Ukraine : jusqu’où la guerre?

— Par Francis Carole —

Depuis le 24 février, la guerre fait rage en Ukraine, aux portes de l’Union européenne. Elle n’est plus seulement en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient ou encore en Amérique centrale et du sud qui, eux, depuis cinq siècles, ont été plongés dans une permanente présence du «tragique ». Cette guerre se déroule désormais dans les banlieues des puissances européennes qui fomentent le désordre capitaliste partout et sèment sang et larmes à travers notre planète. Là se situe le fait nouveau, depuis des décennies, qui jette le trouble dans les chancelleries du vieux continent.

Beaucoup craignent, non sans raisons, que les affrontements ne débordent des frontières ukrainiennes et ne dégénèrent en conflit mondial.

Dans l’absolu, on ne peut jamais rien exclure. Tellement de tensions, de haines, de tragédies anciennes, d’intérêts nouveaux et anciens des oligarques de toutes nationalités, d’armes et de jeux de postures hantent les frontières de l’Ukraine, que ce ne serait pas une faute impardonnable d’envisager le pire.

Il reste que dans un contexte marqué par le contrôle de l’information et la propagande des gouvernements et médias français et européens, il convient d’approfondir les enjeux liés à ce conflit afin de garder un minimum de lucidité.

🔶Nous ne sommes pas hors du monde

Aussi éloigné géographiquement qu’il paraît, ce conflit intéresse aussi la Martinique. D’abord, parce qu’il peut, par effet d’engrenage, exposer l’ensemble de la planète à une déflagration globale dont on ne saurait imaginer les conséquences pour l’humanité.

Il est utile de rappeler que c’est dans notre Caraïbe que la troisième guerre mondiale a failli éclater, en octobre 1962, lors de la « crise des fusées » qui mit directement face à face l’URSS et les États-Unis, ces derniers s’opposant alors fermement à l’installation de missiles nucléaires soviétiques à Cuba, à seulement 200 kilomètres des côtes de la Floride. Ce scénario ressemble curieusement à ce qui se passe aujourd’hui aux frontières de la Russie…

D’autre part, les conséquences financières, économiques et sociales de
ce conflit ont commencé à impacter l’ensemble de la planète. Elles risquent d’être d’autant plus redoutables que les deux ans de pandémie de Covid-19 ont profondément déstabilisé l’économie mondiale et celle de la Martinique. Déjà les marchés financiers internationaux s’agitent. On risque d’assister à une accélération de l’inflation et à une récession économique mondiale. En effet, le cours de l’énergie, du gaz et du pétrole explose et aura des incidences directes sur les prix de l’essence à la pompe.

La Russie se situe au 1er rang des pays exportateurs de gaz naturel, au 2e rang pour le pétrole brut et au 3e pour le charbon. C’est aussi le premier exportateur de céréales et d’engrais et le premier producteur de palladium, de Nickel et de titane. L’augmentation des prix de l’énergie, des matières premières comme le blé, des engrais et l’inflation entraîneront inévitablement un recul du pouvoir d’achat et des difficultés économiques et sociales accrues. Les ménages martiniquais seront inévitablement touchés par les effets de cette situation.

Si l’Ukraine n’était qu’une terre de hiboux, de kalinas, d’okovyta et de bortsch, elle n’aurait pas excité l’odorat et la convoitise des chiens renifleurs de profits du capitalisme. Le pays est connu pour ces richesses minières en nickel, titane, fer, houille, palladium et autres. L’Ukraine est aussi un véritable grenier agricole avec 22% des terres arables d’Europe.

Compte tenu de leur dépendance à ces matières premières, les puissances occidentales se rendront rapidement compte que, dans le contexte économique déjà dégradé par la crise sanitaire, toutes les mesures prises pour tenter de punir la Russie, qui sont manifestement des mesures de « guerre » destinées à détruire un ennemi viscéral, se retourneront contre elles. Un choc pétrolier et gazier n’est pas à exclure.

🔶L’Occident et le symptôme d’Hubris

Nous considérons que les conflits entre les États doivent être résolus par la négociation. Toute autre démarche conduit à des guerres sans fin, à des morts inutiles, à des drames humains incommensurables et à la régression de notre humanité. D’autre part, nous croyons au droit des peuples à l’autodétermination et nous en tirons toutes les conséquences logiques.

Nous refusons donc d’apporter la moindre caution à la décision du gouvernement russe -dont nous ne partageons ni l’idéologie ni la vision du monde- de déclencher un conflit armé de grande ampleur dans un pays voisin. Nous refusons la brutalité contre les peuples, d’où qu’elle vienne et contre quelque peuple qu’elle s’exerce.

