La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XVI

Chapitre XVI

LA MISSION

« L’injustice est pareille à l’eau qu’on chauffe dans une marmite. Quand elle bout trop longtemps, elle déborde : c’est cela, la révolte.»

(Alexandre Najjar)

L’anéantissement de La Roche – quoique l’historiographie universelle, contrairement à l’immersion d’Héracléion sous les eaux d’Aboukir, au déclin de Babylone avant sa disparition définitive, à la prise de Constantinople par Mehmet II en 1453 pour mettre un terme à l’empire Byzantin, à l’anéantissement de la cité antique de Pétra par un tremblement de terre meurtrier, n’en eût fait point mention – cela n’avait pas réussi pour autant à opiler les voies des espoirs de liberté et des rêves de justice d’une tranche de vie captive de la planète. La conscience universelle que la chaumine de la misère et de la peur avait hiberné, allait donc se réveiller un jour. Elle serait parvenue à s’échapper de la balme de Platon, afin de rejoindre ce « monde intelligible » d’où jaillirent les lumières de la connaissance et de la vérité. Les apôtres d’Apophis, ceux-là qui « servilisaient » leurs semblables, les torturaient dans les bagnes de l’indignité, qui érigeaient les goulags pour les Alexandre Soljenitsyne,.qui pendaient ou fusillaient les Gabriel Péri pour museler la parole, qui affamaient les Lazarre dans les bidonvilles, qui abusaient les Fantine dans les quartiers sans lendemain, qui maltraitaient les Cosette, qui enlevaient les mamelons de la bouche des nouveau-nés, tous – contrairement à « Gœtz », le repenti de Jean Paul Sartre – n’étaient-ils pas condamnés à être calcinés par les flammes de la malignité et dévorés par la foudre de la scélératesse ?

Le temps se réveilla un matin dans le châlit d’un univers excentrique, complètement enfoncé dans « l’empire des morts », comme aurait dit Jean de la Fontaine. La communauté qui y vivait n’avait pas d’identité distincte. L’endroit était irretraçable sur la carte géographique mondiale. Son hétéroclisme, par rapport au reste du monde, était dû aux linéaments du paysage qui le supportait. Les habitants semblaient évoluer dans une époque coupée de la civilisation contemporaine. Les habitats étaient architecturés dans un esprit à l’avenant. Les adultes et les enfants portaient des vêtements satinés, de style médiévalisé, de couleurs blanche, rouge et verte. Les individus se déplaçaient pieds nus dans des nappes de brouillard épais, traversaient des voiles de brumasse qui floutaient les éléments de la nature sauvage, à l’aspect antiquisant. Ces congénères étaient subordonnés à un système d’alimentation saine et équilibrée, afin de conserver la robustesse de leur santé. Ils mangeaient à des heures régulières, convenables et opportunes. Ils s’hydrataient avec de l’eau de source, buvaient du jus de fruits et de légumes purs et frais, qui possédaient des propriétés analeptiques. Aucun signe de mélancolie n’était perceptible sur leurs visages qui rayonnaient comme les reflets du soleil sur la mer bleue des Antilles. Ces étonnantes « créatures» restaient loyalement attachées aux valeurs transcendantes : l’éthique, la solidarité, la vérité, la beauté… Chacun avait les mêmes droits d’accès. Leurs savoirs, comme le fleuve de l’Artibonite en ses jours meilleurs, coulait dans le lit de l’immensité et de la diversité. L’atmosphère sociétale, aurions-nous dit, portait le sceau de l’altruisme. La « communauté » avait entretenu un sens d’organisation exceptionnel. Cette compétence transversale facilitait la bonne gestion du temps, l’utilisation efficiente des savoirs et des ressources matérielles et spirituelles. L’autorité y était exercée par les « Délégués du Conseil des Forces surnaturelles ». Ce sont eux qui prenaient les décisions, adoptaient les mesures qui garantissaient la jouissance des droits de la collectivité, et qui veillaient également à l’accomplissement des devoirs de ses membres qui étaient au nombre de cent quatre-vingt quinze.

D’où venaient ces étranges personnages?

