Guadeloupe : et demain?

— Par Jean-Marie Nol, économiste financier —

Aujourd’hui, la Guadeloupe est déjà confrontée à de nombreux challenges. Et demain? Quels seront les enjeux auxquels nous devrons faire face ?
Nous devons mieux comprendre les défis auxquels seront confrontées, dans leur diversité, les guadeloupéens dans les années à venir . La réflexion sur l’avenir et le développement de visions de demain revêtent une importance croissante à tous les niveaux. La connaissance des problèmes déterminera l’avenir de la Guadeloupe .
Rarement le débat public en Guadeloupe aura été à ce point dépourvu de fond, inapte à aborder les problèmes majeurs auxquels la société guadeloupéenne est confrontée et continuera de l’être dans les années qui viennent.Le monde actuel que nous connaissons est déja l’ancien monde. On est tétanisé car on essaie de sauver l’ancien monde de la départementalisation parce qu’on a peur du nouveau. Pour citer l’écrivain communiste italien Antonio Gramsci, « il y a crise quand l’ancien monde ne veut pas mourir et que le nouveau monde ne parvient pas à naître ». En effet, le mode de vie de départementalisation inventé à la fin de la guerre 39-45 n’a rien à voir avec ce qui existait depuis des centaines d’années. En 2016, les prestations sociales (allocations familiales, indemnités chômage, aides au logement, minima sociaux) représentaient en moyenne 20,8% des ressources des ménages guadeloupéens contre 10,4% des ressources des ménages hexagonaux, soit un rapport du simple au double.
Parmi les différentes prestations sociales, ce sont surtout les minima sociaux et les allocations familiales dont la part est supérieure en Guadeloupe . En 2016, les minima sociaux représentaient en moyenne 8,4% des ressources des ménages en Guadeloupe contre 1,0% dans l’hexagone. Si l’on inclut conjoints et ayants droit, ces minima font vivre le tiers de la population .
Le poids des prestations sociales est particulièrement élevé dans les ressources des ménages modestes. Mais au cours des deux dernières décennies,la quasi-totalité des ménages guadeloupéens a vu la part relative de ces transferts croître dans ses ressources .Aujourd’hui, d’après les indications transmises en notre possession , en incluant les conjoints et enfants à charge, une personne sur trois est couverte par les minima sociaux en Guadeloupe contre moins d’une sur dix dans l’hexagone. Mais ce modèle a aujourd’hui ses limites et sa vision est totalement à court terme , car la France possède de moins en moins de marge sur le plan budgétaire pour les années à venir . La Guadeloupe est aujourd’hui confrontée à un vrai défi économique et social . Il va falloir faire ce qu’ont fait nos anciens quand ils ont été confrontés à des périodes difficiles. Il faudra se retrousser les manches. On arrête de pleurer sur le passé, on arrête de se lamenter sur le présent et on envisage l’avenir. Dans le cas contraire , la rapidité des changements va laisser nombre de citoyens , salariés , dirigeants , d’élus , et penseurs sur la touche .

Quelle Guadeloupe pour demain ? Oui, c’est la question cruciale. Et face à cette question, on voit bien les dangers qui guettent.Expliquer aux gens que Demain ce sera bien est peut-être dangereux : les gens seront d’autant plus déçus et fâchés qu’ils croient qu’il y a des solutions et que les dirigeants sont responsables des problèmes. Mon avis est que Demain ce sera plus dur parce qu’on est de plus en plus nombreux à se partager un gâteau qui ne peut pas toujours grossir. Les gens qui s’imaginent heureux dans la Guadeloupe actuelle se rendent-ils compte de ce que sera le monde de demain ? Il faudra travailler plus, habiter des logements moins confortables et plus coûteux , moins d’accès aux soins , il sera plus difficile de se soigner, de se cultiver, de se déplacer, de se distraire, de s’informer, de s’éduquer…. car tout cela nécessite de l’argent publique qui tend à se raréfier . Rien de bien réjouissant.Car , à l’évidence, la conjoncture est « spéciale » : elle sent la fin d’une époque révolue . On reconnaît qu’une époque entre en phase terminale à l’effondrement de toutes les régulations qui lui assuraient un minimum de viabilité et c’est le cas actuel de la départementalisation ! 

