— Par Sabrina Solar —
Le 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a rendu une décision importante sur la très controversée loi Duplomb, apportant des corrections et des censure à certaines de ses dispositions. Bien que la loi ait été en grande partie validée, plusieurs articles clés ont été jugés inconstitutionnels, offrant ainsi une victoire partielle aux défenseurs de l’environnement et de la santé publique.
Réintroduction des néonicotinoïdes : un camouflet pour le gouvernement
L’article 2 de la loi Duplomb, qui visait à réintroduire les néonicotinoïdes, dont l’acétamipride, a été censuré par le Conseil constitutionnel. Cette décision, saluée comme une « victoire pour la santé et la biodiversité », s’appuie sur la Charte de l’environnement de 2005, qui a valeur constitutionnelle. Les Sages ont estimé que l’absence d’un encadrement clair de l’usage de ces pesticides contrevient au principe de protection de l’environnement et de la santé publique. L’acétamipride, un insecticide interdit depuis 2018 en raison de ses effets nocifs, ne pourra donc pas être réintégré dans les pratiques agricoles françaises.
Les mégabassines et l’accès à l’eau : une censure partielle
Le Conseil constitutionnel a également formulé des réserves concernant l’article 5 de la loi, qui facilitait la construction des mégabassines, des réserves d’eau de grande taille destinées à l’irrigation. Si le texte permet toujours de déclarer ces projets d’intérêt général majeur, la décision des Sages ouvre néanmoins la voie à une contestation judiciaire de ces projets, notamment sur leur justification en termes d’intérêt général. Ainsi, les opposants à ces projets pourront désormais saisir le tribunal pour vérifier la légitimité de la qualification de « l’intérêt général majeur », une possibilité qui n’était initialement pas prévue dans la loi Duplomb.
Une loi partiellement validée : les enjeux sanitaires et environnementaux sous pression
Malgré ces censeures et réserves, plusieurs mesures controversées ont été validées. La loi Duplomb autorise toujours l’implantation de fermes-usines et de projets agricoles industriels, ainsi que des facilités pour le pompage d’eau dans les nappes à inertie. Ces décisions laissent un goût amer chez les écologistes et les militants de la santé publique. D’autant plus que, malgré une forte mobilisation citoyenne, les défenseurs de l’environnement regrettent que la loi n’ait pas été retoquée dans son intégralité.
Le rôle de la contestation populaire : une réponse inédite
La loi Duplomb a été largement contestée par des associations, des scientifiques, des médecins et des citoyens. Le succès de la pétition contre le texte, qui a recueilli plus de 2 millions de signatures, témoigne de la mobilisation citoyenne. Cette vague de contestation a pris de court de nombreux élus et forcé l’exécutif à prendre en compte les inquiétudes croissantes concernant la santé publique et la protection de l’environnement. Le gouvernement, sous pression, a tout de même annoncé qu’il promulguerait la loi dans les « meilleurs délais », malgré la censure de certains de ses articles.
Le chemin à suivre : un débat nécessaire
Les écologistes, tout en saluant la censure partielle de la loi, appellent à un débat public plus large et plus éclairé sur le modèle agricole en France. La loi Duplomb, selon eux, illustre les tensions persistantes entre l’agriculture productiviste, les impératifs environnementaux et les besoins des citoyens. Ils exhortent le Président de la République à utiliser l’article 10 de la Constitution, qui permet de demander une nouvelle délibération de la loi, afin d’engager un véritable dialogue sur les enjeux de santé publique, de biodiversité et d’accès à l’eau.
Une décision qui marquera les débats à venir
Cette décision du Conseil constitutionnel constitue un tournant dans le débat sur la loi Duplomb. Si elle empêche la réintroduction des néonicotinoïdes et modifie la gestion des mégabassines, elle laisse néanmoins de nombreuses questions sans réponse concernant la gestion de l’eau, l’agriculture industrielle et la protection de la biodiversité. Le gouvernement devra désormais naviguer entre les pressions des agriculteurs, des associations écologistes et de l’opinion publique, dans un contexte où le modèle agricole français semble plus que jamais à la croisée des chemins.