Rapport d’information sur l’utilisation du chlordécone et des autres pesticides aux Antilles

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N° 2430

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 juin 2005.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

sur l’utilisation du chlordécone et des autres pesticides dans l’agriculture martiniquaise et guadeloupéenne,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Joël BEAUGENDRE,

Rapporteur

en conclusion des travaux d’une mission d’information présidée par

PAR M. Philippe Edmond-Mariette,

et composée en outre de

MM. Jacques Le Guen, Louis-Joseph Manscour,

François Sauvadet, Jean-Sébastien Vialatte,

Députés.

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE : UTILISÉ ENTRE 1981 ET 1993, LE CHLORDÉCONE NE POURRAIT PLUS ÊTRE HOMOLOGUÉ AUJOURD’HUI 15

I.- UN ORGANOCHLORÉ UTILISÉ AU DÉBUT DES ANNÉES 1980 AFIN DE FAIRE FACE À DES CONDITIONS CLIMATIQUES EXCEPTIONNELLES 15

A.- LA LÉGISLATION ENTOURANT L’UTILISATION DES PESTICIDES DATE, DANS SES PRINCIPES ESSENTIELS, DE PLUS DE CINQUANTE ANS 15

1. La définition des pesticides 15

2. Le cadre juridique en vigueur lors de l’homologation du chlordécone : un cadre exclusivement national et reposant sur des principes datant de 1943 16

B.- L’HOMOLOGATION DU CURLONE 19

1. Un pesticide ancien formulé et produit aux Etats-Unis jusqu’en 1976 19

2. La recrudescence du charançon de la banane à la suite d’événements climatiques exceptionnels devait conduire à homologuer le Curlone 20

3. Des incertitudes entourent le calendrier de l’homologation 21

4. Les connaissances scientifiques de l’époque auraient-elles dû conduire à refuser l’homologation du Curlone ? 21

II.- UNE AUTORISATION RETIRÉE EN 1990, MAIS UN USAGE QUI SE PROLONGE JUSQU’EN 1993 23

A.- LE RETRAIT DE L’AUTORISATION DE VENTE 23

B.- LA COMMERCIALISATION S’EST POURSUIVIE PENDANT DEUX ANS APRES LE RETRAIT D’HOMOLOGATION 24

C.- L’UTILISATION S’EST ENSUITE POURSUIVIE JUSQU’EN 1993 24

1. La chronologie 24

2. Les conditions dans lesquelles ces décisions furent prises 25

III.- L’ÉVOLUTION DU CADRE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE REND DÉSORMAIS IMPOSSIBLE L’HOMOLOGATION D’UN TEL PRODUIT 28

A.- LE RENFORCEMENT DU CADRE JURIDIQUE INTERNATIONAL ET COMMUNAUTAIRE EN MATIÈRE DE RÉGLEMENTATION DES PESTICIDES 28

1. Le cadre international : les polluants organiques persistants 28

2. Le cadre européen 29

B.- LE CADRE NATIONAL 34

IV.- LE CADRE JURIDIQUE DOIT ÊTRE AMÉLIORÉ 35

A.- LA RESPONSABILITÉ DE LA DÉCISION EN MATIÈRE DE PESTICIDES 35

1. L’évaluation du risque 35

2. La décision : doit-elle continuer à relever du seul ministre de l’Agriculture ? 35

B.- FAUT-IL RENFORCER LES EXIGENCES DÉCOULANT DE LA PROCÉDURE D’HOMOLOGATION ? 36

DEUXIÈME PARTIE : LA DÉCOUVERTE DE LA POLLUTION PAR LE CHLORDÉCONE A ENTRAINÉ LA MISE EN PLACE D’UN VÉRITABLE PLAN D’ACTION LOCAL 39

I.- AVANT QUE N’ÉCLATE LA CRISE DU CHLORDÉCONE, LA QUESTION DES PESTICIDES DANS L’AGRICULTURE ANTILLAISE AVAIT FAIT L’OBJET DE PLUSIEURS RAPPORTS 39

A.- L’IDENTIFICATION PROGRESSIVE DU RISQUE LIÉ À L’UTILISATION DES PESTICIDES 39

B.- LA DÉCOUVERTE DE LA POLLUTION EN 1999 40

1. En Guadeloupe 40

2. En Martinique 41

C.- L’IDENTIFICATION TARDIVE DE LA POLLUTION TIENT À PLUSIEURS FACTEURS CONJUGUÉS 41

1. La prise de conscience du risque lié aux pesticides par les pouvoirs publics est récente 41

2. Les outils d’analyse présentaient jusqu’à une date récente un caractère rudimentaire 42

D.- LA MISE EN œUVRE RAPIDE D’UN PLAN LOCAL D’ACTION 43

II.- L’ÉVALUATION DE LA POLLUTION ENVIRONNEMENTALE ET DU RISQUE SANITAIRE 45

A.- CHLORDÉCONE ET ENVIRONNEMENT 45

1. L’eau 45

a) La qualité des eaux 45

b) Le contrôle de la qualité des eaux 46

2. Les sols 47

a) La cartographie 47

b) Les recherches relatives au stockage du produit et au transfert sol-plantes 47

3. Les denrées alimentaires : 48

a) La définition de limites maximales de résidus 48

b) Les études sectorielles 50

B.- CHLORDÉCONE ET SANTÉ 51

1. Les effets sur la santé 51

2. les études épidémiologiques menées sur place 53

a) Exposition aux organochlorés 53

b) Risque cancérogène 54

c) Risque non cancérogène 55

d) La santé des agriculteurs 55

III.- LA GESTION DU RISQUE ET LA MISE EN œUVRE DU PRINCIPE DE PRÉCAUTION 56

A.- L’EAU 56

1. Des actions rapides ont permis de garantir la qualité de l’eau potable 57

2. La mise en place des périmètres de protection a en revanche pris du retard 58

B.- LES VÉGÉTAUX 59

C.- LES PRODUITS DE LA PÊCHE 60

IV.- COMMENT AMÉLIORER CE PLAN D’ACTION ? 61

A.- LA MISE EN œUVRE DES ARRÊTÉS PRÉFECTORAUX RELATIFS AUX LÉGUMES RACINES 61

1. Les prescriptions de ces arrêtés doivent être mieux respectées 61

2. Les végétaux pollués doivent être détruits 62

B.- RENFORCER LES SYNERGIES ENTRE LES DEUX ÎLES ET RÉALISER DES ÉCONOMIES D’ÉCHELLE 63

1. Renforcer la collaboration entre les deux îles 63

2. Réaliser des économies d’échelle : la question des laboratoires d’analyse 63

C.- LA COMMUNICATION RELATIVE À LA GESTION DE LA CRISE DOIT ÊTRE PARTICULIEREMENT ATTENTIVE ET ASSOCIER L’ENSEMBLE DES ACTEURS INTÉRESSÉS 64

D.- RENFORCER LE VOLET « EVALUATION » DES PLANS D’ACTION 66

TROISIÈME PARTIE : LES COLLECTES RÉCENTES DE CURLONE ATTESTENT DE L’INSUFFISANT ENCADREMENT DES PESTICIDES EN FIN DE VIE, ET NON DE LA DÉFAILLANCE DES CONTRÔLES 67

I.- LA COLLECTE DE PLUSIEURS TONNES DE CURLONE ATTESTE DE L’INSUFFISANTE PRISE EN CHARGE DES PESTICIDES EN FIN DE VIE 67

A.- DANS LE CADRE DES PLANS D’ACTION, DES COLLECTES DE CHLORDÉCONE ONT ÉTÉ OPÉRÉES DANS LES DEUX ÎLES 67

B.- LE PROBLÈME DE LA PRISE EN CHARGE DES DÉCHETS DE PESTICIDES 68

II.- LE CONTRÔLE VIGILANT OPÉRÉ PAR LES SERVICES COMPÉTENTS EST DE NATURE À LEVER TOUS LES DOUTES RELATIFS À DES IMPORTATIONS FRAUDULEUSES DE CURLONE 72

A.- LE CONTRÔLE DE LA MISE EN œUVRE ET DE L’UTILISATION DES PRODUITS PHYTOSANITAIRES 72

B.- LE CONTRÔLE DES IMPORTATIONS 72

1. Les modalités de contrôle 72

a) Un degré de contrôle lié au statut des marchandises 73

b) Différents niveaux de contrôles 73

c) Les outils du contrôle 74

2. Une vigilance durablement renforcée pour les pesticides 75

3. Le résultat des contrôles 76

4. Les améliorations possibles 77

QUATRIÈME PARTIE : DES PERSPECTIVES D’AVENIR DOIVENT ÊTRE TRACÉES, POUR L’OUTRE-MER ET POUR LA FRANCE DANS SON ENSEMBLE 79

I.- LA SANTÉ DES AGRICULTEURS ET OUVRIERS AGRICOLES DOIT ÊTRE MIEUX PROTÉGÉE 79

A.- LE PLAN SANTÉ AU TRAVAIL INTÈGRE LES PROBLÉMATIQUES SPÉCIFIQUES À LA SANTÉ DES AGRICULTEURS ET DES OUVRIERS AGRICOLES 80

B.- LA SURVEILLANCE MÉDICALE DES AGRICULTEURS ULTRAMARINS DOIT ÊTRE MIEUX ASSURÉE 82

1. Le réseau de toxicovigilance agricole doit être étendu aux départements d’outre-mer 82

2. L’enquête de la MSA relative au lien suspecté entre pesticides et cancers doit recueillir des données en outre-mer 83

3. L’expertise des inspecteurs du travail doit être renforcée 84

II.- LE SUIVI DES PRODUITS HOMOLOGUÉS OU RÉMANENTS : L’OBSERVATOIRE DES RÉSIDUS DE PESTICIDES 84

III.- « L’OR BLEU » : L’EAU, PROTECTION ET POLICE 87

IV.- ÉVOLUTIONS NÉCESSAIRES ET PERSPECTIVES D’AVENIR POUR L’AGRICULTURE 88

A.- L’AGRICULTURE DOIT ÉVOLUER VERS DES PRATIQUES PLUS RESPECTUEUSES DE L’ENVIRONNEMENT 88

B.- L’IMPROBABLE DÉPOLLUTION DES SOLS IMPOSE D’ENVISAGER L’ACCOMPAGNEMENT FINANCIER DES AGRICULTEURS DONT LA PRODUCTION EST AFFECTÉE PAR LE CHLORDÉCONE 90

1. Aucune dépollution des sols à court terme n’est possible 90

2. La question des perspectives des agriculteurs dans ce contexte doit être posée 91

a) L’application du principe de précaution 91

b) Le soutien aux agriculteurs dont la production excédera les limites maximales de résidus de chlordécone 92

CINQUIÈME PARTIE : RECOMMANDATIONS 93

EXAMEN EN COMMISSION 99

ANNEXES 109

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES A PARIS ET BRUXELLES 111

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES EN MARTINIQUE 114

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES EN GUADELOUPE 117

LEXIQUE DES SIGLES UTILISÉS 121

DOCUMENTS ANNEXÉS À LA PREMIÈRE PARTIE 125

DOCUMENTS ANNEXÉS À LA DEUXIÈME PARTIE 149

DOCUMENT ANNEXÉ À LA TROISIÈME PARTIE 169

MESDAMES, MESSIEURS,

Le 19 octobre 2004, la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire approuvait la création d’une mission d’information relative au chlordécone et autres pesticides dans l’agriculture martiniquaise et guadeloupéenne.

Cette décision appelle deux commentaires.

Le premier commentaire concerne la place qu’occupe l’outre-mer dans les débats de notre Assemblée ; bien souvent les populations ultramarines ont le sentiment d’une méconnaissance des spécificités de ces territoires, doublée d’un relatif désintérêt dans la manière dont les choix qui les concernent sont arrêtés. Une telle affirmation n’a pas sa place.

La Commission des affaires économiques a été très sensible au problème posé. En effet, les conséquences potentielles pour l’être humain et l’environnement de l’utilisation des pesticides sont devenues un enjeu de société majeur. Les impacts et effets des pesticides utilisés couvrent tout le champ de la pollution de l’eau et des sols mais font également craindre des risques sanitaires pour les utilisateurs de produits, les consommateurs de denrées.

La décision de notre Commission témoigne de l’attention que ses membres portent à la situation à laquelle les populations martiniquaises et guadeloupéennes sont confrontées. Elle doit également permettre que les leçons qui seront tirées de cette crise s’avèrent utiles à l’ensemble de la collectivité nationale.

Le second commentaire concerne le choix de la mission d’information plutôt que de la commission d’enquête, qui faisait l’objet de la proposition de résolution déposée par M. Philippe Edmond-Mariette, et était cosignée par les députés de la Martinique et de la Guadeloupe (Joël Beaugendre, Gabrielle Louis-Carabin, Eric-René Jalton, Alfred Marie-Jeanne, Alfred Almont et Louis-Joseph Manscour).

La Commission a privilégié l’outil le plus adapté pour analyser les ressorts de cette crise.

En effet, la constitution d’une commission d’enquête revêt un formalisme important :

– s’agissant de sa création (décision de l’Assemblée nationale en séance publique) ;

– de sa composition (trente membres désignés à la représentation proportionnelle des groupes politiques) ;

– ou du déroulement de ses travaux (limités à six mois).

Par voie de conséquence, il s’avérait plus opportun de créer une mission d’information afin d’étudier la problématique du chlordécone et des pesticides aux Antilles avec une équipe resserrée et disponible.

En effet, la décision de création d’une mission d’information relève d’une procédure plus souple :

– elle est créée par une commission parlementaire permanente ;

– elle peut donc intervenir sans délai ;

– le nombre de membres qui la compose est libre et elle peut prolonger ses travaux aussi longtemps qu’elle l’estime nécessaire à l’accomplissement de sa mission.

La mission d’information ne dispose pas des pouvoirs d’une commission d’enquête, mais la Commission des affaires économiques, unanime, s’était engagée à soutenir toute démarche tendant à obtenir des moyens renforcés si au cours de ses travaux, la mission le jugeait utile.

Ce ne fut pas nécessaire, et la mission souhaite porter témoignage du souci que chacun de ses interlocuteurs a eu d’apporter une contribution utile, tant à travers les auditions que par les documents qui furent remis et dont les plus importants sont annexés à ce rapport.

La pollution par le chlordécone, et au-delà, la gestion du risque que présente l’utilisation des pesticides font l’objet d’une prise de conscience générale qui dépasse aujourd’hui le cercle des associations écologistes.

A ce titre, la mission souhaite également souligner la mobilisation des services de l’Etat sur place, à travers le plan d’action dont les différents aspects seront détaillés dans ce rapport.

Ce constat est d’ailleurs partagé par la mission administrative d’inspection, diligentée par les Ministres de l’agriculture, de la santé, de l’écologie et de la consommation, qui s’est rendue sur place au mois de février 2005 afin d’évaluer l’efficacité et l’efficience de l’action de l’Etat dans la gestion de la crise du chlordécone.

Mais au-delà de ce bilan de l’action administrative, la mission d’information créée par l’Assemblée nationale entendait porter sur le problème du chlordécone un regard à la fois rétrospectif et prospectif.

Un regard rétrospectif, tout d’abord.

En effet, le chlordécone appartient à ce que l’on pourrait qualifier de « première génération » des pesticides, c’est-à-dire un pesticide de la famille des organochlorés, dont la synthèse remonte au début des années 1950. D’abord produit aux Etats-Unis, il fut homologué en France au début des années 1980, pour être interdit en 1990. Son utilisation s’est prolongée jusqu’en 1993, sur des fondements juridiques et dans un contexte sur lequel le présent rapport reviendra.

Les Antillais se demandent aujourd’hui comment ce produit, qui présente des risques importants pour la santé, a pu être utilisé jusqu’en 1993, alors que sa fabrication était interrompue depuis 1976 aux Etats-Unis. Cette interrogation, voire cette préoccupation, est légitime.

Pour la mission, il aurait été inconcevable de ne pas aborder cet aspect de la crise et d’en faire la genèse avec clarté.

Conscients des enjeux, les membres de la mission ont eu le souci constant de se montrer ouverts à l’égard de l’ensemble de leurs interlocuteurs, justes à l’égard des acteurs en responsabilité à cette époque, et de rendre les conclusions qu’ils doivent à la population dans la transparence.

Partant, il importe de se garder soigneusement de tout anachronisme, et de s’efforcer d’analyser les décisions prises à cette époque au regard des connaissances alors disponibles quant aux effets du produit sur la santé et l’environnement. Il conviendra alors d’apprécier si l’arbitrage opéré entre risques connus et bénéfices attendus s’avère satisfaisant.

En outre, la collecte en 2002 de plusieurs tonnes de chlordécone a pu alimenter la crainte que certains agriculteurs indélicats aient poursuivi l’épandage du produit après 1993, et aient bénéficié d’importations frauduleuses de Curlone.

Les défaillances supposées des services de contrôle apparaîtraient d’autant plus vraisemblables que le 23 août 2002, une tonne et demie de patates douces contenant des résidus de chlordécone était saisie par les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à Dunkerque.

La mission s’est donc attachée à vérifier l’efficacité des dispositifs de contrôle et a cherché à comprendre dans quelle mesure ces découvertes accréditeraient la thèse d’un usage frauduleux rendu possible par une surveillance défaillante, ou si elles attestaient de la forte rémanence du Curlone, mise en évidence par une surveillance plus attentive.

En outre, la mission a souhaité tracer des perspectives d’avenir à un double niveau, et dans plusieurs directions. A un double niveau, tout d’abord, à la fois pour les Antilles, mais aussi pour la collectivité nationale dans son ensemble. La mission a en effet acquis la conviction profonde que ce qui s’est passé en Martinique et en Guadeloupe aurait pu survenir dans n’importe quel département hexagonal. L’exemple d’il y a quelques mois s’agissant du Gaucho est à ce titre significatif. Les leçons qui doivent être tirées de cette expérience ont vocation à s’appliquer en tout point de notre territoire, d’autant que notre pays est le troisième consommateur de produits phytosanitaires au monde après les Etats-Unis et le Japon, et le premier consommateur européen (83 500 tonnes/an de substances actives, les usages agricoles représentant 90 % du tonnage annuel).

Ensuite, la mission a exploré plusieurs autres pistes de réflexion  concernant tant l’amélioration des procédures d’homologation, que les bonnes pratiques agricoles, le renforcement du caractère interministériel de l’action administrative en matière de pesticides, la gestion des déchets…

La mission a également été sensible au désarroi exprimé par les agriculteurs qui subissent des pertes d’exploitation consécutives à l’application des arrêtés préfectoraux relatifs aux analyses de sol et de végétaux. Elle a donc réfléchi aux moyens par lesquels les conséquences financières de l’application du principe de précaution pourraient être compensées pour les agriculteurs qui en sont victimes.

Cet aspect revêt un caractère important pour les exploitants directement intéressés, mais présente également un intérêt plus général, car il a vocation à illustrer les conditions pratiques de mise en œuvre du principe de précaution.

En effet, le lundi 28 février 2005, le Parlement réuni en Congrès à Versailles a définitivement adopté le projet de loi constitutionnel tendant à inclure dans le Préambule de notre loi fondamentale la Charte de l’environnement.

Celle-ci consacre notamment, à son article 5, le principe de précaution : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

Le débat entourant l’adoption de cette Charte avait permis une large sensibilisation de l’opinion publique aux questions souvent complexes que pose l’application de ce principe.

Il y a là un exemple concret de sa mise en œuvre par les pouvoirs publics qui aurait pu être davantage évoqué.

D’où l’intérêt de cette mission, qui s’attachera aussi à se faire l’écho de cet exemple.

PREMIÈRE PARTIE :

UTILISÉ ENTRE 1981 ET 1993, LE CHLORDÉCONE NE POURRAIT PLUS ÊTRE HOMOLOGUÉ AUJOURD’HUI

I.- UN ORGANOCHLORÉ UTILISÉ AU DÉBUT DES ANNÉES 1980 AFIN DE FAIRE FACE À DES CONDITIONS CLIMATIQUES EXCEPTIONNELLES

A.- LA LÉGISLATION ENTOURANT L’UTILISATION DES PESTICIDES DATE, DANS SES PRINCIPES ESSENTIELS, DE PLUS DE CINQUANTE ANS

1. La définition des pesticides

Ce que l’on désigne communément sous le terme de « pesticides » correspond en droit français aux « produits antiparasitaires à usage agricole », qualification qui s’efface progressivement au profit des termes « produits phytosanitaires » employés dans la législation communautaire.

Un pesticide est un produit composé d’une substance active chimique ou organique destiné à lutter contre les fléaux des cultures.

Le terme « pesticide » est une appellation générique couvrant toutes les substances (molécules) ou produits (formulation) qui éliminent les organismes nuisibles, qu’ils soient utilisés dans le secteur agricole ou dans d’autres applications.

On peut distinguer les pesticides en fonction de la nature de la substance active qu’ils contiennent, mais aussi en fonction de l’usage auquel ils sont destinés. En effet, la législation impose que l’autorisation délivrée par l’autorité administrative le soit pour un usage précis (voir infra).

– Les distinctions en fonction de la substance active :

Il existe plusieurs générations de pesticides : avant la seconde guerre mondiale, la pharmacopée agricole était pour l’essentiel composée de produits d’origine minérale, tels le soufre ou le sulfate de cuivre.

Depuis lors, les pesticides ont pour substance active des composés organiques de synthèse ; on distingue notamment les organochlorés des organophosphorés.

La première catégorie, à laquelle doit être rattaché le chlordécone, mais aussi le DDT, le lindane, le HCH, le mirex, sont des polluants organiques persistants, extrêmement rémanents dans l’environnement, et qui peuvent s’avérer très toxiques.

La seconde catégorie résulte de recherches récentes ; beaucoup moins rémanents, peuvent y être rattachés le paraquat ou le diquat.

– Les distinctions en fonction de l’usage des produits :

Les pesticides peuvent également être distingués en fonction de l’usage auxquels ils sont destinés ; on distingue trois catégories essentielles, les insecticides (qui luttent contre les insectes et les acariens), les herbicides (qui portent sur les mauvaises herbes) et les fongicides (qui agissent sur les champignons).

2. Le cadre juridique en vigueur lors de l’homologation du chlordécone : un cadre exclusivement national et reposant sur des principes datant de 1943

Une réglementation stricte a été mise en œuvre par la loi du 2 novembre 1943, validée par une ordonnance du 13 avril 1945 relative à l’homologation des produits antiparasitaires à usage agricole.

Complétée par de nombreuses dispositions réglementaires, en particulier l’arrêté du 1er décembre 1987, relatif à l’homologation des produits visés à l’article 1er de la loi du 2 novembre 1943, elle interdisait (1) la vente, la mise en vente ou la distribution à titre gratuit d’un certain nombre de produits lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’une homologation.

Article 1er de la loi du 2 novembre 1943 (2)

Est interdite la vente, la mise en vente ou la distribution à titre gratuit, des produits énumérés ci-après, lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’une homologation :

1° Les antiseptiques et les anticryptogamiques destinés à la protection des cultures et des matières végétales ;

2° Les herbicides ;

3° Les produits de défense contre les vertébrés et invertébrés nuisibles aux cultures et aux produits agricoles ;

4° Les adjuvants vendus seuls ou en mélange et destinés à améliorer les conditions d’utilisation des produits définis ci-dessus ;

5° Les produits de défense des végétaux contre les attaques bactériennes et virales, ainsi que tout produit autre que les matières fertilisantes et les supports de culture, destinés à exercer une action sur les végétaux et sur le sol.

6° Les produits utilisés en agriculture et destinés à la lutte contre des organismes animaux ou végétaux vecteurs de maladies humaines ou animales, à l’exception des médicaments ;

7° Les produits destinés à l’assainissement et au traitement antiparisitaire des locaux, matériels, véhicules, emplacements et dépendances utilisés :

a) Pour le transport, la réception, l’entretien et le logement des animaux domestiques ou pour la préparation et le transport de leur nourriture, à l’exception des désinfectants utilisés soit contre les maladies contagieuses du bétail soumises à déclaration obligatoire, soit contre celles qui font l’objet d’une prophylaxie collective organisée par l’Etat ;

b) Pour la récolte, le transport, le stockage, la transformation industrielle et la commercialisation des produits d’origine animale ou végétale ;

c) Pour la collecte, le transport et le traitement des ordures ménagères et des déchets d’origine animale ou végétale.

Cette homologation concernait à la fois la substance active du produit, mais aussi la spécialité commerciale, c’est-à-dire la formulation mise en circulation sous un nom de marque, et était accordée par le Ministre de l’agriculture au terme d’une procédure qui avait pour objet d’établir l’efficacité et l’innocuité du produit, procédure retracée dans le tableau ci-dessous.

graphique

On peut décrire ainsi le régime institué par la loi de 1943 :

La commission d’étude de la toxicité doit évaluer, sur le fondement d’un dossier toxicologique remis par le demandeur, les risques d’effets directs et indirects sur l’homme, les animaux et l’environnement du produit pour lequel l’homologation est demandée, et donner, compte tenu de ces risques, son avis sur les conditions d’emploi dudit produit.

Le comité d’homologation des produits antiparasitaires ou assimilés intervient ensuite pour proposer au ministre un avis sur les suites à donner à la demande dont il est saisi.

Ces commissions sont composées d’experts désignés par le Ministre de l’agriculture, le cas échéant sur proposition des ministres intéressés (le Ministre de l’environnement pour la commission d’étude de la toxicité, le Ministre de l’industrie pour le comité d’homologation). La commission d’étude de la toxicité était également composée de représentants de l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP, représentant les industriels du secteur) et de représentants de la profession agricole (3).

Au terme de cette procédure et quel que soit l’avis du comité d’homologation, le Ministre prend souverainement sa décision. Il a le choix entre:

– l’homologation, valable pendant 10 ans ;

– le refus d’homologation ; le demandeur peut faire appel et provoquer une nouvelle instruction ;

– la mise en étude produit, provoquant des essais physiques, chimiques, toxicologiques et biologiques ;

– l’homologation provisoire, accordée pour 4 ans.

En tout état de cause, l’homologation peut être retirée à tout moment si le produit ne satisfait plus aux conditions d’innocuité. En outre, il appartient au titulaire de l’homologation de porter à la connaissance du Ministre tout fait nouveau faisant apparaître des dangers pour l’homme et l’environnement.

B.- L’HOMOLOGATION DU CURLONE

1. Un pesticide ancien formulé et produit aux Etats-Unis jusqu’en 1976

Le chlordécone fut breveté en 1952 aux Etats-Unis.

D’après les informations recueillies par la mission, le produit fut distribué par la société Dupont de Nemours à partir de 1958 sous le nom commercial de Kepone ou de GC-1189, la synthèse étant assurée par la société Allied chemicals. Environ 55 formulations différentes furent mises sur le marché.

Utilisé sous la forme d’une poudre à épandre concentrée à 50 % de chlordécone, le produit était utilisé sur les bananes, le tabac, les agrumes.

L’essentiel de la production fut exporté en Asie, en Europe, en Amérique latine et en Afrique.

Entre 1952 et 1975, environ 1 600 tonnes de Képone furent produites aux Etats-Unis, dans différents sites de production situés dans le Delaware, puis en Pennsylvanie.

En 1974, la société Allied Chemical chargea la société Life Sciences Products de la production du Képone dans son usine d’Hopewell, en Virginie, afin de faire face à une demande accrue.

La production devait être interrompue au mois de juillet 1975, des défaillances graves dans le dispositif d’hygiène et de sécurité ayant été constatées. Une pollution importante de l’environnement immédiat de l’usine, ainsi que des effets toxiques aigus sur les travailleurs de l’usine qui n’étaient pas correctement protégés au regard des réglementations sur la sécurité au travail expliqueraient, selon les informations recueillies par la mission, la fermeture brutale de l’usine.

Les autorités auraient alors décidé d’interdire la commercialisation et la production du Képone au mois d’août 1976.

2. La recrudescence du charançon de la banane à la suite d’événements climatiques exceptionnels devait conduire à homologuer le Curlone

D’après les informations fournies par le Ministère de l’agriculture, une autorisation provisoire d’un an aurait été délivrée à compter de février 1972 pour l’usage du Képone (cf. annexe I-A). En l’absence de traces de conservation de cette autorisation dans la base informatique du Ministère, il paraît vraisemblable que cette autorisation ne fut pas renouvelée.

Après le passage des cyclones Allen en 1979 et David en 1980, les planteurs se trouvaient démunis face à une pression parasitaire extrêmement forte.

Le Curlone, seconde formulation commerciale à base de chlordécone, était alors autorisé en 1981.

Selon les informations recueillies par la mission, la société De Laguarigue devait alors racheter à la SEPPIC (4), filiale de la société Dupont de Nemours, le brevet de la substance active, et obtenir une homologation pour la spécialité commerciale Curlone en 1981 (n° 8100271) pour un usage strictement limité à la lutte contre le charançon du bananier.

