A propos de la programmation cinéma du CMAC

— Par Roland Sabra —

Josiane Cueff, entourée de Steeve Zébina et de Frédéric Thaly présentait lundi 03 octobre pour la saison 2011-2012 le programme du CMAC  que l’on peut par ailleurs télécharger ou voir en vidéo sur Madinin’Art. On sent et on devine plus qu’on ne voit la touche de la nouvelle directrice de la scène nationale. Il faut dire que la compétence de l’équipe qui l’entoure n’est plus a démontrer, d’autant plus que celle-ci a fonctionné, sans capitaine pendant de longs mois et qu’elle a de ce fait dû conquérir des espaces d’autonomie qu’il serait mal venu de vouloir lui contester. Même s’il s’agissait de remonter face au vent  il faudrait de s’appuyer sur ce vent. Ce qui ne semble pas être de circonstance et c’est tant mieux. Un programme dans l’air de la maison, c’est à dire avec un air musical très prononcé, une touche de danse, un zeste de théâtre et quelques grains de  épars de cinéma? C’est à propos du cinéma que quelques remarques viennent à l’esprit

La programmation affichée  était volontairement en retrait, pour être le plus possible en phase avec l’actualité. C’est ce que je voudrais  questionner. Est-ce que ce ne serait pas plutôt le rôle des salles privées de cinéma, je veux dire des salles de cinéma privées ? Certes celles qui existent en Martinique ne font pas ce travail ou alors à dose homéopathique. Les Jeudis de Madiana faisant office de cache-sexe à minima des madiananeries habituelles. Le résultat c’est la diffusion d’une culture cinématographique étasunienne de deuxième ordre. Ce ne sont pas les indépendants que l’on projette mais les blockbusters hollywoodiens ou des nanars de série B. Pour qui douterait des effets d’acculturation de cette pratique il suffit d’interroger les adolescents martiniquais pour découvrir  leur insondable inculture cinématographique

D’où une première question : Ne serait-ce pas le rôle du CMAC que de permettre de façon systématique la diffusion de films autres, de films venant d’autres horizons que celui de l’Oncle Sam, de programmer des rétrospectives d’œuvres d’un certain nombre de réalisateurs , d’organiser des confrontations d’adaptations au cinéma d’œuvres littéraires ?  de permettre la projection de films muets en Martinique? De participer à la construction d’une culture cinématographique qui soit celle de l’ouverture et de la diversité ?

Enfin, on peut interroger le contenu même de cette volonté de coller à l’actualité. L’actualité du cinéma ne se résume pas à la sortie de nouveaux films. Elle englobe aussi les conditions dans lesquelles des artistes, les réalisateurs, les producteurs sont amenés à travailler. Or il se trouve qu’au moment même où j’écris, une vague de répression s’abat sur le cinéma iranien.

Mojtaba MIRTAHMASB, Nasser SAFFARIAN, Hadi AFARIDEH, Mohsen SHAHRNAZDAR, Marzieh VAFAMEHR, tous réalisateurs, le caméraman, Touraj ASLANI ainsi que Katayoun SHAHABI, productrice de films sont accusés d’espionnage, sont emprisonnés et interdits de visite pour leur famille. Ils encourent des dizaines d’années de prison.

Cinéma iranien qui a fait montre ces dernières années d’une richesse et d’une qualité étonnantes. Steeve Zebina nous a permis de découvrir l’an dernier «  The Hunter » de Rafi Pitts, qui avait réalisé en 2006 le très beau « C’est l’hiver », que l’on n’a pas vu ici. « Une séparation » de Asghar Farhadi couronnée à Berlin et portée par le public (1 million de spectateurs pour un film sous-titré) est programmée, c’est bien mais on aurait pu voir aussi son précédent film de 2009 « À propos d’Elly » ou celui de 2006 La Fête du feu.

Est-ce que coller à l’actualité ce ne serait-pas dans ce cas organiser une quinzaine autour du cinéma iranien ?

R.S. le 06/10/2011 Fort-de-France