QUELS SONT CES PROBLÈMES AUXQUELS LA GUADELOUPE DEVRA FAIRE FACE DANS LES 10 PROCHAINES ANNÉES

1- Le vieillissement de la population

La Guadeloupe compte aujourd’hui, 228 centenaires recensés, dont la doyenne de l’Archipel, Esther Roc des Abymes, qui a eu 109 ans en août dernier. Ce qui pourrait valoir à la Guadeloupe le titre honorifique de « Terre de centenaires »
C’est un fait déjà observable depuis de nombreuses années : nous vivons de plus en plus vieux. Et cela va continuer durant les prochaines décennies. De 228 centenaires aujourd’hui, nous passerons à plus de 1000 d’ici 2030. Ces progrès, aussi louables soient-ils, posent la question des soins et la construction de lieux d’hébergement dont vont avoir besoin toutes ces personnes âgées. Comment les systèmes de santé et les collectivités locales vont-il faire face à tout cela ? Le danger réside dans le fait que l’autorité administrative s’intéresse déjà de très près à la possibilité de recourir à une immigration accrue qui devra être mise en place afin de compenser le vieillissement de la population et la baisse de la natalité.

2- -l’immigration , un grave défi à relever pour la Guadeloupe ?

Alors oui , compte tenu de la sensibilité de cette question , nous avons décidé d’aborder sans détours le problème de l’immigration en Guadeloupe car les autorités ont de plus en plus de mal à contrôler la situation. Tous les jours ou presque la télévision nous présente les conséquences d’une immigration démesurée et incontrôlée, d’une culture naïve de bienvenue et des conceptions multiculturelles totalement à côté de la réalité.Le problème actuel est que l’immigration constitue, en effet, aujourd’hui un casse-tête pour les peuples et leurs dirigeants ; la reconduite à la frontière des immigrants clandestins est presque sans effet, dès lors que les frontières sont poreuses et qu’il n’existe pas de dispositif de droit avec certains pays , pourvoyeur d’immigrants souvent impliqués dans la délinquance. La foi aveugle en la volonté d’intégration des immigrants et en une cohabitation pacifique dans une société multiculturelle est démentie par les images quasi hebdomadaires de victimes ensanglantées gisant dans les rues de villes européennes. 

Les difficultés qu’ils rencontrent dans leur pays poussent des milliers d’Haitiens et de dominiquais voire depuis peu de dominicains à préférer l’exode, même clandestin.« La planète entière devient le territoire de déplacements croisés.  » Umberto Eco, l’écrivain italien, s’interrogeait, dans « Cinq Questions de morale » (Grasset, mars 2000), sur le fait de savoir si l’on pouvait distinguer entre immigration, un phénomène contrôlable qui ne change pas fondamentalement la culture du pays hôte en restant relativement modeste, et migration, une évolution plus inévitable, lorsque tout un peuple se déplace peu à peu d’un territoire à un autre. C’est le cas notamment avec la présence de plus en plus importante de Latino-Américains aux Etats-Unis, qui a modifié la société américaine et réduit fortement le poids relatif des traditionnels WASP, les Américains « blancs anglo-saxons protestants ». L’Europe est elle aussi devenue un territoire de migration. Au point d’être désormais la deuxième région, après l’Amérique et avant les pays du golfe Arabo-Persique, de destination des flux migratoires.Les termes casse – tête et changement d’ordre culturel posent aux peuples les vrais défis de demain de l’immigration .Analyser un phénomène migratoire tient ainsi de l’exercice de la corde raide. Alors posons nous la question : y a-t-il trop d’haitiens , de dominiquais , et de dominicains en Guadeloupe ?

