À propos du bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte

Par Marie-Hélène Léotin

Lorsque la République française, et donc l’Etat français, célèbrent le Bicentenaire de la mort de Napoléon 1er, ils ne célèbrent pas Austerlitz, le sacre du 2 décembre 1804, le décret rétablissant l’esclavage dans les colonies (1802), ils ne célèbrent surtout pas le dos et le tres de Mayo en Espagne, ils ne célèbrent pas le conquérant, le général, le Premier Consul ou l’Empereur.

Ils célèbrent un personnage de l’Histoire de France qui a su parfaire et consolider un processus commencé depuis 10 ans, en apportant la Paix (Traité d’Amiens de mars 1802), le retour à la prospérité (Banque de France en 1800, Franc Germinal en 1803 donc monnaie consolidée et stabilisée), apportant la stabilisation de la société (Code civil en 1804, restauration d’une administration moderne, création des lycées et des grandes écoles en 1802 pour assurer ce que le sociologue Bourdieu appelle la reproduction) ; Napoléon Bonaparte apporte l’idée de la promotion au mérite selon son travail (Légion d’Honneur) et non pas par droit de « sang ». Les roturiers accèdent aux titres et aux honneurs de la Nation. Napoléon Bonaparte établit la réconciliation avec l’Eglise catholique (Concordat de 1801) dans un pays encore fortement catholique et pratiquant.

Napoléon a apporté la paix, l’ordre (qui s’oppose aux violences révolutionnaires), la stabilité financière et monétaire, la prospérité. C’est un pouvoir monarchique mais qui s’appuie sur le suffrage populaire (plébiscites). Le Code civil de Napoléon était encore valable il y a quelques années, sur certains aspects d’ordre sociétal. Il fait partie de ces fameux piliers mis en place par Napoléon. Lycées, Banque de France existent toujours.

Le processus commencé depuis dix ans (1789 – 1799) s’appelle la Révolution française, révolution bourgeoise qui permet à la France d’abolir définitivement la féodalité, la monarchie absolue de droit divin, les privilèges fondés sur le « sang » (nuit du 4 août 1789). Un régime archaïque appelé Ancien Régime s’effondre au cours de ces années.

Napoléon a consacré les conquêtes de la révolution bourgeoise (droit individualiste, libertés individuelles, liberté religieuse, égalité devant la loi, garantie de la propriété privée). En quelques années, sous l’impulsion d’un Homme d’Etat âgé d’à peine 30 ans, furent posées la plupart des institutions fondamentales sur lesquelles devait vivre la France jusqu’à nos jours.

Napoléon mettait un point final à la Révolution française, tout en consolidant les acquis de cette révolution.

Il est évident que pour nous, peuple martiniquais, il n’est pas question de commémorer car, dans notre histoire, le nom de Napoléon Bonaparte reste associé au décret rétablissant l’esclavage dans les colonies, même si, pour nous, il n’y a pas eu de rétablissement ; l’esclavage n’a jamais été aboli en Martinique puisque nous étions sous domination anglaise à l’époque de la Convention française. Gardons-nous de mélanger Histoire de Martinique, Histoire coloniale de la France, et Histoire de France, dans son récit avec ses pages de gloire et ses pages sombres.

La France est toujours une République bourgeoise défendant bec et ongle les libertés individuelles et le droit de propriété. En cette année des 150 ans de la Commune de Paris, en cette année de pandémie, en ces années de catastrophes naturelles, de réchauffement climatique, de dégradation de nos conditions sanitaires et environnementales, les efforts demandés peuvent paraître comme des atteintes à nos libertés individuelles. Ils sont pourtant nécessaires pour faire face aux fléaux mondiaux.

Il est bon aussi de rappeler que les principes de solidarité et de cohésion, la fin des privilèges et de l’impunité, les projets collectifs, y compris sur des terrains privés, doivent être prioritaires au-delà des eaux glacées des intérêts particuliers.

Marie-Hélène LEOTIN

Professeur d’histoire

Conseillère exécutive