— Par Gary Klang —
Si je republie cet article aujourd’hui, c’est parce que j’en ai marre d’entendre critiquer Chavez et Maduro; marre d’en entendre dire du mal par des gens qui ne savent pas de quoi ils parlent; marre des menaces de Trump; marre de lire dans les journaux français et américains tant de sottises concernant ce pays. Comme nous avons pu le constater, Michel Butor et moi, les seuls invités de langue française dans le cadre de ce festival de poésie : le président Chavez était aimé de son peuple pour lequel il avait créé, entre autres, des restaurants à bon marché pour les plus démunis. Quel gouvernement français, belge ou américain l’a jamais fait ?
C’est mon ami Enrique Hernandez D’Jesus qui m’invita à ce festival. Je l’avais rencontré au Mexique – autre pays frère – lors d’une rencontre de poésie, où m’avait convié un autre grand ami et poète, Marco Antonio Campos. D’entrée de jeu, j’étais certain qu’Henrique et moi étions liés pour la vie et que je le reverrais un jour. De fait, on s’est revus en juin 2012 à ce festival organisé en son honneur.
Je considère le Venezuela comme ma nouvelle patrie, un lieu où je me suis senti chez moi comme nulle part ailleurs. Ce festival fut l’un des plus beaux auxquels j’ai participé. Mon ami Enrique me reçut comme un frère et je rencontrai à Caracas d’autres frères que je ne nommerai pas de peur d’en oublier, à l’exception de Luis Alberto Crespo, l’organisateur, qui parle couramment le français et dont l’humour déjanté m’a tout de suite plu, comme celui d’Enrique. Je vais maintenant employer un mot qui peut paraître un peu fadasse aux belles âmes, mais tant pis si leur esprit desséché, leur âme aride, pense que le terme fraternité n’a aucun sens. Tant pis si elles vivent dans un monde sans âme où seuls comptent l’intérêt et l’argent. Qu’elles se détrompent – sans jeu de mots : le terme fraternité a encore un sens en Amérique latine, même si dans les pays du Nord et en Europe, tel n’est pas le cas. J’ai rencontré à Caracas et à Maturin des gens qui m’ont enveloppé de tendresse et d’affection. Enveloppé est le mot. J’ai vu un peuple heureux et souriant qui prenait goût à la poésie et avait la patience de m’écouter dire mes textes en français avant qu’ils soient traduits en espagnol. Un peuple d’une gentillesse telle qu’il est difficile de la décrire. Partout, le même accueil, les mêmes mots tendres, la même affection. Partout la joie. Je fus si bien reçu qu’il m’est arrivé d’en avoir honte : étais-je digne d’un tel accueil ? Qu’avais-je fait pour le mériter ?
Je n’oublierai jamais les nombreuses émissions de télévision et de radio où j’essayais de m’exprimer le mieux possible dans la langue de Neruda ; je n’oublierai jamais non plus ce vieux monsieur qui m’agrippait en me disant que mes poèmes faisaient honneur à la littérature française ; ni le soir où, à Maturin, je fus convié à une soirée en hommage à l’armée vénézuélienne. On m’invita, à la fin du spectacle, à me présenter au public. Je m’adressai alors aux militaires et eus droit à un abrazo du général et de plusieurs officiers et soldats. Souvenirs inoubliables !
Comme ceux que m’ont laissés tous les poètes du festival avec qui je parlais espagnol. Je reprenais le français à l’heure des repas avec Michel Butor à qui je confiai que j’avais lu l’un de ses articles en préparant ma thèse sur Proust à la Sorbonne : il s’agissait de l’étude du chiffre 7 dans La Recherche. Souvenirs ancrés à tout jamais dans ma mémoire.
Vive le Venezuela ! Vive ma nouvelle patrie ! Tu ne m’as donné que du bonheur.
GARY KLANG