Probablement oui , pour certains de plus en plus nombreux en Guadeloupe . Pour nous, mis à part la problématique de l’exil imputable à l’esclavage , c’est le chômage , la guerre et la pauvreté qui constituent la principale cause de l’immigration, et le rêve et le mirage de l’eldorado occidental.Du coup, la Guadeloupe a toujours attiré des gens venus d’un peu partout d’abord de l’Europe , puis de l’Afrique et de l’Inde et enfin du moyen orient et pour finir de la région Caraibe . Les raisons en sont évidentes :L’économie guadeloupéenne a comme cœur la fonction publique et para publique qui occupe quasiment la moitié des emplois, dont les traitements de base sont de quarante pour cent et qui font vivre nombre de commerçants et d’artisans .. Le reste de l’économie est composée d’un peu d’agriculture et de pêche et, surtout des services que génèrent la présence de fonctionnaires au haut pouvoir d’achat .Le financement de l’économie de la Guadeloupe repose, dès lors,sur le versement des salaires de fonctionnaires et assimilés , des aides sociales et sur les subventions de l’Europe et dotations de la République, subventions directes comme pour les autres collectivités territoriales, subventions indirectes de la défiscalisation .Vu cette richesse relative , la Guadeloupe a reçu et reçoit encore à jet continu des flux migratoires auxquels elle pouvait promettre des emplois dans le commerce ( syro-libanais , Italiens , juifs ) , l’agriculture ( Haitiens ) , l’artisanat ( dominiquais et dominicains ) , l’éducation nationale , la santé , les services et le tourisme ( les blancs métros ou blanfwans) ,voire même des maisons du fait d’une urbanisation galopante des principales agglomérations du territoire concomitante à un exil des guadeloupéens vers l’hexagone . La Guadeloupe cosmopolite est un produit de l’Histoire et de la volonté qui en a fait une terre française de droit commun alors même que les pays d’Haiti , de dominique , de saint domingue , prendront leur indépendance , dans des conditions rudes,de rupture avec l’ancienne puissance coloniale .Mais la réalité est là et nous obsédera encore pour longtemps tant ce phénomène semble ne pas inquiéter outre mesure . La très forte concentration locale des immigrés dans certaines communes rurales et leur surreprésentation dans des quartiers précarisés et modestes peut conduire les guadeloupéens à estimer qu’il en va ainsi ailleurs et donc à sous -estimer le nombre d’immigrés dans le pays.

Cet écart entre le chiffre réel d’immigrés en Guadeloupe et la perception tient aussi à des confusions pour des raisons culturelles (créole ) et ethniques (population noire ) . Cependant, si on ajoute à la population immigrée les individus nés en Guadeloupe dont au moins l’un des deux parents est immigré, on obtient une proportion d’environ 20 % de la population guadeloupéenne en 2016, ce qui pourrait indiquer que cette confusion contribue à l’écart observé. Le regroupement familial fait l’objet d’une autre confusion lorsque le discours politique en fait la principale source d’immigration en Guadeloupe surtout s’agissant des Haitiens , alors qu’il a représenté pas moins de 6000 personnes immigrées en 2016 selon le ministère de l’intérieur, soit 15 % seulement du total. C’est un dispositif qui permet aux étrangers vivant en Guadeloupe de faire venir conjoint et enfants de moins de 18 ans. 
L’arrivée de cette immigration incontrôlée avec hommes jeunes , femmes , enfants , dont les effets futurs sont totalement sous estimés pour la cohésion sociale de notre pays , est un véritable danger pour la Guadeloupe de demain qui ne pourra pas faire façe au coût social et  à la charge financière que cela impliquera dans le futur , et ce pour trois raisons que nous allons développer à savoir le fort vieillissement actuel de la population guadeloupéenne , l’exil massif de jeunes guadeloupéens ,( avec risque de substitution de population à terme ) et la menace numérique qui s’avère être une véritable épée de Damoclés sur la tête des guadeloupéens …..

