traitement lexicographique du créole dans le « Diksyonè kreyòl karayib » de Jocelyne Trouillot » , Le National, 12 juillet 2022).

L’examen attentif et méthodique du « New Jersey Judiciary Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole » atteste qu’il n’a pas été élaboré en conformité avec les règles méthodologiques de la lexicographie professionnelle. Un tel examen attentif et méthodique révèle : (1) la très faible compétence en créole des rédacteurs ; (2) la très faible connaissance du vocabulaire créole du Droit des rédacteurs dont on ne sait strictement rien : sont-ils des traducteurs juridiques, des rédacteurs juridiques, des terminologues dont la langue d’arrivée est le créole, et sont-ils également des jurilinguistes ? (3) les rédacteurs du lexique ne se réfèrent à aucune source documentaire créole crédible et accessible. De manière plus essentielle, l’examen attentif et méthodique de ce lexique révèle d’une part, qu’il rassemble un grand nombre d’équivalents « créoles » erratiques, fantaisistes ou inexacts et qui ne sont pas conformes au système morphosyntaxique du créole. Le principe d’équivalence notionnelle et lexicale entre les termes anglais de départ et les équivalents « créoles » est absent dans un grand nombre de rubriques. D’autre part, l’examen attentif et méthodique de ce lexique révèle également que –sur le registre de ses lourdes lacunes méthodologiques–, il ne saurait en aucun cas être à la fois « un guide » en traduction juridique et en même temps ne pas être « un document de référence faisant autorité ».

Toutes ces observations renvoient à l’existence d’une « lexicographie borlette » à l’œuvre dans le « Leksik kreyòl » d’Emannuel Védrine (voir notre article « Le traitement lexicographique du créole dans le « Leksik kreyòl » d’Emmanuel W. Védrine » (Le National, 11 août 2021) ainsi que dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative » (voir nos articles « Le traitement lexicographique du créole dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative » (Le National, 21 juillet 2020), « Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative » (Le National, Le National, 15 février 2022), et « La « lexicographie borlette » du MIT Haiti Initiative n’a jamais pu s’implanter en Haïti dans l’enseignement en créole des sciences et des techniques » , (Rezonòdwès, 4 juillet 2023). Il est fort éclairant, sur le registre de la « lexicographie borlette », de faire le lien entre les lourdes lacunes du « Lexique du New Jersey » et celles du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative » quant à l’ignorance du principe d’équivalence notionnelle et lexicale entre les termes anglais de départ et les équivalents « créoles » d’arrivée. Dans les deux cas l’usager a affaire à un grand nombre d’équivalents « créoles » fantaisistes et erratiques et qui souvent ne respectent pas les régles morphosyntaxiques du créole. Également il est fort éclairant, sur le registre de la « lexicographie borlette », de faire le lien entre les « prétentions modélisantes » du « Lexique du New Jersey » et celles du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative » : le « Lexique du New Jersey » prétend pouvoir être « un guide pour le programme de traduction du pouvoir judiciaire », ce qu’en aucun cas il ne saurait être comme nous l’avons démontré dans le présent article. Quant au « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative », ses prétentions au chapitre de la néologie créole relèvent de l’ignorance de la méthodologie de la néologie scientifique et technique. Comme nous l’avons démontré dans notre article « Lexicographie créole : retour-synthèse sur la méthodologie d’élaboration des lexiques et des dictionnaires » (Le National, 4 avril 2023), l’aventureuse prétention du MIT-Haiti Initiative de fournir un « Glossaire » destiné à « la création et la traduction de matériel dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM) » s’apparie à une véritable « arnaque lexicographique » au creux de laquelle les rédacteurs-bricoleurs du fantaisiste « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative », dépourvus de la moindre compétence connue en lexicographie créole, soutiennent frauduleusement mener une entreprise de néologie créole. En effet, l’élaboration du « Glossary » est présentée, sur le site du MIT – Haiti Initiative –au chapitre « Kreyòl-English glosses for creating and translating materials in Science, Technology, Engineering & Mathematics (STEM) fields in the MIT-Haiti Initiative »–, dans les termes suivants : « (…)  l’un des effets secondaires positifs des activités du MIT-Haïti (ateliers sur les STEM, production de matériel en kreyòl de haute qualité, etc.) est que nous enrichissons la langue d’un nouveau vocabulaire scientifique qui peut servir de ressource indispensable aux enseignants et aux étudiantsCes activités contribuent au développement lexical de la langue » créole ». Dans notre évaluation objective du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative », nous avons démontré qu’il est totalement impossible d’enrichir le créole « d’un nouveau vocabulaire scientifique » à l’aide d’un grand nombre d’équivalents « créoles » fantaisistes et erratiques et qui souvent ne respectent pas les règles morphosyntaxiques du créole. Les nombreux équivalents « créoles » fantaisistes et erratiques du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative », il faut encore le rappeler, ont été bricolés selon un pseudo « modèle lexicographique » de type Wikipédia inconnu de la lexicographie professionnelle et qui n’est enseigné à l’échelle internationale dans aucun département de linguistique ou dans aucun programme universitaire d’enseignement de la lexicographie. Tout cela éclaire le constat, maintes fois corroboré, que le médiocre « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » n’a jamais pu s’implanter en Haïti en dépit du fait qu’il bénéficie de la complaisante et aveugle « onction scientifique » du Département de linguistique du MIT…

