Viol présumé : la justice acquitte Alex Ursulet faute de certitude

— Par Jean Samblé —
Au terme d’un procès dense et souvent tendu, la cour criminelle de Paris a acquitté, samedi 15 novembre, l’avocat Alex Ursulet, poursuivi pour le viol aggravé d’une élève avocate au sein de son cabinet en janvier 2018. Après près de trois heures de délibération, les cinq magistrats professionnels ont reconnu l’existence d’actes de pénétration sexuelle ce jour-là, tout en estimant impossible d’établir avec certitude qu’ils avaient été imposés par surprise ou contrainte. L’avocat de 68 ans, qui niait farouchement toute relation sexuelle, a ainsi bénéficié du doute.
Dans les motivations du jugement, la cour souligne plusieurs zones d’ombre : la configuration des lieux rendant difficile de reconstituer précisément les positions de chacun, la brièveté du stage – cinq jours seulement – qui ne permet pas, selon elle, d’étayer fermement l’hypothèse d’une emprise, et l’existence d’un « jeu de séduction sexualisé » initié avant même l’entrée de la stagiaire au cabinet, nourri notamment par des échanges de SMS. Les juges relèvent également que les messages envoyés par Alex Ursulet après les faits laissent penser qu’il ne percevait pas avoir commis un acte pénalement répréhensible.
Cet acquittement intervient malgré un réquisitoire particulièrement sévère de l’avocat général Philippe Courroye, qui avait demandé treize années de réclusion criminelle et une interdiction définitive d’exercer. Durant près de trois heures, le magistrat avait opposé la constance des déclarations de la plaignante – devenue avocate depuis – aux « contradictions » et « incohérences » qu’il prêtait à l’accusé, décrit comme un homme « dominateur » évoluant dans un sentiment d’impunité. Selon lui, les faits du 30 janvier 2018 relevaient d’un « mode opératoire » en quatre étapes : séduction, domination sexualisée, possession puis répression.
La défense, menée par trois avocats aux stratégies parfois divergentes, a successivement attaqué la crédibilité de l’enquête, la solidité des preuves et l’interprétation psychologique de la relation entre l’avocat et sa stagiaire. L’un d’eux a même avancé l’hypothèse d’un acte sexuel consenti mais mal vécu par la jeune femme, version contredisant pourtant la ligne défendue par Alex Ursulet lui-même. Me Fanny Colin, pour sa part, s’est attachée à démonter l’ensemble des arguments du parquet, dénonçant « une chasse à l’homme » bâtie selon elle sur des rumeurs et un préjugé défavorable à son client.
Si la cour affirme avoir cru la plaignante sur la réalité de la pénétration digitale qu’elle a décrite à l’audience, elle juge néanmoins ne pas disposer de la certitude requise pour condamner. Les juges n’ont pas davantage été convaincus par les alibis avancés par l’accusé, ni par les témoignages du journaliste F-X G et de la compagne d’Alex Ursulet, dont ils soulignent les incohérences. Pour autant, les magistrats considèrent que les éléments du dossier ne permettent pas de démontrer que les actes ont été imposés, ni que l’avocat avait l’intention criminelle qui caractérise le viol.
L’acquittement d’Alex Ursulet, rendu « au bénéfice du doute », pourrait toutefois ne pas clore l’affaire. Le parquet général dispose de dix jours pour interjeter appel, une éventualité que l’avocat de la plaignante appelle ouvertement de ses vœux, dénonçant une décision « cynique » après des débats marqués par l’affrontement frontal entre accusation et défense.

 

Au terme d’un délibéré extrêmement bref, la cour criminelle départementale de Paris a motivé son arrêt ainsi :

« La cour a considéré qu’Alex Ursulet avait effectivement commis à Paris, le 30 janvier 2018, des actes de pénétration sexuelle, sur la personne de Margaux* : la cour a, en effet, cru Margaux*, dans ses déclarations, lorsqu’elle a affirmé à l’audience (…) qu’elle avait fait l’objet, à deux reprises, de pénétrations digitales vaginales, au sein du cabinet de l’avocat Alex Ursulet. » La cour « ne conteste pas son mal-être, présent immédiatement après les faits, comme au cours des semaines, mois et années qui ont suivi et dont son compagnon de l’époque a pu témoigner, avec émotion, à l’audience. »

La cour explique ensuite qu’elle n’a été convaincue ni du récit de l’accusé, ni des témoignages de F-X. G., le journaliste de France Antilles, et de Anne de Bourbon Siciles, la compagne d’Alex Ursulet.

« Pour autant, la cour a eu un doute sur le fait que ces actes de pénétration sexuelle aient pu être imposés avec surprise ou contrainte. »

« D’une part, la cour a eu un doute sur les circonstances exactes dans lesquelles les faits se sont déroulés, eu égard à la configuration des lieux et aux positions de chacun dans la pièce principale de ce cabinet.

D’autre part, la cour a relevé que Margaux, en stage dans ce cabinet d’avocat depuis le 8 janvier 2018, n’avait côtoyé Alex Ursulet que 5 jours avant la commission des faits dénoncés et donc n’était effectivement sa stagiaire que depuis peu, de telle sorte que l’existence d’une emprise n’est pas parfaitement établie.

Elle se trouvait en outre dans un jeu de séduction, sexualisé, débuté à l’issue du procès d’Alençon en janvier 2017 où Alex Ursulet et Margaux se sont croisés. Ce jeu est attesté, notamment par l’envoi de SMS. »

« Enfin, la cour a eu un doute sur l’existence d’une intention criminelle. Alex Ursulet échangeant des messages avec sa stagiaire après les faits dénoncés, laissant ainsi penser qu’il n’avait pas conscience d’avoir accompli un acte répréhensible, et le lendemain, demandant à Margaux où elle se trouvait et ce qu’il se passait ».

Au regard de l’ensemble des éléments ci-dessus évoqués, la cour acquitte Alex Ursulet au bénéfice du doute.