Crépuscule du tourment, de Léonora Miano.

leonora_miano_crepusculeCrépuscule du tourment, de Léonora Miano. Grasset, 286 pages, 19 euros.

De nos jours, quelque part en Afrique subsaharienne, au Cameroun peut-être, quatre femmes s’adressent successivement au même homme : sa mère, la femme à laquelle il a tourné le dos parce qu’il l’aimait trop et mal, celle qui partage sa vie parce qu’il n’en est pas épris, sa sœur enfin.
À celui qui ne les entend pas, toutes dévoilent leur vie intime, relatant parfois les mêmes épisodes d’un point de vue différent. Chacune fait entendre un phrasé particulier, une culture et une sensibilité propres. Elles ont en commun, néanmoins, une blessure secrète : une ascendance inavouable, un tourment identitaire reçu en héritage, une difficulté à habiter leur féminité… Les épiphanies de la sexualité côtoient, dans leurs récits, des propos sur la grande histoire qui, sans cesse, se glisse dans la petite.
D’une magnifique sensualité, ce roman choral, porté par une langue sculptée en orfèvre, restitue un monde d’autant plus mystérieux qu’il nous est étranger… et d’autant plus familier qu’il est universel.

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La presse en parle :
Le Monde
« Crépuscule du tourment » de Léonora Miano, une œuvre féministe et postcoloniale
Par Françoise Alexander (Contributrice Le Monde Afrique)
S’efforcer d’affronter la réalité en face, dans toute son épaisseur, dans ses moindres recoins, fussent-ils peu engageants, quand bien même nous dévoileraient-ils la part sombre de nous-mêmes. Œuvre après œuvre, Léonora Miano, auteure native de Douala, au Cameroun, s’efforce de « regarder l’existence dans sa totalité […] parce que c’est, précisément, l’unique moyen de triompher de l’ombre » (Habiter la frontière, L’Arche, 2012).

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Son nouveau roman, Crépuscule du tourment, qui a paru le 17 août chez Grasset, ne déroge pas à la règle. Quatre femmes s’adressent à un même homme, lequel fuit de peur de se transformer en cœur de pierre à l’image de son géniteur. Chacune révèle ce qu’elle lui a toujours dissimulé. Il y a la mère dont il s’est détourné parce qu’elle acceptait les coups du père ; l’amante éconduite car il l’aimait trop, car il l’aimait mal ; la future épouse dont il n’est pas épris ; et enfin, la sœur.
Acculturation

Toutes évoquent leurs amours et leur sexualité, leur quête de féminité et la découverte de leur corps. Et comme avec Léonora Miano il ne saurait y avoir de tabou, il est question de l’homosexualité féminine – sujet ô combien sensible en Afrique de nos jours ! – dans un « monde régi par une puissance masculine mal ordonnée » où le « patriarcat ne sème […] que des mâles ». Victimes, les femmes ? Ce serait trop simple. « Nous sommes responsables de nos destinées », défend Madame, la mère. Et d’ajouter : « Il faut que nos aïeules aient failli pour que leurs voix ne portent plus. Pour qu’elles aient été abaissées au rang de servantes. Pour qu’elles n’aient plus existé qu’à travers la maternité. »

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L’humanité
Au plein chœur de l’Afrique
— Par Muriel Steinmetz —
Dans les Aubes écarlates (Plon 2008), la romancière camerounaise Léonora Miano faisait parler les morts par noyade, lors de l’épouvantable traversée maritime des esclaves au temps de la traite des Noirs. En 2013, dans la Saison de l’ombre (Grasset, prix Femina 2013), elle revenait sur le sort de ceux qui, comme par miracle, avaient échappé à la rafle sur les côtes d’Afrique. Aujourd’hui, elle situe son récit en pleine zone subsaharienne, dans un pays (le Cameroun, sans aucun doute) qui a dû « faire face à la domination de trois nations impérialistes ». Quatre femmes prennent successivement la parole, toutes s’adressant au même homme, soit par écrit, soit par le truchement du monologue intérieur. Il y a, de cet homme, la mère surnommée Madame, la sœur, Tiki, Amandla qu’il aimait trop et à qui il a un jour tourné le dos et Ixora, qu’il a épousée sans amour. Cet homme-pivot, homme-prétexte dans un monde où les femmes doivent se taire, est donc le destinataire et le confident muet de ces figures féminines sur lesquelles pèsent à la fois les traditions, l’asservissement, la superstition, le racisme et le régime colonial.

Toutes sont tenues par un secret et chacune révèle sa part de sensibilité, longtemps captive des rets de la cruelle grande histoire. Deux d’entre elles ne sont-elles pas « sans généalogie, descendantes d’esclaves » ? Chacune a ses mots pour dire son sort et le réfléchir. Madame, mariée au fils d’un administrateur colonial, a été corsetée dans un destin bourgeois. Ixora, l’Européenne, née de parents caribéens, enseignante, a dû suivre cet homme sur sa terre natale, « un pays même pas émergent ». Amandla, activiste afrocentriste venue du Nord (l’Europe), est socialement et racialement rejetée par Madame et se demande sans cesse : « Comment redevenir nous-mêmes en totalité, récupérer nos archétypes ? » Tiki, elle, assume une sexualité sans tabou.

 

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