Uzeste: Chyko Jehelmann illumine la Collégiale

— par Robert Latxague —

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Chyco Jéhelmann au piano -Photo Philippe Bourgade- Droits réservés-

Assis sur un banc de bois élimé à deux pas du confessionnal Lubat, yeux étonnés autant que gourmands, ne quitte pas du regard les mains du pianiste martiniquais qui fait danser ses longs locks grisonnant sous les assauts de rythmes fous innervant tout son corps. Sous la voûte gothique, Chyko rastaman inénarrable, brûle d’un feu sacré.

Chyko Jehelmann

Comment rendre compte d’un tel phénomène ? Comment imaginer, notifier, comprendre (?) qu’un musicien de cette qualité, de ce niveau demeure strictement inconnu? Comment réaliser l’ignorance totale du mundillo du jazz jusqu’ici envers un improvisateur de cette envergure? Chyko Jehelmann, pianiste, est né, a toujours vécu en Martinique. Jusqu’à ce jour il ne s’était produit qu’à une seule reprise en « métropole », concert solo dans le cadre des Musiques Métisses du Festival d’Angoulême en 1982. L’occasion pour Christian Mousset, Directeur Musical en ces temps, alerté par un article paru dans Libération, d’enregistrer le pianiste foyalais sur le label In and Out. Et rideau depuis, de ce côté ci de l’Atlantique. Chyko Jehelmann introduit la pyrotechnie sous la nef de la Collégiale d’Uzeste. Au pied de l’autel le pianist fait entrer dans son univers fantastique, onirique un public qui ignorait tout de lui, et pour cause ! Une musique en mouvement perpétuel, des figures tracées sur le clavier: mille idées défilent en enchainements successifs impossibles à comptabiliser, à décrypter dans l’instant. Une gerbe, une cascade (Belia marmaille la)un feu d’artifice de notes mises en relief. Comme en sur-brillance elles se trouvent ainsi lancées dans la lumière filtrée par les vitraux multicolores. Comment dire, comment décrire, comment qualifier ? Chyko au piano ce pourrait être un kaléidoscope en instantané de flashs type Cecil Taylor, Paul Bley, Don Pullen, Joachim Khun, Keith Jarreth…mais oui, mais oui. Et lui, modeste, tranquille, cite volontiers au rang majeur de ses influences Bud Powell (surtout), Thélonius Monk et Marius Cultier, légende de son île antillaise. Plus John Coltrane, de par son inspiration créatrice, son degré élevé de spiritualité. Ecouter/voir Chyko Jehelmann dans son discours pianistique jazz et au delà c’est un peu se trouver, goute proportion gardée, devant le mur d’écrans d’un réalisateur télé traitant un évènement en direct, 24 ou 32 caméras relatant en simultané images et sons mêlés, avec l’objectif de faire paraître l’essentiel dans un seul écran, le dit final, en direction du téléspectateur. Un choix, un pari, une responsabilité éditoriale. Sauf que Chyko lui fait et transmet à la fois. On se sent surpris, puis pris, transporté, emporté in fine par le flux musical. Avec du plaisir au passage « Je n’ai jamais entendu un truc pareil né des mains d’un pianiste s’enthousiasmait à a sortie Fabien Barontini patron du festival Sons d’Hiver. Et quel toucher, quelle qualité de jeu sur le clavier malgré un piano très moyen »

Bien joué Bernard Lubat d’avoir retrouvé, convaincu l’îlien musicien antillais de venir montrer son incroyable savoir faire à Uzeste « Ce festival me plait, il n’est pas banal » confiait simplement Chyko Jehelmann de sa voix douce. Avant d’aller s’isoler à nouveau pour retrouver le théâtre habituel de son inspiration. Combien de temps faudra-t-il après cet épisode uzestois attendre pour l’écouter à nouveau sur une scène de « France » ?

Robert Latxague

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