La formulation du produit devait être assurée par la société Calliope, à Port-la-Nouvelle, près de Béziers, et la synthèse par une société brésilienne, pour le compte des établissements De Laguarrigue.

3. Des incertitudes entourent le calendrier de l’homologation

D’après les recherches effectuées par la mission, le chlordécone aurait été homologué par l’arrêté du 5 juillet 1982, fixant les conditions de délivrance et d’emploi en agriculture de substances vénéneuses.

L’article 3 dispose en effet qu’il est interdit de délivrer et d’employer du chlordécone à d’autres fins que le traitement des bananiers, sous forme de poudre pour poudrage à une concentration maximum de substance active de 5 %.

Mais un courrier du 1er février 1990 adressé par le chef du service de la protection des végétaux aux établissements Laurent de la Guarrigue fait état d’une autorisation de vente de la spécialité Curlone, portant le n° 8100271, et datant de 1981 (cf. annexe I-B).

On peut donc s’étonner de ce que la substance active ait été autorisée après la spécialité commerciale. D’après les renseignements transmis à la mission par le Ministère de l’agriculture, le chlordécone avait fait l’objet d’une homologation au début des années 70.

A la date de publication de son rapport, la mission ne dispose pas à ce sujet d’éléments plus précis.

4. Les connaissances scientifiques de l’époque auraient-elles dû conduire à refuser l’homologation du Curlone ?

Deux aspects de la question doivent être distingués.

D’abord, il convient de savoir quelles étaient les connaissances scientifiques de l’époque pour apprécier l’autorisation accordée.

En outre, dans les arbitrages relatifs aux pesticides, il existe une pondération entre le coût et les avantages qui détermine l’accord ou le refus d’homologation.

S’agissant du premier point, il semble que les connaissances alors disponibles ne contenaient pas suffisamment d’éléments probants pour conclure les autorités à refuser l’autorisation de vente.

Certes, la pollution des milieux commençait à être mise en évidence ;

· En 1977, le rapport Snegaroff, établi à la suite d’une mission de l’INRA, établit l’existence d’une pollution des sols des bananeraies et des milieux aquatiques environnants par les organochlorés.

· En 1980, le rapport Kermarrec, souligne la bioaccumulation des substances organochlorées dans l’environnement. Mais si le cas du chlordécone est abordé, ce n’est que de manière incidente, à travers une invite à effectuer des recherches spécifiques à cet insecticide.

Alors que la pollution de l’environnement commence à être établie, en revanche l’impact sur la santé humaine est encore mal connu.

La toxicité aiguë est identifiée en raison des effets constatés sur les ouvriers de l’usine de Hopewell, en Virginie.

En revanche, s’agissant de la toxicité chronique (qui résulte d’une exposition longue et à faibles doses) du produit, les recherches sont encore balbutiantes. Il s’agit pour l’essentiel de recherches américaines lancées après la fermeture du site d’Hopewell et le constat de la pollution des eaux et des sols.

Chez le rongeur, le chlordécone est cancérogène, et l’IARC (5) a classé cette substance dès 1979 comme cancérogène possible chez l’homme.

Néanmoins, aucune étude épidémiologique n’a pu conclure de manière certaine au caractère cancérogène de cette substance, les résultats observés chez le rat n’étant pas entièrement transposables à l’homme ; en particulier, l’effet sur le rein retrouvé chez le rongeur n’est pas constaté chez l’homme (6).

En 1984, un rapport de l’IPCS (7) consacré au chlordécone conclut avec une grande circonspection : « on a le sentiment que l’usage de ce produit ne devrait pas être encouragé, sauf là où il n’existe pas de solution adéquate ».

En outre, alors que l’Europe commençait à se doter d’une procédure harmonisée en matière des pesticides, le chlordécone ne devait pas être retenu au nombre des substances particulièrement nocives et à ce titre interdites au niveau communautaire par la directive 79/117 CE du 21 décembre 1978.

Pour la mission, ces connaissances parcellaires témoignent également d’une attention moins soutenue qu’aujourd’hui portée aux potentiels effets néfastes des pesticides sur la santé et l’environnement. En particulier, la notion de principe de précaution était encore inconnue du droit, qui reposait notamment, en ces matières, sur un principe de prévention qui consiste à prendre les mesures destinées à empêcher la réalisation d’un risque connu et quantifié (le principe de précaution s’appliquant lorsque l’existence même d’un risque n’est pas avérée).

On doit donc conclure que la décision d’homologation était conforme au principe de prévention qui était alors le guide de l’action publique puisque les connaissances scientifiques étaient balbutiantes quant aux effets de cette substance, et que ce pesticide apparaissait comme une solution efficace au problème d’infestation des bananeraies.

II.- UNE AUTORISATION RETIRÉE EN 1990,
MAIS UN USAGE QUI SE PROLONGE JUSQU’EN 1993

A.- LE RETRAIT DE L’AUTORISATION DE VENTE

Les éléments fournis par le Ministère de l’agriculture à la mission font état d’une décision de retrait de l’autorisation de vente du Curlone intervenue le 1er février 1990.

Il a également été remis à la mission copie d’une décision du 1er février 1990 adressée aux établissements Laurent de Laguarique (sic), signée par le chef du Service de la protection des végétaux, et notifiant le retrait de la spécialité Curlone, dont le numéro d’autorisation de vente est le 8100271, autorisation délivrée en 1981 (annexe I-B).

D’après les informations fournies à la mission par le Ministère de l’agriculture, c’est à l’occasion du réexamen d’un ensemble de dossiers que la Commission d’étude de la toxicité s’est prononcée, en septembre 1989, pour l’interdiction du chlordécone, dont elle a estimé qu’il s’agissait d’un insecticide persistant, relativement toxique et dont il n’était plus possible d’obtenir la mise à jour (courrier joint en annexe I-C).

D’autres recherches effectuées par la mission font quant à elles apparaître un arrêté du 3 juillet 1990, dont l’article 6 dispose que « à l’article 3 de l’arrêté du 5 juillet 1982 modifié relatif aux conditions de délivrance et d’emploi en agriculture de substances vénéneuses, le chlordécone […] est supprimé de la liste […] » (annexe I-D).

En outre, une note du 11 juillet 1997 à l’attention du Directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de Guadeloupe, mentionne « l’arrêté du 3 juillet 1990 relatif aux conditions de délivrance et d’emploi, en agriculture, de substances vénéneuses et dangereuses. Cet arrêté, pris sur la base du code de la santé publique, (article L. 626 et R. 5149 à R. 5170) a abrogé les dispositions de l’arrêté du 5 juillet 1982 qui autorisait l’emploi du chlordécone pour le traitement des bananiers. Par conséquent, la délivrance et l’emploi de cette substance après les délais fixés constituent une infraction aux articles correspondants du code de la santé » (annexe I-E).

On peut tout d’abord se demander pourquoi la substance active est interdite après la spécialité commerciale. Cela peut logiquement découler du fait que c’est dans le même ordre que l’homologation avait été accordée.

De plus, la formule commerciale peut comporter des risques qui ne tiennent pas à la substance active elle-même, ce qui justifie l’interdiction de la spécialité commerciale en premier lieu.

B.- LA COMMERCIALISATION S’EST POURSUIVIE PENDANT DEUX ANS APRES LE RETRAIT D’HOMOLOGATION

Lors du retrait de cette autorisation de vente, des voix s’étaient élevées parmi les planteurs pour réclamer un délai d’utilisation supplémentaire de trois ans, au motif que les solutions antiparasitaires de substitution s’avéraient inopérantes ou en cours d’expérimentation.

Cette demande avait notamment été relayée auprès du Ministre de l’agriculture de l’époque, M. Henry Nallet, par M. Guy Lordinot, député de la Martinique, à l’occasion d’une question écrite du 23 avril 1990, ainsi que d’un courrier du 30 avril 1990 (annexes I-F et I-G).

Les réponses du ministre (annexes I-H et I-I) rappelaient tout d’abord qu’en tout état de cause, et conformément à l’article 8 de l’arrêté du 1er décembre 1987 précité, « lorsqu’une spécialité est l’objet d’un retrait d’homologation, la vente, la mise en vente ainsi que toute distribution à titre gratuit par le demandeur responsable de la mise sur le marché français doivent cesser un an après la notification de ce retrait. Toutefois, un délai supplémentaire d’un an est toléré dans les mêmes conditions que ci-dessus ».

La vente du Curlone pouvaient donc se poursuivre, conformément au droit commun, deux ans après le retrait de l’autorisation de vente intervenu le 1er février 1990.

Mais le Ministre précisait aussi que « si à l’issue de cette période, un délai supplémentaire d’un an s’avérait nécessaire, [il] ne serait pas opposé à l’accorder ».

C.- L’UTILISATION S’EST ENSUITE POURSUIVIE JUSQU’EN 1993

1. La chronologie

En effet, après l’arrêt de la commercialisation, l’utilisation du Curlone s’est poursuivie jusqu’en septembre 1993, sur le fondement des deux dérogations suivantes.

Une première décision du sous-directeur de la protection des végétaux, par autorisation du ministre de l’agriculture de l’époque, M. Louis Mermaz, datée du 6 mars 1992, accorde « à titre dérogatoire un délai supplémentaire d’un an d’utilisation du Curlone (n° 8100271) pour lutter contre le charançon du bananier, c’est-à-dire jusqu’au 28 février 1993 » (annexe I-J).

Cette décision rappelle qu’il existe d’autres produits autorisés pour lutter contre ce parasite.

Par un courrier du 19 mars 1992, le sous-directeur de la protection des végétaux indiquera au Directeur de l’agriculture et de la forêt de Martinique que « cette dérogation s’adresse à l’ensemble des planteurs de bananiers qui peuvent ainsi utiliser le reliquat de Curlone qu’ils possèdent en stock » (annexe I-K).

Ce courrier indique également qu’ « il faudrait porter particulièrement notre attention sur les risques d’une nouvelle commercialisation de ce produit qui entraînerait inévitablement une reconstitution des stocks chez les exploitants. Cette dérogation ne devrait pas, en effet, être prolongée l’an prochain du fait que d’autres spécialités sont susceptibles d’être homologuées ». En effet, conformément à l’arrêté du 1er décembre 1987, la commercialisation doit cesser deux ans après le retrait de l’homologation d’un produit.

Un courrier du 27 mars 1992 (même auteur, même destinataire) précise que la dérogation accordée est une dérogation d’utilisation du produit par les agriculteurs ; le sous-directeur précise également qu’il ne voit pas d’objection à ce qu’il puisse y avoir vente de ce produit par la SICABAM et le GIPAM aux agriculteurs à condition que ceux-ci l’utilisent avant le 28 février 1993 (annexe I-L).

Le 14 janvier 1993, le sous-directeur de la protection des végétaux, en réponse à un courrier adressé par le préfet de région et faisant état d’une demande de prolongation de la dérogation émanant de la SICABAM, se dit prêt à analyser la situation et estime qu’en tout état de cause, une telle dérogation ne pourrait excéder 6 à 8 mois compte tenu de l’existence d’un produit de substitution, et devrait en outre être assortie de mesures tendant à éviter toute introduction dans la région de nouvelles quantités de Curlone (annexe I-M).

Le 25 février 1993, alors que M. Jean-Pierre Soisson est Ministre de l’agriculture, une décision du sous-directeur de la protection des végétaux autorise l’ensemble des planteurs de bananiers à utiliser le reliquat de Curlone, à base de chlordécone, pour lutter contre le charançon du bananier, et ce jusqu’au 30 septembre 1993 (annexe I-N).

Elle précise en outre que toute publicité est interdite.

2. Les conditions dans lesquelles ces décisions furent prises

Conformément aux prescriptions de l’arrêté du 1er décembre 1987, à compter du retrait d’homologation du Curlone (comme de n’importe quel produit) :

– la vente, la mise en vente ainsi que toute distribution à titre gratuit par le demandeur responsable de la mise sur le marché français devaient cesser un an après la notification de ce retrait ;

– un délai supplémentaire d’un an était toléré pour la vente, la mise en vente ou la distribution à titre gratuit pour toute personne autre que le demandeur, responsable de la mise sur le marché français (cf. annexe I-O).

La vente, la mise en vente et la distribution du Curlone pouvaient donc se poursuivre jusqu’en février 1992.

A l’expiration de ce délai de commercialisation de deux ans, on peut se demander si l’autorité administrative était fondée à permettre que l’utilisation se poursuive jusqu’en 1993, en d’autres termes si la loi et l’arrêté, auxquels ces décisions devaient être conformes, permettaient pareille prorogation.

Or ni la loi du 2 novembre 1943, ni l’arrêté du 1er décembre 1987, ne comportaient de prescriptions relatives aux délais d’utilisation d’un produit (8).

Ces décisions interviennent donc dans un vide juridique sur l’interprétation duquel il importe de s’interroger.

Dans le silence des textes, deux interprétations sont possibles.

On peut estimer que l’utilisation peut se poursuivre jusqu’à épuisement des stocks, puisque ni la loi ni l’arrêté ne comportent de dispositions explicites qui limitent l’utilisation d’un produit dont l’homologation est retirée. C’est l’analyse livrée à la mission par le Ministère de l’agriculture.

On peut à l’inverse considérer que l’utilisation doit être encadrée dans les mêmes conditions que la commercialisation, c’est-à-dire que l’utilisation est possible pendant les deux ans qui suivent le retrait de l’homologation, et uniquement pendant ces deux ans. En d’autres termes, même si la loi est muette sur l’utilisation d’un produit dont l’autorisation est retirée, on doit déduire du fait qu’elle limite explicitement dans le temps la commercialisation de ce produit la conclusion qu’elle limite dans les mêmes conditions, implicitement mais automatiquement, l’utilisation de ce même produit. C’est cette hypothèse qui paraît la plus vraisemblable à la mission.

En effet, la décision du 6 mars 1992 indique que c’est « par dérogation » que le ministère accorde la prolongation d’un an pour l’utilisation du Curlone, ce qui semble attester que le silence des textes doit donc bien être interprété comme bornant l’utilisation du produit dans les mêmes limites que la commercialisation (deux ans après l’utilisation du produit, et pas plus).

Cette analyse est d’ailleurs celle que le service de la protection des végétaux développait dans une note de service du 27 juillet 1990 (jointe en annexe I-O).

Si c’est bien la seconde interprétation qui doit être retenue, on ne peut qu’émettre de sérieux doutes sur les conditions dans lesquelles ces décisions ont été prises.

Ces décisions paraissent d’autant plus regrettables que des traitements alternatifs existaient : si l’on se fie à l’index ACTA (9), les agriculteurs avaient alors à leur disposition le Temik (substance active : aldicarbe), le Nemacur O (isophenphos et phénamiphos), le Rugby (cadusaphos) et le Counter (terbuphos). L’argument invoqué en 1990 pour justifier les demandes de prorogation du délai d’utilisation du Curlone, c’est-à-dire le caractère inabouti des recherches tendant à trouver des substituts satisfaisants au chlordécone, paraît en 1992 et 1993 dénué de fondement.

En outre, la Commission d’étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole avait motivé son avis favorable au retrait de l’homologation du Curlone par la toxicité et la rémanence de ce pesticide, et ce dès 1990.

Par ailleurs, il convient de dissiper toute ambiguïté au sujet du champ d’application de ces dérogations.

On a souvent cherché à accréditer la thèse selon laquelle si le Curlone avait été autorisé pour toute la France jusqu’en 1990, les dérogations auraient limité aux seules Antilles la possibilité de poursuivre l’utilisation de ce produit au-delà de cette date. Cette thèse laisserait entendre que les autorités nationales ont, par négligence, voire délibérément, sacrifié la santé des populations ultramarines tout en protégeant soigneusement celle des populations vivant dans l’Hexagone.

La mission tient à tordre le cou aux allégations dénuées de tout fondement.

Comme on l’a précédemment exposé, une autorisation de vente n’est pas délivrée pour une zone géographique, mais au propriétaire d’une molécule ou d’une spécialité commerciale, pour un usage déterminé.

En l’espèce, le produit ayant été homologué pour un usage limité aux bananeraies, il n’a jamais été utilisé en métropole, où il n’aurait eu aucune utilité.

Son utilisation entre 1990 et 1992 était parfaitement légale, et conforme à ce qui se pratique en n’importe quel point du territoire national.

Si les plus vives réserves doivent être émises sur les conditions dans lesquelles les décisions de 1992 et 1993 ont été prises, d’autres exemples illustrent qu’en matière de pesticides, l’improvisation juridique n’est pas, malheureusement, une spécificité ultramarine. Ce constat est si vrai que ces derniers mois des mises en examen ont été prononcées dans l’hexagone pour défaut d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytosanitaire dangereux, en l’occurrence le Régent, insecticide utilisé pour les cultures de maïs et de tournesol.

III.- L’ÉVOLUTION DU CADRE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE REND DÉSORMAIS IMPOSSIBLE L’HOMOLOGATION
D’UN TEL PRODUIT

A.- LE RENFORCEMENT DU CADRE JURIDIQUE INTERNATIONAL ET COMMUNAUTAIRE EN MATIÈRE DE RÉGLEMENTATION DES PESTICIDES

1. Le cadre international : les polluants organiques persistants

Deux conventions visent à éliminer ces substances : la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, entrée en vigueur le 17 mai 2004 et négociée sous les auspices du Programme des Nations Unies pour l’environnement, et le Protocole d’Aarhus à la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance de 1979 relatif aux polluants organiques persistants, négocié sous les auspices de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies (CEENU), en vigueur depuis 2003.

Ces POP, destinés à des usages agricoles ou industriels, sont particulièrement rémanents et font partie des substances les plus toxiques pour l’environnement et la santé ; ils peuvent se déplacer sur de longues distances et s’accumulent dans la chaîne alimentaire.

La Convention de Stockholm est ouverte à tous les Etats et à toutes les organisations régionales d’intégration économique et a été ratifiée à ce jour par 75 parties. C’est un instrument de portée mondiale qui vise à garantir que les substances qui y figurent ne sont plus produites, utilisées, importées et exportées. Elle vise également à arrêter ou ralentir les rejets de POP dont la production n’est pas intentionnelle. Dans une première phase, la Convention se propose de mettre fin aux rejets des douze POP les plus nocifs, qu’on appelle les « douze salopards ».

Dix d’entre eux ont des utilisations commerciales en tant que pesticides et/ou produits chimiques industriels, tandis que deux, les dioxines et les furanes, sont des sous-produits de la combustion et de la production d’autres produits chimiques.

Le Protocole de la CEENU relatif aux polluants organiques persistants, qui est entré en vigueur le 23 octobre 2003, est ouvert aux 55 membres de la CEENU et a été ratifié à ce jour par 20 d’entre eux, dont l’Union Européenne le 29 avril 2004. Le Protocole est plus ambitieux que la Convention de Stockholm. L’objectif final est d’éliminer tous les rejets, émissions et pertes de POP. Il concerne pour l’instant 16 substances : deux produits chimiques industriels et trois sous-produits/contaminants, onze pesticides, dont le chlordécone.

En outre, la première conférence des parties à la Convention de Strockholm, réunie au cours de la semaine du 2 mai 2005 à Punta del Este, a décidé d’ajouter quatre molécules à cette liste : deux produits ignifuges, le penta-BDE et l’hexa-BB, et deux pesticides, le lindane, et le chlordécone.

Cette inscription est passée relativement inaperçue, mais constitue un progrès incontestable.

De manière générale, il convient d’encourager le développement d’instruments internationaux en matière de réglementation des pesticides.

D’une part, ils constituent un lieu d’échange des connaissances et des expériences qui faisaient cruellement défaut jusqu’à une date récente. Dans le cas du chlordécone, l’interdiction aux Etats-Unis en 1976 aurait sans doute eu davantage de retentissement et aurait emporté d’autres conséquences si une institution multilatérale avait servi de caisse de résonance aux préoccupations ayant conduit à cette époque à pareille interdiction.

Ils garantissent ainsi la diffusion de standards, tant en matière de santé ou d’environnement, à l’ensemble des pays quel que soit leur niveau de développement, et concourent donc à protéger les populations quel que soit leur niveau de vie.

En outre, ainsi que cela a été souligné devant la mission, il ne fait aucun doute que la tentation d’utiliser de manière frauduleuse des produits interdits disparaît :

– bien sûr lorsque ces produits ne sont plus fabriqués, et donc plus disponibles,

– mais aussi lorsque les règles du jeu sont les mêmes pour tous, et que le coût de production agricole n’est pas artificiellement diminué par l’usage de pesticides peu chers, mais interdits car nuisibles.

C’est particulièrement vrai s’agissant de la culture de la banane, où la concurrence s’exerce entre zones dont le niveau de développement est très différent.

2. Le cadre européen

La directive 79/117 CE organisait un régime en vertu duquel tous les produits phytosanitaires qui n’étaient pas explicitement interdits pouvaient être librement utilisés.

En 1991, la directive 91/414 CE concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques va introduire un changement sensible.

Très proche, dans son organisation, du modèle français, elle prévoit que sont autorisés les seuls produits inscrits sur une liste au terme d’une procédure d’homologation.

Cette procédure comporte deux phases : l’une, communautaire, vise à autoriser une substance active, tandis que l’autorisation de vente d’une spécialité commerciale ressortit à la compétence de chaque Etat membre.

graphique

Pour chaque substance active, un dossier est constitué par une firme, et comprend :

– des études sur la substance active répondant aux exigences fixées par l’annexe II de la directive 91/414 ; il convient en particulier de démontrer d’une part l’efficacité du produit, mais aussi l’absence d’effets nocifs de son utilisation et de ses résidus dans le cadre d’une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires ;

– une évaluation des risques pour une préparation représentative de la substance, répondant aux exigences fixées par l’annexe III de la directive.

Le dossier est instruit par l’un des Etats membres, qui rédige une monographie résumant et critiquant les études fournies et l’évaluation des risques proposée.

L’Agence européenne de sécurité alimentaire émet un avis, puis la monographie est discutée par des groupes de travail auxquels participent tous les pays.

Les critères de décision à respecter lors de l’évaluation des dossiers ou « principes uniformes » sont définis dans l’annexe VI de la directive, et concernent notamment la persistance et la dispersion.

A cet égard, trois principes doivent être retenus :

1. l’autorisation de vente d’une substance persistante ne peut être accordée ; par exception, elle peut l’être, « si on peut démontrer que des applications répétées conduiront à l’établissement d’un plateau d’accumulation dans le sol et estimer le niveau de concentration correspondant à ce plateau ; la firme doit alors montrer qu’à cette concentration, il n’y aura pas de phytotoxicité, pas de résidus inacceptables dans les végétaux cultivés, et pas d’impacts écotoxicologiques » (10;

2. pour les eaux souterraines, des seuils de « concentration maximale admissible » (CMA) sont fixés sur une base toxicologique, ces critères s’appliquant aux substances actives et à leurs métabolites dits « pertinents », c’est-à-dire ceux qui présentent un intérêt d’ordre toxicologique ou écotoxicologique ;

3. pour les eaux de surface, il convient de s’assurer que les concentrations susceptibles d’être retrouvées n’auront pas d’impact écotoxicologique.

Pour les eaux destinées à la production d’eau potable, la directive 91/414 renvoie à la directive 75/440, qui établit une classification selon des valeurs de concentration.

Enfin, est également pris en compte le risque pour le manipulateur et le consommateur par ingestion ou inhalation.

Toute modification dans la composition physique, chimique ou biologique d’un produit doit faire l’objet d’une nouvelle demande d’homologation.

Une autorisation est annulée s’il ressort que les conditions requises pour son obtention ne sont plus réunies.

Les précautions sont donc considérablement renforcées s’agissant des matières actives, et il paraît très peu vraisemblable, selon les informations communiquées par les services de la Commission européenne à la mission, qu’à l’heure actuelle un produit comme le chlordécone puisse répondre à l’ensemble des exigences posées par la directive et soit homologué.

Lorsque la matière active reçoit un avis favorable (à l’unanimité), elle est autorisée pour une durée de 10 ans renouvelable, et figure parmi « la liste des matières autorisées » dite « liste de l’annexe I » (annexe de la directive). Ces substances sont aujourd’hui une centaine ; leur inscription, pour la moitié d’entre elles remonte à moins de deux ans.

Les matières actives utilisées avant l’entrée en vigueur de la directive sont soumises à un réexamen, échelonné dans le temps, dans le cadre d’un programme de travail qui comporte plusieurs phases.

A la suite de l’instruction des matières anciennes, soit la matière est inscrite sur la liste communautaire de l’annexe I pour une durée de 10 ans, soit son inscription est refusée et les autorisations antérieures de mise sur le marché sont retirées.

S’agissant du chlordécone, il faut préciser que cette substance active n’a jamais eu d’existence en droit communautaire :

– d’une part, elle n’était pas inscrite à la liste de substances interdites pas la directive 79/117 CE, nous l’avons dit ;

– d’autre part, au moment où la directive 91/414 était transposée en droit français par le décret 94-359 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques, le chlordécone était interdit et son utilisation avait cessé. L’Etat français, à bon droit, ne l’a pas notifié aux autorités communautaires, et son fabriquant n’avait pas d’intérêt économique à en demander l’inscription dans des conditions où l’issue d’une telle demande paraissait très incertaine.

B.- LE CADRE NATIONAL

La compétence du Ministre de l’agriculture est aujourd’hui restreinte à la seule autorisation de produits formulés dont la substance active est inscrite à l’annexe I de la directive 91/414.

Mais outre cet aspect quantitatif, le cadre national a également évolué en ce qui concerne le niveau des exigences relatives à l’évaluation des risques, qui se sont renforcées. D’après les informations fournies par l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), les dossiers d’homologation étaient, il y a vingt ans, à 80 % consacrés à démontrer l’efficacité du produit dans son rôle de protection de la plante, et à 20 % à la toxicologie, c’est-à-dire à la mesure des dangers de la molécule sur la santé humaine.

Aujourd’hui, le dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché comprend pour plus de 90 % des études toxicologiques et écotoxicologiques.

Aboutissement de cinq à sept ans de recherche en moyenne, la constitution d’un tel dossier représente, pour une firme, un coût de l’ordre de 30 millions d’euros, contre 5 millions auparavant et la durée d’instruction atteint en moyenne 32 mois.

En outre, la composition de la commission d’étude de la toxicité des produits antiparasitaires a été modifiée afin de renforcer son indépendance : plus aucun représentant des industriels de la protection des plantes ou des agriculteurs n’y siège depuis 2001.

Ces évolutions ne vont pas sans conséquences pour les demandeurs d’homologation et les produits eux-mêmes.

Le renforcement des exigences réglementaires implique un renchérissement du coût de l’homologation supporté par les industriels. Les conséquences financières d’un refus sont proportionnellement plus lourdes, et les firmes s’entourent d’un maximum de précautions afin de s’assurer que le produit qu’elles présentent offre toutes les garanties nécessaires du point de vue de son innocuité.

De fait, les produits phytosanitaires mis sur le marché ont énormément évolué. D’après l’UIPP, les doses nécessaires ont été divisées par cent en trente ans. En 1950, il fallait en moyenne un kilo de substance active par hectare, contre moins de cent grammes aujourd’hui.

Les adjuvants toxiques ou inflammables sont éliminés.

La rémanence des pesticides a fortement diminué, et de nouveaux modes d’action sont expérimentés.

Les fabricants s’efforcent en outre de réduire la toxicité des produits en améliorant la formulation de manière à tenir compte des usages identifiés sur le terrain. Ainsi, Syngenta, fabriquant du paraquat, un herbicide dont la toxicité aiguë par contact et par ingestion est extrêmement forte, a fait part à la mission des résultats des recherches qui lui ont permis d’aboutir à une nouvelle formulation présentant moins de dangers pour les utilisateurs (cf. annexe I-Q).

IV.- LE CADRE JURIDIQUE DOIT ÊTRE AMÉLIORÉ

A.- LA RESPONSABILITÉ DE LA DÉCISION EN MATIÈRE DE PESTICIDES

1. L’évaluation du risque

Comme l’a souligné la mission, l’évaluation du risque repose sur des commissions dont les membres sont nommés par le ministre de l’Agriculture, qui est maître de la décision d’autorisation ou de retrait d’homologation.

Or une suspicion croissante pèse sur le ministère dans l’exercice de ses prérogatives ; il lui est notamment reproché de témoigner d’avantage d’intérêt aux considérations économiques et agricoles qu’aux préoccupations sanitaires ou environnementales, y compris dans l’évaluation des risques dont il est indirectement (11) partie prenante.

Partant, le projet de loi d’orientation agricole, qui doit être examiné par le Parlement à l’automne, envisage de substituer aux commissions existantes l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments pour l’évaluation des intrants.

Etablissement public, l’AFSSA dispose déjà de compétences dans le domaine des produits phytosanitaires, puisqu’en vertu de l’article L. 1323-1 du code la santé publique, l’agence « évalue les risques sanitaires et nutritionnels que peuvent présenter les aliments destinés à l’alimentation ou aux animaux, y compris ceux pouvant provenir […] de l’utilisation […] des produits phytosanitaires ». Il s’agit ce faisant de garantir une évaluation indépendante de toutes considérations économique et agricole.