Force est tout de même d’admettre que, depuis des décennies, avec ou sans Vladimir Poutine, les revendications sécuritaires légitimes de l’État russe n’ont pas été discutées, par ceux qui s’étranglent d’indignation aujourd’hui, avec le sens des responsabilités qui aurait dû s’imposer. On aurait voulu pousser la Russie au déclenchement d’une guerre pour la piéger qu’on ne s’y serait pas pris autrement…

La presse européenne s’épuise -et nous épuise- dans des discours psychiatriques absurdes à propos de la personne du président de la Russie. Il serait « fou », « psychopathe », « cynique », « dangereux », « paranoïaque », toutes pathologies auxquelles les dirigeants de l’OTAN auraient, bien entendu, eux, miraculeusement échappé. La folie c’est toujours les autres.

Tant qu’on y est, et si c’était l’Occident qui était fou ? Et si c’était l’Occident qui était dangereux ?

Une mise en perspective de l’histoire pourrait montrer que l’Occident semble atteint du syndrome d’hubris qui lui fait perdre tout sens des réalités, toute perméabilité à la contradiction, toute capacité à reconnaître les crimes de génocide, d’esclavage, de colonisation dont il s’est rendu coupable sur plusieurs siècles, au nom d’une prétendue mission civilisatrice.

L’Occident ne fait donc pas que soliloquer. Il étale sur la surface du monde arrogance, narcissisme, mépris, sentiment de toute-puissance et d’impunité et, comme si ce n’était pas déjà trop, la conviction de son innocence immaculée. À bien y réfléchir, la folie supposée d’un chef d’État non-occidental serait bien peu de choses au regard de ce mal civilisationnel.

🔶La duplicité de l’OTAN : de Mikhaïll Gorbatchev à Vladimir Poutine

Dans la pensée stratégique des puissances dominantes de l’OTAN, la guerre froide n’est pas achevée. Elle se terminera, selon elles, avec l’écrasement de la Russie et de la Chine, conditions indispensables pour sécuriser définitivement la domination de l’Occident sur le reste du monde. Ce serait là l’aboutissement d’une obsession née depuis plusieurs siècles et contrariée par ces deux puissances qui, dans la période historique actuelle, résistent à l’hégémonie de l’Europe occidentale et des États-Unis, même avec une vision du monde que nous ne partageons pas.

Sur le fond, la Russie a donc raison de vouloir se protéger contre l’encerclement de l’OTAN, suite à la chute du mur de Berlin en novembre 1989, à la dissolution de l’alliance militaire issue du Pacte de Varsovie en février 1991 et à la dislocation de l’URSS en décembre 1991.

L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord avait été créée en 1949, en pleine Guerre froide, pour s’opposer à toute tentative d’expansion militaire de l’URSS communiste, en particulier vers l’Europe de l’Ouest. À l’effondrement du camp soviétique, on aurait pu s’attendre à la dissolution de l’OTAN, la « menace communiste » n’existant plus en Europe. Ce fut le contraire ! L’OTAN a renforcé sa pression sur une Russie pourtant devenue capitaliste ! La raison idéologique, à savoir l’affrontement entre le capitalisme et le socialisme, dans sa version soviétique, n’existait plus.

L’engagement de l’Europe et des États-Unis auprès des autorités soviétiques, notamment de Mikhaïl Gorbatchev, au moment de la réunification allemande, à ne pas s’étendre au-delà de l’Allemagne réunifiée, n’a jamais été respecté. Il ne s’agissait pas de simples déclarations. Il était question de ne pas « avancer d’un pouce vers l’Est ». En effet, un article publié le 12 décembre 2017 par le « National Security Archives », sur la base des archives de classifiées #OTAN#UKRAINE#RUSSIE, témoigne de la véracité de ces assurances données.

Ce n’est donc pas un « mythe » comme se plaît à le répéter l’OTAN. « Le Monde diplomatique » de septembre 2018 confirme ces informations et montre que Gorbatchev -qui n’était pas un « dictateur paranoïaque »-avait même proposé l’adhésion de l’URSS à l’OTAN, lors d’un entretien avec James Baker, secrétaire d’Etat américain de Ronald Reagan, qui s’est tenu à Moscou, le 18 mai 1990 : « Vous dites que l’OTAN n’est pas dirigé contre nous, qu’il s’agit seulement d’une structure de sécurité qui s’adapte à la nouvelle réalité. Nous allons donc proposer de la rejoindre ». Le 25 mai de la même année, François Mitterrand, toujours à Moscou, affirmait à Gorbatchev: « Je tiens à vous rappeler que je suis personnellement favorable au démantèlement progressif des blocs militaires ».

Loin d’être démantelée, l’OTAN, dès 1991, s’est rapidement étendue dans les anciens pays du bloc de l’Est, avec pour objectif d’encercler et de neutraliser à terme la Russie. Depuis des décennies, l’Europe et les États-Unis se sont comportés avec un rare mépris et une incroyable légèreté à l’égard de la Russie et de ses demandes de négociations. Ils ont donc une responsabilité particulièrement grave dans la dégradation de la situation aux frontières de la Russie et de la guerre en cours.

