Traité de bave et d’éternité – Isidore Isou (1951)

Ce soir à 20h au  14°N 61°W, Place de l’Enregistrement Foyal

— Par citylightscinema —

France – EN ENTIER – VF sous titrée anglais – Environ 115 mn

« Je crois premièrement que le cinéma est trop riche. Il est obèse. Il a atteint ses limites, son maximum. Au premier mouvement d’élargissement qu’il esquissera, le cinéma éclatera ! »
« J’annonce la destruction du cinéma, le premier signe apocalyptique de disjonction, de rupture, de cet organisme ballonné et ventru qui s’appelle film. » Isou.
Avec Isidore Isou, Bernard Blin, Albert J. Le Gros, Colette Garrigue, Marcel Achard, Jean-Louis Barrault, Blanchette Brunoy, Blaise Cendrars, Jean Cocteau, et les voix d’Isidore Isou, François Dufrêne et Gil J Wolman.

Jean Cocteau donna au film le Prix de l’Avant-Garde, et en dessina une affiche, qui est visible ICI (droits réservés).

Traité de bave et d’éternité est composé de poèmes lettristes et de l’histoire d’amour de Daniel, par ailleurs créateur d’un manifeste. La grande spécificité du film et qui fait sa renommée est son chamboulement formel : aucune recherche de synchronisation entre l’image et le son (« montage discrépant« ) et intervention directe sur la pellicule (« cinéma ciselant« ). Ce film aura beaucoup d’influences par la suite dans le cinéma, notamment chez le cinéaste expérimental américain Stan Brakhage dont le tournant plus abstrait proviendra en partie de ce film… Reste à imaginer l’influence sur l’ensemble du cinéma underground US… Quant à Chris Marker, il serait inspiré pour son bijou La jetée de la déclinaison de la voix off du Traité. Parfois les influences s’expriment dans des dimensions qui en différeront nettement dans ses prolongements les plus radicaux (la mort du cinéma etc). Isou veut surtout transformer le cinéma, en s’attaquant notamment à son langage classique et autres conventions. A noter que Guy Debord fut très marqué par la projection du film en 1951, ce qui le fit rejoindre (brièvement) le mouvement lettriste, avant de fonder l’internationale lettriste (différente du lettrisme d’Isou) en 1952, puis l’internationale situationniste.

Extrait du « site officiel du lettrisme » :

« Avec le Traité de bave et d’éternité, scandaleusement présenté au festival de Cannes en 1951, Isou invente le montage discrépant qui a pour principe la disjonction du son et de l’image. Il les traite de manière autonome comme deux colonnes indépendantes et pures sans aucune relation signifiante. La colonne sonore s’ouvre avec des improvisations de chœurs lettristes « en boucles » sur lesquels se mêlent une histoire d’amour enchâssée dans un manifeste pour un nouveau cinéma. La colonne visuelle possède également sa propre structure narrative en présentant une succession d’images banales : Isou errant sur le boulevard Saint Germain, des fragments de films militaires récupérés dans les poubelles de l’armée française, des exercices de gymnastiques, Isou en compagnie de personnalités (Cocteau, Cendrars…). L’autre travail sur l’image porte sur la ciselure des photogrammes. Isou intervient, gratte, peint directement sur la pellicule. Le montage discrépant et la ciselure annoncent la mort d’une certaine idée du cinéma. Le Traité sera suivi du très célèbre Le film est déjà commencé ? (1951) de Maurice Lemaîtreet de son principe de Syncinéma. Pour la première fois au cinéma, des acteurs in vivo se mêlent à la séance, de la salle de projection à la file d’attente sur le trottoir, élargissant ainsi le film au-delà de l’écran. »

Au-delà de l’aspect formel et le traitement, donc, du cinéma par le cinéma, le film est aussi un document important sur le quartier Saint Germain des près. A cet égard j’en profite pour glisser un bref extrait documentaire, nous faisant rencontrer dans ce quartier Isou et Orson Welles (extrait en VOSTF) :