« Sizwe Banzi est mort » d’Athol Fugard, John Kani et Winston Ntshona

— par Laurence Aurry —

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Peter Brook

 Les 14 et 15 mai derniers, le CMAC nous a permis de découvrir, dans la salle Frantz Fanon de l’Atrium, Sizwe Banzi est mort, une pièce d’Afrique du Sud qui nous introduit dans l’univers des townships de l’apartheid. On s’attend avec un sujet grave comme celui-ci à une pièce sombre et tragique. Au lieu de quoi, sans effacer la réalité avec ses injustices, ses brimades, une surexploitation des ouvriers noirs et une sous rémunération, l’absence des libertés et un contrôle permanent de tout et de tous, les auteurs traitent avec beaucoup de tendresse et de dérision la situation délicate de leurs personnages. Sizwe Banzi qui est fiché par la police parce qu’il a eu la malchance de se trouver au mauvais endroit lors d’une descente de la police ne peut plus trouver de travail décent pour nourrir sa femme et ses quatre enfants. Il sera obligé d’usurper l’identité d’un mort pour pouvoir continuer à exister. Bien sûr, cela ne se fera pas sans problème de conscience pour ce pauvre Sizwe. Mais Buntu qui l’a recueilli arrive à le convaincre et lui redonne goût à la vie.
L’originalité de la pièce vient aussi de sa construction en deux parties. D’abord un solo où l’on découvre le parcours du combattant de Styles depuis l’usine Ford à l’ouverture de son studio de photos et jusqu’à sa rencontre avec Sizwe qu’il photographie. Ensuite, un flash back qui permet de rappeler tous les ennuis de Sizwe jusqu’à la fameuse photo qui immortalise son nouveau départ dans la vie. Les deux parties se terminent par le même cliché, le même clin d’œil à la vie.
Le metteur en scène, Peter Brook a privilégié le vide et le dénuement. Un décor réduit à quelques cartons, quelques portants et vêtements. Ce dépouillement scénographique est d’une grande force pour traduire sobrement la misère de ces quartiers. Peter Brook exploite également habilement les quelques objets présents en les détournant de leur fonction habituelle. Le portant devient une porte, le bidon d’huile, une radio. Il sollicite ainsi, avec humour, l’imaginaire du spectateur.
Il faut enfin saluer la performance des acteurs, surtout celle d’Habib Dombélé, qui, à lui seul, est capable de faire surgir d’innombrables personnages, du bébé au grand père, du policier au vendeur efféminé. Sa gestuelle, ses imitations donnent un rythme et une grande légèreté à l’ensemble. Même dans l’improvisation, voulue ou pas, il cherche toujours le dialogue avec le public.
Donc, un théâtre de la générosité, de l’échange et de la participation qui ne peut pas laisser le spectateur indifférent. Mis à part quelques petits temps morts, une pièce intelligente, habilement mise en scène et brillamment interprétée.

Laurence AURRY

16/05/2010