Tirésias

— Par Michèle Bigot —

tiresiasTexte et mise en scène Philippe Delaigue

Création sonore et musicale Philippe Gordani

Festival d’Avignon, off 2016, Théâtre Gilgamesh, 7/30/07.

Dans son antre intemporel, le vieux Tirésias, rend ses oracles par internet, assisté par sa fille, Manto. Il a tout du vieillard fatigué. Pourtant, dans sa jeunesse, par la magie des aventures mythologiques, il a été femme. C’est cette condition d’androgyne qui lui valut de trancher dans la querelle entre Zeus et Héra, lesquels se disputaient pour savoir qui des hommes et des femmes connaissait le plus de plaisir. Héra se venge sur lui d’un jugement qui lui a déplu en le rendant aveugle. Zeus le dédommage en lui offrant le don de prophétie.

Un jour, via Internet, Léo, un jeune homme désespéré, le consulte sur la meilleure façon de mettre fin à ses jours. Tirésias puise alors dans les Métamorphoses d’Ovide le récit de plusieurs morts possibles. Toutes paraissent horribles au jeune homme, qui perd peu à peu le désir de mourir.

Tirésias, ayant obtenu le Zeus une longévité harassante, le voici propulsé dans le XXIème siècle ; réjouissante actualisation du mythe ! Mais ce siècle n’a pas l’air de l’enchanter ! Les adolescents le fatiguent avec leurs questions stupides et leurs vies bidons. Cependant, la magie du récit va le ranimer. Peu à peu, il retrouve des forces pour faire revivre à Léo les plus folles aventures des héros mythologiques, morts de mort violente. Chaque récit est l’occasion d’un paysage sonore unique. La bande son occupe une place essentielle sur le plateau. S’adressant de façon prioritaire aux adolescents, le spectacle repose sur la création de paysages sonores appuyés par la lumière et les couleurs. Le monde de Tirésias est un monde sonore : son univers est entièrement musique, cris, bruits divers, paroles : un flot coloré de sons lui tient lieu de vision !

Le récit est donc central dans le texte ; celui-ci use de toutes les ressources du genre, effets comiques, surprises, dialogues variés, rythmes changeants, alternance de registres. Il y a une musique particulière au récit que le plateau souligne. Un échange permanent s’installe entre les mots, la musique et le jeu des acteurs. Toutes les ressources de la technique sont sollicitées au service de la bande son : enregistrements, cordes de guitare, synthétiseurs. Le son est mis en scène, spatialisé au service du récit. La scénographie, costumes, appareillage scénique, lumière, n’est pas en reste. L’ensemble est composé comme un opéra. L’imagination du spectateur est sollicitée par tous les sens conjointement.

Succès assuré pour ce spectacle, autant auprès des adultes qu’auprès des adolescents : chacun veut rêver sa vie ! Il faut suivre la tournée de la troupe de Philippe Delaigue, dans le Sud début 2017 (Alès, Port-de-Bouc) puis dans l’Est (Thonon, Oullins-Lyon) et au Préau , CDR de Vire en mai 2017. On les retrouvera en 2018 à Marseille, Die, Annemasse et Miramas.

Michèle Bigot