2. La décision : doit-elle continuer à relever du seul ministre de l’Agriculture ?

Au cours des auditions auxquelles elle a procédé, la mission a souvent été frappée, s’agissant de l’organisation administrative au niveau national (ce n’est en revanche pas du tout le cas au niveau local), du relatif cloisonnement des différents services qui interviennent dans le champ des pesticides.

En outre, elle a également constaté que des informations d’importance n’étaient pas parvenues aux services intéressés, visiblement parce qu’elles n’avaient pas été transmises.

Ainsi, c’est au cours de leur audition que les responsables de l’AFSSA ont pris connaissance de la saisine d’un stock de patates douces contenant du chlordécone à Dunkerque en 2002.

La mission ne peut donc qu’appeler de ses vœux une véritable transversalité dans la gestion publique des pesticides.

Certaines habitudes administratives doivent être modifiées ; en effet, les services du ministère de la Santé et du ministère de l’Ecologie doivent être associés aux décisions, et donner systématiquement un avis sur l’octroi d’une AMM et sur son retrait.

C’est pourquoi la mission propose la réunion annuelle d’une commission interministérielle d’étude et d’évaluation des produits phytosanitaires, qui regrouperait, sous l’autorité du ministre de l’Agriculture, l’ensemble des administrations concernées, les agences parties prenantes du dispositif de sécurité sanitaire français (AFSSA, AFSSE, INVS) et les organismes de recherche, qui permettrait annuellement de faire le point sur les difficultés que soulève, sur le terrain, l’usage des pesticides, d’identifier et de lancer des programmes d’étude et de recherche prioritaires.

En outre, a été évoquée devant la mission la possibilité de confier la responsabilité de la décision d’octroi et de retrait de l’AMM aux trois ministères de la Santé, de l’Agriculture et de l’Environnement.

La mission estime pour sa part que si les considérations écologiques et sanitaires qu’ont naturellement vocation à porter ces deux ministères doivent être intégrées parmi les paramètres de la décision, en revanche celle-ci doit continuer à relever de la compétence du seul ministre de l’Agriculture.

En effet, toute responsabilité diluée est plus difficile à identifier,ce qui ne paraît pas du tout souhaitable en l’espèce.

B.- FAUT-IL RENFORCER LES EXIGENCES DÉCOULANT DE LA PROCÉDURE D’HOMOLOGATION ?

Les experts toxicologues rencontrés par la mission ont développé à ce sujet la même analyse.

Ils estiment que si la procédure doit évoluer, ce n’est pas en « plus », mais en « mieux ».

Leurs conclusions rejoignent le constat effectué par la mission, qui a pu mesurer qu’il est dans l’intérêt de tous que les agriculteurs disposent de moyens de lutte contre les ennemis des cultures de plus en plus efficaces et de moins en moins toxiques.

Or l’arbitrage effectué par les firmes entre le profit escompté et le coût du développement d’un produit peut être influencé par la charge financière que représentent les études exigées dans le cadre de l’homologation.

En d’autres termes, une homologation de plus en plus lourde peut freiner le développement de produits innovants qui se substitueraient avantageusement à des pesticides plus anciens, moins efficaces et présentant davantage de risques.

C’est particulièrement vrai s’agissant de ce que l’on appelle les usages mineurs, comme par exemple la culture de la banane, qui représente un marché beaucoup moins large que le blé ou le maïs, et où les perspectives de profit (et donc les recherches et les investissements) sont souvent insuffisantes aux yeux des industriels pour encourager au développement de solutions de traitement adaptées.

La mission estime que les procédures d’homologation pour les cultures mineures doivent être adaptées ; en contrepartie, la veille sanitaire et écologique serait renforcée, et une réévaluation périodique pourrait être opérée.

Les toxicologues ont également indiqué que plusieurs pistes doivent être explorées afin d’optimiser la procédure d’homologation, et de rendre les protocoles d’évaluation plus pertinents.

Tout d’abord, les adjuvants ajoutés aux pesticides et destinés à renforcer leur efficacité doivent être systématiquement évalués. La mission souhaite que cette problématique soit abordée dans le projet de loi d’orientation agricole.

En outre, les mélanges de pesticides, souvent pratiqués par les agriculteurs dans le but de lutter simultanément contre plusieurs fléaux des cultures ou de faire face à d’éventuels phénomènes de résistance, doivent être recensés, étudiés et interdits s’ils présentent des risques pour la santé et l’environnement. A cette fin, le ministère de l’Agriculture a mis en œuvre en mars 2004 un enregistrement provisoire des mélanges. Chacun d’eux doit faire l’objet d’une validation définitive après avis de la commission d’étude de la toxicité. Celle-ci doit intervenir au plus vite, et les contrôles doivent être renforcés afin de sanctionner les contrevenants.

Ensuite, les scientifiques ont signalé les lacunes dans les exigences relatives à l’évaluation des produits de dégradation des substances antiparasitaires. En effet, l’action du milieu sur un pesticide peut induire des modifications de sa composition. C’est ainsi que le chlordécone est identifié comme produit de dégradation du mirex. Ces modifications doivent être mieux cernées dès la phase de l’homologation.

Enfin, les interactions entre pesticides doivent également être évaluées ; on connaît en effet les pesticides utilisés pour chaque type de culture, et il conviendrait de rechercher quels effets combinés ces pesticides peuvent induire lorsqu’ils sont présents simultanément, sous forme de résidus, dans des aliments.

En tout état de cause, la toxicologie doit être un domaine de recherche sanctuarisé du point de vue budgétaire. Or les scientifiques ont fait part de leurs craintes devant, d’une part la relative désaffection des étudiants pour une spécialité dépréciée, et d’autre part la rareté de la ressource budgétaire pour financer les laboratoires.

Il serait paradoxal qu’au moment où notre pays adopte la Charte de l’environnement, il soit privé des outils d’expertise permettant de sérier les enjeux et autorise la mise sur le marché de produits potentiellement dangereux.

DEUXIÈME PARTIE :

LA DÉCOUVERTE DE LA POLLUTION PAR LE CHLORDÉCONE A ENTRAINÉ LA MISE EN PLACE D’UN VÉRITABLE PLAN D’ACTION LOCAL

I.- AVANT QUE N’ÉCLATE LA CRISE DU CHLORDÉCONE, LA QUESTION DES PESTICIDES DANS L’AGRICULTURE ANTILLAISE AVAIT FAIT L’OBJET DE PLUSIEURS RAPPORTS

A.- L’IDENTIFICATION PROGRESSIVE DU RISQUE LIÉ À L’UTILISATION DES PESTICIDES

Dès 1977, le rapport Snégaroff, issu d’une mission de l’INRA chargée d’étudier les problèmes de pollution par les pesticides dans les zones bananières du sud de la Grande-Terre, concluait à l’existence d’une pollution des sols des bananeraies et des milieux aquatiques environnants par les organochlorés.

Ses résultats constituaient un premier signal, mais reposant sur des analyses très localisées, leur portée revêtait nécessairement un caractère limité.

En 1980, le rapport Kermarrec soulignait quant à lui la bioaccumulation des organochlorés dans l’environnement. Il relevait notamment l’accroissement de la concentration en perchlordécone dans la chaîne alimentaire, et attirait l’attention sur la nécessité d’effectuer des recherches sur une molécule voisine, le chlordécone, afin de cerner avec précision sa présence dans l’environnement.

En 1993, une étude sur la rémanence des pesticides dans l’estuaire du Grand Carbet, l’une des rivières les plus exposées aux pollutions diffuses par les pesticides, mettait en évidence la présence du chlordécone dans les sédiments et dans l’eau à des degrés supérieurs au milligramme par litre ou par kilo. Mais une fois encore, il paraissait difficile d’en tirer des enseignements de portée générale compte tenu du petit nombre de prélèvements pratiqués (2 campagnes en juillet et octobre 1993, 12 échantillons de sédiments et deux échantillons d’eau).

En 1998, une mission interministérielle d’inspection relative à l’évaluation des risques liés à l’utilisation de produits phytosanitaires en Guadeloupe et en Martinique était menée par MM. Balland, Mestre et Fagot, à la demande du ministre de l’Agriculture et de la ministre de l’Environnement. L’objet de cette mission était de collecter les informations existantes, de procéder à une première évaluation du risque en fonction de ces données, et d’indiquer quelles initiatives devraient être prises afin de compléter, si nécessaire, ces informations.

La mission avait conclu à l’existence d’un « risque potentiel pour tous les compartiments du milieu et pour les utilisateurs, compte tenu […] d’une possibilité d’exposition supérieure à ce qu’on peut trouver en métropole [et] des dangers particulièrement élevés, à la fois pour l’homme et l’environnement ».

Néanmoins, elle estimait que les connaissances étaient encore insuffisantes. Aussi, la première de ses recommandations concernait-elle l’état de lieux : « mieux connaître la contamination par les pesticides et leur incidence sur la santé ; prendre les mesures appropriées en matière de santé publique, mettre en place les moyens de mesure sur place des résidus ». La priorité était donc à l’acquisition de données fiables.

L’ensemble de ces rapports concluaient donc tous à la présence significative de pesticides dans l’environnement, mais recensée de manière non systématique ; partant, ils diagnostiquaient un risque, mais un risque dont l’existence ne pouvait être établie de manière certaine compte tenu du caractère lacunaire de la connaissance de la pollution par le chlordécone.

B.- LA DÉCOUVERTE DE LA POLLUTION EN 1999

Suivant les recommandations du rapport Balland, Mestre et Fagot, une campagne d’analyses spécifique était lancée dans les deux départements antillais.

1. En Guadeloupe

Une étude la DSDS (Direction de la santé et du développement social), menée de septembre 1999 à février 2000, mit en évidence une importante pollution des sources du Sud de Basse-Terre par des pesticides organochlorés interdits depuis plusieurs années.

Trois molécules étaient détectées à des doses cent fois supérieures à la norme : le chlordécone, le HCH béta, et la dieldrine, respectivement interdites en 1993, 1987 et 1972.

En décembre 2000, une étude de la DIREN (Direction régionale de l’environnement) confirmait la pollution des eaux et des sédiments de rivière.

Neuf captages AEP (12) importants présentaient des dépassements pour les molécules de HCH d’un à vingt fois la norme, pour les molécules de chlordécone de 3 à 103 fois.

2. En Martinique

C’est également en 1999 que la DSDS entreprit une campagne intensive de prélèvements qui se déroulèrent entre le mois de juin et le mois d’août sur sept sites.

Les prélèvements étaient réalisés chaque semaine en eau superficielle (cinq sites) et deux fois par mois pour les eaux souterraines (deux sites).

Les matières actives détectées étaient au nombre de cinq et concernaient principalement deux rivières et une source (la rivière Capot, la rivière Monsieur et la source Gradis).

Parmi ces substances actives, on distinguait notamment le chlordécone et le HCH béta.

C.- L’IDENTIFICATION TARDIVE DE LA POLLUTION TIENT À PLUSIEURS FACTEURS CONJUGUÉS

On peut s’étonner que l’étendue et la gravité de la pollution par le chlordécone n’aient été mises en évidence qu’en 1999, alors que depuis de nombreuses années déjà, les rapports mentionnés entretenaient un « bruit de fond » (13) au sujet du risque potentiel de pollution, et que les associations s’alarmaient des conséquences de l’emploi massif des pesticides dans l’agriculture.

La mission a bien évidemment, au cours de ses auditions, soulevé cette question, et y voit deux explications.

1. La prise de conscience du risque lié aux pesticides par les pouvoirs publics est récente

Comme on l’a montré dans la première partie, la création d’instruments juridiques internationaux ou l’amélioration des mécanismes nationaux relatifs aux pesticides sont récentes, et traduisent la prise de conscience, par les autorités publiques, des risques que comporte l’usage des pesticides.

Cette évolution des pouvoirs publics répond à une évolution de l’opinion publique face à ce risque, évolution à laquelle les associations écologistes ont sans doute contribué.

Or, toutes les personnes auditionnées en ont convenu, y compris les agriculteurs, jusqu’à une date récente était assigné à l’agriculture un objectif d’autosuffisance alimentaire qui impliquait la fourniture d’une production abondante. Les produits phytosanitaires étaient donc largement employés afin de satisfaire cet objectif, sans que cela soulève d’objections fondamentales.

En outre, les risques liés aux pesticides étaient encore mal connus, et de ce fait, relativement peu pris en compte parmi les critères de décision au regard des considérations d’ordre économique et social (volumes de production et maintien de l’emploi agricole).

On peut ainsi reprendre l’exemple, cité par la mission interministérielle dans son rapport, du décret du 3 janvier 1989 relatif aux eaux destinées à la consommation humaine à l’exclusion des eaux minérales naturelles, qui fixe les règles de contrôle de la qualité des eaux. Ce n’est qu’en 1995 que des règles spécifiques à la recherche des pesticides ont été définies (14).

Mais on peut tout de même regretter qu’il ait fallu attendre 1998, à l’occasion d’une réorganisation du service de l’eau, pour que l’ensemble des prescriptions découlant de ce décret soit mises en œuvre.

2. Les outils d’analyse présentaient jusqu’à une date récente un caractère rudimentaire

Le rapport de M. Eric Godard de mai 2000 (15) décrit de manière éclairante l’état des connaissances tirées des contrôles réglementaires pratiqués périodiquement par les services de l’Etat, avant que les campagnes d’analyses lancées en 1999 par les DSDS de Martinique et de Guadeloupe ne révèlent la pollution par le chlordécone :

« Les connaissances issues du contrôle sanitaire pratiqué depuis 1991 n’avaient pas montré de contamination importante des ressources en eau potable par les pesticides, ni en fréquence, ni en quantité. Toutefois, depuis quelques années, le nombre de molécules détectées était en croissance constante.

Le nombre de produits recherchés restait cependant très en deçà du nombre des produits susceptibles d’être utilisés, d’après une enquête réalisée en 1996 et actualisée depuis : seules 21 matières actives sur les 180 potentiellement utilisées en Martinique pouvaient être analysées par le laboratoire habituel. A compter du 1er juillet 1997, de nouvelles matières actives ont été introduites, portant le nombre de produits potentiellement utilisés recherchés par le laboratoire à 39, le nombre total de molécules recherchées passant de 67 à 76. »

A ce problème de champ des molécules recherchées, s’ajoutaient des difficultés relatives au transport des supports d’analyse vers l’Institut Pasteur de Lille, qui effectuait ces recherches.

En effet, l’analyse des résidus de pesticides revêt un haut degré de technicité et requiert des équipements spécialisés, dont les laboratoires antillais n’étaient pas pourvus.

Ces délais étaient longs et de nature à fausser les résultats des tests ; en outre, bien souvent les échantillons arrivaient brisés et impropres à tout usage au laboratoire en question. Ainsi, on découvre avec étonnement que tout un lot d’échantillons prélevés dans le cadre de l’étude sur la rémanence des pesticides dans l’estuaire du Grand Carbet n’ont pu être analysés, car « brisés pendant le transport »…

De fait, les auditions réalisées par la mission ont permis d’établir que l’élément déterminant qui a permis de prendre toute la mesure de la pollution par le chlordécone a été le changement de laboratoire pour l’analyse des prélèvements réalisés au cours de la grande campagne de 1999.

L’Etat a choisi de s’adresser au laboratoire départemental d’analyse de la Drôme, qui pratique une analyse multirésidus qui permet la recherche de 220 molécules, dont la moitié se trouve dans la liste des matières actives utilisées dans l’agriculture antillaise.

Selon l’adage bien connu, « on ne trouve que ce que l’on cherche », ce n’est qu’à partir du moment où ce que l’on a appelé « la méthode Valence » a été appliquée que les craintes ont pu être confirmées.

En outre, ce changement de laboratoire a également constitué l’occasion de modifier le conditionnement et les conditions de transport des échantillons, de telle sorte que ceux-ci ont été expédiés en moins de 48 heures et à une température inférieure à 10°C.

D.- LA MISE EN œUVRE RAPIDE D’UN PLAN LOCAL D’ACTION

A la suite de la découverte de la pollution des eaux, des mesures immédiates ont été prises, notamment de fermeture de certains captages ou de sites de production (en Martinique : source Gradis ; Guadeloupe : captages de Luma, de Gommier, de Belle-Terre, du Pont des Braves et usines de Capes-Dolé).

Dans le même temps, des plans de surveillance des résidus de pesticides dans les eaux et les denrées alimentaires ont été mis en place.

Les premiers résultats ont alors démontré un stockage du chlordécone dans les sols, la pollution de certains légumes racinaires cultivés sur des sols affectés, et la présence de trace de chlordécone dans certaines denrées animales.

Dans ce contexte, un plan global interministériel d’évaluation et de gestion des risques a été décidé et élaboré début 2003, à la demande du Ministre de l’agriculture d’alors, M. Hervé Gaymard. Elaborés par les préfets et déclinés pour la Guadeloupe et la Martinique, les plans sont validés en septembre 2003 (annexe II-A).

Ces plans sont actuellement mis en œuvre sur place, et les différentes actions sont coordonnées depuis 2000 et 2001 par deux groupes régionaux phytosanitaires, le GREPP en Guadeloupe (groupe régional d’étude des pollutions par les produits phytosanitaires) et le GREPHY en Martinique (Groupe régional phytsanitaire).

Ces deux groupes sont composés de l’ensemble des personnes intéressées à la question de la pollution par les pesticides : administrations, organismes de recherche, collectivités locales, agriculteurs…

La mission, lors de son passage à Fort-de-France, a pu assister le 15 février, à une séance plénière du GREPHY à laquelle étaient conviés pour la première fois des associations écologistes.

C’est une démarche intéressante dont le GREPP pourrait s’inspirer.

Les groupes gagneraient également à ce que les médecins libéraux et leurs représentants soient associés à leurs travaux.

Pareille initiative contribuerait à diffuser l’information et à renforcer la communication sur les actions entreprises par les pouvoirs publics ; elle permettrait également de fructueux échanges d’expérience.

La mission tient également à souligner l’intérêt qui réside dans la création de tels groupes.

Ainsi, contrairement au sentiment déjà rapporté de cloisonnement des administrations concernées par la question des pesticides au niveau national, la mission a pu constater que sur place, les services déconcentrés de l’Etat travaillaient de concert.

Le préfet de Martinique préside le GREPHY, et cela constitue un signal important de l’attention que l’Etat porte à la gestion de ce problème. La mission estime qu’un signal identique pourrait également être donné en Guadeloupe.

Elle tient également à affirmer l’exemplarité d’une telle démarche pour l’ensemble du territoire national. En effet, s’il existe déjà des groupes régionaux placés sous l’autorité des préfets, ces groupes ont développé une approche centrée sur la qualité de l’eau, et n’intègrent pas la dimension transversale de la question des pesticides : pollution des autres compartiments de l’environnement, résidus, exposition de la population et des travailleurs agricoles…

II.- L’ÉVALUATION DE LA POLLUTION ENVIRONNEMENTALE
ET DU RISQUE SANITAIRE

Si la pollution au chlordécone est avérée, en revanche, des incertitudes demeurent sur les conséquences que cette pollution peut entraîner pour la population.

Ces incertitudes doivent être levées, et de nombreuses études sont actuellement en cours afin de mieux cerner les mécanismes de pollution par le chlordécone, l’exposition de la population à cette pollution, notamment à travers l’alimentation, et les effets du chlordécone sur la santé des agriculteurs et de la population de manière générale.

A.- CHLORDÉCONE ET ENVIRONNEMENT

1. L’eau

Le suivi de la qualité des eaux doit être particulièrement vigilant dans la mesure où, en Guadeloupe, 80 % des ressources en eau potable se situent en Basse-Terre, zone historique de la culture de la banane, et où, en Martinique, tous les captages sont situés dans la moitié Nord du département, où est concentrée la sole bananière.

Cette coïncidence géographique renforce les risques de pollution par les organochlorés et par les pesticides utilisés en bananeraies de manière générale.

LA PRODUCTION D’EAU EN GUADELOUPE ET EN MARTINIQUE

 

Nombre de captages

Eaux souterraines

Eaux superficielles

total

Martinique

14

21

35

Guadeloupe

43

21

64

 

Ces chiffres n’intègrent pas les captages fermés à la suite de la campagne d’analyses de 1999.

a) La qualité des eaux

Les limites réglementaires relatives aux pesticides présents dans les eaux destinées à la consommation humaine découlent du décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001 relatif aux eaux destinées à la consommation humaine, à l’exclusion des eaux minérales naturelles.

On distingue :

– les eaux brutes :

Prélevées au niveau de captages d’eaux superficielles (rivières), ou d’origine souterraines (forages, sources), elles ont vocation à être traitées dans des usines d’eau potables afin d’être distribuées au consommateur.

La limite de qualité est fixée à 2µg/l par substance individualisée et à 5%µg/l pour l’ensemble des pesticides.

– les eaux de boisson.

Les limites de qualité sont de 0,1µg/l par substance individuelle et de 0,5µg/l pour l’ensemble des substances mesurées, y compris les produits de dégradation.

L’OMS propose quant à elle des valeurs établies en fonction de données toxicologiques souvent supérieures, pour la majorité des substances, à ce seuil de 0,1µg/l, qui est un seuil de précaution.

b) Le contrôle de la qualité des eaux

On peut distinguer deux types de contrôle de la qualité des eaux :

– Les réseaux de connaissance générale, gérés par les DIREN (Direction régionales de l’environnement) et qui ont vocation à suivre l’évolution des eaux en tant que patrimoine écologique.

En Martinique, la DIREN a ainsi mis en place, en 1999, un réseau de 33 stations situées à l’exutoire de bassins versants pour lesquels existe un risque de pollution industrielle ou agricole. En outre, deux prélèvements annuels sont opérés sur onze stations afin de suivre les éventuelles pollutions par les pesticides. 280 molécules sont systématiquement recherchées.

– Les réseaux d’usage, qui contrôlent le respect des limites de qualité applicables aux eaux de boisson, et qui sont animés par les DSDS.

En Martinique, le contrôle sanitaire porte sur 37 captages depuis 1993, et concerne plus de 300 molécules.

En Guadeloupe, 200 prélèvements ont été opérés par la DSDS sur les 61 captages et les 56 unités de traitement que compte l’île en vue de rechercher l’éventuelle présence de produits phytosanitaires.

Les contrôles effectués mettent en évidence :

– la conformité aux normes réglementaires de l’eau distribuée aux consommateurs, à plus de 99 % ;

– la présence stable du chlordécone dans les eaux brutes, mais à des valeurs extrêmement variables, ce qui témoigne de la présence importante de ce pesticide dans les sols, et de relargages ponctuels dus à des mécanismes de ruissellement et de percolation aujourd’hui encore mal connus.

2. Les sols

a) La cartographie

Conformément à la demande des ministres compétents, une cartographie des sols pollués est élaborée en Guadeloupe et en Martinique, selon deux méthodes différentes :

– Martinique

La cartographie est effectuée par le BRGM (bureau de recherches géologiques et minières), en fonction de prélèvements ciblés sur des sols identifiés comme à risque en fonction de trois critères : pression parasitaire, historique de l’occupation des sols (présence de bananeraies) et capacité de rétention des sols.

La carte statistique élaborée selon cette méthode est jointe en annexe (annexe II-B).

Elle ne montre pas la pollution de manière exhaustive, mais la pollution des sols, identifiés comme sols à risque selon les critères précités, sur lesquels les prélèvements ont été réalisés.

– Guadeloupe

Une cartographie est en cours d’élaboration et repose sur les résultats d’analyse de sols pratiqués en Basse-Terre et progressivement complétée par les résultats des analyses pratiquées par la chambre d’agriculture dans le cadre de l’application de l’arrêté préfectoral relatif aux analyses de sols préventives (voir infra).

b) Les recherches relatives au stockage du produit et au transfert sol-plantes

– Martinique :

Trois études sont actuellement en cours afin de parfaire les connaissances relatives aux mécanismes de pollution par le chlordécone, et ainsi mieux anticiper sur son évolution et sur les mesures de gestion du risque qui doivent être mises en œuvre :

– le programme « Bavenvorch »

Ce programme de recherche, mis en œuvre conjointement par l’INRA et le CIRAD, a pour objet de parfaire les connaissances relatives à la dynamique des pesticides dans les sols, aux effets des caractéristiques des sols sur le stockage du chlordécone, et à ceux des systèmes de culture sur l’évolution des stocks de chlordécone du sol. Les résultats seront connus en décembre 2005.

– le programme SIRS (système d’information à référence spatiale des sols)

Programme commun au PRAM (16), au CIRAD et à l’Université Antilles Guyane, il vise à élaborer un système d’information spatiale des sols de Martinique permettant de modéliser les processus se déroulant dans les sols (pollution, pilotage de l’eau d’irrigation, gestion des apports phytosanitaires dans un but d’optimisation et de diminution).

Un des volets du programme concerne la compréhension des mécanismes d’absorption et de désorption du chlordécone dans les différents types de sols et la mesure, en laboratoire, des paramètres de modélisation de ce processus.

Ses résultats sont attendus pour fin 2006.

– l’étude des transferts sols- plantes

Mis en œuvre par le PRAM et le CIRAD, cette étude a pour objet d’établir les relations entre niveau de pollution des sols et risque de contamination des plantes, et d’évaluer les facteurs qui influencent ce transfert.

– Guadeloupe :

Le SPV, en collaboration avec l’INRA et l’UPROFIG (17), pratique actuellement des essais au champ sur la capture du chlordécone par des cultures à organes souterrains et aériens récoltés sur les sols pollués par cette molécule, afin de déterminer les relations existantes entre la pollution des sols et celles de produits récoltés en agriculture pour la commercialisation alimentaire.

3. Les denrées alimentaires :

a) La définition de limites maximales de résidus

Conformément aux dispositions réglementaires applicables aux résidus de pesticides (18), aucun résidu de pesticide non autorisé ne devrait se trouver dans les produits végétaux. Néanmoins, compte tenu de la rémanence du chlordécone et de sa capacité à polluer certaines productions végétales voire animales, il est systématiquement recherché.

Ces recherches doivent permettre d’avoir une vue aussi précise que possible de la pollution des denrées consommables ; ces données, couplées avec une connaissance précise des habitudes alimentaires de la population, et du niveau au-delà duquel l’absorption du produit devient toxique, doivent conduire à fixer des limites maximales de résidus (LMR) pour chaque produit.

Tous les produits dont la LMR sera dépassée ne pourront être commercialisés.

A cette fin, le directeur général de l’alimentation, le directeur général de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, et le directeur général de la santé ont saisi l’AFSSA (19)le 17 octobre 2003 (voir annexe II-C).

La définition de références toxicologiques

En décembre 2003, l’AFSSA s’est prononcée sur deux références toxicologiques, qui constituent un préalable indispensable à la définition de LMR.

Ces valeurs indiquent des limites tolérables d’exposition à ne pas dépasser, tandis que les LMR indiquent les niveaux maxima de résidus de pesticides que les aliments doivent contenir pour que ces limites tolérables d’exposition ne soient pas atteintes, compte tenu des comportements alimentaires et du degré de pollution par le pesticide considéré.

La limite tolérable d’exposition répétée est fixée à 0,0005mg/Kg p.c./j (20).

La limite d’exposition aiguë est fixée à 0,01mg/kg p.c./j.

La collecte des données de contamination

Dans le cadre d’un plan de contrôle renforcé, les services des Directions départementales de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DDCCRF), ainsi que les services de la protection des végétaux (SPV) sont chargés de surveiller les résidus de pesticides dans les végétaux mis en marché issus de la production locale ou importée.

Les Directions des services vétérinaires (DSV ), les Directions de la santé et du développement social (DSDS) et l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) ont également entrepris, en 2003, une campagne de prélèvements sur des organismes aquatiques, ainsi que sur des bovins, caprins, porcins, ovins, sur des volailles, du lait et des œufs.

En outre, les DSV, dans le cadre de leurs plans de surveillance annuels, recherchent les résidus d’organochlorés dans les denrées d’origine animale.

Les résultats de ces contrôles sont joints en annexe (annexe II-D).

Début 2005, plus de 640 résultats de mesures avaient été transmis à l’AFSSA.

Des mesures complémentaires devaient être réalisées dans le cadre d’une collaboration entre l’AFSSA et la CIRE (21) Antilles-Guyane afin d’affiner les résultats obtenus pour les œufs et la volaille.

En outre, du chlordécone ayant été retrouvé dans un concombre, alors que les légumes aériens analysés avaient jusqu’alors toujours été indemnes de chlordécone, le laboratoire de la DGCCRF à Massy procède à des analyses complémentaires selon un nouveau protocole, qui consiste à comparer les résultats d’analyses pratiquées sur un même concombre, l’une étant effectuée à partir du légume non pelé, comme c’est actuellement le cas, l’autre à partir du légume pelé. Les traces de chlordécone s’expliqueraient en effet par la présence de terre polluée sur la peau du légume. Du chlordécone a également été retrouvé dans une tomate mais celle-ci provenait de la production importée.

