Wi misyé Mona ( jòdi sanmdi gloria)

WARNING: unbalanced footnote start tag short code found.

If this warning is irrelevant, please disable the syntax validation feature in the dashboard under General settings > Footnote start and end short codes > Check for balanced shortcodes.

Unbalanced start tag short code found before:

“tambou bèlè, tambou di bass, chacha, ti bwa, triangle…), mêlée à la douceur des instruments mélodiques modernes (basse, guitare, clavier) donnent à la musique du chanteur aux pieds nus, un style unique et créatif. Il accorde également les rythmes martiniquais de la biguine, de la mazurka…”

— Par Victor Lina —
eugene_monaMots sculptés sur bois brûlé
Une mèche chauffée à blanc
L’orifice fraîche inaugure
Calumet fumant
La flûte végétale

La fêlure se répète comme une chute sur la chemin de Golgotha
La passion messianique d’une impudeur ingénue
En sang chaud s’incarne d’une virilité presque nue
L’incendie ce serait peu dire de l’embrasement de ses sentiments
L’éclat de sa colère vomit l’injustice
Entre métaphore et martèlement
Le mot s’honore dans la musicalité d’une peau grattée
Un souffle évadé d’un alambic creusé dans le corps de l’arbre à vent
Vaporise ses sonorités intimes
Un universel de l’hommage, de la fougue, du spleen, de la rage
Toutoune bambou-a

Dès lors, on a vu se rallier aux murmures suggestifs, aux cris de colère, aux propos énigmatiques, aux râles, aux ritournelles mélancoliques, des générations qui semblaient opposées.
Voilà enfin l’indignation sauvegardée, la morale au prix de la démesure. Par-delà ses frasques, le personnage séduit. Car sous ses pieds nus, il y a des mots écrits ; entre ses mains ce simple morceau de bois est un instrument que l’artisan a fabriqué et que l’artiste va faire vivre dans l’espace d’un intervalle qui s’appelle jeu. Ce jeu entre les pièces assemblées d’u même morceau, se déploie comme un cliquetis somptueux qui donne corps au vide afin d’illustrer la manifestation du désir chez un sujet à mesure qu’il laisse du champ à l’être. C’est aussi ce vide consistant qui entre en jeu quand l’artiste interprète l’œuvre.
Mona, se produisant en quelque lieu qu’il soit, se trouve d’emblée sur la scène monde où il apparaît à la fois si accessible et si insaisissable.
Des mots avortés pris au fond de la gorge de ceux qui vivent la misère au pays dit petit paradis sont portés par l’éclat de sa voix, tel un vent de cyclone driblant les cases d’un bidonville. L’instant d’une chanson ou peut-être pendant bien plus longtemps, une humeur froide, matinale, flotte dans l’atmosphère et gagne jusqu’à l’esprit petit citadin.

Quand on l’entend, cela respire l’ancien temps et pourtant malgré les récipients démodés…l’enchantement. L’enchantement d’une parole qui s’autorise des infractions au nom d’une esthétique sans fard ; ainsi se dégage une fente entre l’attendu et l’entendu.
D’heureuses éruptions au milieu du chant, une scansion scandaleuse, une claudication dite syncopée, à faire frémir les fanatiques de l’horloge parlante.
Car le parti pris de l’auteur Eugène Mona s’entend comme un furieux engagement à ne pas céder sur ce qu’il cherche à faire advenir.
Lancer comme des roches, ce qui se prête à dire, et tenter de faire entendre l’indicible de l’amour, de l’amour brut avec les mots affranchis de la nécessité de plaire, de l’amour d’un savoir en couches sédimentaires. Mona la centrale nucléaire de la joie donne aussi à voir une manière de vivre la souffrance.

Fort de France, 1999

Publié sur Madinin’Art le 04/04/2015 et repris le 21/09/2015 jour anniversaire de la mort d’Eugène Mona.

*****

***

*

Eugène Mona, le Bwa Brilé

eugene_mona-2Flûtiste, percussionniste et chanteur martiniquais à la voix puissante, Eugène mona est un monument de la musique traditionnelle, héritage des campagnes martiniquaises. Forte personnalité et amoureux de la nature, il était surnommé « le rebelle des mornes » et connu pour ses coups de gueule, notamment contre la misère et l’exploitation. Le 21 septembre 1991, il s’éteint à son domicile à l’âge de 48 ans, terrassé par une congestion cérébrale suite à une altercation avec un de ses voisins.
Mona, puissance artistique et physique

Né le 13 juillet 1943 au Vauclin, Georges Nilécame dit Eugène Mona, grandit et apprend la musique aux côtés de son père accordéoniste, tout en s’initiant au chant et à la danse.

En 1968, il se fait remarquer en remportant un concours de chant créole à l’âge de 15 ans. Son style de chanteur des mornes ne fait pas encore l’unanimité. C’est l’époque où ce qui prime vient de la ville. Mais plusieurs rencontres façonnent peu à peu l’artiste qu’il deviendra.