3- Les challenges consécutifs au dérèglement climatique

En 2030, le dérèglement climatique atteindra sûrement de plein fouet la planète. Des modifications majeures sont à prévoir en ce qui concerne le climat.Durant les prochaines décennies, de nombreuses régions vont être amenées à disparaître. Des études, déjà publiées, nous alarment notamment sur la montée des océans qui devraient engloutir Miami et La Nouvelle-Orléans,et menacer de destructions du fait de violentes catastrophes naturelles tels les ouragans de force 5 les îles de la Caraibe et ce, quelles que soient les mesures mises en place pour lutter contre le changement climatique.Les infrastructures, les services, les patrimoines culturels et les économies de ces pays disparaîtraient alors définitivement.Là,le danger réside dans la survenance de réfugiés climatiques qui pourraient ainsi devenir de plus en plus nombreux et constituer la norme pour certaines régions plus riches comme la Guadeloupe .

4- La révolution numérique et l’intelligence artificielle
L’intelligence artificielle est déjà aujourd’hui en plein développement. D’ici quelques années, il est fort probable que l’intelligence artificielle devienne plus beaucoup plus puissante que l’intelligence humaine. De plus, l’IA sera capable de s’auto-améliorer à une vitesse exponentielle. Elle pourra s’étendre à de nombreux domaines comme celui de la santé ou celui des banques . L’avenir est déjà en marche , et en Guadeloupe on scrute surtout le passé …Qui se retourne trop souvent sur son passé ne mérite pas d’envisager un avenir. Citation de Oscar Wilde ; Aphorismes (1854-1900)
Contrairement au passé ,le futur est loin d’être écrit en Guadeloupe , du moins en ce qui concerne la mutation du travail , l’organisation et la transformation digitale des entreprises .Une révolution numérique est bel et bien en marche et disons le tout net nous accusons du retard surtout quand nous savons déja que 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui. Principale explication : de nombreux métiers notamment dans le secteur des services seront dépassés par la robotisation et la numérisation et sont voués à disparaître dans les années à venir. Ainsi à l’avenir, « la capacité à acquérir un nouveau savoir vaudra plus que le savoir déjà appris ». Comprendre que les hommes et les femmes devront être capables de s’adapter rapidement et envisager des carrières plus mobiles. Selon le Bureau du Travail international, les étudiants d’aujourd’hui seront passés par 8 à 10 emplois lorsqu’ils auront 38 ans. Des emplois qui « différeront des études qu’ils auront effectué », obligeant une adaptation et un apprentissage permanents.Ces mutations importantes risquent, de créer énormément d’incertitudes , surtout quand l’on sait que les activités de services représentent 86% du PIB total de la Guadeloupe. Bien entendu, cela soulève de nombreuses questions d’un point de vue éthique et sociétal et les défis seront nombreux à relever pour la Guadeloupe.Tout cela ne risque t-il pas de creuser encore plus les inégalités entre ceux qui ont de l’argent et ceux qui en ont moins ?