La mesure de l’exposition des populations

Afin de fixer les LMR, il importe de cerner avec précision l’exposition des populations au chlordécone par voie alimentaire.

En d’autres termes, si la population consomme beaucoup de patates douces, la LMR pour ce légume sera faible, si elle en consomme peu, la LMR pourra être plus élevée.

Deux enquêtes ont été menées par la CIRE en collaboration avec l’AFFSA, dont le but est de connaître les habitudes de la population s’agissant du choix des aliments, de la fréquence de consommation et des quantités consommées :

– en Martinique :

Il s’agit de l’enquête ESCAL (étude sur la santé et les comportements alimentaires), menées auprès de 850 foyers, soit 2000 personnes environ, entre novembre 2003 et février 2004.

– en Guadeloupe :

Il s’agit de l’étude CALBAS (comportements alimentaires dans le Sud Basse-Terre), qui a concerné 300 foyers, soit environ 900 personnes, au cours de la deuxième quinzaine d’avril.

Les LMR devraient être fixées avant la fin de l’année 2005.

b) Les études sectorielles

Plusieurs études sont en cours ou ont été menées afin d’évaluer le degré et les mécanismes éventuels de pollution des organismes aquatiques, abondamment consommés par la population.

– Martinique :

Un rapport de l’Inspection générale de la santé d’octobre 2002 avait mis en évidence la contamination de certains organismes aquatiques par les organochlorés.

En outre, à la suite de l’interdiction de la pêche à pied dans l’estuaire de la Lézarde, des prélèvements de crabes, poissons, écrevisses, ont été pratiqués, et sont en cours d’examen.

De nouveaux prélèvements sur des crabes sont actuellement analysés par le laboratoire départemental d’analyse de la Drôme.

– Guadeloupe :

En 2004, l’Université Antilles-Guyane a réalisé une étude relative à l’évaluation du niveau de contamination par les pesticides des principaux écosystèmes marins côtiers. Elle a mis en évidence une contamination des organismes marins par les pesticides, mais ne permet pas de conclure sur les conséquences que ces molécules peuvent avoir sur les organismes en question et sur les écosystèmes.

En outre, le bureau d’étude Bios, mandaté par la DIREN, réalise actuellement des recherches sur le niveau de contamination des poissons et crustacés d’eau douce par les pesticides. Les résultats sont attendus prochainement.

B.- CHLORDÉCONE ET SANTÉ

1. Les effets sur la santé

Dans le cadre d’un rapport rédigé en juin 2004 (22), deux chercheurs de l’INVS, Nathalie Bonvallot et Frédéric Dor, ont procédé à une revue de la littérature internationale qui leur a permis d’identifier l’ensemble des effets du chlordécone recensés dans les études toxicologiques.

 

Extrait du rapport « Insecticides organochlorés aux Antilles

Institut de veille sanitaire – juin 2004

Toxicité aiguë

Les insecticides organochlorés produisent chez l’homme une stimulation du système nerveux central (SNC), entraînant des agitations, angoisses, désorientations, ataxie et parfois des convulsions. Cette neurotoxicité est souvent responsable de la mort lors d’intoxications massives. A fortes doses et par absorption orale, ils produisent également des nausées et une diarrhée. La période de latence entre la prise du toxique et l’apparition des symptômes varie de quelques minutes à plusieurs heures. Des intoxications au lindane ont provoqué une rabdomyolyse qui peut être la conséquence de convulsions, ou, très rarement, de troubles sanguins (anémies ou leucopénies d’origine centrale).

Chez l’animal, la toxicité aiguë, après une exposition unique, s’illustre, comme chez l’homme, par une stimulation du système nerveux central, entraînant des agitations et des convulsions pouvant évoluer en coma et à la mort. Sont également recensés, pour des expositions aigues uniques ou réitérées (jusqu’à 14 jours), des effets hépatiques ainsi que des effets sur le développement embryofœtal, pour des doses relativement fortes (de 15 mg/kg pour la dieldrine à 25-30 mg/kg pour les HCH et 125 mg/kg pour le chlordécone). Les études toxicologiques sur le chlordécone mettent également en évidence des effets immunologiques et rénaux (également mis en évidence avec la dieldrine).

Ces différents effets (sur le développement embryofœtal, immunologiques ou rénaux) n’ont pas été mis en évidence chez l’homme. Toutefois, chez l’homme, des expositions de cette importance, illustrées généralement par les cas d’intoxications massives, sont rares et ne se produisent pas forcément sur des populations sensibles ou particulières (comme par exemple la femme enceinte). Certains de ces effets, et particulièrement les effets sur le développement, ne peuvent donc pas être écartés au regard de l’absence de données.

Toxicité chronique

La toxicité liée à des expositions à plus long terme (subchroniques ou chroniques) et à des niveaux plus faibles se traduit par un certain nombre d’effets sanitaires, non retrouvés pour l’ensemble des six organochlorés étudiés (chlordécone, mirex, dieldrine, isomères alpha, béta, gamma du HCH). Par ailleurs, la qualité des données de la littérature est hétérogène en fonction de la substance étudiée.

Peu d’études épidémiologiques ont investigué les effets du chlordécone sur la santé humaine. L’ensemble des observations a été fait en milieu professionnel (fabrication du chlordécone) chez des travailleurs exposés principalement par voie respiratoire et cutanée, sans pouvoir écarter la voie orale en raison d’un contexte d’hygiène défavorable. Les effets neurotoxiques qui ont été rapportés (tremblements, anxiété, nervosité) font penser que les expositions étaient plutôt élevées (effets similaires aux cas d’intoxications aiguës), mais aucune de ces expositions externes n’a été caractérisée. Les mesures d’indicateurs biologiques montrent que des tremblements ont été observés pour des travailleurs présentant une concentration sanguine de chlordécone supérieure à 2 mg/L. Ont également été mis en évidence des effets hépatotoxiques (hépatomégalie, augmentation de l’activité enzymatique des microsomes, prolifération du réticulum endoplasmique lisse) sans que ces effets soient reliés à une quelconque concentration, ainsi que des effets sur la spermatogenèse pour des concentrations sanguines de chlordécone supérieure à 1 mg/L (oligospermie et diminution de la mobilité des spermatozoïdes).

Chez les rongeurs (rat et souris), les LOAEL (doses minimales pour lesquelles un effet est observé dans les expérimentations animales, « lowest observed adverse effect level » en anglais) varient de 0,05 à environ 10 mg/kg/j. Le chlordécone entraîne chez les animaux exposés certains changements au niveau du foie, pouvant être considérés comme adaptatifs. Ils ont été mis en évidence histologiquement (gonflement des cytoplasmes) pour les doses les plus faibles, à 0,05 mg/kg/j et certains d’entre eux sont également retrouvés chez l’homme (modification de certaines enzymes hépatiques). Une toxicité sur les organes reproducteurs mâles et femelles a été mise en évidence entre 0,83 et 1,3 mg/kg/j, et notamment une diminution de la mobilité et de la viabilité des spermatozoïdes chez le mâle. Pour des doses du même ordre de grandeur, le chlordécone est neurotoxique et néphrotoxique chez le rongeur (tremblements de 0,4 à 1,25 mg/kg/j et protéinurie à 0,25 mg/kg/j). Toutefois, si les effets neurologiques ont été mis en évidence dans une cohorte de travailleurs, aucun effet rénal n’a été rapporté. Il semblerait que le chien soit moins sensible que le rongeur à une éventuelle néphrotoxicité (pas d’effet pour une dose de 0,625 mg/kg/j).

Concernant les effets cancérogènes, aucune étude n’a été concluante chez l’homme. Chez le rongeur (rat et souris), le chlordécone est cancérogène, par induction de carcinomes hépatiques. L’IARC (23) a classé (puis réévalué) cette substance en 1979 (puis en 1987) dans le groupe 2B (cancérogène possible chez l’homme).

Bien que les effets liés à une exposition aiguë soient de même nature chez le rongeur et chez l’homme, la cohérence des effets n’est pas entièrement retrouvée pour des expositions chroniques puisque l’effet sur le rein retrouvé chez le rongeur n’a pas été identifié chez l’homme. Toutefois, certains effets sur le foie (légers) et sur la reproduction (altération de la production des spermatozoïdes chez l’homme) sont identifiés pour les deux espèces.

 

2. les études épidémiologiques menées sur place

Afin de parfaire les connaissances relatives à l’exposition directe (24) de la population, et d’apprécier s’il existe un lien de causalité entre ce pesticide et un certain nombre de pathologies, des études épidémiologiques ont été ou sont menées sur place.

a) Exposition aux organochlorés

Une première étude a été menée par l’INSERM sur un échantillon d’une centaine d’hommes âgés de 20 à 50 ans, et destinée à mesurer le rôle des expositions aux pesticides sur la fertilité masculine.

Les résultats montrent que 84 % d’entre eux présentent des concentrations quantifiables de chlordécone dans le sang, et que ces concentrations sont plus élevées chez les salariés ouvriers agricoles de la banane que chez les autres salariés.

Une seconde étude est en cours, l’étude HIBISCUS, également menée par l’INSERM, qui vise à déterminer chez des femmes et leurs nouveau-nés, les niveaux de contamination interne par les polluants organochlorés dans le sang, le lait, les graisses sous cutanées et dans le sang du cordon. Les déterminants de cette contamination doivent être établis grâce à un questionnaire relatif aux antécédents obstétricaux, aux caractéristiques socioculturelles et aux habitudes alimentaires. Cette démarche concerne 115 femmes enceintes vivant en Guadeloupe.

Plus globalement, ces études doivent également permettre d’apprécier dans quelle mesure la mise en place d’un suivi épidémiologique de la population reposant sur une telle méthode d’analyse est pertinente.

A ce stade, la CIRE (25) souligne que deux difficultés principales demeurent : tout d’abord, les méthodes d’analyse ne sont pas standardisées et sont encore extrêmement complexes à mettre en œuvre. Un très petit nombre de laboratoires sont capables de mesurer les organochlorés dans les lipides et les tissus humains, au nombre desquels le CART (centre d’analyse des résidus en trace de l’université de Liège).

En outre, l’interprétation des résultats est délicate : rien dans la littérature internationale ne permet de déduire de la présence d’une certaine dose d’organochlorés dans l’organisme la présence de risques sanitaires : « La seule interprétation possible à l’heure actuelle est d’ordre qualitatif : par réponse binaire (imprégnation : oui/non) ou relative (par comparaison à des données observées dans d’autres populations pour d’autres organochlorés) ».

b) Risque cancérogène

L’essentiel des connaissances repose à l’heure actuelle sur des expériences menées sur des rats, et les études épidémiologiques manquent.

Plusieurs initiatives ont néanmoins été prises.

Tout d’abord, le registre des cancers de Martinique, en collaboration avec la CIRE réalise une étude sur la répartition spatiale et temporelle des cancers dont on suspecte qu’ils sont liés aux organochlorés.

Or, et de manière surprenante, et d’après les premiers résultats présentés devant la mission, mais également lors de la réunion du GREPHY le 15 février 2005, il n’y a pas de coïncidence entre la carte de répartition des cancers en question et la carte des zones d’utilisation des organochlorés.

A ce sujet, il faut préciser que la Guadeloupe ne dispose pas d’un registre des cancers. Il s’agit d’une lacune qu’il faut rapidement combler.

Par ailleurs, on sait que la Guadeloupe présente le taux d’incidence du cancer de la prostate le plus élevé au monde, la Martinique présentant un taux du même ordre de grandeur. Or malgré de nombreuses recherches, les scientifiques n’ont pas réussi à établir de manière certaine quels facteurs étaient responsables de la survenance de cette maladie. Toutefois, on sait que le cancer de la prostate est hormono-dépendant ; il n’est donc pas absurde d’imaginer que les organochlorés, qui sont précisément des perturbateurs endocriniens, peuvent avoir une part de responsabilité, aux côtés d’autres facteurs tels que la susceptibilité génétique, les pratiques alimentaires ou les infections virales.

L’INSERM, en collaboration avec le CHU de Pointe-à-Pitre, a donc lancé l’étude Karu-Prostate dite de type « cas-témoin » (comparaison d’hommes souffrant du cancer de la prostate et d’hommes en bonne santé) qui, au moyen de prélèvements sanguins, aura pour objet d’évaluer le statut endocrinien, l’imprégnation par les organochlorés et l’identification des gènes d’intérêt.

c) Risque non cancérogène

Il existe en Guadeloupe une incidence d’issues de grossesses défavorables (retard de croissance intra-utérin, mortalité périnatale) bien plus importante qu’en métropole.

Dans ce contexte, l’INSERM a lancé l’étude TIMOUN, qui vise à évaluer l’impact des organochlorés sur les issues de grossesses et le développement neurologique post-natal.

1200 femmes résidant en Guadeloupe sont suivies depuis le 3ème trimestre de grossesse jusqu’à l’accouchement. 300 nouveau-nés seront examinés à trois et sept mois. Des prélèvements de sang maternel, de lait et de sang du cordon permettront le dosage des organochlorés ; un questionnaire alimentaire et professionnel détaillé permettra de préciser les déterminants des niveaux de contamination ; un recueil exhaustif des données de santé permettra d’étudier l’existence d’associations entre les expositions au chlordécone et les événements de santé. Cette étude s’achèvera en 2006 .

d) La santé des agriculteurs

Une étude menée par l’INSERM en 2004 a cherché à évaluer les éventuelles répercussions de l’exposition professionnelle aux pesticides sur la fertilité des ouvriers agricoles.

Les résultats ont montré qu’il n’existait pas de différences significatives entre la fertilité des ouvriers et celle d’une population témoin.

Néanmoins, des études complémentaires sont en cours afin d’affiner ces résultats.

III.- LA GESTION DU RISQUE ET LA MISE EN œUVRE
DU PRINCIPE DE PRÉCAUTION

Il s’agit là du second volet des plans d’action qui concerne l’eau, certaines denrées agricoles et animales et consiste en l’application du principe de précaution.

Ce principe veut que l’absence de certitudes scientifiques quant à la quantification et à l’existence même d’un risque ne doit pas empêcher la mise en œuvre de mesures propres à éviter que la concrétisation de ce risque n’emporte des conséquences graves voire irréversibles pour l’environnement ou la santé.

Partant, un certain nombre de mesures ont été mises en œuvre, dans l’attente des résultats des différentes études précitées, afin de protéger les populations.

Précisons qu’elles n’étaient pas justifiées par l’existence certaine d’un danger imminent, mais par l’existence possible d’un risque non avéré et non quantifié.

On peut alors regretter que ces mesures aient été mal interprétées alors qu’elles auraient au contraire dû rassurer les populations quant à la mobilisation de l’Etat sur ce sujet.

A.- L’EAU

Le rapport annuel de l’IFEN (Institut français de l’environnement) relatif aux pesticides dans les eaux (2002) avait suscité l’inquiétude aux Antilles puisqu’il concluait en s’alarmant de ce que « les éléments d’information disponibles pour les départements d’outre-mer, recueillis grâce aux rapports de situation établis par les DDASS et les DIREN ou à la suite de missions d’inspection de l’Etat, montrent un niveau de contamination très préoccupant notamment pour les Antilles et la Guyane et dans une moindre mesure, à la Réunion ».

Ces propos alarmistes arrivaient pourtant à une période où la potabilité de l’eau était garantie !

En effet, les conclusions du rapport étaient fondées sur des données datant de 1999, au moment précis où la campagne d’analyses menées par les DSDS mettait en évidence la pollution massive par les organochlorés.

Or au moment de la publication du rapport de l’IFEN, de nombreuses actions avaient permis de maintenir la teneur en pesticide des eaux à un niveau conforme aux prescriptions réglementaires.

Là encore, on ne peut que déplorer le manque de discernement et de précaution avec lequel ces informations ont été présentées.

1. Des actions rapides ont permis de garantir la qualité de l’eau potable

La découverte de la pollution des eaux à la suite des campagnes d’analyse de la DSDS en 1999 a entraîné, en fonction de la gravité de la pollution, la mise en œuvre de trois types de mesures afin de garantir la potabilité de l’eau, conformément aux prescriptions réglementaires :

– la fermeture pure et simple de certains captages en cas de pollution importante ;

– l’installation de filtres à charbon dans les usines de traitement des eaux brutes ; ces filtres permettent de neutraliser le chlordécone et de garantir, en aval, une eau traitée exempte de cette substance ;

– la dilution, c’est-à-dire le mélange d’eaux polluées et d’eaux indemnes afin de réduire la concentration en pesticides en deçà des normes réglementaires.

 

 

Source

Mesure appliquée

Martinique

Source Gradis

Fermeture définitive (26)

Forage Démarre

Recherche de ressource de substitution

Forage Morne Balai

Recherche de ressource de substitution

Forage Grande savane

Dilution et recherche de ressources de substitution

Forage Marc Cécile

Dilution et recherche de ressources de substitution

Rivière Capot (station de Vivé)

Traitement par charbon actif et travaux (27)

Rivière Monsieur

Dilution puis traitement par charbon actif

Guadeloupe

Lumia

Fermeture

Gommier

Fermeture

La Plaine

Fermeture

Soldat

Traitement par charbon actif

Belle-Terre

Fermeture, puis dilution

Pont des Braves

Fermeture

Capés Dolé

Fermeture

Tabaco

Dilution

Belle-Eau-Cadeau

Traitement par charbon actif.

 

Source : DSDS Martinique et Guadeloupe.

L’ensemble des contrôles effectués sur place, à la fois par les DIREN dans le cadre du suivi patrimonial des eaux de rivière, par les DSDS dans le cadre d’un contrôle de la qualité des eaux de boisson, mais aussi par les exploitants qui pratiquent des analyses d’auto-contrôle, permet d’affirmer que les eaux destinées à la consommation humaine sont aujourd’hui exemptes de chlordécone à plus de 99 % ;

Les non-conformités observées résultent d’une saturation prématurée des filtres à charbon qui n’avait pas été anticipée ; leur durée de vie est en effet moins longue aux Antilles, compte tenu des degrés de pollution, mais aussi du fait que leur efficacité y est particulièrement importante (température de l’eau élevée, faible concentration en matières organiques).

Les Martiniquais et les Guadeloupéens peuvent donc consommer l’eau en toute confiance.

La mission tient également à préciser que les assertions fantaisistes de tel ou tel au sujet de l’impact de la qualité de l’eau sur une épidémie d’appendicite ont été formellement démenties dans le cadre d’une expertise indépendante menée par la CIRE. En outre, le fait qu’une partie du réseau d’adduction d’eau soit composée de canalisations en fibro-ciment à base d’amiante n’a aucun effet sur la santé, puisque la toxicité de ce matériau n’apparaît qu’en cas d’inhalation, et nullement en cas d’ingestion, ainsi que l’ont confirmé les médecins auditionnés par la mission.

2. La mise en place des périmètres de protection a en revanche pris du retard

Les périmètres de protection ont pour objet de prévenir la pollution de la ressource en eau au niveau des points de prélèvement de la ressource.

On distingue :

– les périmètres de protection immédiats, dans lesquels toutes les activités étrangères à l’exploitation du captage sont interdites. Les terrains doivent être acquis par le bénéficiaire du périmètre ;

– les périmètres de protection rapprochés, dont la surface est définie après une évaluation des caractéristiques du secteur concerné (nature de la roche, vulnérabilité de la nappe) et des risques de pollution. Les terrains compris dans ces périmètres font l’objet de servitudes diverses ;

– les périmètres de protection éloignée, qui viennent en appoint des deux précédents et dont la délimitation est facultative.

La procédure de mise en œuvre des périmètres de protection intervient à l’initiative de la collectivité responsable ; celle-ci fait appel à un hydrogéologue agréé, qui proposera une définition des périmètres ainsi que des servitudes qui doivent y être observées.

Ce dossier est ensuite déposé en préfecture, et le préfet lance alors une enquête publique, au terme de laquelle il lui appartient de prendre un arrêté de déclaration d’utilité publique qui consacre l’existence des périmètres et des servitudes, qui pourront, le cas échéant, être indemnisées.

Conformément aux lois sur l’eau de 1964 et de 1992, l’établissement de ces périmètres est obligatoire depuis le 5 janvier 1997.

Or, en 2001, seuls 35,3 % des points de prélèvement d’eau bénéficiaient de tels périmètres.

L’outre-mer n’échappe pas, en la matière, à ce retard ; pour l’heure, aucun dossier n’a été déposé en préfecture de Guadeloupe, tandis que 6 (sur 30 captages) l’ont été en Martinique ; à cet égard, il faut saluer le rôle pionner du Conseil général de Martinique, qui, outre le lancement de la démarche pour les propres captages dont il est responsable, a proposé son expertise à l’ensemble des exploitants martiniquais.

Les dossiers en cours d’étude sont plus nombreux (24 en Guadeloupe et 19 en Martinique), mais les exploitants ont tous souligné les difficultés qu’allait occasionner la mise en œuvre des périmètres, en particulier les difficultés financières découlant des expropriations nécessaires au sein des périmètres immédiats et des servitudes au sein des périmètres rapprochés. Au surplus, il semble que les premières études rendues par les hydrogéologues concluent, dans un certain nombre de cas, à l’interdiction totale de l’usage des pesticides au sein des futurs périmètres, ce qui complique singulièrement la situation.

B.- LES VÉGÉTAUX

A la suite de la découverte de la pollution des eaux en 1999, une étude de la DSDS réalisée en avril 2002 (28) met en évidence la pollution des sols et de certains légumes racines.

Parallèlement aux études lancées afin de connaître avec précision le danger que fait courir aux populations la présence de chlordécone dans ces denrées alimentaires, deux arrêtés préfectoraux ont été pris afin de protéger les populations, le 20 mars 2003 en Martinique, et le 20 octobre 2003 en Guadeloupe.

A la suite de la découverte de parcelles polluées en Grande-Terre, un arrêté du 24 janvier 2005 a étendu à l’ensemble de la Basse-Terre et de la Grande-Terre les dispositions jusque-là limitées au Sud de la Basse-Terre.

Ces arrêtés imposent l’analyse des sols avant toute mise en culture de produits « sensibles » (légumes racines), selon un protocole établi par le CIRAD.

Les prélèvements sont effectués par le FREDON (29), et les analyses par la chambre d’agriculture. L’Union européenne apporte son soutien financier à travers le DOCUP (30).

Lorsqu’il s’avère que du chlordécone est présent dans le sol, à quelque teneur que ce soit, même si elle est infime, il est fortement déconseillé à l’agriculteur de procéder à la mise en culture des végétaux en question.

S’il s’y résout néanmoins, il doit s’astreindre à un contrôle des végétaux produits sur ces sols, et visés par les arrêtés préfectoraux. La prise en charge financière des analyses lui incombe.

Si sa production contient du chlordécone, elle ne peut être commercialisée.

L’arrêté préfectoral du 20 mars 2003 prévoit que l’agriculteur devra assurer la destruction de cette production, ce qui n’est pas le cas en Guadeloupe.

Ces arrêtés relèvent donc bien de l’application du principe de précaution ; en effet, contrairement à d’autres pesticides pour lesquels sont fixées des LMR (limites maximales résiduelles), c’est-à-dire un niveau maximum de résidus dans les denrées consommables au-delà duquel il existe un risque connu et quantifié pour la santé, il n’en existe pas pour le chlordécone.

Dans le doute, les denrées qui en contiennent, à quelque teneur que ce soit, ne peuvent être mises sur le marché.

Lorsque les LMR auront été fixées pour le chlordécone, des produits aujourd’hui non commercialisables pourront l’être demain, car leur teneur en chlordécone se situera en dessous du niveau au-delà duquel les études auront démontré qu’il existe un risque pour la santé.

C.- LES PRODUITS DE LA PÊCHE

A la Martinique, un arrêté préfectoral du 24 mars 2004 a interdit la pêche à pied dans l’estuaire de la Lézarde. Dans cette zone, la consommation des produits de la pêche par les populations riveraines est extrêmement répandue et fréquente. Or, malheureusement, la pollution aux organochlorés y est particulièrement importante.

Aussi, en l’absence de LMR, il convenait donc de protéger les populations du risque potentiel lié à la consommation de ces denrées. Cette interdiction est toujours maintenue et porte tant sur les crustacés que sur les poissons.

IV.- COMMENT AMÉLIORER CE PLAN D’ACTION ?

Le dispositif mis en place par les pouvoirs publics à la suite de la découverte de la pollution des milieux et des denrées alimentaires permet de protéger de manière satisfaisante la santé de la population dans l’attente des résultats des études lancées dans le cadre du volet « évaluation » des plans d’actions locaux.

Néanmoins, un certain nombre d’améliorations pourraient être apportées.

A.- LA MISE EN œUVRE DES ARRÊTÉS PRÉFECTORAUX RELATIFS AUX LÉGUMES RACINES

1. Les prescriptions de ces arrêtés doivent être mieux respectées

Il semble que l’application des arrêtés préfectoraux relatifs à l’analyse des sols avant mise en culture et à l’analyse des légumes racines produits sur ces sols ne soit pas entièrement satisfaisante.

La saisine des patates douces polluées au chlordécone à Dunkerque en octobre 2002 atteste éloquemment de l’insuffisante effectivité des arrêtés préfectoraux dont l’application est censée empêcher que des légumes racines affectés par ce produit puissent être commercialisés.

Les chiffres relatifs à la mise en œuvre de ces arrêtés dont dispose la mission sont joints en annexe (annexe II-E).

Les agriculteurs qui se soumettent à cette procédure sont encore minoritaires (28,39 % seulement en Martinique en 2004). Tous les autres cultivent et commercialisent des légumes racines qui peuvent avoir été produits sur des sols pollués et qui peuvent contenir des résidus de chlordécone.

Afin de garantir l’effectivité des dispositions de ces arrêtés, plusieurs options peuvent être envisagées, qui ne sont d’ailleurs pas exclusives l’une de l’autre :

– les sanctions :

Pour l’heure, les contrevenants encourent une peine d’amende de 39 euros, qui n’est pas très dissuasive, d’autant que souvent elle n’est pas appliquée, un simple rappel à la loi étant adressé aux agriculteurs indélicats.

Il convient donc de faire preuve d’une plus grande fermeté, voire de prévoir une aggravation des sanctions encourues ;

– les incitations :

Les difficultés à faire respecter les arrêtés préfectoraux tiennent également à l’aggravation des charges financières qu’ils entraînent pour les agriculteurs.

Les analyses de sols obligatoires sont certes prises en charge grâce aux fonds européens.

Mais lorsque ces parcelles s’avèrent polluées, soit l’agriculteur renonce à mettre ses plantations en culture, ce qui tarit ses sources de revenus, soit il prend ce risque, mais doit assumer seul le coût des analyses des denrées produites.

Lorsqu’elles contiennent des traces de chlordécone, il ne peut les commercialiser, et en Martinique, il doit assurer leur destruction.

Deux pistes de réflexion doivent être explorées :

D’une part, si l’application du principe de précaution devait se prolonger, il faudrait envisager les conditions dans lesquelles peuvent être prises en charge les analyses de végétaux. Cette question renvoie au problème plus général de l’avenir de l’agriculture et du maraîchage dans le contexte d’une pollution importante et durable des sols, d’une reconversion éventuelle et de la prise en charge de ses conséquences financières. Nous y reviendrons dans la quatrième partie.

D’autre part, il convient d’inciter le consommateur à privilégier les denrées produites conformément au cadre réglementaire, et donc à favoriser les produits des agriculteurs engagés dans une démarche responsable. La traçabilité des produits doit être renforcée, et pourrait par exemple être certifiée par un label aisément identifiable.

Il convient d’ailleurs, à cet égard, de souligner que les produits mis en vente de manière informelle, sur le bord des routes par exemple, échappent aux contrôles de la DGCCRF, et n’offrent aucune garantie s’agissant des résidus de chlordécone. Il faut déconseiller vivement au consommateur d’encourager ce genre de pratiques.

2. Les végétaux pollués doivent être détruits

Pour l’heure, seul l’arrêté préfectoral applicable en Martinique prévoit la destruction des légumes racines dont les analyses montrent qu’ils contiennent des traces de chlordécone. En Guadeloupe, l’arrêté précise seulement qu’ils ne peuvent être commercialisés.

Or cette destruction est une garantie pour le consommateur que les denrées ne seront pas commercialisées de manière sauvage.

Elle permet également d’empêcher l’autoconsommation par les agriculteurs eux-mêmes.

Or il semble que la prescription de cette destruction soulève des difficultés juridiques, qui doivent faire l’objet d’une expertise, et être surmontées, le cas échéant, par exemple par voie d’amendement parlementaire à la loi d’orientation agricole.

