Tibériade et ses histoires d’eaux.

Carnets de route Jour 6

Le spa d’Hammat Gader

Le site lui aussi porte des noms différents : : lac de Tibériade, mer de Galilée, lac de Kinneret ou encore lac de Genézareth. Vingt-et-un kilomètres de long sur treize kilomètres de large, il n’est pas bien grand et pourtant situé à deux cents mètre au dessous du niveau de la mer il connait des tempêtes violentes générées par les différences de températures avec les plateaux qui l’entourent. Il a la forme d’une lyre ( kinnor en hébreu). C’est à la fois un lieu de pèlerinage pour les chrétiens, pour les juifs et un lieu de villégiature. Alimenté en eau douce par le Jourdain il a la réputation d’être riche en poissons, dont le plus fréquemment proposé dans les restos est, allez savoir pourquoi, le saint-pierre !  L’origine de ce poisson n’est pas en odeur de sainteté pour les puristes. En réalité ce saint-pierre là provient de la pisciculture pratiquée par les kibboutzim de la vallée du Jourdain. C’est un poisson d’élévage qui n’a jamais connu les eaux miraculeuses de la mer de Galilée. Mais bon là encore il n’y a que la foi qui sauve.

Le lac est d’une importance stratégique pour Israël. Il est la plus grande réserve d’eau douce du pays. Sur les 700 millions de mètres cubes d’eau qui arrivent chaque année en moyenne 200 millions sont prélevés par un système de canalisation pour alimenter des exploitations agricoles dans le désert du Négev. Avant 1967 la frontière syrienne bordait la rive orientale du lac. Des détournements d’eaux ont été dans le passé la cause de nombreux conflits. Un hadith de Mahomet prévoit que son assèchement futur sera un des signes majeurs de la fin des temps puisqu’il signera l’émergence du faux-messie. On n’en est pas encore là. D… merci! 😛

Le kibboutz de Ein Guev, près duquel je réside, sur la rive orientale du lac a été fondé en 1937. Pendant la guerre d’indépendance il a été attaqué par l’armée syrienne qu’il a repoussée après trois jours de combat.

Depuis la guerre civile qui ravage la Syrie ce morceau de frontière du coté syrien est contrôlée par des groupes rebelles syriens, dont la Brigade des martyrs du Yarmouk, qui a prêté allégeance à l’État Islamique. Mais chacun le sait ,et on me pardonnera ce truisme, « l’Orient est compliqué ». Cinq hôpitaux de l’armée israélienne installés dans la région ont depuis trois ans soigné deux mille deux cents syriens dont 90 pour cent étaient de hommes et 70 pour cent des combattants. Une fois remis sur pieds ils regagnent la Syrie parfois munis d’une prothèse. Les passages se font par la partie centrale des quatre-vingt kilomètres de frontières entre les deux pays, contrôlée elle par le Front al-Nosra, la branche locale d’al-Qaïda.

En face de mon hôtel sur la rive ouest la ville de  Tibériade [en hébreu טבריה (Tverya), en arabe طبرية (Tabarīya), en latin Tiberias, en grec ancien Τιβεριάς (Tiberias)], quarante mille habitants est fréquentée par des pèlerins juifs qui viennent se recueillir devant le le mausolée de Rabbi Akiva un des fondateurs du judaïsme rabbinique et sur le tombeau de Moïse Maïmonide, philosophe, physicien, savant du XIIe siècle. L’ancien cimetière de la ville contient par ailleurs de nombreuses tombes de rabbins.

La région est réputée pour ses eaux chaudes à effets thérapeutiques. C’est donc avec gourmandise que je me suis rendu à 25 kilomètres au sud-est de Ein Guev, à Hammat Gader, connue depuis l’antiquité pour ses sources chaudes. L’endroit était à l’époque le deuxième plus grand établissement pour ses sources thermales. L’eau sulfureuse, sort à quarante deux, quarante trois degré centigrade. Les bijoux doivent restés au vestiaires. J’en ai fait l’expérience à mes dépens. Bracelet et bague en argent n’ont pas supporté le sulfure d’hydrogène qui par ailleurs dégage il faut bien le dire, une odeur d’oeuf pourri. Cela étant coincé contre la frontière jordanienne le site offre des paysages sublimes entre ruines de thermes romains, barbelés frontaliers, vestiges d’amphithéâtre, minaret de mosquée, mini zoo, ferme d’alligators et salons de massage. Après m’être longuement assoupi dans la piscine massé par un bain tourbillon, jacuzzi ou spa, là encore les dénominations varient, après avoir siroté, toujours dans les remous vaporeux quelque délicieux jus de fruit, je me dirige vers ce qui devait être le clou de l’après-midi, un massage. Las, mille fois hélas, en remplissant le formulaire préalable à ce moment que je présentais comme paradisiaque et que me tendait le masseur j’ai le malheur d’indiquer que quelques mois auparavant j’avais eu le zika. Horreur ! Le masseur recule d’un mètre, me considère tout à coup comme un pestiféré, refuse de me masser. J’en appelle à son bon sens, sa raison, à sa supérieure hiérarchique. Rien n’y fait ! On n’approche pas, on ne touche pas quelqu’un qui a eu le zika. Je repars, sans avoir été massé amusé tout de même, en me souvenant que l’obscurantisme ne concerne pas seulement le domaine religieux…

Juin 2016,

R.S.

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