Un « Richard III » d’exception à Avignon à revoir sur Arte

Samedi 18 juillet 2020 à 22 h 15. En rediffusion jusqu’au 24 juillet

— Par Fabienne Darge —
A défaut de Festival, Arte propose de (re)découvrir la pièce de Shakespeare, mise en scène par Thomas Ostermeier
Le roi d’Avignon, c’est lui. Un roi boiteux, contrefait, à la couronne noire comme le fond de son âme.
Richard III, interprété par Lars Eidinger, sous la direction de Thomas Ostermeier, a bien été sacré roi de la cité des Papes lors de la première du spectacle, en juillet 2015, à l’Opéra-Théâtre. Un triomphe comme une évidence, tant ce théâtre-là est à la fois d’une intelligence magistrale et totalement accessible, jouissif et inscrit dans une modernité qui n’a rien de cosmétique.
Comment s’approcher du mystère d’un monstre qui élimine sans états d’âme tous ceux qui pourraient barrer sa route vers la couronne, se demande Shakespeare, en 1593, quand il invente ce personnage fascinant. Le monstre est là en chacun de nous, nous disent Thomas Ostermeier et Lars Eidinger. Par quel mécanisme, par quels chemins tortueux de l’âme un élément de la race humaine fait-il sauter les digues et lâche-t-il en liberté le fauve furieux qui habite en lui ? Voilà Richard III.
Le palais de toutes les intrigues est une arène de terre qui s’avance vers le public, devant une façade en pisé recouverte d’échafaudages. Richard arrive sur ce champ de bataille du pouvoir et de la politique sans que rien soit masqué de sa difformité. Bossu, tordu. Disgracié, avant même de naître, par sa mère, qui ne voulait pas de lui.
Lars Eidinger, avec le génie qui est le sien, joue à plein, de tout son corps puissant et délié, cette image géniale inventée par Shakespeare d’une humanité contrefaite, pas niée. Il fait de Richard le petit frère de son Hamlet, créé ici même, à Avignon, en 2008, et qui, depuis, a triomphé à travers le monde. Avec lui, Richard est à la fois un enfant perdu, un clown tragique, un comédien qui, à force de jouer à l’ange, ne voit même plus le démon qu’il est sous son masque blanc, tellement épais que son visage en devient méconnaissable.
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Prothèses, pantins, masques mènent la danse, M le maudit et Fritz Lang s’invitent à l’occasion : Ostermeier file la métaphore sans jamais appuyer. En bon héritier de Brecht, de Meyerhold et de l’expressionnisme, il maîtrise son langage scénique avec une virtuosité tranquille. On a déjà tressé à Lars Eidinger les lauriers qu’il mérite, mais il faut dire aussi que les autres acteurs de la Schaubühne de Berlin sont remarquables.

Richard III, de Shakespeare. Mise en scène : Thomas Ostermeier. Avec Lars Eidinger,
Moritz Gottwald, Eva Meckbach. Sur Arte. tv jusqu’au 24 juillet

Source : LeMonde.fr