B.- RENFORCER LES SYNERGIES ENTRE LES DEUX ÎLES ET RÉALISER DES ÉCONOMIES D’ÉCHELLE

1. Renforcer la collaboration entre les deux îles

D’après les informations recueillies par la mission, les rencontres entre les administrations des deux îles, notamment à travers des réunions communes aux deux groupes de pilotage ou à leurs responsables sont encore peu fréquentes.

La mission estime que la fréquence de ces rencontres devrait être intensifiée afin de procéder à des échanges d’informations, notamment lorsque des démarches sont entreprises dans une île et pas dans l’autre.

En effet, dans un certain nombre d’hypothèses il est possible de mutualiser les informations, sans dupliquer les études, et donc les coûts.

Dans d’autres cas, une initiative prise dans l’une des deux îles peut être utilement étendue à l’autre.

On a ainsi constaté qu’une démarche de recensement des produits phytosanitaires importés et utilisés avait été entreprise en Guadeloupe, et pas en Martinique, et inversement, qu’un recensement des sources d’eau, utilisées de manière spontanée par la population, était en cours en Martinique, mais qu’aucune initiative comparable n’avait été prise en Guadeloupe.

2. Réaliser des économies d’échelle : la question des laboratoires d’analyse

Pour lutter contre la pollution au chlordécone, le concours des laboratoires est fondamental et indispensable pour analyser les prélèvements. On l’a vu, la découverte de la pollution au chlordécone a en partie été retardée du fait de l’absence sur place de laboratoire capable d’analyser les échantillons prélevés lors des campagnes d’analyses.

Dans les deux régions, les outils d’analyse faisaient défaut, or la mise en place d’un laboratoire d’analyse local est une préconisation apparue de longue date dans les rapports consacrés à la question des pesticides.

Aujourd’hui, deux démarches parallèles sont en cours afin de combler cette lacune.

En Martinique, le laboratoire départemental d’analyse, grâce à un transfert de technologies du laboratoire départemental de la Drôme, est aujourd’hui capable d’extraire des pesticides à partir de matrices liquides, et sera bientôt capable de réaliser des extractions et des analyses à partir de prélèvements sur les végétaux.

En Guadeloupe, l’Institut pasteur est engagé dans le même type de démarche, et réalise des extractions et des analyses sur support liquide.

Les deux laboratoires ont été accrédités par le COFRAC (31).

Dans ce contexte, l’idée a été évoquée devant la mission de créer un pôle d’analyse pilote pour les pesticides, capable de développer une expertise d’avant-garde dans ce domaine.

Cet objectif paraît tout à fait positif à la mission, néanmoins les modalités de sa réalisation appellent une réflexion, en particulier sur l’échelle pertinente pour le développement d’un tel pôle.

En effet, compte tenu des coûts afférents à la mise en œuvre d’un tel projet, et de la relative étroitesse du marché potentiel si ces pôles devaient être dupliqués dans chacune des îles, il convient de réfléchir aux économies d’échelle qui doivent être réalisées afin de viabiliser un tel projet. L’Institut Pasteur a d’ailleurs fait savoir à la mission qu’il se trouvait à la limite du seuil de rentabilité.

On peut alors imaginer que le laboratoire départemental d’analyse de Martinique se concentre sur les végétaux et les tissus animaux ou humains, tandis que l’Institut Pasteur en Guadeloupe se spécialiserait sur l’extraction et l’analyse sur support liquide.

C.- LA COMMUNICATION RELATIVE À LA GESTION DE LA CRISE DOIT ÊTRE PARTICULIEREMENT ATTENTIVE ET ASSOCIER L’ENSEMBLE DES ACTEURS INTÉRESSÉS

La légitime sensibilité des populations à ces sujets commande des efforts conséquents d’information et de pédagogie.

Le GREPP et le GREPHY ont pris de nombreuses initiatives afin de faire connaître aux populations les actions mises en œuvre afin de protéger leur santé et leur environnement.

Des plaquettes ont été éditées, et les réunions plénières de chaque groupe ont chaque fois été suivies d’une conférence de presse ; les responsables des services déconcentrés de l’Etat se sont montrés extrêmement disponibles et ont fréquemment échangé avec la presse locale sur les actions qu’ils conduisent. On peut toutefois regretter que ces informations n’aient pas été relayées par la presse avec toute la fidélité et toute l’exactitude que requerrait la situation.

Ces efforts doivent se poursuivre, voire être intensifiés, dans la mesure où les documents publiés par ces groupes ont bénéficié d’une insuffisante diffusion auprès de la population.

Son inquiétude est légitime compte tenu de la nature du problème ; néanmoins elle doit être informée de ce que le risque est correctement maîtrisé grâce notamment à l’application du principe de précaution.

La mission a d’ailleurs constaté sur place que sa mise en œuvre peut générer un certain nombre d’effets pervers, et notamment renforcer la crainte des populations qu’il a paradoxalement vocation à mieux protéger.

On le rappelle, le principe de précaution s’applique lorsque l’on n’a pas de certitude sur l’existence d’un risque ou que l’on ne peut le quantifier, mais dont la réalisation potentielle pourrait avoir des conséquences graves qui appellent la mise en œuvre de mesures de sauvegarde.

Or les mesures prises sur le fondement de ce principe ancrent paradoxalement chez les populations concernées l’idée que, d’une part, elles sont exposées à un danger connu, grave et imminent, et d’autre part que les autorités publiques leur dissimulent des informations.

Dans le cas du chlordécone, c’est précisément parce que l’on ne sait pas s’il y a un risque à y être exposé, ni à quel degré il y a risque, que des mesures sont prises, non parce que la menace est imminente.

Les études en cours ont donc vocation à préciser l’existence, la nature et le degré de risque, et dans l’attente de leurs résultats, des mesures de précaution sont prises.

Par conséquent, il convient d’associer les acteurs de la santé, notamment l’ordre et les syndicats de médecins, aux travaux et à la communication. Les médecins sont en effet les premiers contacts de la population et permettent ainsi de faire remonter des informations et des données précieuses qui favorisent l’expertise, la recherche et la prise en charge sanitaire.

Afin de parfaire l’information de la population, la mission propose également d’envisager l’organisation sur place d’un colloque ouvert au public, qui permettrait à chacun de trouver des réponses aux questions qu’il se pose et de rencontrer ceux qui mettent en œuvre les mesures prévues par les plans d’action.

Elle demande également que davantage de moyens soient consacrés à la communication de ces groupes et à l’édition de plaquettes d’information à destination du grand public.

D.- RENFORCER LE VOLET « EVALUATION » DES PLANS D’ACTION

Les administrations ont signalé à la mission que deux questions appelaient des études complémentaires car elles sont aujourd’hui insuffisamment documentées :

– les sources :

Elles sont très nombreuses en Guadeloupe et en Martinique, et les populations consomment fréquemment leurs eaux, auxquelles sont parfois prêtées des vertus thérapeutiques diverses.

Or aucune donnée n’est disponible sur la pollution éventuelle de ces sources par le chlordécone.

Les populations doivent donc, autant que possible, s’abstenir de consommer leur eau.

En Martinique, un recensement des différentes sources, utilisées de manière spontanée par la population, est en cours, et des analyses seront prochainement pratiquées.

Aucune démarche de ce type n’est initiée en Guadeloupe ; il paraît utile d’y remédier.

– les jardins familiaux ;

Très nombreuses sont les familles à cultiver ce que l’on appelle les jardins créoles, et à consommer les produits de ces jardins.

Or on ignore si ces sols sont pollués ou non, mais certains d’entre eux se situent sur des anciennes bananeraies.

Il convient de lancer au plus vite des études à ce sujet, et de suivre les familles dont l’essentiel de l’alimentation repose sur des productions cultivées sur des sols pollués.

TROISIÈME PARTIE :

LES COLLECTES RÉCENTES DE CURLONE ATTESTENT DE L’INSUFFISANT ENCADREMENT DES PESTICIDES EN FIN DE VIE, ET NON DE LA DÉFAILLANCE DES CONTRÔLES

I.- LA COLLECTE DE PLUSIEURS TONNES DE CURLONE ATTESTE DE L’INSUFFISANTE PRISE EN CHARGE
DES PESTICIDES EN FIN DE VIE

A.- DANS LE CADRE DES PLANS D’ACTION, DES COLLECTES DE CHLORDÉCONE ONT ÉTÉ OPÉRÉES DANS LES DEUX ÎLES

Lorsqu’une spécialité phytosanitaire est interdite, la réglementation, nous l’avons vu, permet une utilisation prolongée de deux ans pour permettre l’utilisation des stocks.

Mais bien souvent, l’annonce de l’interdiction d’un produit induit un réflexe de constitution de stocks importants chez les agriculteurs, stocks qui ne sont pas toujours employés lorsque le délai supplémentaire de commercialisation prévu arrive à échéance.

Ces produits sont alors conservés chez l’agriculteur, sans qu’aucune solution ne lui soit proposée pour s’en débarrasser dans des conditions satisfaisantes.

C’est pourquoi en 2002, en Martinique et en Guadeloupe, les premières collectes de produits phytosanitaires désormais interdits ont été organisées. Elles ont permis de récupérer 10 tonnes de Curlone en Martinique et 12 tonnes en Guadeloupe, dont 3 de Curlone.

Ces quantités peuvent paraître très importantes et de nature à laisser suspecter des achats frauduleux de Curlone postérieurs à son interdiction, ainsi que la poursuite de l’utilisation de ces pesticides après 1993.

Ces soupçons paraissent infondés, et ce pour plusieurs raisons.

Sur le premier point, les quelques tonnes de Curlone collectées sont à comparer aux 6 000 tonnes utilisées entre 1981 et 1993 : il s’agit d’une quantité négligeable et nécessairement résiduelle.

Sur le second point, les emballages dans lesquels le produit était conservé accréditent la thèse d’anciens stocks mis à l’écart depuis plusieurs années.

Enfin, les contrôles pratiqués (voir plus loin) ont été et demeurent extrêmement sérieux et vigilants, et l’importation frauduleuse de Curlone paraît impossible. Nous allons y revenir.

B.- LE PROBLÈME DE LA PRISE EN CHARGE DES DÉCHETS DE PESTICIDES

Les activités agricoles nécessitent, on l’a vu, l’utilisation de produits phytosanitaires afin de lutter contre les parasites et les prédateurs des cultures. Il en découle la production de déchets phytosanitaires de deux sortes : les Emballages Vides de Produits Phytosanitaires (EVPP) et les Produits Phytosanitaires Non Utilisables (PPNU), pour lesquels des filières d’élimination doivent être mises en œuvre.

S’agissant des PPNU, la question se pose de manière différente selon la qualité du détenteur du produit en question :

– Si les détenteurs sont les utilisateurs finaux de ces produits (agriculteurs, collectivités), on parle alors de PPNU. Ce sont ces produits qui sont concernés par la mise en place d’une filière d’élimination.

– Si les détenteurs sont les importateurs et/ou les distributeurs, ces produits ne rentrent pas alors dans la classification des PPNU (on parle alors de Produits Phytosanitaires Non Vendus -PPNV).

Pour ces derniers produits, lors du retrait d’une spécialité phytosanitaire, l’arrêté de retrait indique:

– la date limite de commercialisation du produit,

– la date limite d’écoulement du stock d’utilisation du produit.

L’importateur ou le distributeur est informé de cet arrêté et son attention est appelée sur la nécessité de le respecter et de le faire respecter par les utilisateurs.

La date limite d’écoulement des stocks est toujours postérieure à la date limite de commercialisation afin que les stocks puissent être écoulés. Ainsi, la date limite de commercialisation pour des préparations contenant de l’aldicarbe, désormais interdit, était fixée au 31/12/2003 et au 30/06/2004 pour l’utilisation.

Lorsque des stocks existent, l’importateur/distributeur prend en charge le retour des stocks vers la France métropolitaine. Ce fut le cas avec la Calixine (matière active : tridémorphe) utilisée dans la lutte contre la cercosporiose jaune du bananier, et qui fut rapatriée par la firme BASF à la suite d’une intervention de la Direction de l’agriculture et de la forêt et du service de la protection des végétaux (DAF/SPV). Le cas de certains produits de lutte à base de Fipronil, en particulier la spécialité Regent 5 gr, dont l’utilisation a été suspendue de façon immédiate au 24/02/2004, en constitue également un exemple (rapatriement immédiat par la firme BASF Agro SAS).

ADIVALOR
(agriculteurs, distributeurs, industriels pour la valorisation des déchets agricoles)

ADIVALOR est une société anonyme en charge de l’organisation de la filière française de gestion des déchets phytosanitaires ; créée en 2001, elle regroupe l’UIPP (actionnaire majoritaire avec 56 % du capital), la Fédération française des coopératives agricoles et de transformation, la Fédération du négoce agricole, l’Union des coopératives INVIVO, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.

Dans le cadre d’une convention avec le ministère de l’Ecologie et du développement durable, ADIVALOR est chargée :

– d’assurer, dès 2002, la gestion pérenne de la collecte et de la valorisation des EVPP, avec pour objectif de dépasser un taux de collecte de 50 % en 2006 ;

– de mettre en place, sur la période 2002-2006, un plan d’élimination sur quatre ans des stocks accumulés de PPNU ; estimés initialement à 8 000 tonnes, il semble que les volumes atteignent en réalité les 10 000 tonnes ;

– d’organiser, à l’issue de ce programme, une filière pérenne de récupération des PPNU.

En 2004, grâce à un réseau de plus de 4 000 points de collecte, plus de 30% des EVPP ont été collectés, soit un tonnage total de l’ordre de 2 500 tonnes ; depuis 2001, plus de 5 000 tonnes de PPNU ont été collectées.

La mission salue cette démarche responsable des acteurs la filière.

D’après les informations recueillies par la mission, la question des EVPP et des PPNU reste entière en Martinique. Une évaluation initiale avait été réalisée par le SPV en vue d’organiser une filière pérenne de collecte sur place, mais cette évaluation n’a pour l’heure pas abouti.

En Guadeloupe, d’après les informations fournies par la DIREN, la démarche semble davantage formalisée :

« Pour les PPNU, la filière de collecte et d’élimination reste à mettre en place.

Un comité de pilotage a été instauré en 2004 afin de réfléchir à la question (réflexion portant sur l’élimination des EVPP et des PPNU). Le représentant d’ADIVALOR s’était alors déplacé en Guadeloupe en février 2004.

Seul le dossier sur les EVPP a abouti mais doit être encore amélioré vu le peu de mobilisation de la profession agricole (37 agriculteurs touchés et 429 kg récoltés) lors de la première collecte.

La chambre d’agriculture de la Guadeloupe doit s’engager plus fortement sur la question, notamment en mettant en place une communication de plus grande ampleur sur le sujet, en utilisant tous les moyens disponibles (presse écrite, audio et télévisuelle) et en fédérant l’ensemble des acteurs de la filière.

Sur ce dernier point, nous pouvons regretter le peu ou pas de mobilisation des distributeurs de produits phytosanitaires. Les sociétés d’intérêt collectif agricole (SICA) cannières se sentent également peu concernées.

La question du financement de la filière PPNU est également un des soucis majeurs de sa mise en place. En effet, contrairement aux EVPP dont l’élimination est financée à 100 % par ADIVALOR (structure nationale ayant vocation à l’élimination des EVPP et PPNU), la collecte, le transport et le traitement des PPNU sont pris en charge à hauteur de 50 % par cette structure.

Les financements européens par le biais du DOCUP vont être sollicités par la chambre d’agriculture. D’autres financeurs locaux doivent être trouvés afin d’équilibrer la filière. Seule la région Guadeloupe semblait prête à s’engager en 2004; les discussions entre cette collectivité et la chambre d’agriculture doivent être reprises suite aux dernières élections de 2004 et au changement de majorité.

La filière PPNU reste donc encore à organiser tant sur le plan technique que financier. L’engagement des distributeurs et de la profession agricole doit être réel.

La DAF/SPV et la DIREN qui participent au comité de pilotage (un agent vient d’être recruté à la DIREN et interviendra pour plus de 50 % de son temps sur cette problématique) font de la mise en place de cette filière une de leurs priorités.

Pour initier la démarche, une étude visant à évaluer le gisement de PPNU en Guadeloupe va déjà être lancée par la DAF/SPV en lien avec la chambre d’agriculture en mars-avril 2005.

Une rencontre entre ADIVALOR et la DIREN est également prévue le jeudi 24 mars 2005. » (32)

De fait, il semble que les principaux obstacles à lever pour permettre la mise place d’une filière de récupération des déchets de pesticides en Martinique et en Guadeloupe concernent :

– la désignation, pour chaque département, d’un responsable de projet qui serait chargé de l’organisation et de la gestion du dispositif de collecte ;

– la mobilisation des financements nécessaires, notamment pour les PPNU ; en effet, ADIVALOR estime à 5000 euros par tonne le coût d’élimination des PPNU dans les DOM, contre 3200 en métropole, ce surcoût étant occasionné par des coûts d’organisation plus importants (la collecte portant sur de plus petites quantités, aucune économie d’échelle n’est possible), ainsi que par le coût de transport. Les collectivités locales doivent se mobiliser, mais il faut également réfléchir aux conditions (logistiques et financières) dans lesquels les importateurs pourraient être mis à contribution ;

– la recherche de filières de valorisation alternatives au retour des déchets en métropole ; en effet, les EVPP et les PPNU sont considérés comme des déchets dangereux et doivent obligatoirement être éliminés dans des installations classées pour la protection de l’environnement, installations dont les deux îles sont dépourvues. ADIVALOR estime que compte tenu des coûts, il est absurde et économiquement non-optimal d’assurer le rapatriement des EVPP en métropole. S’inspirant de ce qui se pratique en Allemagne, elle suggère que les EVPP rincés, contrôlés et collectés par ses soins, soient utilisés comme combustibles de substitution. Une telle solution ne pourrait être envisagée qu’au terme d’une étude garantissant l’absence de risque pour l’environnement et la santé des populations, mais mérite d’être envisagée.

En outre, la mission souhaite que les pouvoirs publics favorisent le développement des collectes de déchets par ADIVALOR.

Si ADIVALOR est soutenue financièrement par les agences de l’eau et par le ministère de l’Ecologie, il convient de réfléchir aux moyens d’encourager et de pérenniser le développement de cette structure.

L’examen du projet de loi sur l’eau permettrait d’envisager d’encourager les distributeurs et les agriculteurs à participer à cette démarche, par exemple à travers le taux des redevances ou le versement, par l’agence de l’eau, d’une prime à l’agriculteur qui s’engage à apporter ses déchets sur les sites de collecte.

En outre, la réussite d’une telle filière sera sans doute renforcée par une disposition du projet de loi sur l’eau qui prévoit de renforcer la traçabilité des produits phytosanitaires commercialisés. En effet, à l’heure actuelle, les informations disponibles sur les produits en circulation et leurs détenteurs permettent d’aller jusqu’au distributeur du produit. Le projet permettra, s’il est adopté, de savoir avec précision quel produit a été vendu au détenteur final. En cas de retrait d’une autorisation, des collectes ciblées pourront donc être organisées de façon plus efficace et plus ciblée.

II.- LE CONTRÔLE VIGILANT OPÉRÉ PAR LES SERVICES COMPÉTENTS EST DE NATURE À LEVER TOUS LES DOUTES RELATIFS À DES IMPORTATIONS FRAUDULEUSES DE CURLONE

La mission n’ignore pas que des craintes s’expriment au sujet de la poursuite actuelle de l’utilisation du chlordécone, qui serait importé de manière frauduleuse depuis les îles voisines.

Compte tenu de la gravité de ces assertions, la mission a tenu à en éprouver la solidité.

Au terme de ses investigations, cette thèse lui parait aujourd’hui sans le moindre fondement.

A.- LE CONTRÔLE DE LA MISE EN œUVRE ET DE L’UTILISATION DES PRODUITS PHYTOSANITAIRES

Le contrôle de l’usage des pesticides est une des missions régaliennes assurées par le service de la protection des végétaux (SPV).

Les résultats des différents contrôles sont joints en annexe(annexe II-F).

Ils attestent que les non-conformités observées ne concernent en rien le chlordécone, et que pour la majorité, les infractions proviennent de la non-conformité des lieux de stockage.

En outre, et afin de permettre aux services concernés de cibler leurs contrôles, deux initiatives s’avèrent tout particulièrement utiles :

– d’une part, la mise en place de bases de données en Martinique et en Guadeloupe, qui ont vocation à recenser l’ensemble des produits utilisés localement, permettra de faciliter les contrôles en cas de retrait d’une autorisation, et d’aviser de manière plus efficace les utilisateurs de ces produits de leur interdiction ;

– d’autre part, le recensement par le SPV de Guadeloupe de l’ensemble des pesticides importés concourra également à la réalisation de cet objectif.

B.- LE CONTRÔLE DES IMPORTATIONS

1. Les modalités de contrôle

Après leur arrivée sur le territoire antillais, les marchandises, quelle que soit leur origine ou leur provenance (pays extérieurs à la CEE, états membres de la CEE ou métropole) doivent être présentées aux services douaniers dans un but de contrôle, ce qui implique dans tous les cas le dépôt d’une déclaration en douane.

a) Un degré de contrôle lié au statut des marchandises

S’agissant des produits extérieurs à la CEE, les importations (introduction au sein du territoire de l’Union européenne d’une marchandise provenant d’un pays tiers) sont soumises à diverses obligations parmi lesquelles, par exemple, pour ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques, la présentation d’autorisations de mise sur le marché, d’autorisation provisoire de vente ou d’importation, d’autorisation de distribution pour expérimentation.

Les expéditions depuis la métropole de marchandises communautaires vers le territoire de la Martinique et de la Guadeloupe ne sont pas soumises à la présentation de ces documents. Toutefois, dans la quasi-totalité des cas, le contrôle réalisé dans une optique fiscale conduit le service des douanes à vérifier la présence, parmi les documents d’importation, de l’homologation ou de l’autorisation de vente délivrée par le ministère de l’agriculture. Ces formalités sont en effet exigées pour accorder le bénéfice du taux de TVA réduit pour les produits antiparasitaires et phytosanitaires. Ainsi, et par rapport à la métropole où les produits importés de pays membres de l’UE ne font l’objet que d’une simple déclaration d’échange de biens (DEB) a posteriori, le contrôle est beaucoup plus attentif en Martinique et en Guadeloupe.

b) Différents niveaux de contrôles

Dans le cadre de leurs missions, les services des douanes effectuent en Martinique et en Guadeloupe plusieurs types ou niveaux de contrôles :

– Le contrôle primaire : il est effectué au bureau de douane ou dans les locaux de l’importateur. Il s’agit d’un contrôle réalisé lors du dédouanement de la marchandise. Celle-ci est physiquement présente au port ou à l’aéroport (sur le quai, la piste dans des entrepôts ou magasins) ou même dans les locaux du destinataire.

Le contrôle s’effectue sur la base du dépôt de la déclaration en douane et des documents qui doivent l’accompagner (factures, documents de transport, certificats d’origine, etc.).

– Le contrôle documentaire : pour les produits phytopharmaceutiques, ce type de contrôle porte plus spécifiquement sur l’autorisation de mise sur le marché, l’autorisation provisoire de vente ou d’importation, l’autorisation de distribution pour expérimentation qui est délivrée par les services du ministère de l’agriculture.

– Un contrôle physique peut également être effectué par le service des douanes et donner lieu à un prélèvement d’échantillons en vue d’une analyse par le laboratoire des douanes. Ces opérations dites opérations de visite s’effectuent contradictoirement avec l’importateur ou avec son représentant.

– Les contrôles « a posteriori »

Ces contrôles a posteriori interviennent postérieurement au dédouanement. Ils se déroulent généralement dans les locaux du destinataire, chez le déclarant ou chez une autre personne physique ou morale intervenue dans la chaîne des opérations d’importation. Ils sont réalisés par des services d’enquêtes spécialisés : un service à compétence régionale : le Centre du renseignement d’orientation et de contrôle (CERDOC), un service à compétence nationale et pouvant agir à l’international : la Direction des Enquêtes Douanières (DED) qui travaille sur des fraudes d’importance nationale ou internationale.

Le contrôle consiste à vérifier tous les éléments et documents ayant concouru à la réalisation de l’opération d’importation ou d’exportation (dossiers commerciaux, bancaires, télécopies, documents d’assurance, fiches de stock, de fabrication, etc.). Ce contrôle a posteriori peut s’effectuer selon divers modes opératoires qui reposent sur des bases juridiques différentes :

– articles 63 ter du code des douanes : cet article conditionne le contrôle à une information préalable du procureur et à un compte-rendu à ce dernier une fois les vérifications terminées. L’enquêteur accède librement entre 8 heures et 20 heures ou lorsque se déroule une activité de production, aux locaux, aux moyens de transport à usage professionnel, aux terrains aux entrepôts où des marchandises sont susceptibles d’être détenues. L’agent des douanes peut faire une vérification des stocks, prélever des échantillons ou retenir des documents ;

– article 64 du code des douanes : le contrôle par visite domiciliaire, consiste en une perquisition, possible en tous lieux, même privés. Elle ne concerne que les délits douaniers. Sa réalisation n’est possible qu’en cas de flagrant délit ou d’autorisation du président du tribunal de grande instance, en présence d’un officier de police judiciaire ;

– article 65 du code des douanes : la communication des documents est volontairement effectuée par la personne contrôlée après demande faite par l’enquêteur. Ces documents peuvent faire l’objet d’une retenue après accord de la personne vérifiée. Toutefois, le vérificateur ne peut de sa propre autorité avoir accès librement aux locaux de la société ou pratiquer un contrôle des stocks.

c) Les outils du contrôle

– L’orientation des contrôles

La sélection s’effectue en fonction de la sensibilité du produit en regard des lois et règlements sur la santé publique, la protection des consommateurs, la lutte contre la contrefaçon etc. Ces produits sont alors intégrés dans une programmation des contrôles nationale et locale (« plan de contrôle »).

Ainsi a-t-il été décidé, au niveau interrégional Antilles Guyane, d’inscrire les produits phytopharmaceutiques au plan de contrôle pour 2003, après la découverte du stock de patates douces polluées au chlordécone, à Dunkerque, en 2002.

– Des contrôles sélectifs organisés dans le cadre d’un dédouanement informatisé

Le ciblage des marchandises à contrôler fait intervenir plusieurs paramètres: la valeur, l’origine, la provenance, la nomenclature de dédouanement du produit ainsi que les éléments relatifs aux opérateurs.

– La nomenclature douanière : instrument privilégié du dédouanement

La Nomenclature de Dédouanement des Produits constitue l’outil privilégié de sélection des déclarations en douane dans la mesure où la fiscalité et la réglementation attachée à une catégorie de marchandises sont directement liées à un code spécifique.

– Un ciblage systématique des pesticides

Le dédouanement des marchandises étant effectué grâce à un système informatisé (SOFI) par utilisation de la nomenclature des produits, il a été possible de cibler systématiquement (par combinaison de plusieurs critères de sélection) toutes les marchandises susceptibles de constituer des pesticides soumis à restrictions ou prohibition.

Le ciblage a été réalisé par l’utilisation de critères locaux de sélection mis en œuvre en tenant compte de la spécificité du trafic en Martinique « CRILOCS ».

2. Une vigilance durablement renforcée pour les pesticides

Les services douaniers dans le cadre de leur mission de contrôle ont exercé, dès l’interdiction du chlordécone, une surveillance des produits relevant de la position tarifaire 38-08 et en particulier des insecticides.

Pour éviter le classement de ces produits insecticides dans d’autres positions du tarif douanier (glissement tarifaire) et échapper ainsi aux mesures de prohibition, d’autres positions ont été mises en observation. On peut citer à titre d’exemple les produits du chapitre 29, produits chimiques et organiques, en particulier les positions 29.03 (dérivés halogènes des hydrocarbures), 29.04 (dérivés sulfonés, nitrés ou nitrosés des hydrocarbures), 29.14 (cétones et quinones et leurs dérivés).

Cette surveillance perdure et l’attention des services est périodiquement appelée sur le contrôle des produits du 38-08. L’inscription des pesticides au plan de contrôle interrégional en 2003 a été reconduite en 2004.

Cet objectif prioritaire se traduit par la mise en visite systématique des importations de ces produits lors de leur présentation en douane dans les deux bureaux compétents.

L’inscription à ce plan entraîne également pour les unités composées de personnels en tenue (branche de la Surveillance douanière) l’obligation de rechercher et de contrôler les chargements de ces produits, à l’occasion des contrôles routiers effectués sur les transports empruntant les routes du département.

En outre, des contrôles chez les importateurs ont été réalisés en Martinique fin 2002 par l’échelon Antilles-Guyane de la DED, sur le fondement de l’article 63 ter du code des douanes, qui autorise le contrôle des stocks et la prise d’échantillons.

