Une atmosphère totalitaire à laquelle nul n’échappe.

— Les Contrechroniques d’Yves-Léopold Monthieux —

Totalitaire, le vote à l’unanimité au congrès alors qu’une forte majorité des votants est en réalité opposée à la décision prise. L’instinct grégaire règne. Alors qu’aucun d’eux n’en parlera pendant la campagne municipale qui commence.

Totalitaire, le silence unanime des élus face (ou presque) aux exactions commises au nom des antivax du Covid puis au prétexte de la vie chère. Cette apathie n’a d’égale que l’activisme déployé pour se faire réélire, durant les 6 mois précédant les élections municipales.

Totalitaire, le refus unanime des élus de prendre position au lendemain de l’acquittement des briseurs de statues. Aucun n’a cru devoir émettre un commentaire à l’égard des jugements qui pourraient ouvrir la voie à des initiatives plus audacieuses.

Totalitaire, l’absence de réactions des élus et des intellectuels à la tardive décision du parquet de faire appel au jugement qui paraissait conforme au vœu de l’État. Pourquoi cet appel inattendu ? Est-ce pour espérer que la singulière décision fasse jurisprudence à un niveau de juridiction supérieur ? Ou à l’inverse, les esprits s’étant apaisés et les défenseurs tus, n’est-ce pas dans l’espoir de l’État que la Cour d’appel ou éventuellement la Cour de cassation viennent “corriger” une décision populiste susceptible d’ouvrir la voie à de futurs débordements, y compris en métropole ?

Totalitaire, le refus de la presse et des médiathèques de présenter des ouvrages publiés par des écrivains étrangers au sérail ou qui s’écartent tant soit peu de la pensée unique : refus de programmation ou déprogrammation vexatoires par les services culturels.

Totalitaire, la pression qui interdit à toute autorité morale d’exercer sa mission d’alerte ou de guide d’une société qui ne sait pas à quoi s’accrocher, et qui se délite. Le vieux parlementaire se tait, l’homme de religion se tait, le doyen de l’université se tait, le franc-maçon se tait. Aucun appel à la raison ou la sagesse ne vient d’en haut. Tandis que l’image dégradée de la Martinique prospère, envahissant l’atmosphère et les cerveaux.

Totalitaire, enfin, l’hégémonie de la pensée unique à laquelle nul n’échappe et des conséquences qui n’épargnent personne.

En réalité, du haut en bas de l’échelle sociale, tout le monde a peur et la haine est à l’œuvre. Le récent incident survenu à l’aéroport, dont le maire de Fort-de-France a été la victime, suivi d’une intense campagne sur les réseaux sociaux, est le résultat du conditionnement des esprits. C’est le résultat obtenu par des années de totalitarisme, d’unanimisme, de décervelage et d’obscurantisme des esprits, lorsque dans la sphère publique il n’est pas toléré la moindre réserve à l’égard idées en cours et que cette pensée unique est transportée par tout ce que la Martinique compte d’intellectuels, de journalistes, de responsables de la culture.

La Martinique se distingue de la Guadeloupe par quatre caractéristiques essentielles. D’abord, par l’absence d’alternance. Notre territoire est géré depuis 40 ans exclusivement par des partisans de l’idéologie de rupture institutionnelle, autonomistes et indépendantistes. Le temps réservé à la recherche d’un statut martiniquais est utilisé en Guadeloupe pour défendre ses dossiers : chez elle, en France et à Bruxelles.

Ensuite, la Martinique a toujours épargné les siens de la fonction de ministre, en France. L’aspiration à ce niveau de compétence pourrait conduire les étudiants à viser la haute fonction publique d’État. Ils en sont dissuadés par le discours politique ambiant où tout Martiniquais qui représente la France s’expose à des regards obliques. Les hauts fonctionnaires et magistrats d’origine martiniquaise manquent, les rares exceptions évitent la Martinique qui est réduite à confier la charge de directeurs généraux des services (DGS) à des ingénieurs.

Par ailleurs, la mise en œuvre de l’assimilation par des anti-assimilationnistes ainsi que le maintien du système départemental, malgré la suppression du mot département, ont déconstruit le citoyen. Celui-ci vote un jour pour le Rassemblement national et le lendemain pour Jean-Luc Mélenchon, alors qu’il est opposé à la politique de ces deux extrêmes.

Enfin, l’exquise tromperie des Martiniquais par leurs chers élus défie toute logique cartésienne et laisse pantois le gouvernement qui se retrouve en face de deux légitimités contraires : celle des élus censés représenter les électeurs, qui sont bien identifiés derrière leurs statuts d’élus, leurs discours et leurs slogans ; celle de la majorité, dite silencieuse, confortablement installée dans son abstentionnisme, persuadé que l’État continuera indéfiniment de s’associer à sa schizophrénie, en organisant à l’occasion de vaines consultations populaires.

Avant 1983, le débat était rude entre la majorité et l’opposition. Pour chaque vote il y avait une majorité et une opposition. Celle-ci était systématique, certes, mais c’était la démocratie. Aujourd’hui, il n’y a plus de débat, c’est l’uniformité, l’unanimisme, l’hégémonie, le froid totalitarisme. Des citoyens déconstruits, on a fait une clientèle électorale soumise et des élus qui ne sont pas capables de projet pour la Martinique. Pour preuve, après plus de 3 ans de mandature, la Martinique apprend incidemment que mission vient d’en être confiée à grands frais à un organisme spécialisé du nord de l’Europe. Une attestation d’incompétence autodélivrée, au mépris de la légendaire formule : “les meilleurs spécialistes de la Martinique sont les Martiniquais”. Fabriqué pour un homme ou une femme aux mesures d’un autocrate, le statut de la CTM a rendu les élus incolores et inodores.

En bref, le terreau est propice à toutes les aventures. Le manque de confiance dans les élus n’est pas une vue de l’esprit. On ne compte pas le nombre d’élus martiniquais visés par la justice. En ce mois de novembre 2025 tous les records son battus. On ne sache pas qu’il y en ait un seul qui soit du côté des plaignants. Eh oui ! Pas de démonisation des élus mais pas de sanctuarisation non plus : n’en faire ni des anges ni des démons !

Fort-de-France, le 30 novembre 2025