5-La restriction des financements publics a à peine commencé dans le secteur social 
Depuis le lancement de la Conférence des territoires, en juillet, la colère gronde. Emmanuel Macron y avait annoncé 13 milliards d’euros de réductions de dépenses pour les collectivités sur l’ensemble du quinquennat..Décidément, rien ne va plus entre l’État et les collectivités locales. Les contentieux s’accumulent :Réduction drastique des contrats aidés , suppression de la taxe d’habitation pour 80% des Français, ce qui a mis les communes en rogne ; non-compensation intégrale du coût du RSA, ce qui pèse sur les départements ; demande de 13 milliards d’euros d’économies supplémentaires, ce que refuse l’ensemble des collectivités territoriales à tous les niveaux. Et les relations entre l’État et les régions ne sont pas épargnées non plus, elles viennent même de virer à la polémique après l’annonce de la baisse des dotations de 250 millions d’euros aux régions . C’est désormais entendu ,les collectivités locales seront au régime sec. Ces dernières vont bel et bien devoir encore plus se serrer la ceinture après que Emmanuel Macron ait décidé d’annuler 300 millions d’euros de dotations. aux collectivités locales .Les réductions de crédits touchent notamment la politique des territoires, «avec l’annulation de 46,5 millions d’euros sur la politique de la ville» et l’aménagement du territoire d’une manière générale pour 35 millions .Les autres annulations portent sur la mission Relations avec les collectivités territoriales pour 216 millions, «réparties sur la dotation d’équipement des territoires ruraux, donc de l’aide à l’investissement pour les communes de moins de 30 000 habitants, et le fonds de soutien à l’investissement local
Compte tenu de leurs dépenses contraintes, les collectivités disposent de trois variables d’ajustement : la baisse des investissements, les suppressions de postes dans la fonction publique territoriale et les subventions aux associations. Ces dernières sont les plus faciles à décider, car les associations sont moins organisées que les fonctionnaires territoriaux, et les collectivités ne peuvent pas se dispenser trop longtemps d’entretenir les routes et les collèges.
Les Départements et le bloc communal (communes et EPCI) contribuent chacun trois fois plus que les Régions. Les départements sont les plus en difficulté actuellement, mais les communes sont déja fortement touchées depuis longtemps. Les grandes difficultés apparaissent donc en premier pour les secteurs davantage financés par les communes et les départements. D’ailleurs, sur la période 2012-2017, les budgets ont déjà stagné ou régressé pour la plupart des secteurs, hormis pour le moment l’action sociale .
Les mesures actuelles prises pour conjurer la baisse des dotations de l’Etat impacteront directement le secteur associatif en charge de l’action sociale.
Les subventions aux associations chuteront de 25 % d’ici 2020,ce qui aura pour conséquence directe d’augmenter sensiblement la précarité en Guadeloupe .

6- L’agriculture guadeloupéenne est aujourd’hui durablement sinistrée et fait pièce aux velléités mensongères d’une possible auto-suffisance alimentaire ….