Il découvre notamment les potentialités de la flûte des mornes en bambou par l’entremise de Max Cilla, en fait son instrument de prédilection et s’entoure ensuite de percussionnistes du terroir.
En 1973, son premier album BWA BRILÉ, rencontre un grand succès auprès des médias et du public. Cette ode à la ruralité s’exprime haut et fort, par le biais de la flûte et des tambours de musiciens tous issus d’une Martinique profonde. Mona chante la vie à la campagne, la misère, l’exploitation. Par sa musique de caractère, il émeut et transcende un public multigénérationnel

Il fait quelques apparitions au cinéma, tantôt en tant que comédien (dans La rue Cases-nègres d’Euzhan PALCY), tantôt en tant que compositeur (musique du film de Michel Philippe “Ralé Ralé”)

Après 7 ans d’absence et de silence, MONA revient sur la scène musicale en 1990 avec un 10ème album: “Blan manjé”. Ses deux derniers succès “Mango vé a” et “Face à Face confirment son talent : une musique chargée d’émotion et de force.
Un style inimitable et envoûtant

La force des percussions traditionnelles ((tambou bèlè, tambou di bass, chacha, ti bwa, triangle…), mêlée à la douceur des instruments mélodiques modernes (basse, guitare, clavier) donnent à la musique du chanteur aux pieds nus, un style unique et créatif.

Il accorde également les rythmes martiniquais de la biguine, de la mazurka, du bèlè, à ceux de la Caraïbe, comme le calypso, et même de l’Amérique, comme le blues, ou le negro-spiritual.
Ses textes sont eux, aussi solides que ses racines, aussi puissants que sa voix, aussi engagés que sa foi et aussi avant-gardistes que le personnage… Le but de ses messages : provoquer la réflexion chez les auditeurs, les informer, et les édifier.

Certains thèmes l’inspirent particulièrement : la défense du patrimoine, la dénonciation des injustices ou encore la satire sociale ou politique.

Dans son dernier album, Mona inclut de nouveaux apports blues, africains et caraïbes, caractéristiques de son humeur du moment, après avoir traversé des expériences de vie difficiles. Inspiré par la musique classique, le jazz et le négro spirituel, des instruments modernes (piano, orgue, basse, batterie, sax) se mêlent alors à sa voix de caractère.
Homme de foi, Mona exprime souvent dans ses chansons sa quête de spiritualité, en replaçant l’homme face à sa propre nature, face à la Nature, à la vie, à la Lumière :
“Je me situe comme un homme à la recherche de lui-même, comme un homme qui doit gravir la montagne qu’il est lui-même, qui doit aller beaucoup plus loin que le sommet. Toutes les embûches que je peux rencontrer fortifient mon âme, mon corps.”
Mona, prophète musical

La quête spirituelle, liée à un contact rapproché avec la Nature, occupait une grande partie de sa vie. Avec son ami musicien Pierre-Louis MICHALON, il consacrait de longs moments à la méditation et à la prière. Chanter, jouer, étaient pour lui une mission sacrée et divine. Il puisait son énergie de la Terre qu’il vénérait tant, qu’il refusait de porter des chaussures.

Sur scène Mona était un vrai phénomène. Il avait une présence exceptionnelle, presque magnétique. Il se préparait physiquement et spirituellement plusieurs jours avant ses spectacles, faisait du sport avec ses musiciens, priait et méditait beaucoup, en restant en contact direct avec la nature.

Quand il montait sur un podium, il se donnait corps et âme :
“Chaque mélodie doit être un voyage dans une contrée différente (…). Je suis un enfant du Marigot, qui veut toucher à l’universel… C’est possible, non ?”

Dans les années 80, Mona rejoint le mouvement Rastafari qu’il veut comprendre. Son public habituel le délaisse…on ne le comprend pas. Son mysticisme fait désormais partie intégrante de ses messages et Mona connaît alors la solitude. Seuls quelques rastas le suivent.

Bien que pendant cette impasse les critiques sont sévères, il se relève en 1990 avec un dernier album juste avant de mourir brutalement le 21 septembre 1991. En apprenant la nouvelle, la Martinique est stupéfaite et pleure MONA comme un héros perdu. Depuis, ses chansons sont reprises dans des concerts en son honneur, et plusieurs artistes de renom lui ont rendu hommage en réinterprétant ses titres dans les deux albums « Léritaj Mona ».

Georges Nilécam, le chanteur aux pieds nus, l’homme à la flûte de bambou, Solo, Bilo, De Gaulle, peu importe le surnom qu’on lui attribue, Mona restera le rebelle préféré des martiniquais.

Bon à savoir
Pourquoi Mona ? Le nom véritable d’Eugène Mona est Georges Nilecam. Pendant son apprentissage de l’ébénisterie, il fit la connaissance d’une femme qui était chez un propriétaire d’une habitation coloniale. Cette dernière avait des enfants avec un monsieur Mona du quartier Plate-Forme au Marigot. Dans la commune, cette aventure se sut et les amis pour l’embêter l’appelaient Mona. Un nom qu’il mit à profit pour la postérité.

http://www.region-martinique.mq/blog/eugene-mona-neg-autentik/