La légende rapportait que l’«Architecte divin » dans la conception chrétienne, le « Monarque universel » d’après l’islam, le « Grand Maître » selon l’approche vodouisante, « Brahma », le responsable de la naissance de l’univers pour les croyances hindoues, l’un ou l’autre avait la mort dans l’âme à cause des mauvais agissements d’une catégorie de terriens qui n’avait pas arrêté d’enfreindre les Lois de la nature. Ces forbans, qui inspiraient le dégoût, la répugnance, étaient devenus, aux yeux des divinités, des mécréants déloyaux, des infidèles coriaces qui incommodaient et empoisonnaient « l’esprit de la Création ». Ils se révélaient comme des sources réelles de nuisance et de ruine pour autrui. Partout, ils avaient semé la haine, la discorde, la division, le désespoir, la misère et la violence. Comme le Diable de Jean-Paul Sartre, les caïnistes de ce siècle, à leur tour, s’étaient emparés de l’univers « pour faire le Mal », puisque le « Bien », auraient-ils rappelé, avait été déjà fait.

Les « Messagers des Forces surnaturelles », composés de neuf membres – sept hommes et trois femmes – attendaient au complet dans la grande salle des réunions occultes et des communications ésotériques. La porte d’entrée s’ouvrit et un homme éthéré au trait grave, dont l’âge oscillait entre vingt-cinq et trente ans, y fit son apparition. D’un pas assuré, l’inconnu traversa la salle éclairée par des chandelles de cire montées sur des candélabres disposées tout le long des murs ombrés de l’édifice. Les mains jointes, à l’instar des prêtres catholiques pour signifier leurs sentiments de loyauté et leur volonté de soumission au « Père céleste », il s’arrêta à quelques pas des « Créatures bizarroïdes ». Tout en maintenant ses « organes de la préhension » appuyés contre sa poitrine musclée, le spécimen s’inclina révérencieusement de la tête. Son visage séraphique faisait scintiller la lumière de la sagesse, chatoyer les reflets de la connaissance et allumer les luminaires de la raison. Le court moment de mutisme crispa davantage l’atmosphère. Le « Délégué en Chef », un vieillard avec une barbe de broussailles, assis sur son trône, entouré de ses assesseurs, commença à énoncer des paroles sibyllines. Sa voix était à la fois grave, calme et caverneuse.

