Trois rencontres avec Gerty Dambury

Gerty Dambury, née le 27 février 1957 à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, est une dramaturge, metteuse en scène, romancière et poétesse française. Elle a reçu plusieurs prix: Prix SACD de la dramaturgie en langue française en 20081, Mention spéciale du Prix Carbet pour l’ensemble de son œuvre en 20112. Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde 2015 pour son ouvrage Le rêve de William Alexander Brown .

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Son œuvre couvre divers champs : théâtre, nouvelles, poésie, roman.
Gerty Dambury naît dans une famille d’origine modeste. Son père, Pierre Dambury, fut d’abord tailleur d’habits, tandis que sa mère, née Chaville-Budon, a d’abord été vendeuse dans un magasin de tissus de Pointe-à-Pitre.

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Nous sommes face à une ubérisation de l’art

Le 27 février 1957, après la naissance de sept autres enfants, arrive la petite dernière, Gerty, qui, très vite, montre des aptitudes au dire poétique et théâtral. La famille vit à Pointe-à-Pitre jusqu’aux années 1970, puis quitte la Guadeloupe pour la région parisienne.

Gerty Dambury termine ses études secondaires, de 1971 à 1974 au Lycée Jean-Jaurès à Montreuil et entame des études d’anglais et d’arabe à l’université Paris-VIII, à Vincennes (1974-1978).

Elle suit les cours de Pierre Dommergues, Noëlle Batt, Jean Gattégno, Dominique Jean, Paul Oren, Jo Arditti – ces derniers devenant des amis proches. Elle étudie également l’économie politique, tout en militant dans des groupes de femmes, dans cette période où le mouvement des femmes est particulièrement actif et productif. Elle est membre de la Coordination des femmes noires.

En 1981, elle rentre en Guadeloupe pour y enseigner l’anglais. La lecture du Cahier d’un retour au pays natal, d’Aimé Césaire, y est sans doute pour quelque chose : elle commence à écrire ses premières pièces de théâtre.

En 1983 et 1984, elle met au monde deux enfants, Leila et Jalil Leclaire, dont elle quitte très vite le père.

En Guadeloupe, elle élève seule ses deux enfants, puis revient vivre à Paris en 1998. Elle réside aujourd’hui à Montreuil.

Prises de position
Gerty Dambury fait partie de la MAFED (Marche des Femmes pour la Dignité), « collectif autonome composé exclusivement des femmes subissant le racisme d’État », proche du Parti des Indigènes de la République3.

Elle est également, avec Françoise Vergès, Eva Doumbia et David Bobée, membre de l’association d’artistes Décoloniser les arts, qui défend une vision « décoloniale » de la scène contemporaine et s’engage dans sa charte à lutter « contre les discriminations ethniques dans le spectacle vivant et les arts ».

À l’occasion des Journées de la diversité organisées du 11 au 13 octobre 2016 par le Centre Dramatique National de Normandie-Rouen, dirigé par David Bobée, Gerty Dambury participe au nom de ce collectif, avec Fabienne Pourtein et Leïla Cukierman, à une table ronde sur la question des discriminations racistes et prononce un discours basé sur le rapport du 12 juillet 2016, du professeur à l’université Paris-Est-Marne-La-Vallée Yannick L’Horty, d’une étude commandée par le Premier ministre au sujet des discriminations à l’embauche dans la fonction publique. Face à ces résultats, elle préconise une démarche active de nomination de personnes des catégories discriminées, s’interroge sur le contenu de la notion de « culture française » et interpelle l’auditoire ainsi :

Or, comment l’administration culturelle est-elle structurée, par qui et selon quelle vision de ce qu’est la culture française et du rayonnement nécessaire de cette culture sur le reste du monde, vision liée à celle de la fameuse « exception culturelle » ? Qu’attend-on du candidat à la « culture française » ? Quelle image doit-il véhiculer de la France ? Que veut-on donner à voir et à lire de soi, de son histoire, de sa relation avec l’autre en soi, l’étranger ? Quel récit colonial perdure dans l’imaginaire des responsables de la culture en France ? Comment se défaire de ce récit colonial ? Qu’attend-on de l’artiste d’origine étrangère afin qu’il soit adoubé par l’institution ?