Inutile de tourner autour du pot , l’agriculture de la guadeloupe est profondément malade et ne s’en remettra pas de sitôt !…Cette crise n’est-elle qu’un symptôme d’une crise plus profonde que connait la guadeloupe dans toutes ses dimensions sociales et économiques ?
Pourtant, cela fait tellement longtemps que des voix autorisées et concordantes , annoncent la catastrophe. De n’avoir jamais ni entendu, ni écouté, a conduit la guadeloupe là où elle en est aujourd’hui: un secteur agricole sinistré. Quel immense gâchis! Quand on voit les ressources, les potentiels, les énergies, les volontés, les initiatives et les capacités de ce pays en terme de géo et biodiversité, comment a-t-on pu en arriver là? Comment a-t-on pu, avec une classe politique soit disant si lucide, des dirigeants soit disant si motivés, des institutions réputées si efficaces, cumuler autant de bévues, de lâchetés et de renoncements, pour que l’agriculture de la guadeloupe , qui devrait être le fleuron de notre enrichissement selon certains guadeloupéens eux mêmes en plein déni de réalité qui estimaient encore il y a peu que l’autosuffisance alimentaire était possible en Guadeloupe .Comment croire ces gens en manque de lucidité dès lors que l’on considère que l’agriculture actuelle en soit rendue à cet état de ruine…?
En son temps , nous avions déja dénoncé dans un précédent article cette supercherie de l’auto-suffisance alimentaire , aussi nous n’y reviendrons pas !
La vérité aujourd’hui est que les agriculteurs en Guadeloupe meurent en silence… Et avec-eux c’est tout un patrimoine qui disparaît !
Faisons l’état des lieux ,et il n’est pas besoin de beaucoup gratter pour comprendre qu’une agriculture moribonde , c’est bien ce qui se passe en guadeloupe .Maria aura révélée la fragilité du secteur agricole dans notre île , que ce soit la production maraîchère
ou les plantations de bananes, le constat est désolant et les agriculteurs ont parfois tout perdu. Confronter de plus en plus à une importante concurrence générée par l’accueil des bananes dollars sur les territoires européens, les planteurs guadeloupéens avaient déjà fort à faire avec la baisse des cours.
Maria aura été le coup de grâce pour ces agriculteurs qui ne savent plus à quel saint se vouer.100% des plantations ont été détruites. Les producteurs de légumes et de fruits sont aussi sous le choc.Tout est ravagé ! Il faudra au moins deux ans pour que la filière se remette, et l’inquiétude des bananiers et maraîchers est manifeste autant que dans le secteur de la canne avec la fin des quotas sur le sucre .
Comme dans beaucoup d’autres domaines en Guadeloupe , on ne sait jamais trop sur quel pied danser. l’industrie sucrière, par exemple . L’Europe sucrière va-t-elle basculer dans la crise en supprimant les quotas comme l’a fait l’Europe laitière ? Aucun expert ne nie ce risque. L’UE a mis un terme le premier octobre 2017 à cinquante ans de quotas sucriers à un moment, où le marché mondial baigne dans les excédents. 
Avec la fin des quotas du sucre qui est intervenue le 1er octobre 2017 , la canne à sucre a-t-elle encore un avenir en Guadeloupe ? Les aides européennes en faveur de la canne des Dom-Tom seront – t-elle dans un proche avenir remis en cause . La logique de perpétuation de territoires comme la Guadeloupe préservés de la concurrence mondiale tiendra-t-elle face la logique d’ouverture aux marchés de l’Organisation mondiale du commerce ? Pour pouvoir y répondre, il faut mettre sur la table les inévitables questions de la rentabilité future de la filière et le rendez-vous des futures négociations européennes qui devront décider de la reconduction, ou pas, des subventions à la canne. En attendant cette échéance, des planteurs diversifient leurs cultures , car il convient de noter que les champs de cannes laissent déja entrevoir timidement l’introduction de parcelles pour d’autres cultures, là où la canne prévalait il y a encore pas si longtemps. Pastèques,melons , concombres ou encore tomates prennent leur place……Tout cela est bien inquiétant, car du côté de la filière canne-sucre , le principal problème soulevé est justement celui de la compétitivité. À la guadeloupe , le rendement de la canne est inférieur à celui de la betterave en France, à cela s’ajoute l’éloignement du marché européen qui renchérit le coût de production de la tonne de sucre de canne par rapport à la tonne de sucre de betterave. C’est pourquoi les professionnels de la filière relayés par les élus ont demandé à l’État de s’engager à compenser la différence de manière pérenne, sous la forme d’une subvention annuelle majorée de 38 millions d’euros, soit 9 millions d’euros pour la Guadeloupe !

7- Vers une radicalisation des luttes sociales !