3. Le résultat des contrôles

La position 38 08 relative aux produits phyto-sanitaires, recouvre les insecticides, anti-rongeurs, fongicides inhibiteurs de germination et régulateurs de croissance pour plantes, désinfectants et produits similaires, présentés dans des formes ou emballages de vente au détail ou à l’état de préparations ou sous forme d’articles tels que rubans, mèches et bougies soufrés et papier tue-mouches. Cette position tarifaire est en conséquence très large.

Les investigations menées par le Cerdoc de Guadeloupe pour la période postérieure à 1997 n’ont pas abouti à la constatation d’infraction concernant le chlordécone. Un certain nombre de dossiers contentieux initiés par le Cerdoc de Martinique, ont été répertoriés. Ces dossiers ne portent pas sur le chlordécone mais sur d’autres produits phyto-sanitaires repris sous la position 38 08 du tarif des douanes.

En effet, il n’a jamais été découvert, à l’occasion des contrôles faits lors de l’importation, la présence de chlordécone dans les produits importés depuis septembre 1993. De même les contrôles à la circulation effectués depuis cette date, n’ont pas permis de déceler des transports frauduleux de Kepone ou de Curlone ou même d’autres produits illicites.

La plupart du temps, l’infraction relevée consistait, sur la base de l’article 38 du code des douanes, à constater une absence de document d’homologation ou la présentation d’une homologation non applicable car périmée.

Ces manquements se sont conclus par des régularisations par les services compétents lorsque lesdits manquements présentaient un caractère formel (homologation périmée). D’autres ont fait l’objet de contentieux douaniers ou ont été portés à la connaissance du procureur de la République.

Le relevé de ces manquements est joint en annexe (annexe III).

Les importations illicites de Curlone sont donc improbables, et ce d’autant plus que tous ceux qui prétendaient détenir des preuves de l’existence d’une filière illicite d’importation ont été entendus confidentiellement par les services des douanes et n’ont pu apporter aucun élément probant ou sérieux de leurs allégations.

La mission a tenté de vérifier par elle-même ces allégations, en invitant tous ceux qui les proféraient à produire devant elle, de manière anonyme, tous les éléments qui accréditeraient cette thèse. Ni preuve, ni commencement de preuve, ni aucune recherche effectuée n’ont permis de vérifier ces faits dont la mission estime qu’ils ne sont pas avérés.

4. Les améliorations possibles

A l’heure actuelle, et compte tenu de la prescription triennale et de la mise au rebut des déclarations en douane datant de plus de trois ans, il s’avère délicat de retrouver trace de tous les contrôles douaniers ayant donné lieu à constatation d’infraction.

Compte tenu du caractère sensible de ce sujet et de l’importance des importations et livraisons de produits phytosanitaires en Martinique et en Guadeloupe, on pourrait néanmoins envisager de conserver, éventuellement sous forme numérisée, une trace de ces contrôles pour les produits du chapitre 38-08, mais aussi pour les autres chapitres « sensibles » pour lesquels peuvent être enregistrés des glissements tarifaires.

QUATRIÈME PARTIE :

DES PERSPECTIVES D’AVENIR DOIVENT ÊTRE TRACÉES, POUR L’OUTRE-MER ET POUR LA FRANCE DANS SON ENSEMBLE

La sensibilité aux risques liés à l’utilisation des pesticides et la volonté d’appliquer des mesures de précaution, plus strictes que les mesures de prévention jusqu’alors privilégiées, sont récentes, et ont accompagné, chez les pouvoirs publics, les évolutions de l’opinion publique.

La crise du chlordécone, comme d’autres crises récentes (liées par exemple à l’utilisation du fipronil), doivent conduire à tracer des perspectives, non seulement pour gérer les crises au mieux lorsqu’elles présentent un caractère durable, mais aussi pour éviter qu’elles ne se reproduisent à l’avenir.

Ces perspectives peuvent être adaptées aux spécificités de la Guadeloupe et de la Martinique et concerner spécifiquement le chlordécone ou la problématique des pesticides en général, ou bien encore avoir vocation à toucher la France dans son ensemble.

I.- LA SANTÉ DES AGRICULTEURS ET OUVRIERS AGRICOLES DOIT ÊTRE MIEUX PROTÉGÉE

La Mutualité sociale agricole estime à 600 000 le nombre d’agriculteurs exposés aux pesticides.

Dans ce domaine, comme dans d’autres, la sensibilité aux risques liés à l’exposition aux produits antiparasitaires progresse, même s’il apparaît que seuls 20% des agriculteurs ont conscience d’y être exposés, selon une étude de l’Union des caisses régionales de sécurité sociale de Bretagne.

S’agissant plus particulièrement de la Martinique et de la Guadeloupe, les syndicats, en particulier la Confédération générale des travailleurs de Guadeloupe (CGTG), se sont émus, au cours de leur audition, des conditions dans lesquelles les ouvriers agricoles étaient parfois conduits à épandre les pesticides, et ont également protesté contre les épandages aériens pratiqués sur des parcelles alors même que les ouvriers y travaillent.

Cette pratique est avérée, puisqu’en 2002, la Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle de Martinique alertait le ministère de l’Agriculture sur l’épandage aérien de Calixine, qui avait contaminé des travailleurs agricoles de façon répétée, alors qu’ils étaient aux champs.

La mission condamne sévèrement ces pratiques irresponsables et dangereuses, et estime qu’elles doivent être sévèrement réprimées.

En outre, il convient d’améliorer la surveillance et le suivi de ces populations agricoles.

A.- LE PLAN SANTÉ AU TRAVAIL INTÈGRE LES PROBLÉMATIQUES SPÉCIFIQUES À LA SANTÉ DES AGRICULTEURS ET DES OUVRIERS AGRICOLES

Annoncé le 13 avril 2004 par le ministre délégué aux relations de travail, M. Gérard Larcher, ce plan 2005-2009 a pour objet d’initier une démarche tendant à améliorer la prévention des risques professionnels.

Ce plan a notamment vocation à s’articuler avec le plan national santé environnement présenté au Président de la République en 2004, et a pour objectifs :

– d’introduire la santé au travail dans le système de sécurité sanitaire français, notamment par la création d’une agence de santé au travail ;

– d’inciter les chercheurs à investir ce champ d’investigation spécifique ;

– de renforcer l’efficacité des missions régaliennes de l’inspection du travail, et de diffuser une culture de la prévention sur tous les lieux de travail ;

– de décloisonner l’action des pouvoirs publics et d’améliorer la concertation avec les partenaires sociaux

Ce plan identifie 23 actions, organisées autour de quatre objectifs prioritaires :

PLAN SANTÉ AU TRAVAIL 2005-2009

 

Les objectifs du plan santé au travail

Les actions du plan santé au travail

Développer les connaissances des dangers, des risques et des expositions en milieu professionnel

– Introduire la santé au travail dans le dispositif de sécurité sanitaire

– Structurer et développer la recherche publique en santé et sécurité au travail

– Organiser l’accès à la connaissance

– Développer et coordonner les appels à projet de recherche en santé au travail

– Développer la formation des professionnels de santé en matière de santé au travail

Renforcer l’effectivité du contrôle

– Créer des cellules régionales pluridisciplinaires

– Adapter les ressources du contrôle aux dominantes territoriales

– Développer la connaissance des territoires et renforcer le système de contrôle

– Renforcer la formation des corps de contrôle en santé et sécurité au travail

Reformer les instances de pilotage et décloisonner les approches des administrations

– Structurer la coopération interministérielle sur la prévention des risques professionnels

– Réformer le Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels

– Créer des instances régionales de concertation

– Améliorer et harmoniser la réglementation technique

Encourager les entreprises à être acteur de la santé au travail

– Moderniser et conforter l’action de prévention des services de santé au travail

– Mobiliser les services de santé au travail pour mieux prévenir les risques psychosociaux

– Repenser l’aptitude et le maintien dans l’emploi

– Refaire de la tarification des cotisations AT/MP une incitation à la prévention

– Encourager le développement de la recherche appliquée en entreprise

– Aider les entreprises dans leur démarche d’évaluation a priori des risques

– Promouvoir le rôle des CHSCT dans tous les établissements

– Développer la prévention des accidents routiers au travail

– Promouvoir le principe de substitution des substances chimiques les plus dangereuses (CMR)

– Développer, dans les écoles et par la formation continue, la sensibilisation des ingénieurs et des techniciens aux questions de santé au travail

 

Source : ministère délégué aux relations du travail.

Trois aspects de ce plan doivent attirer l’attention en ce qu’ils intéressent directement la santé des agriculteurs:

Le plan prévoit tout d’abord la mise en place d’une commission interministérielle d’orientations stratégiques de la protection contre les risques professionnels, placée sous l’égide du Premier ministre. Elle sera chargée de définir des recommandations stratégiques et des directives d’action concrètes, en s’appuyant sur les difficultés constatées en matière de prévention des risques professionnels dans les différents secteurs d’activité. Tous les ministères membres du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, et de la Commission nationale d’hygiène et de sécurité du travail en agriculture y participeront.

En outre, la création de Comités régionaux de prévention des risques professionnels, destinée à mieux coordonner l’action des différents intervenants qui ont à connaître des questions de santé au travail, comprendra un niveau consultatif associant notamment la mutualité sociale agricole.

Au surplus, une réflexion doit être engagée afin d’améliorer le fonctionnement des instances de concertation spécifiques à l’agriculture, qui existent au niveau départemental, notamment les Commissions paritaires d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail.

Toutes ces mesures, qui concernent l’ensemble du territoire, constituent une garantie de ce que les problématiques spécifiques à la santé des agriculteurs seront prises en compte.

B.- LA SURVEILLANCE MÉDICALE DES AGRICULTEURS ULTRAMARINS DOIT ÊTRE MIEUX ASSURÉE

1. Le réseau de toxicovigilance agricole doit être étendu aux départements d’outre-mer

En métropole, la surveillance médicale des travailleurs agricoles est assurée par la mutualité sociale agricole, selon les dispositions prévues par le décret n° 82-397 du 11 mai 1982 modifié relatif à l’organisation et au fonctionnement des services de santé au travail en agriculture.

Concernant les pesticides, la MSA a généralisé en 1997 sur tous les départements de la métropole un réseau de toxicovigilance agricole, nommé « phyt’attitude » en 2004, qui repose sur :

·  le signalement des intoxications liées à l’utilisation professionnelle de pesticides principalement par les médecins du travail de la Mutualité sociale agricole, au moyen de dossiers, et les professionnels agricoles salariés ou non, par simple appel téléphonique (1 000 appels en 2004) ;

·  l’analyse de ces dossiers par des toxicologues extérieurs, rémunérés par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA).

Chaque année une synthèse des résultats des études portant sur ces signalements (intoxications ou incidents) est largement diffusée auprès des professions agricoles, des instances ministérielles et de l’Institut national de veille sanitaire (InVS).

Le réseau de toxicovigilance agricole est utilisé par la commission d’étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole et assimilés dans le cadre des autorisations de mise sur le marché des pesticides : la politique actuelle instaurant des délais de réentrée dans les cultures traitées, par exemple, est directement issue des constats du réseau de toxicovigilance agricole.

Or, en vertu de l’article L. 752-4 du code de la sécurité sociale, les travailleurs agricoles des départements d’outre-mer ne relèvent pas de la MSA, mais du régime général de sécurité sociale. Ils sont donc exclus de ce réseau de toxicovigilance.

Il faut donc, et de manière rapide, étendre Phyt’attitude aux départements ultramarins.

S’agissant des modalités pratique de cette extension, et afin de surmonter les difficultés liées à l’absence de correspondants de la MSA sur place, la sous-direction du travail et de l’emploi du ministère de l’Agriculture a suggéré que le médecin inspecteur régional du travail et de la main-d’œuvre assure l’interface entre la caisse centrale de la MSA et les médecins du travail auteurs des signalements d’intoxication liés aux pesticides. C’est une piste intéressante.

2. L’enquête de la MSA relative au lien suspecté entre pesticides et cancers doit recueillir des données en outre-mer

La MSA a en effet lancé une grande enquête sur le lien possible entre cancer et pesticides.

En effet, si la population agricole présente une moindre incidence des cancers que la population générale, elle est plus fréquemment sujette à des cancers spécifiques (prostate, estomac, leucémies, lymphomes malins, myélomes, cancers cérébraux ou cutanés).

Des questionnaires vont être adressés à 600 000 agriculteurs, actifs et retraités, de 12 départements dans lesquels existe un registre des cancers : Calvados, Doubs, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Isère, Loire-Atlantique, Manche, Somme, Tarn, Vendée, Gironde, Côte d’Or.

Il est indispensable que cette étude soit étendue à la Martinique, qui dispose d’un registre des cancers, et dans la mesure du possible, à la Guadeloupe.

3. L’expertise des inspecteurs du travail doit être renforcée

En vertu de l’article L 611-6 du code du travail, les inspecteurs du travail chargés de veiller à l’application des dispositions législatives et réglementaires relatives au régime de travail spécifique aux professions agricoles sont, par dérogation, placés sous l’autorité du Ministre de l’agriculture.

Dans ce cadre, l’Institut National du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle organise des formations initiales ou de perfectionnement, assurées en lien avec le bureau réglementation et sécurité au travail, les services déconcentrés du ministère de l’agriculture (inspection du travail et protection des végétaux), et la mutualité sociale agricole, à l’intention des services d’inspection du travail en agriculture.

Ces formations ont pour objet de faire le point sur la réglementation applicable aux pesticides, et d’apporter un appui méthodologique aux services de contrôle de l’inspection du travail en agriculture (évaluation des risques, sites internet utiles, cas pratiques à partir des constats opérés par les services déconcentrés…).

Or, en vertu de l’article D. 861-1 du code du travail, les inspecteurs du travail des DOM ne sont pas placés sous l’autorité du ministère de l’Agriculture, mais sous l’autorité du ministère du Travail.

Ils ne bénéficient donc pas de ces formations.

C’est fort regrettable, d’autant que les inspecteurs rencontrés sur place ont paru très sensibilisés à ces problèmes et très mobilisés.

Il faut leur permettre de suivre ces formations.

II.- LE SUIVI DES PRODUITS HOMOLOGUÉS OU RÉMANENTS : L’OBSERVATOIRE DES RÉSIDUS DE PESTICIDES

Lors du Comité National de Sécurité Sanitaire qui s’est tenu le 15 octobre 2001, les ministres en charge de la santé, de l’agriculture, de la consommation et de l’environnement ont annoncé la création d’un Observatoire des résidus de pesticides, placé sous leur autorité.

L’ORP aurait pour mission de rassembler, en vue de leur valorisation, les informations et résultats des contrôles et mesures de résidus de pesticides dans les différents milieux et dans les produits consommés par l’homme, d’estimer les niveaux d’exposition des populations et d’identifier les actions pouvant être mises en place de manière à assurer l’exhaustivité et l’accessibilité de l’ensemble des données collectées dans le cadre d’un système d’information intégré.

Dans une perspective de long terme, l’ORP vise à :

– fournir aux administrations et organismes professionnels concernés des informations agrégées et synthétiques utiles à l’orientation des mesures de gestion concernant les différents types d’utilisation des pesticides, et à l’évaluation de ces mesures ; ce projet s’inscrit dans le cadre d’une mission d’aide à la gestion des risques.

– mettre à la disposition du grand public des informations validées, cohérentes et compréhensibles sur la qualité des milieux et des produits de consommation, dans le cadre d’une mission d’information du public ;

– procurer aux organismes de recherche et chercheurs intéressés des informations et des données permettant de mettre en œuvre des études sur l’amélioration des procédures de surveillance et de contrôle des pesticides dans les milieux ainsi que pour l’évaluation du risque sanitaire et environnemental ; ce projet s’inscrit dans le cadre d’une mission d’étude et de recherche.

Le 27 novembre 2003, les ministères chargés de la santé, de l’agriculture, de la consommation et de l’environnement ont confié à l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale, à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments et à l’Institut français de l’environnement une première mission de structuration de l’ORP, en vue de :

– rassembler les informations et résultats des contrôles et mesures de résidus de pesticides dans les différents milieux et produits consommés par l’homme ;

– estimer les niveaux d’exposition des populations ;

– identifier les améliorations à apporter aux systèmes d’information, en particulier s’agissant de la nature et du format des données collectées.

En outre, l’AFSSA, l’AFSSE et l’IFEN étaient chargées d’un travail préparatoire sur les questions suivantes :

– analyser les conditions nécessaires pour que les différentes bases de données identifiées puissent être combinées afin de produire des indices d’exposition globale ;

– proposer des indicateurs utiles à la caractérisation de l’exposition de la population et à sa surveillance ;

– faire des propositions pour homogénéiser les données disponibles et le cas échéant les corriger.

Afin de répondre dans le délai de six mois imparti pour la réalisation de ces actions, et compte tenu de l’extrême diversité des produits phytosanitaires, de leurs usages ainsi que des milieux concernés, une étude pilote a été réalisée entre janvier et juin 2004, centrée sur quelques molécules « test ».

Cette étude a abouti à la rédaction d’un rapport, rendu aux administrations concernées le 27 juin 2004, qui identifiait les difficultés rencontrées et les insuffisances en matière de données, et proposait des axes de travail accompagnés d’une estimation des moyens en personnel et en financement nécessaires à leur mise en œuvre.

Ce rapport était accompagné d’un plan d’actions ciblées pour 2005.

Or, d’après les informations recueillies par la mission, la mise en œuvre de l’ORP a accumulé un retard considérable.

En effet, la structuration officielle de l’ORP par les départements ministériels concernés n’est toujours pas formalisée.

En outre, il semble qu’hormis l’attribution d’une subvention de 35 000 euros par la Direction générale de la santé pour l’acquisition de données sur les usages de pesticides en maraîchage, aucun moyen ou poste n’ait été alloué à l’AFSSA dans le cadre du budget 2005 afin de soutenir la poursuite des travaux engagés.

Compte tenu du fait que la création de l’ORP a été annoncée en 2001, il est pour le moins surprenant de constater que cet observatoire n’a toujours pas d’existence réelle en 2005 !

Ce retard ne paraît pas imputable aux agences impliquées dans le processus, dans la mesure où elles ont répondu rapidement aux demandes qui leur étaient adressées par les ministères.

Leur engagement est d’autant plus indiscutable que, d’après les informations recueillies par la mission, l’investissement scientifique considérable qu’a consenti l’AFSSA pour l’élaboration de l’étude pilote précitée a été réalisé à moyens constants.

La mission tient à attirer l’attention des ministères concernés sur le caractère urgent de la création de cet observatoire, et sera particulièrement attentive, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2006, à ce que les crédits nécessaires à son développement y soient inscrits.

Il s’agit en effet d’un outil indispensable, dans la mesure où si la procédure d’homologation, qui se déroule en amont, est globalement satisfaisante, en revanche le suivi des produits homologués s’avère insuffisant dans ce domaine. En effet, si les groupes régionaux mis en place en Martinique et en Guadeloupe ont développé une vision transversale de la question des pesticides intégrant le contrôle vigilant des résidus et le développement d’études sur l’exposition des populations, les groupes régionaux placés sous l’autorité des préfets, en métropole, sont engagés dans une démarche qui concerne la seule qualité des eaux, comme on l’a dit dans la deuxième partie de ce rapport.

Si l’ensemble des groupes devait, conformément aux recommandations de la mission (voir deuxième partie), intégrer la question des résidus et de la mesure de l’exposition des populations à leur champ d’action, l’ORP aurait naturellement vocation à centraliser ces informations et ces expériences et à en assurer en retour la diffusion à l’ensemble du territoire.

Il est donc indispensable que l’ORP fonctionne de manière effective dès 2006.

III.- « L’OR BLEU » : L’EAU, PROTECTION ET POLICE

Cette ressource est à la base de la vie. Elle mérite une attention particulière.

Les bilans successifs de l’IFEN tant aux Antilles que dans l’hexagone montrent une contamination des masses d’eau. En 2002, 80% des stations de mesure souffraient de la présence de pesticides.

Plus précisément, l’état des lieux démontre sur le plan national que les pesticides contribuent activement à la dégradation de la qualité de la ressource.

C’est pourquoi la mission préconise :

·  le retrait du marché dans les meilleurs délais des produits contenant ces substances dangereuses au titre de la directive cadre et bénéficiant à cette date d’une autorisation de mise sur le marché. On peut notamment citer : l’alachlore, le diuron, l’endosulfan, l’isoproturon, le trifluranile, et le chlorfenvinphos.

·  l’encadrement renforcé de l’emploi des molécules les plus couramment retrouvées dans l’eau avec une utilisation conforme aux bonnes pratiques :

– Réduction des doses

– Périmètre resserré du traitement

– Emploi de techniques limitant la dérive des produits (généralisation des bandes enherbées)

·  le renforcement des contrôles et de la police de l’eau : actuellement, ce sont les agents des Directions régionales de l’agriculture et de la forêt et des Services régionaux de la protection des végétaux (DRAF-SRPV) exclusivement, et sous certaines conditions les agents des Directions départementales de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DDCCRF) qui exercent ce contrôle. Il convient d’élargir le champ du contrôle à d’autres agents de la police de l’eau : agents assermentés, OPJ et maires, ce qui permettrait que le seul fondement du constat d’une infraction à la bonne utilisation des produits permette les poursuites à l’encontre du contrevenant.

·  le dépôt d’amendements dans le cadre de l’examen du projet de loi sur l’eau afin que des moyens financiers soient prévus pour les actions de protection des périmètres de captage ainsi que pour alimenter un « fonds de solidarité des bassins et agences » lors de crises régionales ou nationales.

Cette disposition revêt un caractère fondamental en outre-mer, où la mise en place des périmètres de protection accuse des sérieux retards.

On l’a vu, l’outre-mer ne se singularise pas, de ce point de vue, par rapport à la métropole, mais les difficultés ultramarines sont spécifiques et tiennent :

– à la pression foncière extrêmement forte qui explique que des exploitations agricoles soient implantées aux abords immédiats des points de captage ; ces exploitations n’échappent souvent pas à la règle qui veut que les produits phytosanitaires sont utilisés en moyenne par hectare jusqu’à dix fois plus qu’en métropole, compte tenu des conditions climatiques propices au développement des parasites. Cette utilisation étant pour l’heure impossible à réduire à court terme, les moyens de lutte alternatifs étant encore expérimentaux, la seule option est l’arrêt pur et simple des activités agricoles, comme l’ont parfois préconisé les hydrogéologues agréés ;

– au fait que les collectivités concernées n’ont souvent pas les moyens d’assumer les conséquences financières des expropriations et des servitudes dont la protection des captages appelle la mise en œuvre.

Enfin, la solidarité nationale devra également s’exercer afin de permettre la réfection du réseau d’adduction, dont la vétusté explique une déperdition de l’ordre de 50 % des eaux distribuées, notamment en Guadeloupe.

IV.- ÉVOLUTIONS NÉCESSAIRES ET PERSPECTIVES D’AVENIR POUR L’AGRICULTURE

A.- L’AGRICULTURE DOIT ÉVOLUER VERS DES PRATIQUES PLUS RESPECTUEUSES DE L’ENVIRONNEMENT

Afin d’inciter les agriculteurs à développer des pratiques responsables et respectueuses de l’environnement, l’arrêté du 22 novembre 1993 relatif au Code des bonnes pratiques agricoles a proposé un certain nombre de recommandations de nature à favoriser la préservation des ressources en eau de la pollution par les nitrates.

Ce code comprend notamment des recommandations relatives à l’épandage et au stockage des engrais, ainsi qu’à la gestion des terres et de l’irrigation.

C’est une bonne démarche, car elle permet de répondre de manière concrète aux agriculteurs désireux de faire évoluer leurs pratiques, et complète utilement les prescriptions législatives et réglementaires en la matière.

Elle pourrait être enrichie par des préconisations d’une portée élargie à l’ensemble des pesticides et à la préservation du milieu de manière générale.

En outre, les agriculteurs doivent être sensibilisés à une utilisation responsable et sans danger pour leur propre santé des produits phytosanitaires.

La formation initiale doit bien entendu y concourir, de même que la formation continue.

Cette formation est d’autant plus indispensable que le droit applicable en matière de pesticides évolue rapidement, et les prescriptions sont de plus en plus précises.

D’après les chiffres communiqués par la MSA, environ 8000 personnes en France participent à de telles actions de formation.

C’est peu, et l’UIPP, qui organise des formations à l’utilisation des produits phytosanitaires, a indiqué à la mission que les agriculteurs se sentaient peu impliqués par de telles démarches.

C’est pourquoi la mission estime qu’il convient d’envisager la mise en place d’un véritable « permis  de traitement », dont l’obtention serait le préalable indispensable à l’épandage de pesticides.

Pour l’heure, la loi n° 92-533 du 17 juin 1992 prévoit que certaines catégories seulement de distributeurs et d’applicateurs de produits antiparasitaires doivent être titulaires d’un agrément. Elle concerne :

– les applicateurs dont les prestations donnent lieu à facturation, quel que soit le type de produit phytosanitaire (entreprises de travaux agricoles, paysagistes, entreprises pratiquant le traitement aérien…)

– les distributeurs qui vendent ou distribuent, même à titre gratuit, des produits antiparasitaires classés comme toxiques, très toxiques, nocifs, dangereux pour l’environnement (négociants, coopératives agricoles, collectivités, jardineries…)

Le certificat est délivré pour cinq ans par le SPV si le demandeur justifie de la possession d’un diplôme ou d’un titre homologué, ou si un jury a validé son expérience professionnelle, ou bien encore s’il a suivi une formation spécialisée.

La mission propose donc l’extension du principe d’un certificat indispensable à l’épandage des pesticides.

En outre, les bonnes pratiques agricoles supposent que les outils adéquats soient mis à la disposition des agriculteurs ; en particulier, le manque de produits pour les usages mineurs encourage les usages détournés, et l’homologation doit être aménagée, comme on l’a dit dans la première partie, afin de proposer des solutions contre l’infestation des cultures.

Au surplus, les solutions alternatives aux usages des pesticides doivent être développées.

Ainsi aux Antilles, des recherches menées par le CIRAD ont conduit à proposer aux agriculteurs des systèmes de piégeage du charançon à base de phéromones, qui attirent et capturent les insectes.

Mais si cette solution paraît adaptée pour suivre avec précision le degré d’infestation d’une plantation, elle ne permet pas, semble-t-il, de la maîtriser lorsqu’elle est installée.

B.- L’IMPROBABLE DÉPOLLUTION DES SOLS IMPOSE D’ENVISAGER L’ACCOMPAGNEMENT FINANCIER DES AGRICULTEURS DONT LA PRODUCTION EST AFFECTÉE PAR LE CHLORDÉCONE

1. Aucune dépollution des sols à court terme n’est possible

D’après les informations recueillies par la mission, aucune solution de dépollution des sols n’est envisageable à court terme.

L’incinération des terres polluées ne peut être réalisée que dans des installations spéciales et sécurisées, et son coût serait absolument prohibitif compte tenu des surfaces affectées, des volumes concernés, puisque la pollution n’est pas concentrée au niveau superficiel des sols, ainsi que du transport des volumes en question. Il n’existe d’ailleurs aucun précédent en la matière, la dépollution mise en œuvre en Virginie dans l’ancienne usine de fabrication du Curlone concernant un périmètre beaucoup plus localisé, et facile à neutraliser (les activités agricoles étaient installées ailleurs et n’avaient pas vocation à occuper cet espace).

L’idée d’une dépollution des sols par la plantation massive de ricin, plante oléagineuse, qui absorberait ce produit particulièrement lipophile qu’est le chlordécone n’est pas sérieuse ; en effet, on l’a vu, les légumes aériens ne sont pas pollués au chlordécone, qui, en effet, n’est pas un produit systémique (dont l’action sur les insectes nuisibles est véhiculée par la plante elle-même). Le ricin ne peut donc absorber ce produit.

En outre, la dépollution par la plantation de légumes racines prendrait, selon les informations recueillies par la mission, notamment auprès de l’INRA, plusieurs dizaines d’années.

La mission propose donc de poursuivre des recherches sur la dépollution des sols ; elle invite notamment la ministre de l’Ecologie à répondre favorablement à la demande de saisine de l’AFSSE par le préfet de la Martinique le 10 janvier 2005, en vue d’obtenir une expertise sur les possibilités de dépollution des sols. Rappelons que le chlordécone est le plus rémanent de tous les pesticides organochlorés qui ont été utilisés dans l’agriculture martiniquaise et guadeloupéenne.

L’INRA estime ainsi que si la question de la pollution des sols par le HCH ne se posera plus d’ici 2010, en revanche il faudra plusieurs siècles pour que le lent lessivage des terres par les eaux de drainage vienne à bout de la pollution au chlordécone.

2. La question des perspectives des agriculteurs dans ce contexte doit être posée

Elle présente un double aspect.

a) L’application du principe de précaution

Tant que les limites maximales de résidus du chlordécone ne seront pas établies, le principe de précaution s’applique, et impose notamment aux agriculteurs la prise en charge du coût des analyses de végétaux mis en culture sur des sols pollués, soit 120 euros par analyse, hors coût de transport, renouvelables à chaque nouveau cycle.