🔶Complicité de l’OTAN et de l’U.E. pour déstabiliser l’Ukraine

L’OTAN ne s’est pas bornée à étendre ses bases militaires au-delà de l’Allemagne. Elle a, en lien avec l’Union Européenne et les États-Unis, travaillé à la déstabilisation de l’Ukraine pour des intérêts à la fois économiques, militaires et stratégiques. Ainsi, l’Euromaïdan, manifestations pro-européennes d’une partie de la population, principalement de l’ouest, à partir de novembre 2013, a accentué les divisions de la population et accéléré la décomposition de l’Ukraine. Les États-Unis et les puissances européennes y ont joué un rôle majeur dans l’objectif de rallier l’Ukraine à l’Union Européenne. Ces tensions et la destitution du président pro-russe de l’époque ont entraîné, en réaction, à partir de 2014, la révolte des régions russophones de l’Est, notamment en Crimée et dans la région du Donbass qui ont rompu tout lien avec Kiev.

Il est exact d’affirmer que l’extrême-droite néo-nazie a joué et continue de jouer un rôle important dans les actions pro-européennes en Ukraine. Ce qui, bien entendu, ne signifie nullement que le peuple ukrainien soit un peuple néo-nazi. Une telle généralisation n’aurait pas de sens. Mais les néo -nazis sont bien présents dans les instances du pouvoir ukrainien. Il en va ainsi du parti « Svoboda » qui est une nouvelle dénomination du Parti National-Socialiste d’Ukraine. On sait que ce parti a distribué aux manifestants de l’Euromaïdan l’ouvrage d’Adolf Hitler, « Mein Kampf », qu’il fait l’éloge du 3 ème Reich et de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne qui combattit aux côtés des troupes nazies, participant notamment au massacre des juifs de Galicie.

Des membres de ce parti ont occupé des fonctions éminentes de ministres au sein du gouvernement ukrainien, soutenu par l’Occident, à partir de 2014. Le régiment « Azov », créé et dirigé par les néo-nazis, a été officiellement intégré à la garde nationale de l’Ukraine et aux forces de défense avec la responsabilité de lutter contre les pro-russes de la région du Donbass.

Les Accords de Minsk 2 de février 2015, « Format Normandie » (France-Allemagne-Ukraine-Russie et séparatistes russophones du Donbass) qui devaient permettre de mettre fin aux affrontements et de redéfinir le statut du Donbass sont restés sans suite et les massacres contre les « séparatistes» se sont poursuivis, sans que les bonnes âmes ne s’en émeuvent davantage.

Ces crimes de guerre ont été maintes fois dénoncés, en particulier par Amnesty International dans son rapport de novembre 2018 sur les « violences commises par les groupes ultranationalistes envers les personnes soupçonnées de séparatisme ». Le rapport de 2020/2021 confirme « les nombreux cas de torture et de mauvais traitements » à l’Est de l’Ukraine. « Des groupes prônant la discrimination à l’égard des minorités marginalisées […] se sont cette année encore rendus coupables d’agressions, souvent en toute impunité », ajoute Amnesty.

Est-ce par hasard que l’Ukraine, sous la présidence de Volodymir Zelensky, a voté, le 16 décembre 2020, contre la résolution de l’ONU intitulée « Lutte contre la glorification du nazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines du racisme… »?

La stratégie d’ukrainisation à la trique soutenue par les néo-nazis (exemple de la loi du 16 janvier 2021 obligeant les entreprises du secteur des services à n’utiliser que la langue ukrainienne) a achevé d’aggraver la rupture entre les communautés linguistiques, l’Est de l’Ukraine parlant largement russe et non ukrainien.

Comme on peut donc s’en rendre compte, les crimes des groupes néo-nazis en Ukraine sont parfaitement connus des autorités françaises, européennes et américaines si promptes à défendre, en paroles, les droits humains.

Au mépris des Accords de Minsk, «Format Normandie», plus de 13000 civils ont été tués par les bombardements de l’Ukraine sur les »’ régions séparatistes du Donbass, depuis 2014. Ces crimes, nous le répétons ont, jusqu’à ce jour, laissé indifférentes les autorités et les opinions publiques européennes.

Pourquoi cette différence de traitement ? Certaines vies sont-elles plus précieuses que d’autres ?

C’est donc délibérément que la presse française ne fait nullement état de ces réalités et présente les actuelles autorités ukrainiennes et les groupes militaires qui leur sont liés comme de parfaits archanges de la liberté et des droits humains. Ce sont ces mêmes autorités qui, en 2021, avaient menacé de tirer à balles réelles sur les migrants qui tenteraient de traverser la frontière ukrainienne avec la Biélorussie ou qui traitent comme des sous-humains les étudiants africains qui tentent de quitter Kiev.

