Un petit tour au Centre Pompidou : rétrospective César, Sheila Hicks, Jim Dine

— Par Dominique Daeschler —

Rétrospective César :

Le grand pouce de 6m de hauteur en bronze poli dressé sur l’esplanade ne manque pas de nous faire penser au signe utilisé dans les combats de gladiateurs : enfin semble dire César, nous y voilà ! A trop jouer les stars, l’institution l’avait snobé !
L’exposition thématique suit l’artiste dans cinq grands modes d’expression qui cohabitent parfois, nous renvoyant à l’importance essentielle que l’artiste accordait aux matériaux et à la conquête de nouvelles techniques. Allant glaner aux puces, chez les brocanteurs ou dans les « casses » où il se laisse fasciner par les compresseurs, César joue des formes, fait matière à partir de rebuts, d’objets de la vie quotidienne, fait sculpture, l’exprimant dans une perpétuelle mutation.
Les fers soudés
lui permettent en utilisant la soudure à l’arc de travailler avec souplesse, de cisailler, écraser en utilisant boulons, clous, vis…. De la ferraille naissent des animaux (poules, chauves souris) et déjà une série de grands panneaux reliefs avec des morceaux froissés (ailes et plaques de voitures) annonce les compressions et son goût de la polychromie.
Les compressions
César se saisit de ces voitures compressées de façon cubique dans les « casses » les considérant comme sculptures à part entière puis les travaille, en formes, matières, couleurs en choisissant certains éléments et le degré de compression. Nait la série des compressions murales où les voitures sont aplaties et suspendues comme un tableau gardant comme une délicatesse l’intégralité d’un volant ou d’un tableau de bord. De voitures réformées il passera à la compression de voitures neuves de grand prix, jouant de couleurs criardes (La suite milanaise).
Les empreintes humaines
César utilise la résine synthétique et le moulage (pouce, sein). Cette série est sans doute celle qui suscite le moins d’intérêt, elle poussera César à chercher une matière qui lui permette de jouer au dernier moment sur forme et volume lors de happenings en public c’est le passage aux expansions avec de la mousse de polyuréthane et du fréon : il reprend ainsi certains moulages (sein) et arrivera, en améliorant sa technique à faire du « dur », à transposer, ce qui semble bien une constance de César : refaire avec ce qu’on a conquis en termes de techniques et quitter l’éphémère.
Enfin les enveloppages d’objets (téléphone, chaussures) emprisonnés dans des feuilles de plexiglas passées à l’étuve témoignent encore de sa volonté d’obtenir un tout à partir d’éléments divers, de trouver dans la fusion des matières une façon d’arrêter le temps.
Une exposition dont on retiendra le savoir faire de César, avec le plaisir de découvrir loin du gigantesque de toutes petites compressions travaillées comme des bijoux où pointe un tant soit peu l’émotion.

SHEILA HICKS, lignes de vie
Au rez de chaussée du Centre Pompidou, face au brouhaha d’un quotidien citadin, les œuvres tissées, ajustées, nouées d’une « grande dame » insolite, jouant la densité d’une forêt équatoriale ou la solennité de lianes en parade.
Sheila Hicks mélange ses souvenirs, ses rêves, se foutant éperdument de la catégorie artistique dans laquelle on ne manquera pas de la classer. Est-ce du design, de la décoration ? Peine perdue ! Ce sont des matières (coton, corde, soie, laine, dentelle, carton…) traitées avec des pratiques inspirées de l’Amérique précolombienne, créant des sculptures souples où jouent la loi de la pesanteur et des lignes de couleurs qui dessinent l’espace. Chaque pièce, selon son poids décide de sa forme, les couleurs en interaction apportent ombre et lumière. Nait une émotion poétique qui pousse le passant à toucher comme s’il avait pouvoir de faire vibrer l’œuvre, d’y insuffler une brise.

JIM DINE : Paris reconnaissance
Hommage rendu à Jim Dine l’américain pour donation de 28 œuvres au Musée d’art moderne en reconnaissance des apports culturels que Paris lui apporte ! Voilà qui n’est pas si fréquent !
C’est touffu, bordélique à souhait, ayant souvent plus le souci de montrer l’œuvre en train de se faire qu’aboutie, mêlant de grands poèmes sur ardoise à des séries (les autos portraits, les Pinocchio, les cœurs). Le « vieux bonhomme, comme il se définit lui-même, a quelque chose d’Hemingway. Quittant la performance, le happening pour la peinture et la poésie, il mêle expressionnisme abstrait et pop, choisissant souvent d’arrêter le mouvement, de mêler les matières (bois, résine, acier, paille) à des objets quotidiens. Pas de différence entre un pinceau et un marteau disait l’artiste enfant, alors sur la pointe des pieds, nous entrons dans un grenier : farfouillons, cherchons le trésor. C’est gai, loufoque et généreux.