Merci d’être là, mon fils, commença Themistokleous, le « Missionnaire principal ». Cela fait déjà longtemps que vous vivez parmi nous. Vous n’avez jamais su qui nous sommes et qui vous êtes… Nous vous avons convoqué afin de lever le voile sur le mystère. C’est donc aujourd’hui pour vous « un moment de vérité »! Mes camarades et moi sommes venus de loin… Nous avons pris une apparence humaine pour remplir la mission que le « Protecteur » nous a confiée. Nous appartenons au « Royaume des Forces invisibles » et notre « Divin Monarque » nous a commandé de détourner vos sociétés des sentiers de la perdition. L’estramaçon de la malédiction est suspendu sur leur tête. Ces damnés sont condamnés à être brûlés dans la vallée de Hinnom. Ils seront anéantis, exterminés, où qu’ils soient, jusqu’au dernier. Vous tous qui demeurez dans ce lieu énigmatique, vous tous, dis-je, avez un rôle historique à jouer pour que cette prophétie soit accomplie. Nous ne parlons pas de l’avènement parousiaque, celui qui évoque le retour du Nazaréen qui viendra établir le Royaume de son Père sous les cieux, selon la foi chrétienne. Vous êtes les échantillons humains – comme au temps de la première extinction des êtres et des choses – au moyen desquels la Terre recroîtra. En continuant à vous multiplier, vous doterez la Planète d’une génération d’individus intègres, doués de sagesse, remplis de bonté et débordés de générosité. Ils ne seront pas des citoyens d’un pays, d’un État, d’un peuple, d’une nation, mais des citoyens du monde. Ils se feront connaître comme des gens responsables, des individus capables de s’autoprotéger, de cohabiter sans s’autodétruire, des personnes susceptibles de vivre en paix, en harmonie, sans se faire la guerre pour des richesses que la nature a créées pour le bien-être matériel et spirituel de tous, indistinctement. Ils jouiront des mêmes droits civils et politiques. Seront astreints aux mêmes devoirs et aux mêmes règles de vie. Vous formez un agrégat cosmopolite. Chacune et chacun de vous appartient à une culture différente. Vous êtes donc une communauté hétérogène. Grâce à vous, il n’y aura ni race ni patrie dans l’univers, mais seulement des groupes humains qui apprendront et pratiqueront l’art de vivre ensemble. Le « Maître » a créé la Terre. Il n’a pas découpé des « portions de territoires » délimitées par des fils de fer barbelés. Les frontières sont historiques. La Planète est une et indivisible. Il faut la ramener à son état naturel. Le vent doit recommencer à souffler librement du Nord au Sud, de l’Ouest à l’Est. Sans contrainte. Vous avez été enlevés de vos foyers, à l’insu de vos parents respectifs, dès l’âge de deux ans pour être conduits parmi nous. Nous vous avons instruits, éduqués, transmis les techniques de la guerre. Car c’est la « violence » constructive qui pourra combattre la « violence » destructive. Souvenez-vous de la légende de Noah et de sa famille. Le « Guide Souverain » a compris qu’il fallait privilégier la méthode qui consiste à vaincre le « Mal » par un autre « Mal », comme dans la tragédie d’Abel et Caïn. Nous faisons allusion au « Mal » qui symbolise la « Vie », et non pas la « Mort ». Vous êtes devenus des guerrières et des guerriers redoutables. Grâce à vous, une nouvelle civilisation déploiera ses branches sous le soleil comme le baobab. Bientôt, ce sera la « fin d’un monde », et ce sera aussi le début d’un « nouveau monde », un monde où les êtres et les choses seront réhabilités dans la plénitude, dans la gloire et dans l’équité, selon les préceptes originels. Le « Sage Suprême » a attendu longtemps avant de réagir – comme il va le faire – pour éradiquer la stupidité et la folie parmi l’espèce humaine. Le revirement de comportements, le changement d’attitudes qu’Il attendait chez les terriens ne se sont pas manifestés. Votre véritable nom est Sauveur…! Vous venez d’un petit village qui s’appelle La Roche et qui s’apprête à devenir dans peu de temps le théâtre d’une affreuse tragédie. La Roche, malgré son eschatologie de malheurs, deviendra aussi, par la Prophétie, le symbole puissant de la renaissance d’un monde conforme à la justice, où chaque personne aura les mêmes chances, les mêmes droits, les mêmes devoirs, les mêmes responsabilités les unes envers les autres. Aucun être humain n’est illégal, et cela, dans n’importe quelle partie du monde. Le cosmos redeviendra un patrimoine commun : un patrimoine qui a appartenu aux générations passées, qui appartient aux générations présentes, et qui appartiendra aux générations futures. Nous ne pouvons absolument rien faire pour gommer ou modifier les Écritures, et enrayer la dictature du destin. Les terriens sont des créatures malheureuses. Après la « désobéissance génésique », ils ont pratiqué l’iniquité, entretenu la ségrégation, perpétré des actes délictueux et criminels. Ils ne sont pas arrivés à dominer leur nature égocentrique. Ils n’ont pas bien géré l’héritage de la « Création ». L’« ivraie » a poussé plus vite que le « blé ». Les hommes et les femmes étouffent la « voix de  leur conscience »; ils choisissent le chemin qui mène à la profanation du sacré. Ils pratiquent la malveillance, le mépris, l’indifférence et l’arrogance. Ils privilégient le superflu et négligent le fondamental. C’est pourquoi ils sont condamnés à « disparaître » pour ne pas « disparaître », à « pleurer » pour pouvoir « rire », à « souffrir » pour se « guérir ». Bref, à descendre dans l’« abîme » pour remonter à la « lumière… » Certains d’entre vous qui demeurez dans ce camp survivront au naufrage de l’univers. Pendant la « nuit de l’apocalypse », les échos des pleurs et les braillements des douleurs couvriront la Terre et planeront sur l’océan. Vous avez été sélectionnés afin de préparer les semailles miraculeuses pour la reviviscence de la « Création ». Camarade Sauveur, Nous sommes chargés ce soir de vous révéler la volonté du « Saint des saints », Celui qui habite dans les lieux très hauts, qui observe en silence, qui agit avec patience, qui tranche dans la justice, qui applique l’ordre, qui impose le respect, qui pratique la discipline et qui éprouve la commisération. Le « Maître » a décidé de vous dévoiler dès cette nuit la grande mission pour laquelle vous avez vécu parmi nous, loin de votre peuple. Tout se déroulera pendant votre sommeil. Sa langue sacrée vous révèlera la teneur de la tâche qu’Il vous aura confiée et vous obéirez à la lettre à toutes les instructions qu’Il vous aura données. Vous devez aller vous coucher avant minuit. Vous tracerez un grand cercle au centre de la pièce principale de votre demeure, vous porterez un vêtement de nuit de couleur rouge, vous allumerez quatre cierges que vous placerez en direction des points cardinaux, ensuite vous dormirez à l’intérieur de l’espace délimité, couché à même le sol, le corps aplati et allongé sur le dos. L’Esprit du Maître transporté sur une nuée phosphorescente viendra prendre possession de votre âme et de votre chair. Vous serez plongé dans un état de léthargie dû au phénomène amphigourique qui engendre le mystère de la séparation du corps astral et du corps matériel : ce que l’on appelle dans la philosophie d’Hermès Trismégiste, l’hermétisme, le « dédoublement corporel » ou la « décorporation ». Vous serez partout à la fois. Votre enveloppe charnelle restera emprisonnée par le sommeil. L’âme se matérialisera au besoin, en s’appropriant vos traits physiques pour que vous puissiez agir parmi les humains sans être soupçonné, sans ressentir aucune crainte et sans courir aucun risque. Les « Forces Surnaturelles » vous rendront invisibles, invincibles et invulnérables. Le célibat vous a été imposé par l’«Honorable Chef Spirituel ». Il en a fait l’une des vertus cardinales, indispensables à l’accomplissement de votre mission vitale. La délivrance de La Roche sera le symbole d’une Libération globale. Sauveur, mon fils, agenouillez-vous, nous allons procéder au rituel de la purification de votre âme et de votre corps, les préparer à la rencontre du « Vénérable ». Joignez-vous à moi mes sœurs et mes frères, distingués « Délégués du Grand Corps des Invisibles ».