🔶L’urgence de changer le monde

L’Union Européenne, les États-Unis et, leur bras armé, l’OTAN, violent en permanence le droit international tout en s’en réclamant hypocritement. L’opération «Forces alliées», sans l’accord de l’ONU, contre la République Fédérale de Yougoslavie en 1999, qui a fait plus de 500 morts dans la population civile, illustre le peu de cas que les puissances dominantes font du «droit international ». En 2011, sans avoir envahi ou menacé aucun de ses voisins, la Libye a été démembrée par une coalition euro-américaine et son président arrêté, torturé et assassiné avec la complicité des forces françaises. Personne ne s’en est ému en Europe. En avril 2011, la France intervenait dans un conflit interne à la Côte d’Ivoire, arrêtait le président Gbagbo et, après l’avoir humilié publiquement face aux médias, le déférait devant le Tribunal Pénal International pour « crimes contre l’humanité». La chambre d’appel de la Cour Pénale Internationale l’acquittera, considérant que l’accusation n’avait pas apporté la preuve de sa culpabilité.

Comme on le voit, la tarte à la crème du droit international servie par l’impérialisme est truffée de drogues cataleptiques. Elle provoque la zombifiaction des cerveaux et la transformation des naïfs en tristes bwa-bwa de la propagande occidentale !

Pour l’heure, des initiatives diplomatiques sérieuses s’imposent pour éviter le pire, qui ne cesse de rôder. Objectivement, la position de la France est celle d’un État co-belligérant livrant des informations stratégiques, des moyens de communication, des armes, et sans aucun doute davantage, à un des pays en guerre. L’activisme à courte vue, dans le contexte des prochaines élections présidentielles, comporte des limites que l’on ne peut surmonter avec des incantations.

La récente déclaration de Bruno Lemaire affirmant que la France mène une «guerre économique et financière totale» contre la Russie qui vise à «provoquer l’effondrement de l’économie russe» est symptomatique d’un état d’esprit hystérique et belliciste. Certes, rappelé à l’ordre par Dimitri Medvedev, ancien président de la Fédération de Russie (« N’oubliez pas que les guerres économiques dans l’histoire de l’humanité se sont souvent transformées en guerres réelles.»), le ministre français a piteusement battu en retraite et fait amende honorable. Trop tard ! La vérité de la position française avait déjà été publiquement exposée. L’organisation d’une véritable chasse aux russes mesquine qui frappe, indistinctement, médias, sportifs, chefs d’orchestre, cantatrices, témoigne de ce climat fébrile et dangereux qui précède souvent les catastrophes.

Au-delà, la crise russo-ukrainienne -lorsque l’on fait l’effort de sortir d’une vision eurocentrée de notre planète- pose la question de l’urgence d’un nouvel ordre mondial. La théorie métaphysique du «retour au tragique» du président de la république française n’est d’aucune opérationnalité politique et d’aucun intérêt pour tenter de régler les problèmes du monde. Elle ne permet pas non plus d’appréhender correctement l’état de la planète.

Il n’y a pas de «retour au tragique». Il y a simplement que les guerres -que les arrangements impérialistes avaient su garder hors des frontières de l’Europe, pour les confiner dans les périphéries du monde non-européen-s’y manifestent désormais tant la décrépitude du système impérialiste est avancée et les rivalités aiguës. Le rêve vendu par les puissances capitalistes du joli-petit-village-monde de la mondialisation se transforme en cauchemar.

Comment, par exemple, se réglera le conflit qui s’annonce avec la Chine ? Comment l’empêchera-t-on ? En «préparant la guerre» ? À l’ère des armes de destruction massive, cette vieille antienne ne fait plus sens. Plus que de faire le constat d’une «nouvelle époque», il faut surtout travailler à l’émergence d’un nouveau monde débarrassé des carcans idéologiques et économiques du monde ancien de domination des empires symbolisé par l’OTAN.

Le «retour au tragique» n’est que la vision d’un européen sur et pour l’Europe. Le monde est un peu plus grand et plus complexe. Cette chimère romanesque sert de voile commode aux grandes puissances pour relancer une nouvelle course aux armements et pour certains, comme l’Allemagne, pour se réarmer.

Les compétitions entre les pays impérialistes, le pillage des ressources du monde et le réchauffement climatique risquent de conduire au chaos global et à la marginalisation de l’écrasante majorité de l’humanité, au profit d’une minorité de nantis disposant des moyens les plus sophistiqués et les plus destructeurs pour sauvegarder leurs privilèges. Ce n’est pas le monde que nous souhaitons.

Francis CAROLE
MARTINIQUE
Jeudi 3 mars 2022