Lorsque ces analyses sont positives, le produit ne peut être vendu, ce qui occasionne une perte de revenu pour l’agriculteur concerné, à laquelle s’ajoute le coût de la destruction des végétaux en question, dont il est responsable en Martinique.

La mise en œuvre du principe de précaution (article 5 de la Charte de l’environnement) impose l’application de mécanismes de solidarité nationale et entraîne ainsi un droit à compensation pour ceux ou celles qui subissent les effets de ces mesures de sauvegarde.

La mission propose donc que dans ce cadre, l’Etat assure la prise en charge de cette compensation selon des critères qu’il lui appartient de déterminer.

Aux Antilles, ce dispositif de compensation doit être appliqué aux agriculteurs concernés, le plus tôt possible car cette profession est en grande difficulté et elle doit être d’autant plus aidée et soutenue que la reconversion agricole est limitée en raison des conditions climatiques.

b) Le soutien aux agriculteurs dont la production excédera les limites maximales de résidus de chlordécone

Lorsque les LMR auront été fixées, et à plus forte raison si elles s’avèrent faibles, l’Etat, dans le cadre d’une mission de prospective agronomique actuellement en cours, devra élaborer un dispositif de soutien aux agriculteurs. Ce dispositif sera d’autant plus important pour ceux dont la production contiendra des résidus de chlordécone à des niveaux supérieurs à ces LMR.

Le préjudice devra être déterminé avec pertinence. Le soutien composé d’un volet financier et d’une expertise tant technique que prospective, permettra d’accompagner les agriculteurs vers d’autres types de production que les légumes racines.

CINQUIÈME PARTIE : RECOMMANDATIONS

RECOMMANDATION 1 :

APPLICATION ET EFFETS DU PRINCIPE DE PRÉCAUTION

La mise en œuvre du principe de précaution (article 5 de la Charte de l’environnement) impose l’application de mécanismes de solidarité nationale et entraîne ainsi un droit à compensation pour ceux ou celles qui subissent les effets de ces mesures de sauvegarde.

La mission propose :

– que dans ce cadre, l’Etat assure la prise en charge de cette compensation selon des critères qu’il lui appartient de déterminer.

– aux Antilles, ce dispositif de compensation doit être appliqué, le plus tôt possible aux agriculteurs concernés par l’application des arrêtés préfectoraux relatifs aux analyses de sols et de légumes racines.

RECOMMANDATION 2 :

LE PILOTAGE DE L’ACTION PUBLIQUE DOIT ÊTRE DÉCLOISONNÉ

La mission estime qu’il importe de renforcer le caractère interministériel de la gestion de cette question transversale.

La mission propose :

– la création d’une commission interministérielle d’étude et d’évaluation des produits phytosanitaires ; elle devra s’appuyer sur le travail des groupes régionaux phytosanitaires ;

– la mise en place de manière urgente de l’Observatoire des résidus de pesticides, décidée en 2001, mais dont la structuration officielle n’est toujours pas formalisée.

RECOMMANDATION 3 :

LE GROUPE RÉGIONAL :
UN INSTRUMENT DE VEILLE DE PROXIMITÉ

Aux Antilles, la mission a pu apprécier la pertinence de ce dispositif, qui instaure une culture du partage et du croisement des informations et des compétences, en présence de tous les acteurs intéressés (publics ou associatifs), sur l’ensemble de la question des pesticides.

La mission propose :

– au plan national, d’élargir le champ d’intervention des groupes régionaux phytosanitaires existants à l’ensemble des risques liés à l’utilisation de ces produits, sur le modèle des groupes martiniquais et guadeloupéen. La démarche exemplaire du GREPP et du GREPHY doit pouvoir bénéficier à l’ensemble du territoire national ;

– de faire de ces groupes régionaux les acteurs de veille et d’alerte des pouvoirs publics dans le cadre de la surveillance épidémiologique, du contrôle des effets sanitaires en général, et en particulier chez les travailleurs agricoles ;

– de doter ces groupes de moyens de fonctionnement, et notamment d’instruments de communication et de publication en temps de crise.

RECOMMANDATION 4 :

UN ENCADREMENT RENFORCÉ DE L’EMPLOI ET DE LA MISE
SUR LE MARCHÉ DES PESTICIDES

3 objectifs doivent être poursuivis :

– garantir l’évaluation et la maîtrise des risques liés à l’utilisation des pesticides ;

– permettre aux firmes de développer des produits phytosanitaires innovants et moins polluants ;

– offrir des solutions de traitement aux agriculteurs afin de ne pas leur laisser comme unique solution les usages détournés.

A cette fin, la mission propose :

– garantir la qualité et l’indépendance de l’expertise de la toxicité des produits phytosanitaires en confiant cette tâche à l’AFSSA ;

– optimiser la procédure d’homologation afin de cerner les risques avec davantage de pertinence ;

– maintenir la compétence du seul ministre de l’Agriculture sur les décisions d’homologation ;

– faciliter les homologations pour les usages mineurs tout en renforçant le suivi des produits ;

– poursuivre le recensement des besoins en fonction des filières et établir une grille phytosanitaire des produits utiles et appropriés à chaque filière ;

– renforcer l’information des utilisateurs par un étiquetage plus approprié, et pour ce faire donner aux emballages plus de lisibilité par l’emploi de symboles de danger, message d’alerte et de prudence, grille simple des conditions d’emploi des produits, et du rajout de mentions relatives à l’emploi en jardins privés.

RECOMMANDATION 5 :

SANTÉ DES AGRICULTEURS ET BONNES PRATIQUES AGRICOLES

La mission propose :

– d’étendre le réseau de toxico-vigilance « phyt’attitude » aux Antilles ;

– de recueillir, des données sur la Martinique et la Guadeloupe, dans le cadre de l’enquête lancée par la MSA sur le lien possible entre pesticides et cancers ;

– de renforcer la formation des inspecteurs du travail ;

– d’établir un dispositif renforcé de conditionnalité des aides qui encourage les bonnes pratiques agricoles ;

– d’améliorer la formation initiale et continue des agriculteurs à l’utilisation des produits phytosanitaires ;

– de créer un « permis pesticide » obligatoire.

RECOMMANDATION 6 :

RENFORCER ET SOUTENIR LA RECHERCHE

La mission souhaite mettre en exergue l’importance du dispositif d’évaluation des risques. Il est indispensable qu’il soit maintenu et renforcé. Les compétences nécessaires se raréfient et l’Etat doit veiller à maintenir un haut niveau de recherche nationale afin d’assurer et de garantir la qualité de l’analyse, son indépendance et son efficacité.

La mission propose :

– de sanctuariser le budget de la recherche en toxicologie et en écotoxicologie afin de mieux évaluer les effets des pesticides et des mélanges sur l’environnement et la santé humaine ;

– d’améliorer les performances analytiques pour proposer des méthodes alternatives à l’utilisation des produits chimiques.

RECOMMANDATION 7 :

MIEUX PROTÉGER LA RESSOURCE EN EAU

Ressource essentielle à la vie, elle mérite une protection particulière.

La mission propose :

– d’accélérer la mise en place des périmètres de protection ;

– d’investir de nouvelles autorités de compétences en matière de police de l’eau ;

– de déposer des amendements lors de l’examen du projet de loi sur l’eau afin de prévoir les moyens de financer des actions de protection de périmètres de captage et alimenter ainsi un fonds de solidarité des bassins et agences lors de crises régionales et nationales.

RECOMMANDATION 8 :

ÉTABLIR ET RENFORCER UNE FILIÈRE DE PRISE EN CHARGE
DES PESTICIDES EN FIN DE VIE

La mission propose de :

– pérenniser le dispositif mis en place par ADIVALOR (agriculteurs, distributeurs, industriels pour la valorisation des déchets agricoles) au niveau national ;

– renforcer la traçabilité des produits phytosanitaires commercialisés ;

– mettre en place une filière durable de récupération des emballages vides de produits phytosanitaires (EVPP) et des produits phytosanitaires non utilisés (PPNU) en Martinique et en Guadeloupe.

RECOMMANDATION 9 :

AMÉLIORER LA MISE EN œUVRE DES PLANS D’ACTION
EN MARTINIQUE ET EN GUADELOUPE :

La mission propose :

– de renforcer l’effectivité des arrêtés préfectoraux relatifs aux analyses de sols et de légumes racines ;

– d’appliquer aux contrevenants les sanctions prévues avec fermeté ;

– de développer la traçabilité des végétaux pour le consommateur ;

– d’assurer la destruction des légumes racines pollués ;

– de développer un pôle d’analyse local pionnier en matière de pesticides ;

– d’entreprendre l’évaluation des risques liés à la consommation des eaux de source, de la production issue des jardins familiaux et des produits de la pêche ;

– de conserver plus longtemps les pièces et éléments des contrôles des importations opérées par la direction des douanes ;

– de créer un registre des cancers en Guadeloupe ;

– de mettre en place avec l’ordre des médecins et les syndicats de santé aux Antilles un partenariat renforcé qui permette le suivi sanitaire et épidémiologique de la population.

RECOMMANDATION 10 :

LA POLLUTION DURABLE DES SOLS ET LE SOUTIEN
DES PROFESSIONS AGRICOLES

La mission propose :

– de lancer un programme de recherche sur la remédiation des sols ;

– aux Antilles (Martinique et Guadeloupe), que l’Etat arrête un plan de soutien aux agriculteurs dont la production comportera des résidus de chlordécone à des niveaux supérieurs aux LMR. Ce plan devra reposer, dans ses principes, sur les conclusions de la mission de prospective agronomique actuellement en cours.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport d’information le jeudi 30 juin 2005.

Le président Patrick Ollier a rappelé que la présente mission d’information avait été créée en octobre 2004, avec pour président M. Philippe Edmond-Mariette et pour rapporteur M. Joël Beaugendre. Il a ensuite indiqué que la Commission était particulièrement sensible à l’inquiétude née de l’utilisation du chlordécone dans les territoires d’outre-mer, dont il avait eu l’occasion de mesurer l’importance personnellement lors d’un déplacement. Il a ajouté que le choix d’une mission d’information, plutôt que d’une commission d’enquête, lui semblait permettre l’interpellation de l’administration afin qu’elle prenne les mesures appropriées, au besoin en responsabilisant les membres du Gouvernement compétents.

Après avoir remercié le président de la Commission d’avoir accepté cette initiative, M. Philippe Edmond-Mariette a rappelé que les problèmes des territoires d’outre-mer étaient rarement abordés avec l’intérêt nécessaire au Parlement. Il s’est donc félicité que ceux liés à l’utilisation du chlordécone aient fait l’objet, dans le cadre de cette mission d’information, d’un travail approfondi.

Il a estimé que ce rapport d’information, faisant état d’un problème spécifique aux Antilles, pourrait enrichir le Parlement sur les moyens d’appréhender d’autres crises intervenant dans le domaine agricole, notamment lorsqu’elles sont liées à l’utilisation de produits polluants et de pesticides.

Le rapporteur a rappelé que c’était par une décision du 19 octobre 2004 que la Commission des affaires économiques de l’environnement et du territoire avait approuvé la création d’une mission d’information relative au chlordécone et autres pesticides dans l’agriculture martiniquaise et guadeloupéenne.

Il a estimé qu’il s’agissait d’un signal fort pour les populations ultramarines.

Il a en effet indiqué que bien souvent ces populations avaient le sentiment d’une méconnaissance des spécificités de leurs territoires, doublée d’un relatif désintérêt dans la manière dont les choix qui les concernent sont arrêtés. Il a jugé qu’une telle affirmation n’avait pas sa place, ajoutant que la décision de la Commission témoignait de l’attention que ses membres portent à la situation à laquelle les populations martiniquaises et guadeloupéennes sont confrontées.

Il a tenu à remercier le Président Ollier pour le soutien que celui-ci avait apporté à cette démarche.

Il a ensuite évoqué le contexte dans lequel la mission était intervenue.

Il a rappelé qu’elle s’était trouvée devant le constat d’une pollution généralisée au chlordécone, pollution des eaux, pollution des sols, pollution de certaines denrées alimentaires animales et végétales.

Il a indiqué que cette situation soulevait la question de l’efficacité de l’action de l’Etat, et présentait un double aspect rétrospectif et actuel.

S’agissant de l’aspect rétrospectif, il a jugé qu’il s’agissait de savoir si l’Etat ne s’était pas montré imprudent ou négligent lorsqu’il avait autorisé l’utilisation de ce produit, un insecticide destiné à lutter contre le charançon du bananier. Il a précisé qu’en filigrane, certains affirmaient qu’une telle négligence n’avait pu se produire que parce que l’Etat s’était montré spécialement désinvolte par rapport aux populations ultramarines.

Il a également constaté que les interrogations portaient sur le fait de savoir si l’Etat s’était montré suffisamment diligent dans la mise en œuvre de moyens permettant d’identifier cette pollution.

S’agissant de l’action actuelle de l’Etat, il a indiqué qu’il convenait de se demander si toutes les mesures avaient été prises afin de protéger efficacement les populations des risques potentiels liés à cette pollution. Il a notamment indiqué que certains arguaient de la présence de chlordécone dans le sol, plus de dix ans après la fin de son utilisation, pour conclure que le chlordécone continuait à être utilisé de manière illégale grâce à l’existence d’une filière d’importation clandestine.

Il a ensuite indiqué que la population s’interrogeait sur l’impact sur la santé de cette pollution au chlordécone, et notamment sur le point de savoir s’il existait un danger grave et imminent lié à la présence de ce pesticide dans l’environnement, l’eau et les denrées alimentaires.

Enfin, il a souligné que la dernière interrogation émanait des agriculteurs, dans la mesure où deux arrêtés préfectoraux imposent aujourd’hui, sur le fondement du principe de précaution, l’analyse obligatoire des sols avant toute mise en culture de légume racines (igname, dachine…), le coût de ces analyses étant pris en charge grâce à des financements européens.

Il a toutefois précisé que si les sols contenaient du chlordécone, les agriculteurs pouvaient mettre leurs légumes en culture, mais qu’ils devaient faire analyser leur production, à leurs frais, avant toute mise en marché.

Il a indiqué que si cette production contenait des traces de chlordécone, elle ne pouvait être vendue, occasionnant une perte sèche pour l’agriculteur. Il a insisté sur le désarroi que ceux-ci avaient exprimé.

Il a ensuite souligné que la mission avait travaillé sur chacun de ces aspects.

S’agissant de l’action de l’Etat, il a indiqué que la mission avait constaté que, dès que la crise avait été clairement identifiée, en 1999, et depuis cette date, l’action des services de l’Etat était énergique et déterminée. Des mesures de gestion du risque avaient été prises pour assurer la protection de la population, sous l’impulsion de groupes régionaux phytosanitaires regroupant tous les acteurs intéressés.

Il a estimé que ces groupes lui paraissaient exemplaires pour la France dans son ensemble, et a indiqué que la mission préconisait que des démarches identiques soient étendues à l’ensemble du territoire national ; il a précisé que ces groupes devraient également inspirer la gestion, par l’administration centrale, de ce dossier transversal des pesticides, l’action de l’Etat étant en la matière par trop cloisonnée.

Il a également tenu à préciser que la mission avait recueilli des éléments qui lui permettaient d’affirmer avec certitude qu’il n’existait pas de filière d’importation illégale de Curlone, et que la présence du produit dans l’environnement s’expliquait par sa forte persistance dans le sol, que l’INRA estime à plusieurs siècles.

Il a également indiqué que compte tenu du caractère rudimentaire des outils d’analyse disponibles à l’époque, mais aussi d’une attention moins grande qu’aujourd’hui pour toutes les problématiques liées aux pesticides , l’identification tardive du problème de pollution par le Curlone ne résultait pas d’une carence des pouvoirs publics.

Il a également estimé que compte tenu des connaissances disponibles à l’époque, l’Etat, en autorisant le chlordécone, en 1981, n’avait pas fait preuve d’imprudence. Il a considéré qu’à cette époque, pour n’importe quel produit, et en n’importe quel point du territoire, l’Etat aurait agi de la même manière.

Néanmoins, il a tenu à rappeler qu’en 1992, après le délai de deux ans que la loi prévoit, après le retrait d’une homologation, pour la commercialisation d’un produit, le Ministère de l’agriculture, avait accordé aux planteurs, par deux décisions de mars 1992 et de février 1993, l’autorisation d’utiliser le Curlone jusqu’en septembre 1993. En conséquence, il a jugé qu’on ne pouvait qu’émettre de sérieux doutes sur les conditions dans lesquelles ces décisions avaient été prises, en particulier compte tenu du fait qu’en 1990, la commission d’étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricoles avait conclu à la toxicité de ce produit, et à la nécessité de son interdiction.

S’agissant des préoccupations relatives à la santé, il a rappelé que les risques potentiels liés à l’exposition au produit étaient importants. Mais il a précisé qu’en l’état actuel des connaissances, on ignore à quelle dose et pour quelle durée d’exposition cette toxicité se manifeste. Il a également indiqué que dans certains cas, les chercheurs ne pouvaient se prononcer de manière certaine sur l’existence d’un lien de causalité direct et avéré avec l’exposition au Curlone, citant l’exemple du cancer de la prostate. Il a toutefois tenu à préciser que de très nombreuses études étaient en cours sur place pour évaluer ce risque, leurs résultats devant être connus prochainement. Dans l’attente de ces résultats, il a rappelé que toutes les précautions étaient prises pour protéger la population.

Enfin, a-t-il noté – le produit a une durée de vie très importante dans le sol, et de ce fait, les agriculteurs seront confrontés encore longtemps à la présence du chlordécone dans leur production.

Dès lors, quand les limites maximales de résidus de chlordécone auront été fixées, conformément aux recommandations de l’Agence Française de sécurité sanitaire des aliments, il a indiqué qu’il faudrait apporter un soutien, tant financier que technique et prospectif, aux agriculteurs touchés.

Dans l’attente de ce LMR, il a également estimé qu’il convenait de mettre en place une compensation des surcoûts et des pertes occasionnées pour les agriculteurs concernés par l’application du principe de précaution.

Il a ensuite précisé que la mission s’était efforcée de tirer les leçons de cette expérience pour l’ensemble de la communauté nationale.

Il a ainsi cité certaines des propositions contenues dans le rapport, comme l’application de mesures de solidarité nationale, y compris aux Antilles, pour les agriculteurs concernés, la compensation des conséquences de l’application du principe de précaution, le décloisonnement de l’action administrative, une meilleure protection de la ressource en eau, la pérennisation de la filière de prise en charge des déchets de pesticides.

Il a conclu en demandant à la Commission d’autoriser la publication de ce rapport.

Le Président Patrick Ollier a ensuite rappelé quels étaient les membres de la mission d’information : M. Philippe Edmond-Mariette, Président, M. Joël Beaugendre, rapporteur, M. Jacques Le Guen, représentant du groupe UMP, M. Louis-Joseph Manscour, représentant du groupe socialiste, M. François Sauvadet, représentant du groupe UDF et vice-président de la Commission, et M. Jean-Sébastien Vialatte, également représentant de l’UMP.

Il a ajouté que MM. Jean-Sébastien Vialatte, Jacques Le Guen et Joël Beaugendre, en leurs qualités de biologiste et médecins, avaient pu apporter un point de vue éclairant sur cette question.

Puis, après avoir remercié le rapporteur de son intervention, il a rappelé qu’en 1990, la Commission d’étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole avait, en 1990, émis un avis favorable au retrait de l’autorisation du Curlone. Après avoir fait part de son attachement au principe de précaution, il a souligné la contradiction existant entre l’avis défavorable rendu par la Commission d’étude de la toxicité précitée, ainsi que par le Comité d’homologation, et le fait que des décisions avaient été prises par le ministre de l’agriculture permettant de prolonger en 1992 et 1993 l’utilisation du produit jusqu’en septembre 1993. Il a estimé, en accord avec les propos du rapporteur, qu’on pouvait pour l’instant émettre des doutes sur les conditions dans lesquelles les décisions avaient été prises.

Répondant aux remarques du Président Patrick Ollier, M. Joël Beaugendre, rapporteur, a concédé qu’en dépit du fait que ces décisions invitaient les cultivateurs à recourir à d’autres pesticides que le Curlone, ceux-ci n’avaient pas immédiatement utilisé d’autres produits jugés moins toxiques et tout aussi efficaces.

Il a ajouté qu’il partageait le scepticisme du Président au sujet de l’opportunité de ces décisions, rappelant qu’une épidémie de charançons avait justifié l’utilisation du Curlone, en raison d’une demande économique forte des agriculteurs.

Le Président Patrick Ollier a estimé qu’il importait de s’interroger sur l’opportunité de ces décisions. Insistant une nouvelle fois sur le caractère essentiel du principe de précaution s’agissant de l’utilisation d’un produit pouvant présenter des risques pour la santé humaine, il a indiqué qu’il souscrivait aux conclusions rendues par le rapporteur dans son rapport d’information, étant entendu que des études épidémiologiques étaient en cours, et que de ce point de vue, le rapport ne pouvait être trop conclusif.

M. Jérôme Bignon, s’exprimant au nom du groupe U.M.P, a tenu à saluer à son tour la qualité du travail accompli par le président et le rapporteur de la mission d’information sur cette difficile question. S’étant lui-même beaucoup occupé des questions relatives à l’Outre-mer à la Commission des lois, notamment en tant que rapporteur pour avis sur le budget des collectivités locales d’outre-mer, il a déclaré ressentir une forte solidarité avec ses collègues ultramarins.

Il a ensuite souligné que le rapport d’information permettait de mesurer les progrès qui restaient à réaliser ainsi que l’immense intérêt que revêtait la Charte de l’Environnement pour notre pays. Il a néanmoins fait remarquer que le problème du chlordécone, qui a connu son apogée dans les années 1990, n’aurait probablement pas été traité de la même manière en 2005, l’État ayant profondément évolué dans son comportement grâce à la réflexion menée sur le développement durable et le principe de précaution. Cette prise de conscience fondamentale, qui résulte en partie des autres problèmes advenus dans l’intervalle, doit mettre l’accent sur l’idée de transversalité, idée qui figure dans les conclusions de la mission et se situe au cœur des politiques de développement durable. Estimant que c’était là un thème central que l’État devait prendre en charge, il a fait état de la difficulté à faire travailler ensemble au niveau local les directions départementales de l’agriculture, les directions départementales de l’équipement et les directions régionales de l’environnement. Constatant par ailleurs qu’il ne s’agissait pas que d’un problème ultramarin mais profondément français, il a appelé à une révolution culturelle destinée à mettre en œuvre des politiques plus intelligentes et moins dangereuses pour la population. Il a enfin souligné la nécessité de tirer les conséquences de cette mission pour notre comportement sur l’ensemble du territoire national.

S’agissant des mesures de solidarité nationale, il a considéré qu’elles allaient de soi, même en l’absence de responsabilité ou de faute clairement définies, dans la mesure où il y avait eu manifestement des erreurs d’appréciation. A cet égard, il a précisé que ces mesures de solidarité nationale devaient répondre aux problèmes qui affectent les cultivateurs, le fait que les sols soient durablement touchés ayant un impact sur le prix de vente de leurs produits. Mais il a également insisté sur le fait que ces mesures devaient aussi s’adresser à tous ceux qui avaient éventuellement eu à souffrir de maladies, s’il était avéré que ces maladies sont en lien avec ce pesticide. Dressant un parallèle avec les cas de cancer et de stérilité masculine advenus dans sa circonscription, pays de culture intensive où les agriculteurs ont fait une utilisation massive d’intrants et l’ont pour certains payé dans leur intégrité physique, il a estimé qu’il n’était pas invraisemblable que les recherches en cours aboutissent à des conclusions analogues sur le chlordécone. En conséquence, il a envisagé qu’il soit fait appel, dans des conditions à déterminer, à la solidarité nationale, comme cela a pu être le cas sur d’autres sujets plus médiatisés.

Sur la question de la gestion des ressources en eau et de la pérennisation de la filière de mise en décharge des déchets des pesticides, il a déclaré qu’il s’agissait là de sujets essentiels pour les milieux naturels de l’Outre-mer dans une logique de développement durable. Affirmant qu’il convenait d’être optimiste, la nature ayant une capacité de résilience extraordinaire une fois les dégâts arrêtés, il a néanmoins jugé nécessaire qu’il y ait une volonté nationale et locale de travailler afin de traiter, rechercher les causes et remettre en état le milieu. A cet égard, il a estimé que le rapport était particulièrement utile à cette prise de conscience.

Enfin, il a proposé qu’un bilan soit fait dans six mois ou un an sur les sujets encore « en suspens » sur lesquels la mission n’avait pu se prononcer, des études étant en cours sur place dont les conclusions n’étaient pas arrêtées. Se félicitant à nouveau du travail accompli dans le cadre de la mission, il a exprimé l’intention du groupe UMP de voter en faveur des conclusions et de la publication du rapport.

M. Louis-Joseph Manscour a tout d’abord vivement regretté le très faible nombre de commissaires présents et, en particulier, l’absence des membres de la mission n’étant pas élus dans les Antilles.

S’agissant du projet de rapport, il a rappelé que la mission avait pris l’engagement, notamment auprès des populations antillaises, de faire toute la transparence sur les conséquences de l’utilisation aux Antilles du chlordécone et des autres pesticides. Il a souligné que les attentes étaient, en la matière, très vives, notamment dans la circonscription où il a été élu et où se trouvent 70 % des terres plantées en banane à la Martinique, terres désormais polluées pour des décennies.

Or, il a jugé qu’en l’état, le public pourrait juger trompeur le projet de rapport dans la mesure où il met insuffisamment l’accent sur certaines erreurs d’appréciation, notamment des services de l’Etat, et, en particulier, sur le fait, profondément choquant, que l’utilisation du chlordécone ait continué à être autorisée pendant deux ans après la date à laquelle les dangers qu’il présentait étaient parfaitement établis.

Il a estimé qu’il n’était donc pas pleinement satisfait du projet de rapport tout en précisant qu’il n’entendait toutefois pas remettre en cause la qualité du travail de la mission à laquelle il avait participé.

Après s’être déclaré heureux que la Commission accueille en son sein, en la personne de M. Jérôme Bignon, un commissaire supplémentaire familier des problématiques ultramarines, le président Patrick Ollier a suggéré que le président et le rapporteur de la mission veillent au suivi de la mise en œuvre de ces recommandations.

Puis, il a indiqué à M. Louis-Joseph Manscour qu’il lui appartenait de proposer les modifications qui lui semblaient nécessaires au projet de rapport.

Répondant à M. Jérôme Bignon, le rapporteur, M. Joël Beaugendre, a indiqué que s’agissant de l’impact du chlordécone sur la santé, de nombreuses études épidémiologiques étaient en cours sur place. En ce qui concerne le problème du cancer de la prostate, qui inquiète tout particulièrement les ultramarins, il a précisé que l’étude karu-prostate se déroulait actuellement sur place. Il a également indiqué qu’une étude menée par l’Association martiniquaise pour la recherche épidémiologique sur le cancer et présentée lors de la réunion du GREPHY (Groupe d’étude sur les produits phytosanitaires) du 15 février 2005, montrait que la répartition géographique des cas de cancer de la prostate ne coïncidait pas avec celle de l’utilisation du Curlone. Il a donc jugé qu’en l’état actuel des connaissances, il existait une suspicion de lien entre ce pesticide et cette maladie, mais que ce lien ne pouvait être décrit comme avéré.

S’agissant de la prise de rendez-vous que le président avait fixée à la mission, il a précisé que si des missions administratives avaient été diligentées, cela n’empêchait nullement l’administration ni le Parlement de jouer leur rôle, d’autant plus que les parlementaires ne se contentaient pas de faire état du résultat des missions administratives, mais qu’ils entendaient également, dans un souci de transparence, relayer le vécu des populations locales confrontées au problème.

Il s’est étonné des interrogations exprimées par M. Louis-Joseph Manscour eu égard à la transparence des travaux de la mission d’information. En effet, précisant que les conclusions rendues par la mission étaient le fruit d’un travail approfondi et collectif, s’agissant en particulier de la réflexion sur les décisions de 1992 et 1993, il a insisté sur le fait qu’aucune information n’avait été dissimulée dans le rapport, que l’ensemble des documents de la mission seraient présentés en annexe de celui-ci. Il a par conséquent souligné que la mission d’information ne pouvait être assimilée à une chambre d’enregistrement, ni, a fortiori, confinée à un rôle d’atténuation de la responsabilité de l’Etat.

