Laurent Phénis, alias« Bambouman » « La musique permet la communion avec l’univers… »
Entretien de Rodolf Etienne avec « Bambouman », artiste, musicien, sculpteur de sons et de liens cosmiques
Dans une réalité globale saturée de sons formatés, la musique de Laurent Phénis, alias « Bambouman » ouvre une large brèche vers le sensible, en droite et légitime quête de l’universel. À la croisée des mondes et des traditions, ce génial musicien, profondément martiniquais, nous invite à un voyage sonore sans frontières, où chaque note résonne d’humanité, de nature et de liberté.
Avec sa musique, Bambouman trace un sillage singulier. Un chemin d’écoute, de résilience, de liberté. Un souffle nouveau, venu de la forêt tropicale martiniquaise, qui murmure à l’oreille du monde que l’harmonie est possible.
De la musique, oui, mais aussi de l’amour et une grande humanité en partage…
Rodolf Étienne : Lors de ton dernier concert, il y a quelques semaines sur la scène du centre culturel Marcé, à Saint-Joseph, tu as rendu compte d’une très nette évolution dans ton imaginaire musical, comme un aboutissement, par une grande présence scénique, une aura particulière. Il y avait là bien plus qu’un simple travail de sonorité, il y avait quelque chose d’une véritable philosophie en partage…
Bambouman : C’est vrai que ma recherche musicale va au-delà de l’esthétique simple. J’essaie de toucher à quelque chose d’humain, de profond, de sensible. La musique, pour moi, engage l’esprit, la pensée, l’écoute. Elle devient effectivement une philosophie de vie, une manière d’approcher le monde, l’univers, l’autre aussi, à travers le partage, la joie, l’amour, oui.
Rodolf Étienne : Tu dis, avec humilité, que ta musique prend source dans la nature même…
Bambouman : Oui. La nature, c’est en elle que je puise les racines profondes de ma musique. Mais c’est aussi une connexion avec le cosmos, la totalité qui nous entoure. Ma musique veut dépasser les frontières, briser les barrières, élargir l’horizon. Elle est influencée par différents continents, différentes temporalités, différentes humanités : amérindiennes, africaines, asiatiques… Et elle est toujours ouverte vers l’autre, vers l’extérieur.
Rodolf Étienne : On y entend aussi des sonorités jazz, électro, et même des influences rock. Quel est ton rapport justement à cette musique, aujourd’hui encore ?
Bambouman : Le rock, c’est ma base musicale, c’est clair. En France, j’ai débuté dans la musique comme batteur dans des groupes de rock. Cette énergie est toujours restée en moi, même si elle s’est transformée avec le temps. En Martinique, ma musique a changé de couleur, les influences ont varié, évolué, elles se sont accumulées, mais le feu du rock est encore là, en filigrane.
Rodolf Étienne : Quand tu joues, est-ce pour toi un grand voyage ?
Bambouman : Toujours, oui. Et je me connecte à plus grand que moi, aux éléments. Je me sens canal, intermédiaire, média. Ce que je reçois, je le transmets. C’est une manière d’apporter du merveilleux, de la joie, de proposer un peu de ma part de vérité.
Rodolf Étienne : Ta musique semble vouloir porter un message… Dire une vision du monde… Un discours à partager…
Bambouman : Je ne cherche pas à imposer un message. Je cherche plutôt à faire vivre une sensation, une émotion, un sentiment. Pour moi, le seul vrai engagement, le seul vrai message, c’est la liberté d’être soi sans nuire à l’autre. La musique peut accompagner cette quête-là et permettre cette forme d’échange, dans le respect, dans la fusion et dans la joie. Pour moi, c’est très important.
Rodolf Étienne : Tu as évoqué des racines musicales amérindiennes. C’est une influence importante pour toi, un patrimoine qui a du sens ?
Bambouman : Oui, surtout que mes instruments, je les fabrique à partir de la forêt martiniquaise. Il y a effectivement un clin d’œil fort aux Amérindiens, mais il y a aussi une ouverture vers d’autres peuples autochtones, des Indiens d’Amérique aux Pygmées d’Afrique ou d’Australie. Et je dois dire que parfois même, des sonorités russes, slaves, surgissent dans ma musique… En fait, j’accepte toutes les influences qui viennent à moi. Je laisse venir ce qui vient et je retransmets à mon tour.
Rodolf Étienne : Effectivement, tu fabriques toi-même la majorité de tes instruments ?
Bambouman : Oui, en fait depuis des années. Bambous, calebasses, percussions hybrides… Ensuite, je les électrifie, je les relie à des synthétiseurs. Je mixe de cette façon tradition et modernité.
Rodolf Étienne : Tu as déjà eu l’opportunité de jouer au Ghana, au Sénégal, au Pérou, en Colombie, en Hongrie… Des destinations très variées. Est-ce important pour toi de faire rayonner ta musique hors de ses frontières ?
Bambouman : C’est vital, oui. Surtout que partout où je suis allé et où j’ai joué, je me suis senti accueilli comme un frère, comme un ami, avec énormément de sympathie. La musique m’a offerte de belles rencontres, ici, en Martinique, et ailleurs aussi. Mon rêve, c’est de continuer à voyager, à rencontrer d’autres peuples, à vibrer avec eux depuis ma terre-mère, la Martinique. Partir du particulier pour atteindre l’universel, toucher le public d’ici et d’ailleurs.
Propos recueillis par Rodolf Étienne
De Laurent Phénis à Bambouman : Du rock à la bamboumuzik
Laurent Phénis, Bambouman, est un artiste pluridisciplinaire, auteur-compositeur, multi-instrumentiste et créateur d’instruments de musique en bambou. Il combine musique, arts plastiques et vidéo, mettant également en avant ses créations instrumentales, ses instruments, réalisées à partir de bambou et de calebasses.
Né à Paris d’une mère métropolitaine et d’un père martiniquais, Bambouman a été très tôt bercé par des genres musicaux tels que le jazz, le blues et la soul. Autodidacte, il a appris à jouer de plusieurs instruments, notamment la batterie, la guitare et la basse, et a commencé à composer ses propres chansons dès son adolescence.
Ayant grandi dans l’Hexagone, il s’est installé en Martinique il y a plus de 30 ans, où il a été profondément inspiré par la diversité naturelle et culturelle de l’île. C’est au cœur de la forêt tropicale qu’il a commencé à fabriquer ses premiers instruments en bambou, donnant ainsi naissance à la Bamboumuzik. Un concept musical unique qui fusionne des influences variées, allant du jazz à l’afrobeat, en passant par les musiques amérindiennes, asiatiques et les sonorités traditionnelles martiniquaises, créant ainsi une musique fluide et vivifiante qui invite au voyage intérieur en même temps qu’à la redécouverte du monde alentour.
Plus d’infos :
Site Internet : https://www.bamboumuzik.com/
YouTube : https://www.youtube.com/@bamboulaurentphenis/
« Nanmkonoko » : Bambouman à Tropiques-Atrium
Vendredi 30 mai, à 19h30, salle Frantz Fanon, Tropiques-Atrium, retrouvez Bambouman pour son spectacle musical « Nanmkonoko », avec Phélia Zami, Lisa Cilla, Hervé Héry.
Tarif : 5 et 10 euros. Contact : 0596 70 79 29.

La musique de Bambouman est littéralement envoûtante. Un pur bonheur des sens.