Les « Occultistes » formèrent une circonférence autour de Sauveur qui gardait ses yeux fermés. Le poids de son corps robuste et puissant s’écrasa sur ses genoux. Ils passèrent leur bras droit derrière leur dos, étendirent celui de gauche sur la tête de l’initié apparemment calme, mais chevauché au fond par Psyché – la déesse de l’âme et de l’émotion – et entreprirent un long cérémoniel de conjuration qui consistait à interpeler les « puissances ésotériques » de l’intelligence, de l’énergie et de la vengeance, de la liberté individuelle et politique, de la stratégie de la guerre qui sont représentées dans la mythologie grecque par la déesse Némésis, le dieu Arès, les déesses Éleuthéria et Athéna. Les voix des « Messagers spiritualistes » résonnèrent à l’unisson dans la salle modestement aménagée et simplement décorée.

« Esprit de lumière
Qui dominez sur les ténèbres,
Esprit de délivrance
Qui régnez sur Bélial,
Guidez les pas de Sauveur.
Purifiez son âme
Et son corps,
Éclairez ses pas
Dans la noirceur
De l’abîme,
Accompagnez-le
Sur le chemin difficile
De Votre Volonté immuable.
Que son corps
Et son âme résistent
À toutes les épreuves,
Traversent tous les obstacles,
Enjambent toutes les barrières
Pour l’accomplissement
De Votre Gloire immortelle
Et pour la conservation
De Votre Règne perpétuel!
Ô Sauveur,
Par la toute puissance
Des Forces Invisibles,
Par la miséricorde
Du seul Juste
Parmi les injustes,
Votre âme et votre chair sont purifiées.
Vous marcherez sur la tête
Des scorpions de persécution.
Vos pieds bénis écraseront
La tête des serpents
De malfaisance :
Car Celui qui fut,
Guidera toujours vos élans
Vers les écluses
De l’équité et de la moralité.
Au retour de la pleine lune,
Les arbres géants,
Avec leurs branches
Courbées sous le poids
De leurs feuilles verdoyantes
S’inclineront jusqu’au sol
Pour louer votre force libératrice
Et pour psalmodier
Vos bras triomphants.
La forêt tout entière
Se mettra debout
À votre passage,
En signe de respect
Et d’hommage
À vos exploits héroïques.
La verve et le glaive
Vous indiqueront
Le sentier qui conduit
À la régénérescence
De la dignité humaine.
Vous attendent depuis des siècles,
Ceux qui marchent
Et qui s’effondrent
Dans le désert torride
De la mort.
Que notre supplication,
Ô Grand Sage,
S’élève au-delà des nuées
Pour atteindre le Trône
De Votre Sainteté,
De Votre Miséricorde
Et de Votre Justice.
Que le Royaume à venir soit!
Qu’Il soit dès aujourd’hui,
Demain et jusqu’aux siècles des siècles!
Ô qu’Il soit à jamais!
À tout jamais! »