En guise de conclusion de cet article, nous offrons en partage LES ENSEIGNEMENTS consignés dans notre texte-synthèse sur la méthodologie de la lexicographie, « Lexicographie créole : retour-synthèse sur la méthodologie d’élaboration des lexiques et des dictionnaires » (Le National, 4 avril 2023).

 

L’ENSEIGNEMENT MAJEUR qui se dégage de nos 24 articles consacrés à la lexicographie haïtienne et publiés entre 2020 et 2023 est que la lexicographie est une activité scientifique fortement codifiée, elle s’élabore dans l’ancrage sur un socle méthodologique modélisé qui en garantit la scientificité et la crédibilité. Ces articles mettent ainsi en lumière l’articulation de la théorie de la lexicographie, de la méthodologie générale et des principes de base de la lexicographie professionnelle dans l’élaboration des lexiques et des dictionnaires créoles. 

LE DEUXIÈME GRAND ENSEIGNEMENT porté par nos articles lexicographiques est la nécessité de tenir à distance l’amateurisme, l’ignorance et la banalisation de la méthodologie de la lexicographie professionnelle ainsi que la promotion désastreuse de la « lexicographie borlette ». 

LE TROISIÈME GRAND ENSEIGNEMENT consigné dans nos articles lexicographiques est que la lexicographie créole –en raison de l’obligation de son ancrage sur un socle méthodologique modélisé qui en garantit la scientificité et la crédibilité–, doit contribuer à la didactique et à la didactisation du créole, deux dimensions majeures de la transmission des savoirs et des connaissances en langue maternelle créole. 

LE QUATRIÈME GRAND ENSEIGNEMENT qui se dégage de nos articles consiste en la nécessité de l’institutionnalisation de la lexicographie professionnelle au creux d’un enseignement universitaire de qualité. L’institutionnalisation de la lexicographie en Haïti, son apprentissage en tant que discipline universitaire et profession acquise dans l’enseignement supérieur, sert à prémunir l’activité lexicographique du dilettantisme qui caractérise un grand nombre d’ouvrages lexicographiques haïtiens. 

LE CINQUIÈME GRAND ENSEIGNEMENT issu de nos articles lexicographiques est que la lexicographie, au titre d’une activité scientifique fortement codifiée, contribue à l’indispensable partenariat créole-français dont les fondements constitutionnels reposent sur l’article 5 de la Constitution haïtienne de 1987. 

LE SIXIÈME GRAND ENSEIGNEMENT de nos articles lexicographiques ouvre la voie à la nécessité d’assurer l’efficience des droits linguistiques de tous les locuteurs haïtiens dans la perspective du bilinguisme de l’équité des droits linguistiques. 

LE SEPTIÈME GRAND ENSEIGNEMENT consigné dans nos articles est que la lexicographie haïtienne n’est pas une activité isolée : sur le registre des droits linguistiques qui appartiennent au grand ensemble des droits citoyens fondamentaux, elle doit être définie et située dans le cadre général de l’aménagement simultané de nos deux langues officielles, le créole et le français.

Montréal, le 16 septembre 2023