L’ambivalence de la mère

ambivalence-400Qu’est-ce que l’ambivalence ? Qu’est-ce qu’une mère ? Être mère consiste en partie à dissocier les registres du sexuel et du maternel à l’endroit de l’enfant. L’ambivalence maternelle n’est pas un accident de la relation de la mère à l’enfant mais une nécessité structurante dont le manque induit lui-même une pathologie. La démarche clinique ne vise donc pas à « supprimer » l’ambivalence mais à en permettre une certaine reconnaissance, élaboration qui ferait qu’elle s’exerce de façon structurante pour la mère et l’enfant. L’ambivalence s’avérera « négative » ou « positive », ou encore la haine sera destructrice et mortifère, ou vitale et structurante. Cette haine, l’auteur en suppose l’origine du côté de la mère et non du côté de l’enfant. À partir de là, se pose la question de savoir ce qui se noue psychiquement dans la relation d’une mère à son enfant et qui verra cette haine originaire se résoudre soit en haine vitale, c’est-à-dire se symboliser en amour maternel, soit en haine pathologique, c’est-à-dire évoluer dans le registre de l’abandon ou de l’infanticide comme des faits divers tragiques nous le rappellent régulièrement. Outre l’intérêt théorique, à l’intersection d’approches qu’on oppose à tort ‒ celles de Winnicott, Klein, Dolto, Lacan ‒, cet ouvrage apporte des éléments utiles non seulement à la psychothérapie des enfants tout-petits, mais aussi à l’intervention des professionnels dans les services de maternité.

L’ambivalence de la mère

Étude psychanalytique sur la position maternelle

Michèle Benhaïm

  • Année : 2011
  • Pages : 128
  • Collection : Psychanalyse
  • Éditeur : ERES
  • ISBN : 9782749213606

 

Joëlle Mercier. À propos de… Michèle Benhaïm, L’ambivalence de la mère. Toulouse, érès, 2011.
Qu’est-­ce que l’ambivalence ?

Ouvrage riche, précieux, pertinent pour les cliniciens habilités à la psychothérapie d’enfants, à partir de ce concept avec une approche clinique différenciée et élargie de la fonction maternelle. Pour l’auteure, cette ambivalence de la mère est une nécessité structurante empêchant le trop fusionnel, dont le manque induit une pathologie, une limite à la jouissance. Elle s’avérera « négative » ou « constructive » et son origine est du côté de la mère.
Cette haine originaire, sans l’évacuer ou la supprimer, passe au contraire par une reconnaissance, et reste à être entendue, considérée, prise en compte, et surtout élaborée autant que faire se peut, dans la pratique de la clinique quotidienne de l’enfant et de l’infantile.
Vitale, la juste haine symbolique permettrait de renoncer à l’enfant érotisé, et aussi d’accepter ses jouissances archaïques pour permettre à ce dernier l’accès futur à une humanisation et une symbolisation. Elle entraîne des remaniements psychiques maternels, passant par des castrations c’est-­à­-dire une privation réelle et symbolique de cet objet érotisé. Revisitant les théoriciens anglo-­saxons de la petite enfance, Winnicott, Klein, Mahler, etc., l’auteure explore ces différentes castrations de la mère au fil des étapes archaïques du développement de l’enfant (ombilicale, sevrage, propreté, œdipe), soutenant l’hypothèse que la mère « suffisamment haineuse » sauverait l’enfant et l’amènerait vers la voie de sujet.
L’adhésion à cette notion, à ce concept redéfini m’a accompagnée tout au long de cette lecture, en tant que professionnelle consultante en pédopsychiatrie depuis de longues années. Cet écrit ouvre des perspectives sur la façon de « traiter » et d’appréhender l’enfant, sa mère, voire le père et devrait permettre une lecture et une écoute différentes sur la construction du lien objectal, vu à travers le prisme de l’ambivalence de la mère, loin des supposés concepts de défaillance et de certains contre­transferts négatifs autour de mères « dérangeantes », mauvais objets, qui n’auraient pas le mode d’emploi… et autres propos éculés encore véhiculés dans les consultations et suivis d’enfants.
Ce concept d’ambivalence de la mère est étayé par l’idée surprenante et originale, voire géniale, de partir de l’analyse très fine de la clinicienne avertie qu’est Michèle Benhaïm des contenus de planches projectives du test de Corman de Patte Noire. Ces protocoles de Patte Noire (test projectif pour enfants) proposés avec leur accord à trois mères consultantes mettent très précisément l’accent sur les difficultés de l’acte maternel perturbé. Cette proposition de régression induite par ces planches au travers de leur thématique met en lumière, pour chacune des vignettes cliniques, le surgissement de l’angoisse à l’endroit de la perte de l’enfant avec intrication de pulsions de vie et de mort, faisant alternativement appel à la fonction de protection mais aussi d’agression, cette pulsion d’agressivité passive, quand l’arrivée de l’enfant exige de nouveaux investissements et ne peut restaurer l’enfant qu’elles ont été dans leurs propres rencontres avec leur imago maternelle.
Que se noue­-t-­il psychiquement avec la haine qui se situe bien du côté de la mère ?
Cette étude, cette écoute et cet intérêt approfondissent ce qu’elle nomme le « caprice maternel » révélé quand l’enfant paraît, confrontant toute mère au fantasme d’abandon qu’elle ne peut résoudre que si la loi du père advient. Ce « fantasme auquel nous arriment l’expérience de l’alternance présence/absence et son clivage en bon et mauvais objet ».
L’actuel du maternel se décline ainsi : qu’est­-ce qui aujourd’hui continue d’être métaphorique, symbolisant, humanisant, y compris d’une fonction « paternelle », dans un contexte clinique actuel et quotidien où réel et réalité se contaminent régulièrement ?
Si cette ambivalence ne peut s’inscrire, qu’en est-­il de l’avancée de la psychothérapie de l’enfant ?

http://www.editions-eres.com/recensions/2688-660-4faa36cb60d0e.pdf