5 mars 2020 : le Jour du dérèglement en France

Le 5 mars 2020, l’Etat français est à découvert climatique. C’est ce que les organisations de l’Affaire du Siècle ont calculé, pour la première fois, en se penchant sur l’objectif de neutralité carbone que l’Etat français s’est lui-même engagé à atteindre pour 2050. Résultat : nous sommes encore très loin du compte. Le 5 mars 2020, soit en seulement 2 mois et 5 jours, la France a émis autant de gaz à effet de serre que ce qu’elle devrait émettre en une année entière si elle respectait cet objectif de neutralité. Jusqu’à la fin de l’année 2020, la France va creuser sa dette climatique, alors que nous sommes déjà nombreuses et nombreux à témoigner des effets concrets des changements climatiques.

Qu’est-ce que le Jour du dérèglement ?

L’Etat français s’est donné pour objectif d’être neutre en carbone en 2050, objectif inscrit dans la loi énergie-climat de 2019 et conforme à l’Accord de Paris. Cet objectif, que l’Etat s’est lui-même fixé, signifie que, chaque année à partir de 2050, la France ne pourra rejeter dans l’atmosphère que 80 mégatonnes de CO2, car c’est le seuil maximal de ce que notre biosphère (océans, forêts…) est en capacité de stocker.

L’Affaire du Siècle s’est penchée sur la question, pour mesurer le chemin qu’il reste à parcourir afin de respecter cet objectif, et avec celui-ci l’ambition de neutraliser l’impact de la France sur le climat.

Résultat : le 5 mars 2020, la France a d’ores et déjà émis ces 80 mégatonnes de CO2. En 2 mois et 5 jours, la France a donc épuisé son compte carbone et vit à découvert jusqu’à la fin de l’année.

La planète ne disposant pas de son propre banquier pour venir demander des comptes à l’Etat français, l’Affaire du Siècle se saisit de la question. L’Etat ne peut pas se permettre de creuser sa dette climatique – dette que nous paierons, et payons déjà, toutes et tous. Il est temps d’agir, rapidement, pour régulariser la situation.

Une date qui illustre l’urgence d’agir et le retard déjà pris

5 mars 2020 – 31 décembre 2020 : voilà le fossé qui nous sépare de l’objectif de neutralité carbone.

Il est évident que nous ne demandons pas à la France de devenir neutre en carbone du jour au lendemain. Mais le fait que le Jour du dérèglement arrive si tôt dans l’année montre tout le chemin qu’il reste à parcourir pour que la France cesse d’alimenter la crise climatique.

 

En 2017, le Jour du dérèglement était le… 3 mars ! 2 jours de gagné en 3 ans ! Au regard de l’(in)action climatique de l’Etat français, le retard ne fait que s’accumuler face à l’urgence de la situation. Au rythme actuel – au regard de la moyenne de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 2011 à 2017 – la France atteindra la neutralité carbone en 2085. La planète et les générations à venir n’ont pas le luxe d’attendre cette date.
Moins d’une génération pour tout changer

Cette date du Jour du dérèglement nous dit une chose : il nous reste 30 ans pour tout changer. Moins d’une génération pour atteindre la date du 31 décembre. Moins d’une génération pour mener une transformation sans précédent de tous les systèmes : énergie, alimentation, transports, logement, industrie, gestion des terres.

Il n’y a plus un jour à perdre. Plus l’Etat tarde à agir, plus l’atteinte de la neutralité carbone est compromise et risque de se faire dans la douleur pour une grande partie de la société.
Alors 30 ans, oui, ça peut paraître long. Mais, si on regarde le peu de chemin parcouru ces 30 dernières années, on peut aussi se dire que c’est très court. Quelques exemples :

En 30 ans, les émissions de gaz à effet de serre de la France ont baissé de 19%. Elles devront être divisées à nouveau par plus de 5 ces 30 prochaines années pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Entre 2015 et 2018, les émissions ont baissé de 1,1% par an en moyenne alors que l’objectif était de 1,9% par an. Et passera à 3,3% à partir de 2025. Même ces dernières années, alors que la prise de conscience de l’urgence climatique est chaque jour plus forte, les actions prises sont bien en deçà ou contradictoires avec les objectifs fixés.
En près de 30 ans, les émissions liées au secteur des transports ont augmenté de 10%, alimentées par la croissance de la demande et les politiques des gouvernements successifs faisant du transport une priorité.
Dans le secteur du bâtiment, les progrès sont encore trop lents. Même si les émissions de ce secteur ont baissé de 10% entre 1990 et 2018, ce secteur représente encore 19% des émissions françaises en 2018. Surtout, les émissions du secteur ont diminué de 1,5% depuis 2015, alors que les objectifs officiels fixaient une baisse de 5,5%. 12 millions de personnes sont encore en situation de précarité énergétique et 7 millions de résidences principales sont encore des passoires énergétiques en attente de rénovation.

Alors maintenant, on fait quoi ?

Le Jour du dérèglement n’est pas celui du désespoir, pour une simple et bonne raison : les solutions pour faire reculer cette date du 5 mars existent bel et bien et permettraient de répondre tant à la crise climatique qu’à la crise sociale.

Le problème, nous sommes chaque jour plus nombreuses et nombreux à en connaître une de ses composantes majeures : le refus de l’Etat français de mettre en oeuvre les mesures indispensables – et promises – pour protéger la population, assurer l’avenir des prochaines générations et la justice sociale.

Ces solutions, l’Affaire du Siècle les défend à travers son recours en justice contre l’Etat français. Le fait que le Jour du dérèglement arrive aussi tôt dans l’année confirme que la France est encore loin de tenir ses engagements de neutralité carbone et que l’Etat français n’applique pas les objectifs qu’il s’est lui-même fixés. Ce non-respect est au coeur de l’action juridique de l’Affaire du Siècle.

Sur la décision du juge, nous avons le pouvoir de faire reculer cette date, le plus vite possible, et de baisser les émissions de gaz à effet de serre émises par la France. C’est pourquoi les 4 organisations à l’origine de l’Affaire du Siècle – la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France, Notre Affaire à Tous,et Oxfam France – continuent de porter ce recours en justice et poursuivent le travail avec les avocats. L’Etat n’a pas encore répondu.

Nous maintenons la pression, avec le soutien de plus de 2 millions de citoyennes et de citoyens ayant signé la pétition en soutien.

Cette pression citoyenne, nous l’exerçons également à travers l’appel à témoignages lancé en décembre dernier. Près de 20 000 personnes ont déjà participé, pour dire l’impact des changements climatiques sur leur vie. Ces témoignages sont précieux, et rappellent directement à l’Etat l’urgence d’agir, alors que la population vit dès aujourd’hui les conséquences du dérèglement climatique.

Continuons d’agir ensemble ! Vous aussi, devenez #TémoinDuClimat !

Je témoigne
Faites connaître le #JourDuDereglement autour de vous !

Source : L’Affaire du Siècle