 

Une femme parmi les « Habitants » de l’exosphère, au visage radieux, qui exerce, sans doute, un rôle de Thuriféraire, se détacha du groupe pour aller chercher l’encensoir qui se reposait sur une table recouverte d’une nappe blanche, rouge et verte, placée au fond de la salle où étaient éparpillés d’autres objets sacrés qu’on utilisait dans les cérémonies d’invocations spirituelles. Sur le même support, on pouvait clairement distinguer dans la pénombre la navette qui contenait de la myrrhe et de l’encens. Pendant que la Déléguée Thémisia encensait le corps du jeune homme, une autre collègue, Eirénée, faisait brûler de l’assa-fœtida sur du charbon de bois dans un cabaret argenté pour la liturgie de l’exorcisme et de la purification. Le « Chef du Corps », Themistokleous, se rapprocha de l’impétrant, étira son bras droit, écarta ses doigts et empoigna la tête de l’homme demeuré toujours en position d’agenouillement, et il entonna une prière chantante de révolte et de vengeance.

« Qui arrêtera le vent de la fureur,
Lorsque le courroux des justes
Embrasera le désert ?
Qui se portera au devant
De la colère des Esprits
Lorsque retentira la trompette
De la vengeance des innocents?

Nous sommes les créatures de l’au-delà.
Nous portons la nouvelle de la joie
Pour sécher les larmes des douleurs
De l’humanité captive.
Nous sommes les Hérauts de la félicité.
Demain la vie recommencera.
Demain « Diane » reviendra,
Et la cité s’illuminera.
Demain la vie recommencera.
Et la cité se relèvera. »

Les « Émissaires du ciel » firent neuf fois le tour de Sauveur resté à genoux, avant d’exécuter les danses de purification et de guerre autour des trois colonnes centrales du mini-tabernacle qui supportaient le toit cathédrale, et qui étaient badigeonnées de messages énigmatiques, rédigés en caractères hiéroglyphiques. Ensuite, ils invitèrent le jeune homme à se relever et à s’abandonner à la poussée de liesse contagieuse. Ils chantèrent, dansèrent, puis récitèrent ensemble des prières de gratitude et de louange, qui clôturèrent le rituel initiatique.

« Ô Protecteur Invisible »,
Vous nous avez rachetés du malin!
Nous célébrons Votre Grandeur
Et Votre Miséricorde!
Des liens de la mort,
Vous nous avez délivrés.
Par Votre Toute Puissance,
Nous ne craignons
Ni le vent de l’Angélus
Ni la tempête de minuit.

Ô Saint des saints,
Vous êtes notre Guide infaillible
Et notre Protecteur infatigable.
Marchez toujours devant nous.
Sur les traces de Vos Pas,
Nous voulons continuer à déposer les nôtres.
Longue vie aux ambassadeurs de la félicité!
Longue vie aux gardiens des Droits et Libertés!
Longue vie au « cénacle de l’eugénisme »
Qui œuvre pour le monde à venir…!

Peu avant l’heure fatidique, le nommé Sauveur fut renvoyé par les « Légats du Prophète Suprême » qui règne dans les airs, prédomine sur la terre et subjugue les vagues de l’océan. Il était retourné dans la demeure où il vivait seul depuis qu’il avait atteint l’âge de raison, et il avait suivi à la lettre les instructions des « Envoyés du Royaume immortel ». Tout s’était déroulé cette nuit-là comme les « Créatures anthropomorphes » le lui eussent annoncé. Cependant, les secrets de cette rencontre féérique, au cours de cette nuit d’ombre tourmentée, restèrent scellés à jamais dans le coffret des mystères rattachés aux littératures métaphysiques. Cependant, tout ce que l’on avait su par la légende, c’était qu’un oiseau géant, avec des ailes de feu, aurait transporté le vingtenaire sur une île lointaine, située dans l’océan Atlantique, une île morcelée, habitée par deux peuples qui vivaient « comme chien et chat », malgré qu’ils fussent tous les deux martyrs de la déportation et victimes de la servitude involontaire.

Robert Lodimus

La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre

(Dix-septième et dernier extrait : Chapitre dix-sept, La Résurrection)