Jour : 30 mai 2018

« Ici, au bord de l’ailleurs » : Le danseur et son double

— par Janine Bailly —

Nous l’avons vu récemment, en compagnie de son alter ego, sur la scène de Tropiques-Atrium à l’occasion de la Biennale de Danse. Nous le retrouvons avec bonheur dans un cadre plus intime, au campus de Schœlcher pour un mardi de la Bibliothèque Universitaire, et ce en compagnie d’un autre Laurent, complice inattendu de la performance.

Lui, le danseur-performeur, c’est Laurent Troudard, qui entend tisser des liens entre les mots et les corps. Le responsable des mots, c’est Alfred Alexandre, qui voit sous ses yeux s’incarner de nouvelle façon deux de ses pièces, Le Patron et La nuit caribéenne. Le lieu, c’est ce carré vide et clos, cœur de la salle, devenu creuset où vont de façon singulière se répondre, se compléter, se contredire parfois trois formes d’expression, pour nous dire qu’« Ici, au bord de l’ailleurs », dans ce « terreau de l’île » naissent et meurent des déchirures spécifiques, mais d’autres aussi qui, parce qu’elles sont de notre humanité, atteignent à l’universel. Trois formes d’art imbriquées : écriture du dramaturge, écriture musicale, danse — ou plutôt langage et signes des corps.

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« Macky Sall verse dans la banalisation du crime contre l’humanité que fut la colonisation »

— Par Hady Ba, Oumar Dia et Abdoulaye Sène *—

Après les propos du président sénégalais sur le « dessert » auquel auraient eu droit les tirailleurs du pays dans les casernes, des intellectuels rappellent les réalités de l’époque.

 Tribune. Le président Macky Sall nous a informé, samedi 26 mai, que les Français sont nos amis car le régiment des tirailleurs sénégalais, durant la colonisation, avait droit à un « dessert » lors des repas dans les casernes, contrairement aux autres Africains.

Il a d’abord factuellement tort : seuls les ressortissants des quatre communes de Dakar, Saint-Louis, Gorée et Rufisque (dont les natifs étaient, d’après la loi Blaise Diagne promulguée en 1916, des citoyens français) avaient droit à une ration alimentaire normale ; les soldats indigènes, majoritaires dans ces régiments, étaient discriminés y compris dans la nourriture et n’avaient droit à aucun dessert.

Sur le même sujet : Au Sénégal, le président Macky Sall accusé d’avoir « insulté la mémoire des tirailleurs »

Le plus grave, cependant, c’est qu’avec son affirmation, le président sénégalais verse soit dans l’apologie soit dans l’atténuation des méfaits du crime contre l’humanité qu’est la colonisation.

En décembre 2016 déjà, alors qu’il procédait à l’inauguration du chantier du train express régional, Macky Sall avait annoncé la couleur.

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Les années BUMIDOM en Martinique. Volet 1

I – La Martinique, d’une terre d’immigration à une terre d’émigration

— Par Yves-Léopold Monthieux —

Nous sommes en 1900, un peu avant un peu après. Avec environ 150 000 habitants, la composition ethnique de la population post-esclavagiste est à peu près constituée. Les apports successifs qui l’ont formée sont en place. Ils viennent d’Europe (les colons), d’Afrique (les anciens esclaves puis les arrivées suivantes), d’Orient (les Indiens et les Chinois) et du Moyen-Orient (les Libanais et autres). Tandis que les Caraïbes qui survivent se perdent dans le métissage et le rapprochement des deux Indes. Comme toutes les Antilles, la Martinique est désormais une terre d’où l’on part bien plus qu’une destination. Née de l’immigration, la population martiniquaise participe à partir du début du 20ème siècle aux flux migratoires intra-caribéens et ceux des îles vers les continents. L’immigration saisonnière agricole déroge très peu à la règle selon laquelle la Martinique n’attire pas pour des raisons économiques mais pour son niveau de développement humain. Quoi qu’il en soit, toutes proportions gardées, il n’y a pas plus aujourd’hui de Martiniquais à Paris que de Cubains ou d’Haïtiens à Miami ou à New-York.

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