Recyclage artistique d’objets perdus

— Par Lise Guéhenneux —

produits_fatalsComment les objets questionnent sur le statut de l’œuvre d’art, 
se demandent Reist et Faulon

Depuis plus de dix années, Delphine Reist et Laurent Faulon travaillent à mettre à nu la production et les systèmes de conditionnement qu’elle engendre dans des lieux emblématiques du changement de paradigme qui régit une société où le néolibéralisme, la plus grande idéologie depuis la réforme, règne sans partage. Le centre d’art de Saint-Fons et la BF15, une galerie associative à la programmation très exigeante, leur ont permis de réaliser un projet commun, une opportunité plutôt rare en France. L’ensemble de l’opération se trouve réuni sous l’énoncé « Produits fatals », qui sert à nommer les produits ratés du fait de la mise en route ou de l’arrêt d’une production à la chaîne. Ils répondent toujours d’un intérêt pour les lieux où ils sont invités à intervenir, non pas pour en faire l’illustration ou la représentation factice, mais par un retour sur le réel banal de l’usage qui interroge cette multiplication absurde de l’offre en même temps que la production esthétique des œuvres d’art. À la BF15, Reist et Faulon s’attachent à mettre en œuvre une présentation display d’un magasin discount. Les objets, en même temps qu’ils sont déjà obsolètes, sont présentés dans une sorte d’état intermédiaire recouverts de silicone ou mus par des moteurs comme autant d’automates. L’inquiétant familier œuvre sur ces produits fantômes et mutants tellement usés par les flux absurdes qui les conditionnent. Et cela va jusqu’à l’apothéose des débordements en mousse expansée offrant un paysage dévasté qui n’a plus rien à craindre. Peut-être également une sorte de libération vis-à-vis d’une tradition du travail genré (1). Autre situation, au milieu de la vallée de la chimie, le centre d’art de Saint-Fons. Ils ouvrent largement le bâtiment aux visiteurs, des lieux de stockage aux réserves de l’artothèque, jusqu’aux lieux de vie, qui n’apparaissent plus tel l’envers du décor mais participent à l’activation de cet espace transformé en laboratoire où les artistes permettent aux objets, collectés auprès des habitants, de la voirie et d’une usine voisine, de se recomposer une nouvelle existence. Une guirlande et des masques sur des piques posés comme les restes d’un carnaval rappellent que ce qui importe avant tout aux artistes est de mettre en place une sorte de sculpture sociale.
(1) Maurizio Lazzarato, Marcel Duchamp 
et le refus du travail. Éd. Les Prairies ordinaires, Paris, 2014. Exposition, « Produits fatals », jusqu’au 17 janvier 2014, BF15, 
Lyon et CAP de Saint-Fons.

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