Dans les années 2010, Décoloniser les arts s’insurge contre la réouverture du Bal Nègre, cabaret dansant des Années folles racheté et réhabilité par l’entrepreneur Guillaume Cornut, relève les approximations historiques de l’exposition « The Color line » au Musée du Quai Branly, reproche au jury des Molières 2016 d’avoir sélectionné exclusivement des artistes blancs à une seule exception sur 86 artistes, et lance un appel contre la fermeture de l’espace culturel du Tarmac dans le 20e arrondissement de Paris.

Cette vision est critiquée par l’universitaire Isabelle Barbéris comme étant ethnodifférencialiste, racialiste et représentative de l’institutionnalisation, au sein du monde la culture publique, de l’indigénisme (idéologie qui serait véhiculée par les Indigènes de la République). Celle-ci interprète la finalité des actions de cette association comme tel : « Lorsque ce racialisme d’État se sera banalisé, (…) nous aurons vraisemblablement basculé pour de bon dans une culture raciste. Une culture raciste qui se sera imposée au nom de l’antiracisme ».

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Nous sommes face à une ubérisation de l’art

Dans une perspective féministe, le 6 mai 2018, Gerty Dambury participe à la première édition du festival Fraîches Women, avec pour marraine Leïla Sy, à Montreuil-sous-Bois. Puis, en juillet 2018, invitée par David Bobée à participer à son feuilleton théâtral parodique Mesdames, Messieurs et le reste du monde dans le jardin Ceccano au Festival Off d’Avignon, elle prend la parole avant la dramaturge Carole Thibaut. Elle y dénonce un « inconscient collectif raciste » et l’exclusion des personnes « racisées » sur les scènes du festival et plus largement dans le monde du spectacle vivant en France, particulièrement dans les postes de décision et de programmation.

Fin septembre 2018, à l’espace d’échange parisien La Colonie fondé par Kader Attia, elle participe au lancement de l’ouvrage Décolonisons les arts !, publié aux éditions théâtrales de L’Arche. Ce recueil, que Gerty Dambury a codirigé avec Françoise Vergès et Leïla Cukierman, se présente comme un « manifeste artistique et politique » et rassemble de courts essais sur l’expérience personnelle du racisme et les idées d’amélioration de la représentativité de la diversité de la population dans les arts français de dix-huit artistes de la scène et de l’audiovisuel d’origines, de disciplines et de styles différents, dont Amandine Gay, Rébecca Chaillon, D’ de Kabal, Daïa Durimel et Pascale Obolo. France TV Info relaie ce « plaidoyer anti-raciste et anti-discriminatoire » proposant des solutions concrètes
Source : Wikipedia

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Lettres indiennes

Fructueuse navigue entre la Guadeloupe et la Réunion.
Elle découvre des similitudes entre ces deux îles, à commencer par les difficultés de l’industrie sucrière et l’immigration de ceux qui sont venus d’Inde pour remplacer la main d’œuvre servile sur les plantations.
Elle observe, commente, dans des lettres envoyées à cet homme resté à Paris, dont elle s’éloignera à mesure qu’elle quittera son rôle de témoin pour prendre une part de plus en plus active dans la vie des personnages qu’elle rencontre : Paul, l’ouvrier indien dont l’usine va fermer, Merchat – une vedette du football local, sa femme Marie, les parents de Paul qui perpétuent les traditions que leur fils rejette.
Lettres Indiennes est avant tout une pièce sensible sur le cheminement intérieur, sur l’origine et l’appartenance, des thèmes récurrents dans l’écriture de Gerty Dambury.

Edition : Editions du Manguier
Pays d’édition : France
ISBN : 978-2-918565-01-7
Prix : 10.00