Le Président de la mission d’information, M. Philippe Edmond-Mariette, a reconnu que, sur le plan de la méthode, la mission avait rencontré des difficultés dans les relations qu’elle avait nouées, tant avec le ministère de la santé qu’avec le ministère de l’agriculture, de la pêche et de la ruralité. S’agissant du principe de précaution, il s’est associé aux propos de M. Jérôme Bignon, considérant que depuis l’adoption par le Parlement de la Charte de l’environnement, qui avait désormais valeur constitutionnelle, l’Etat allait avoir l’obligation d’instaurer un mécanisme de solidarité à l’égard des personnes affectées par l’application de ce principe, dès lors que l’on ne pouvait désigner de responsables ni les condamner à des sanctions financières. S’agissant du problème du décloisonnement interministériel, il a rappelé qu’il existait aux Antilles, notamment en Guadeloupe, mais plus encore en Martinique, des groupements régionaux, rassemblant l’ensemble des services déconcentrés de l’Etat, les agriculteurs, ainsi que les associations de consommateurs, et travaillant sur les pesticides, alors qu’en métropole, ces groupements ne travaillaient que sur le problème de la pollution de l’eau par les nitrates. Il a ainsi souligné que ces groupements constituaient, au niveau régional, des mécanismes efficaces de veille et d’alerte.

Evoquant enfin la question de la recherche, il a précisé qu’en matière de toxicologie et d’écotoxicologie, il était impératif que les moyens financiers mis en œuvre soient sanctuarisés, afin de pouvoir former de jeunes chercheurs, sans quoi les fabricants seraient les seuls à faire de la recherche préalablement à la mise sur le marché des produits. Il a également proposé de créer un permis-pesticide, afin que, sur tout le territoire national, chacun des acteurs utilisant des pesticides bénéficie d’une formation, et soit en mesure d’agir en connaissance de cause dès lors qu’il aurait accès à ces produits. Puis, se félicitant de la proposition du président d’inscrire dans la lettre de mission un droit de suite, il a rappelé qu’une mission de prospective agronomique devait être conduite sous l’égide du ministère de l’agriculture, de la pêche et de la ruralité, en collaboration avec d’autres ministères, et que cette mission pourrait se rendre dans les départements d’Outre-Mer à la fin du mois de septembre 2005. Il a précisé que les conclusions de cette mission de prospective agronomique étaient très attendues, s’agissant en particulier des pistes dégagées par la mission de prospective pour accorder des compensations financières aux agriculteurs se voyant dans l’impossibilité de cultiver leurs sols, en raison de leur pollution. Il a ajouté que ce droit de suite pourrait lui permettre, ainsi qu’au rapporteur, de vérifier que les résultats des analyses épidémiologiques et des enquêtes alimentaires menées sur place confirmaient l’efficacité des dispositifs mis en oeuvre pour lutter contre la pollution des sols, et contre les problèmes de santé publique. C’est pourquoi il a insisté sur la nécessité pour le Parlement de favoriser, dans ce cadre, une certaine neutralité ainsi qu’une relation transversale entre l’Etat et les citoyens. Il a estimé que le rôle du Parlement consistait en effet à assurer un suivi de la question, et non de rendre seulement un rapport d’information, pour s’en désintéresser une fois le rapport rendu.

Le président Patrick Ollier a indiqué qu’il n’avait pas été informé des difficultés de la mission pour rencontrer des responsables du ministère de la santé qu’il a estimé tout à fait inacceptables. Précisant qu’il exigerait, sur le champ, l’organisation de cette rencontre, il a proposé :

– que la Commission autorise la publication du rapport d’information et qu’elle autorise également le président et le rapporteur à apporter au projet de rapport les modifications résultant de leur rencontre avec des responsables du ministère de la santé,

– que le président et le rapporteur de la mission d’information assurent le suivi de la mise en œuvre de ses recommandations.

M. Joël Beaugendre, rapporteur de la mission d’information, a rappelé que la mission avait pu rencontrer, aux Antilles, les responsables locaux de la santé publique ainsi que des personnalités médicales de premier plan. Soulignant qu’il convenait donc de ne pas jeter la suspicion sur les conclusions de la mission s’agissant des aspects médicaux, il a suggéré que le rapport soit adopté en l’état. Il a, en outre, indiqué qu’il serait attentif au suivi des recommandations de la mission.

Le président Patrick Ollier a précisé qu’il ne lui appartenait pas de juger, sur le fond, de la pertinence du travail de la mission s’agissant des problématiques de santé publique mais que les difficultés de la mission pour rencontrer des responsables du ministère de la santé posaient une question de principe quant au respect des prérogatives du Parlement et qu’il lui semblait nécessaire de veiller à l’organisation d’une rencontre dans les meilleurs délais.

·

· ·

La Commission a ensuite autorisé, en application de l’article 145 du Règlement et dans les conditions prévues à l’article premier de l’instruction générale du Bureau, la publication du rapport d’information.

ANNEXES

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
A PARIS ET BRUXELLES

– Pr. Gilles BRÜCKER, Directeur général de l’Institut national de veille sanitaire ;

– M. Frédéric DOR, chercheur à l’INVS ;

– Mme Nathalie BONVALLOT, chercheur à l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale ;

– M. Martin HIRSCH, Directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments ;

– M. Jean-Luc VOLATIER, responsable du Pôle d’appui scientifique et méthodologique à l’évaluation des risques (AFSSA) ;

– Mme Sophie GALLOTTI, coordinateur scientifique au sein de l’Unité d’évaluation des  risques physicochimiques (AFSSA) ;

– Mme Marie-Hélène LOULERGUE, Directrice adjointe de l’évaluation des risques nutritionnels et sanitaires (AFSSA) ;

– Pr. Dominique BELPOMME, Professeur en cancérologie, chargé de mission du plan cancer, Président de l’association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse (ARTAC) ;

– Mme Adeline GADENNE, chargée de mission à l’ARTAC ;

– Me Bernard BENAIEM, avocat au Barreau de Paris ;

– Me Fabrice de COSNAC, avocat au Barreau de Paris ;

– Dr Jérome MANUCEAU ;

– M. François VEILLERETTE, Président de l’association « Mouvement Pour le Droit et le Respect des Générations Futures » (MDRGF) ;

– Mme Nadine LAUVERJAT, chargée de mission au MDRGF ;

– Mme Patricia BRUNKO, Chef de l’unité pesticides à la Direction générale Santé et protection des consommateurs, Commission européenne ;

– M. DRUKKER, expert associé à la Direction générale Santé et protection des consommateurs, Commission européenne ;

– M. REINER, expert associé à la Direction générale Santé et protection des consommateurs, Commission européenne ;

– M. Eric LIEGEOIS, responsable du secteur pesticides à la Direction générale de l’environnement, Commission européenne ;

– M. Francis TROCHERIE, responsable du programme agriculture-environnement à l’Institut français de l’environnement ;

– M. Serge LEPELTIER, Ministre de l’écologie et du développement durable ;

– M. Emmanuel CROC, conseiller technique au cabinet du Ministre de l’écologie et du développement durable ;

– Mme Edwige DUCLAY, chargée de mission à la Direction de l’eau, Ministère de l’écologie et du développement durable ;

– M. Jean-Claude VIAL, Directeur-adjoint, Direction de l’eau, Ministère de l’écologie et du développement durable ;

– Mme Véronique CARANTOIS, conseillère parlementaire du Ministre de l’écologie et du développement durable ;

– M. Franck GARNIER, Président de Bayer Crop Science ;

– M. Bruno ZECH, Directeur adjoint développement et homologation, Bayer CropScience ;

– M. Denis TARDIT, Président de Syngenta ;

– M. Gérard THOMAS, Directeur études et développement, Syngenta ;

– M. François MASSENOT, responsable des affaires réglementaires, Syngenta ;

– M. Jean-Louis BERNARD, responsable des relations extérieures, environnement et agriculture durable, Syngenta ;

– M. Dominique BUSSEREAU, Ministre de l’Agriculture, de l’alimentation, de la pêche et de la ruralité ;

– M. Michel CADOT, directeur de cabinet du Ministre de l’Agriculture, de l’alimentation, de la pêche et de la ruralité ;

– Mme Anne LIEURE, conseillère parlementaire et relations avec les élus locaux, Ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et de la ruralité ;

– M. Daniel MÉTAYER, conseiller technique au cabinet du Ministre de l’Agriculture, de l’alimentation, de la pêche et de la ruralité ;

– M. François MONGIN, Directeur général des douanes des droits indirects ;

– M. Philippe KEARNEY, Chef de la Sous-direction du commerce international (DGDDI) ;

– M. Patrick JANKOWIAK, chef du bureau « prohibitions, agriculture et protection du consommateur » à la DGDDI ;

– Pr. Maurice RABACHE, Chef de projets « Toxicologie » du pôle environnement du CNAM ;

– Pr. André PICOT, Directeur de recherche au CNRS ;

– Pr. Jean-François NARBONNE, Laboratoire Toxicologie, Université Bordeaux 1 ;

– M. Jean-Charles BOCQUET, Directeur général de l’Union des industriels de la protection des plantes (UIPP) ;

– Mme Brigitte GIRARDIN, Ministre de l’Outre-mer ;

– M. Rémi MARCIN, conseiller parlementaire de la Ministre de l’Outre-mer ;

– M. Eric BARBEDETTE, Vice-président de la société Calliope ;

– Mme Florence LECONTE, responsable des affaires réglementaires de la société Calliope ;

– M. Gérard LARCHER, Ministre délégué aux Relations du travail ;

– M. Thierry MICHELON, conseiller du Ministre délégué aux Relations du travail ;

– M. Marc VAN HEESWYCK, Directeur des opérations chez Adivalor ;

– M. Pierre LÉPINAU, Directeur général d’Adivalor ;

– M. Jean-Luc DUPUPET, médecin, Mutuelle sociale agricole (MSA) ;

– M. Alexandre NICOLAY, Ingénieur de prévention (formation des agriculteurs à l’utilisation des pesticides) – Mutuelle sociale agricole (MSA) ;

– M. Alain GRAVAUD, Ingénieur général du génie rural des eaux et forêts ;

– M. Claude GAUMAND, Ingénieur général du génie rural des eaux et forêts ;

– M. Michel VERNEREY, Inspecteur général des affaires sociales ;

– M. Yves LE BARS, Ingénieur général du génie rural des eaux et forêts ;

– M. Xavier de VERDELON, Inspecteur général des finances ;

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
EN MARTINIQUE

– M. Claude LISE, Président du Conseil Général de Martinique ;

– M. Philippe APANON, Directeur de cabinet du Président du Conseil Général de Martinique ;

– Mme FANON-ALEXANDRE, Directeur général des services du Conseil Général de Martinique ;

– M. Michel DEVERCLOS. Directeur général adjoint du Conseil général de Martinique ;

– M. Vincent DUVILLE, Vice-président du Conseil régional de Martinique ;

– Mme Françoise ROSE ROSETTE, Conseillère régionale de Martinique ;

– M. Pierre-Jean SAMOT, Maire du Lamentin, ainsi que Mmes et MM. Les adjoints au maire ;

– M. Yves DASSONVILLE, Préfet de la Martinique ;

– M. Serge LARCHER, Président de l’Association des Maires de la Martinique ;

– M. Arnaud RENE-CORAIL, Président de la Communauté de l’espace sud Martinique ;

– M. Eric de LUCY, Président de l’Union des groupements des producteurs de bananes de la Martinique ;

– M. Patrice NAYRAL, BANAMART ;

– M. France ANEXIME, Vice-Président de BANALLIANCE ;

– M. Louis-Félix GLORIANNE, Président de la Chambre départementale des jeunes agriculteurs (CDJA) ;

– M. Juvénal REMIR, Président du Comité de Défense des Métiers agricoles-Mouvement des Exploitants familiaux (CODEMA-MODEF) ;

– M. Louis PALCY, Président de la SOCOPMA ;

– M. Louis-Daniel BERTOMME, Président de la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA) ;

– M. Bérard CAPGRAS, FDSEA ;

– M. Philippe QUENEL, Coordonnateur de la CIRE Antilles-Guyane ;

– M. Alain BLATEAU, CIRE Antilles-Guyane ;

– M. Philippe DAMIE, Directeur du Service Santé et Environnement, Direction de la Santé et du Développement Social (DSDS) ;

– M. Didier CAMY, DSDS ;

– Mme Béatrice CORBION, DSDS ;

– Dr René LEGENDRI, Président de l’Ordre des Médecins de la Martinique ;

– Dr Raymond DORAIL, Syndicat des médecins ;

– Dr Moustapha DIEYE, Association martiniquaise pour la recherche épidémiologique sur le cancer (AMREC) ;

– M. Jean-Max CORANSON-BEAUDU, Directeur de la Régie communautaire des eaux ;

– Mme Lise MOUTAMALLE, Directrice adjointe, Office départemental de l’eau ;

– M. Yvon PACQUIT, Président d’ODISSY, Régie communautaire de l’eau et de l’assainissement ;

– M. Jacques FRANCHET, Directeur de la Société martiniquaise des eaux ;

– M. Jacques BILLION, Directeur délégué, SAUR/SMDS ;

– M. Jean-Claude DAO, Délégué Régional, Direction des ressources vivantes, IFREMER ;

– M. Thierry GOGUEY, Directeur régional du CIRAD en Martinique ;

– M. Paul-Henri CHARTOL, ASSAUPAMAR ;

– M. Alex ULLINDAH, Pour une Ecologie Urbaine ;

– M. Michel NAYARADOU, Pour une Ecologie Urbaine ;

– M. Jean BELLETERRE, Pour une Ecologie Urbaine ;

– M. Romain BELLAY, Président de l’Organisation patriotique des Agriculteurs martiniquais (OPAM) ;

– M. DACHIR, OPAM ;

– M. FITTE-DUVAL, OPAM ;

– M. THIMON, OPAM ;

– M. René ADEMAR, Président du Comité régional des pêches de la Martinique (CRPM) ;

– M. Hughes FRANCIL, CRPM ;

– M. Florent GRABIN, PUMA, Pour une Martinique Autrement ;

– Mme Billot, PUMA ;

– M. Gilbert FOURNIER, Directeur, Direction de l’Agriculture et de la Forêt (DAF) ;

– M. IOTTI, Chef du Service de la Protection des Végétaux (SPV) ;

– M. LABELLE, DAF-SPV ;

– M. Jean-Louis VERNIER, Directeur, Direction régionale de l’environnement et du développement durable (DIREN) ;

– M. PERRON, Directeur-adjoint, DIREN ;

– M. DELAUNAY, chargé de mission à la DIREN ;

– M. Philippe RICHARD, Adjoint interrégional, Direction interrégionale des douanes Antilles-Guyane ;

– M. Albert PEROUX, Directeur régional de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DRCCRF) ;

– M. Eric AVRIL, DRCCRF ;

– M. Benoît BOURBON, Directeur, Direction des Services Vétérinaires ;

– M. Christian CHABRIER, PRAM/CIRAD

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
EN GUADELOUPE

– M. Victorin LUREL, Président du Conseil régional, ainsi que les MM. Les Vices-présidents et MM. Les Conseillers régionaux ;

– Dr. Jacques Bangou, M. Alain LACAVE, M. Jean BARDAIL, M. Ferdy LOUISY, M. Jean-Marie HUBERT, M. Jacques ANSELME, Vice-présidents du Conseil général et conseillers généraux de Guadeloupe;

– Mme Lucette MICHAUX-CHEVRY, Présidente de la Régie des eaux de Saint-Claude/Basse-Terre, Sénateur de la Guadeloupe ;

– M. Denis LABBE, Secrétaire général de la Préfecture de Guadeloupe ;

– M. Patrice RICHARD, Directeur, Direction de la santé et du développement social ;

– M. Olivier REILHES, Chef du bureau santé et environnement, DSDS ;

– M. Mathurin MANLIUS, membre du comité syndical du Syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable et assainissement de la Guadeloupe ;

– M. Jean LAGUERRE, Premier vice-président du Syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable et assainissement de la Guadeloupe ;

– M. Maxence MIRABEAU, Directeur de la Compagnie guadeloupéenne de service public ;

– M. Félix DESPLAN, Directeur du Syndicat intercommunal des eaux de la Côte Sous le Vent ;

– M. Benoît BOURGUIGNON, Directeur du Syndicat intercommunal en eau potable des Grands Fonds ;

– M. Patrick BAMBOU, Directeur de la régie des eaux ;

– M. Christian CHARBONNE, Directeur de la régie des eaux de Sainte-Rose ;

– M. Daniel DUTERTRE, Directeur de la Compagnie générale des eaux ;

– M. Frédéric FAUCHERY, Président du Centre départemental des jeunes agriculteurs (CDJA) ;

– M. Luc REGNIER (CDJA) ;

– M. Maurice RAMASSAMY, Président de la Chambre d’agriculture ;

– M. Sully GABON, Chambre d’agriculture ;

– M. Denis DUFLO, Président de BANAGUA ;

– M. Jean-Michel EMMANUEL, KARUBANA ;

– M. Germain PARAN, Président du Comité de défense de l’eau de la Guadeloupe ;

– Mme Pauline COUVIN-ASDRUBAL, Vice-présidente de l’URAPEG ;

– M. Jean-Marie PROMENEUR, Union départementale de la consommation, du logement et du cadre de vie (UDCLCV) ;

– M. Camille CESAR-AUGUSTE, Président de l’UDCLCV ;

– Me Henri DURIMEL, avocat, porte-parole des Verts de la Guadeloupe ;

– Mme Michelle MAXO, Présidente de l’association « SOS Environnement » ;

– M. Melon ABDEBREIMAN, Président de l’association Justice 2000 ;

– M. Jean-Marie NOMERTIN, Secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs de la Guadeloupe (CGTG) ;

– Mme Christiane OLIME, CGTG ;

– M. Denis LAFORTUNE, CGTG ;

– M. Pierrot MERANCHER, CGTG ;

– M. Patrice GUILLAUME, délégué régional CIRAD-FLHOR ;

– M. Philippe CATTAN, CIRAD-FLHOR ;

– M. Marc DOREL, CIRAD-FLHOR ;

– Mme Danielle CELESTINE-MYRTIL-MARLIN, Présidente du centre de recherches Antilles-Guyane de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ;

– M. Yves-Marie CABIDOCHE, Directeur de recherches de l’INRA ;

– Mme Claudine BIGNAND, Parc National de la Guadeloupe

– M. Stéphane DI MAURO, Parc National de la Guadeloupe ;

– M. Pierre COUESPEL DU MESNIL, Institut Pasteur ;

– Dr Henry JOSEPH, pharmacien, docteur en pharmacie et pharmacognosie ;

– Dr Charles SEMIRAMOTH, membre du Conseil de l’Ordre des médecins ;

– Dr Farida HUC, médecin du travail, CIMT ;

– M. Christian JOLIVIERE, Directeur du CHU Pointe-à-Pitre/Abymes ;

– M. Marcel SIGISCAR, Directeur de l’Institut Pasteur ;

– M. Dominique DEVIERS, Directeur de la DIREN ;

– M. Franck SOLACROUP, DIREN ;

– M. Gérard CHUITTON, Directeur de la DAF ;

– M. Alain CHIDIAC, DAF/SPV ;

– M. Jean-Jacques AMBROISE, Directeur départemental des Douanes ;

– M. Jean-Louis MALVES, Directeur régional des Douanes ;

– M. LABBE, Direction des Douanes.

LEXIQUE DES SIGLES UTILISÉS

 

ACTA

L’index phytosanitaire ACTA (association de coordination technique agricole) reprend la totalité des substances actives homologuées et commercialisées en France

ADIVALOR

Agriculteurs, distributeurs, industriels pour la valorisation des déchets agricoles

AEP

Alimentation en eau potable

AFSSA

Agence française de sécurité sanitaire des aliments

AFSSE

Agence française de sécurité sanitaire environnementale

AMM

Autorisation de mise sur le marché

BRGM

Bureau de recherches géologiques et minières

CALBAS

Comportements alimentaires dans le sud Basse-Terre

CART

Centre d’analyse des résidus en trace de l’université de Liège

CCMSA

Caisse centrale de la mutualité sociale agricole

CEENU

Commission économique pour l’Europe des Nations Unies

CERDOC

Centre du renseignement d’orientation et de contrôle

CGTG

Confédération générale du travail Guadeloupe

CHSCT

Comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail

CIRAD

Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

CIRE

Cellule interrégionale d’épidémiologie, antenne locale de l’Institut de veille sanitaire

CMA

Concentration maximale admissible

CMR

Cancérogène, mutagène, toxique pour la reproduction

COFRAC

Comité français d’accréditation

DAF/SPV

Direction de l’agriculture et de la forêt/Service de la protection des végétaux pour les départements d’Outre-mer

DDCCRF

Direction départementale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes

DED

Direction des enquêtes douanières

DGCCRF

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

DIREN

Direction régionale de l’environnement

DOCUP

Document unique de programmation

DSDS

Direction départementale des affaires sanitaires et sociales

ESCAL

Etude sur la santé et les comportements alimentaire

EVPP

Emballages vides de produits phytosanitaires

FREDON

Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles

GREPHY

Groupe régional phytosanitaire

GREPP

Groupe régional d’étude des pollutions par les produits phytosanitaires

IARC

International agency for research on cancer, organisme émanant de l’OMS chargé d’identifier les causes de cancers

IFEN

Institut français de l’environnement

IFREMER

Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer

INRA

Institut national de la recherche agronomique

INSERM

Institut national de la santé et de la recherche médicale

InVS

Institut de veille sanitaire

IPCS

International program on chemical safety, organisme commun à l’OMS, à l’OIT et des programme des Nations Unies pour l’environnement

LMR

Limites maximales de résidus

LOAEL

Lowest observed adverse effect level : doses minimales pour lesquelles un effet est observé dans les expérimentations animales

MSA

Mutualité sociale agricole

OPJ

Officier de police judiciaire

ORP

Observatoire des résidus de pesticides

POP

Polluants organiques persistants

PPNU

Produits phytosanitaires non utilisables

PPNV

Produits phytosanitaires non vendus

PRAM

Pôle de recherche agronomique de la Martinique

SEPPIC

Société d’exploitation pour les produits de l’industrie chimique

SICA

Société d’intérêt collectif agricole

SIRS

Système d’information à référence spatiale des sols

SNC

Système nerveux central

SPV

Services de la protection des végétaux

UIPP

Union des industries de la protection des plantes

UPROFIG

Union des producteurs de la filière igname de la Guadeloupe

 

DOCUMENTS ANNEXÉS À LA PREMIÈRE PARTIE

Annexe I-A

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Annexe I-B

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Annexe I-C

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Annexe I-D

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Annexe I-E

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Annexe I-F

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Annexe I-G

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Annexe I-H

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Annexe I-I

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Annexe I-J

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Annexe I-K

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Annexe I-L

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Annexe I-M

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Annexe I-N

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Annexe I-O

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Annexe I-P

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Annexe I-Q

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DOCUMENTS ANNEXÉS À LA DEUXIÈME PARTIE

Annexe I-A

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Annexe II-B

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Annexe II-C

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Annexe II-D

Intitulé de l’action : plan annuel de surveillance des résidus de pesticides sur et dans les fruits et légumes

Objectif : Dans le cadre de la programmation nationale annuelle, la DDCCRF de la Guadeloupe est candidate au plan national annuel de surveillance (TP 844 A 200) et au plan annuel de contrôle (TP 844 C 2004) des résidus sur et dans les légumes frais et également au plan annuel de surveillance des nitrates dans les laitues (TP 842 BE 2004).

Ces plans contribuent à rassembler des données pour l’évaluation de l’exposition réelle des consommateurs aux résidus de pesticides par le biais de l’alimentation.

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Intitulé de l’action :

Intitulé de l’action : plan annuel de surveillance des résidus de pesticides dans les tissus animaux.

Objectif : effectuer des prélèvements de tissus animaux en vue de la recherche de résidus, notamment de chlordécone. Ces plans contribuent à rassembler des données pour l’évaluation de l’exposition réelle des consommateurs aux résidus de pesticides par le biais de l’alimentation.

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Annexe II-E

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Intitulé de l’action : Mise en œuvre de l’arrêté préfectoral instituant des analyses préventives de sols pour la recherche d’organochlorés avant mise en culture de certains végétaux

Objectifs : 

¬ Réaliser des analyses préventives de sol,

– 300 analyses prévues en 2004,

– 650 analyses prévues au minimum 2005, et 2006 ;

Ces quantités évolueront en fonction de la situation.

¬ Prodiguer des conseils aux agriculteurs quant à la mise en place de systèmes agricoles durables et renseigner sur les alternatives possibles par rapport aux spéculations envisageables ;

¬ Procéder à la cartographie des sols pollués par les organochlorés et sur 4 autres produits phytosanitaires : dieldrine, 3 formes de HCH.

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Annexe II-F

Intitulé de l’action : Le contrôle de la mise en œuvre et de l’utilisation des produits phytosanitaires.

Objectif : Mission régalienne du SPV depuis la loi d’orientation agricole de 1999.

Selon ordre de service DGAL/SDQPV/N2004-8116 : 53 contrôles à réaliser dont 42 à l’utilisation des produits phytosanitaires, 4 à la distribution et 7 concernant les matières fertilisantes.

Note de service DGAL/SDQPV/N2004-8107 concernant le plan de contrôle résidu : 10 contrôles résidus sur laitues.

Action régionale : application de l’arrêté préfectoral n° 2003-1496.

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DOCUMENT ANNEXÉ À LA TROISIÈME PARTIE

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N° 2430 – Rapport d’information sur l’utilisation du chlordécone et des autres pesticides dans l’agriculture martiniquaise et guadeloupéenne (M. Philippe-Edmond Mariette, Président, et M. Joël Beaugendre, Rapporteur)

1 () Ces dispositions ont par la suite été modifiées dans le but d’interdire la mise sur le marché, l’utilisation et la détention par l’utilisateur final en vue de l’application de ces mêmes produits.

2 () En vigueur jusqu’au 10 juillet 1999.

3 () Décret n°74-682 du 1 août 1974 pris pour l’application de la loi du 2 novembre 1943 relative à l’organisation du contrôle des produits antiparasitaires à usage agricole.

4 () Société d’exploitation pour les produits de l’industrie chimique.

5 () International Agency for Research on Cancer, organisme émanant de l’OMS chargé d’identifier les causes des cancers.

6 () Source : Insecticides organochlorés aux Antilles, Nathalie Bonvallot et Frédéric Dor, Institut national de veille sanitaire, juin 2004.

7 () International program on chemical safety, organisme commun à l’OMS, à l’OIT et au Programme des Nations Unies pour l’environnement.

8 () Ce vide juridique a depuis été comblé par la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole.

9 () L’index phytosanitaire ACTA (association de coordination technique agricole) reprend la totalité des substances actives homologuées et commercialisées en France.

10 () Source : « Estimation des risques environnementaux des pesticides », INRA. 2004.

11 () Par la désignation des membres de la commission d’étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole et du comité d’homologation.

12 () Alimentation en eau potable.

13 () Selon l’expression du rapport de la mission d’inspection interministérielle relatif à l’évaluation des actions menées en rapport avec la présence de chlordécone et autres pesticides organochlorés en Guadeloupe et en Martinique.

14 () Décret n°95-363 du 5 avril 1995, qui introduit la notion de « valeurs limites acceptables » pour les pesticides.

15 () Pesticides et alimentation en eau potable en Martinique : état des lieux et besoins d’études complémentaires.

16 () Pôle de Recherche Agronomique de la Martinique

17 () Union des producteurs de la filière igname de la Guadeloupe

18 () Arrêté du 5 août 1992 relatif aux teneurs maximales en résidus de pesticides admissibles sur ou dans certains produits d’origine végétale

19 () Agence française de sécurité sanitaire des aliments

20 () 0,0005 mg/ Kg de poids corporel par jour.

21 () Cellule inter-régionale d’épidémiologie, antenne locale de l’Institut de veille sanitaire.

22 () Insecticides organochlorés aux Antilles : identification des dangers et valeurs toxicologiques de référence. Etat des connaissances. Institut de veille sanitaire

23 () International Agency for research on cancer.

24 () L’exposition indirecte est mesurée dans le cadre des études sur le comportement alimentaire ; la mesure de l’exposition directe consiste à vérifier la présence du chlordécone dans le corps.

25 () Pesticides organochlorés aux Antilles françaises, 2004.

26 () Le suivi de la contamination de cette source ne permet pas d’envisager, à court terme, sa remise en service (chlordécone : 2,4µg/l en 2003).

27 () L’usine de Vivé a fait l’objet d’importants travaux de rénovation, sous maîtrise d’œuvre du conseil général, qui ont permis l’installation de procédés d’ultrafiltration, qui, associés, aux filtres à charbon, garantissent une eau d’une qualité excellente ; cet effort est d’autant plus exemplaire que la station de Vivé fournit le tiers de l’eau potable en Martinique.

28 () Contamination par les produits phytosanitaires organochlorés en Martinique. Caractérisation de l’exposition des populations. Etat des lieux ; Simon Bellec et Eric Godard.

29 () Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles

30 () Document unique de programmation.

31 () Comité français d’accréditation.

32 () Note remise à la mission par la Direction départementale de l’environnement de Guadeloupe, et élaborée en collaboration avec la Direction de l’agriculture et de la forêt de Guadeloupe.