La Guadeloupe traversera une crise aiguë au cours de la décennie à venir , la situation sera très grave sur le plan social . Economiquement ,nos régions sont aujourd’hui en stagnation , mais demain elle seront en forte récession . Et la perfusion ne sera plus de même nature du fait d’un déficit budgétaire exorbitant de la France . Le niveau de la dette publique – bientôt un an de PIB ! – est plus qu’alarmant. Et d’autant plus dangereux que les taux d’intérêt vont remonter. L’investissement productif est très insuffisant. Les comptes extérieurs de la Guadeloupe sont déficitaires. Quant au chômage il ne cesse de progresser … La paupérisation du pays est devenue visible avec ce phénomène de réduction de la dépense publique . Quand à la société Antillaise , elle est déséquilibrée, avec une sphère publique hypertrophiée et des entreprises étouffées , ployant sous les prélèvements et les réglementations. La Guadeloupe a surtout besoin d’une vision mobilisatrice pour se reforger un destin et sortir de l’impasse de la société de consommation . Effectivement on consommera ainsi moins d’énergie mais il s’agit bien d’une baisse du niveau de vie, d’un moindre confort, de changements très complexes à faire accepter.Tous ces changements représentent une baisse de l’activité humaine, une baisse de la quantité de biens et de services échangés, c’est-à-dire du Produit Intérieur Brut. Il s’agit de la décroissance économique, un objectif qui ne fait franchement pas l’unanimité puisque la quasi-totalité des politiques recherchent au contraire la croissance !
La comédie humaine est avant tout l’échec du politique. Ce n’est donc pas un signe de bonne santé démocratique que d’être bien adapté à une société profondément malade, minée par le chômage et la délinquance des jeunes .
les tensions sociales vont s’accentuer , la lutte des classes va se réchauffer . Bref : l’avènement de la modernité va rimer avec le développement de la contradiction dans notre société . Il ne semble pas totalement invraisemblable d’imaginer dans les années à venir la politisation vers une forme plus radicale de la société Française . En Guadeloupe , nous ne sommes pas à l’abri d’un embrasement social lourd de conséquences économiques, sociales et politiques, et les risques de radicalisation ne doivent pas être pris à la légère, ni par les syndicats ni par les responsables d’entreprises. La radicalisation des luttes sociales est toujours l’arme des désespérés, des faibles, ou des idéologues prédateurs. 

8-Dans quelle société vivrons-nous demain , et quel sera le vrai paysage de la Guadeloupe en 2025 ?

