Encombrement poétique à la Martinique

— par Selim Lander —

Samedi 3 juin se déroulaient dans le cadre du festival de poésie « Balisaille » des rencontres avec des poètes à Saint-Esprit et dans d’autres communes de l’île, tandis que Fort-de-France accueillait la deuxième édition des « Figures des Femmes ToTeM ». Étant dépourvu du don d’ubiquité et Balisaille se prolongeant tout au long de la semaine prochaine, ce qui nous donnera certainement l’occasion d’en reparler, nous étions donc présent à l’Atrium pour écouter les femmes poètes. C’est en effet dans la grande salle de l’Atrium que cette séance avait été délocalisée in extremis du Théâtre municipal affecté par la grève du SERMAC. Bien que a priori trop grande pour recevoir un spectacle de poésie, le nombre de spectateurs potentiels (sans parler de la situation de concurrence exceptionnelle ce soir-là) pour un tel événement étant forcément limité, la salle Aimé Césaire s’est avérée finalement plus adaptée qu’on aurait pu le penser.

C’est que le spectacle en question tenait tout autant du music-hall, avec changement de costumes entre chaque prestation des poétesses (!) que du récital de poésie. Le titre, « Majestik Poésik, Symphonie de femmes » laissait déjà deviner, au demeurant, l’ambition d’aller bien au-delà de la simple déclamation de poèmes. Le grand plateau de la salle Aimé Césaire ainsi que sa sonorisation de qualité étaient en réalité ce qui convenait pour loger un orchestre de cinq musiciens plus deux choristes et faire évoluer une danseuse, en plus, bien sûr des poétesses disant ou chantant leurs textes.

Comme les musiciens, les poétesses étaient cinq, soit Chantal Clem, la meneuse de revue, martiniquaise comme Nicole Cage, Dania Amacin de Saint-Martin, Louisette Symphor de la Guadeloupe (photo) et last but not least Christina Goh, parisienne de naissance mais de père ivoirien et de mère martiniquaise. Leurs textes tournent tous autour des problématiques identitaires, qu’il s’agisse de la femme en général ou de la femme noire.

La musique jazzy dirigée par Jean-Pierre Thierry, alias Mr. Groove, servait et magnifiait les poèmes, sans compter que Christina Goh est une remarquable chanteuse : auteur-compositeur de ses textes et de leur musique, elle les interprète superbement, ce qui justifie qu’on l’ait parfois surnommée la « perle noire de l’afro-blues » !

Le sommet de la soirée fut pourtant d’une nature très différente. Au milieu du spectacle la musique s’est tue, la plateau s’est vidé pour laisser la place à une femme seule, vêtue d’une simple robe blanche lui descendant jusqu’aux pieds. Et la parole poétique s’est alors véritablement libérée. Pour dire l’amour de la Martinique où l’on vire et vit, mais tout autant de l’âge qui nous transforme pour le meilleur et pour le pire et surtout la révolte contre tous les malheurs, toutes les cruautés, toutes les abominations du monde. Pour dénoncer le martyre du peuple palestinien et, au-delà de ce cas particulier et actuel, l’inhumanité qui semble être ce qui caractérise le mieux tant de nos « frères humains ». C’était la grande Widad Amra.

Widad Amra

 

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Le Théâtre municipal vient d’annoncer que les représentations de L’Alchimiste, du 8 au 10 mai, étaient annulées. C’est d’autant plus dommage que cette pièce était une rare occasion, cette année, de voir une troupe venue d’ailleurs.

Mais que les habitués de ce théâtre se rassurent. Les 6 et 7 juin, ils pourront voir hors programmation Théâtre sans animaux de Jean-Michel Ribes par la troupe L’Art Gonds Tout !