Un monde nouveau émergera en Guadeloupe en 2025 , nous serons globalement plus pauvre du fait du recul des politiques publiques et nous aurons globalement moins de liberté !…Nous vivrons tous, à l’horizon 2025, dans une société dans laquelle il sera impossible de travailler, de se divertir, de se déplacer, de vivre donc, sans être surveiller et ficher .Ce sera la fin de la vie privée . Le numérique, présent maintenant partout en France hexagonale , transformera l’économie, le salariat, le travail, nos rapports avec tous les divers services (santé, hôtellerie, taxis, transport, culture…). Il modifiera en profondeur la société guadeloupéenne avec pour contexte explosion des familles mono-parentales , vieillissement et déséquilibre fiscal et social , créant des opportunités pour certains , mais aussi des risques pour le plus grand nombre : Le développement de la robotique détruira des emplois en masse et en créera peu dans le même temps notamment pour ce qui concerne la Guadeloupe car la question se posera de savoir où les nouveaux emplois seront créés .
Un futur pas très rose en somme, derrière les grandes avancées technologiques et les applis qui rendront la vie plus facile.Demain sera peut être meilleur qu’aujourd’hui mais vraisemblablement pas pour tout le monde car il existe un fort risque d’un retour à la grande pauvreté pour certains individus des classes populaires et moyennes de la Guadeloupe. Il y a un risque effectivement pour les classes populaires et moyennes de la Guadeloupe , si elles ne s’adaptent pas, si elles n’acquièrent pas les compétences du XXIe siècle, en particulier dans une économie aux coûts de main d’œuvre élevés comme la nôtre ; là, elles sont très vulnérables. Mais pour les travailleurs intellectuels, instruits, en Guadeloupe, demain se présente très bien , car ils appartiennent déja au  » tout monde « . Le monde de demain ne sera plus celui que nous avons connu avec la départementalisation , qui nous a mobilisé pour penser « un progrès social aux couleurs de la Guadeloupe ». Un monde que nous voulions porteur d’émancipation. Passé le temps des révolutions. Les guadeloupéens d’aujourd’hui sont loin des ouvriers et des paysans de la canne des années 60/ 70. Loin de la misère des campagnes . Loin des ouvriers des grandes entreprises sucrières qui luttaient au risque de leur vie contre l’exploitation capitaliste. Capables de tenir tête dans la rue aux plus rétrogrades des politiques à la solde du colonialisme . Capables de rêver l’avenir en se mobilisant pour extirper l’injustice de la société . Capables de manifester en 2009 contre la » pwofitasion « ,et la vie chère . Capables certes , mais inconscients des enjeux de ce monde plus dur et doutant depuis 2009 de leur pouvoir à agir et le transformer.Mais je pense qu’ il faudra quand même s’attendre à d’importants mouvements de protestation populaires dans les années 2025.En moins de dix ans , les progrès technologiques vont réussir à bouleverser nos façons de penser et de concevoir l’avenir. Et nous ne sommes qu’aux balbutiements des potentiels qu’ils peuvent nous offrir…et nous ne mesurons pas encore les risques .On retournerait dans un monde où une plus grande part de la population se consacre à l’agriculture alors que l’évolution humaine a justement permis que de moins en moins de gens aient besoin de se consacrer à cette tâche primaire. Certes cette évolution a contribué au chômage, mais dans les pays riches la pauvreté et la malnutrition ont bien diminué depuis 200 ans, et on a remplacé les emplois d’agriculteurs par des emplois d’enseignants, d’infirmiers, de médecins, de chercheurs, d’éducateurs, de journalistes, de travailleurs sociaux, d’informaticiens, de techniciens, d’ingénieurs… des fonctions insuffisamment remplies dans les pays pauvres du tirs monde où les gens mènent souvent une vie harassante et miséreuse à remuer la terre à la main et rêvent de vivre dans les pays riches. Plus de gens dans les champs, c’est probablement moins de chômage mais pas forcément moins de pauvreté, de malnutrition et une vie plus agréable. La révolution numérique que nous vivrons demain s’accompagnera d’une contrainte de croissance en panne et va générer une onde de choc sur le plan sociétal qui entraînera un paradoxe majeur : inquiétude d’une société qui évolue trop vite, et absence à ce jour de nouvelles perspectives , ce qui devrait entraîner de profondes interrogations au sein de la société guadeloupéenne , aussi bien au niveau individuel que collectif. La révolte des jeunes sortis du système scolaire sans perspective de diplôme s’inscrit dans une certaine continuité du phénomène de violence observée en Guadeloupe . Elle reflète une nouvelle fois le véritable malaise social qui règne ici dans notre pays . Symptôme d’une société aux structures économiques dépassées, lointain héritage de la période post-coloniale. Une société passée ces dernières décennies d’une économie rurale à une société de surconsommation, créant ainsi beaucoup de frustration, de désespoir , et surtout d’attitudes d’enfants gâtés . Et pourtant très bientôt , autour de nous , tout va changer et nous devons nous y préparer. En raison de la diminution attendue des transferts publics , ce sera pour la Guadeloupe , moins d’échanges économiques, moins de biens et de services, c’est donc moins de smartphones, d’écrans plats et de voitures de luxe ; c’est aussi moins de nourriture, de logements, de soins médicaux, d’éducation, de culture… Concrètement la décroissance économique c’est la baisse des recettes de l’état et des caisses publiques, donc la baisse des budgets de l’éducation, de la recherche, de la santé, de la police, de la justice, de la culture, du sport pour tous, des aides sociales, des retraites…Les expériences historiques montrent clairement que les richesses naturelles n’ont pas d’effet direct sur le niveau de développement et que l’on construit une société développée d’abord sur les valeurs morales et culturelles. La Guadeloupe doit impérativement recomposer ses valeurs et ses principes pour construire sur de nouvelles bases une société moderne et ouverte à un nouveau type de développement économique, technique et social autour d’un projet de société qui donne espoir à une jeunesse désabusée et qui n’a d’autre choix aujourd’hui que l’exil de masse .

Jean-Marie NOL
Economiste financier