« TotalEnergies doit stopper ses projets EACOP et Tilenga en Ouganda »

Collectif —

Le député Matthieu Orphelin, rejoint par dix-sept autres députés, dont Jean-Philippe Nilor, issus de sept groupes parlementaires, dénonce, dans une tribune au « Monde », le fait qu’en Afrique, TotalEnergies continue comme en Russie, à favoriser l’exploitation des énergies fossiles au détriment des droits humains et de l’environnement.

Tribune. Alors que Vladimir Poutine a déclenché une guerre aux portes de l’Europe, TotalEnergies garde la majeure partie de ses activités et investissements en Russie. Pour la multinationale française, les profits issus des énergies fossiles, et notamment des projets Yamal LNG et Arctic LNG 2 dans lesquels elle est impliquée semblent plus importants que de contribuer à arrêter la guerre et sauver des vies en Ukraine.

Pour la multinationale française, les profits passent avant la paix. En Afrique, de la même manière qu’en Russie, TotalEnergies persiste à favoriser l’exploitation des énergies fossiles au détriment des droits humains et de l’environnement, particulièrement en Ouganda et en Tanzanie à travers les projets Tilenga et EACOP.

Les projets Tilenga et EACOP, c’est 190 000 barils par jour et le plus grand oléoduc chauffé au monde (1 443 km). Il traversera deux pays, de nombreuses réserves et aires protégées, il menace d’extinctions des espèces classées sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et menace de contamination les deux plus grandes réserves d’eau douce d’Afrique de l’Est, les lacs Victoria et Albert, menaçant ainsi l’accès à l’eau potable et à la nourriture pour plus de 40 millions de personnes.

Exploitation agricole difficile pour plus 100 000 personnes
C’est pourquoi, avec des députés de différents groupes politiques, nous avons reçu et écouté à l’Assemblée nationale, celles et ceux qui là-bas luttent chaque jour pour protéger leur droit à vivre dignement, et notamment leurs droits à un environnement sain, à l’eau potable et à vivre sur leurs terres. Cette délégation de la société civile ougandaise nous raconte que plus de 100 000 personnes ne peuvent plus cultiver leur terre librement, et ce depuis trois ans, alors qu’elles n’ont même pas encore reçu de compensations de la part de la multinationale.

De plus, des journalistes subissent des pressions et sont entravés dans leur travail par des personnes associées à la major pétrolière, ainsi que des Etats ougandais et tanzanien. Des activistes et des leaders communautaires défendant leurs droits et ceux des communautés dont ils font partie sont menacés, intimidés, arrêtés et harcelés au quotidien.

En 2020 et 2021, plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations unies ont interpellé l’entreprise ainsi que les gouvernements français et ougandais au sujet des atteintes et risques d’atteintes graves aux droits humains et à l’environnement engendrés par ce méga-projet pétrolier de la multinationale française. Le gouvernement français n’a pas daigné répondre sur le fond, alors que les violations continuent, s’aggravent et se multiplient.

Une véritable bombe climatique
Les Ougandais demandent que leurs droits fondamentaux soient respectés, que leurs terres soient préservées et que leur pays se développe dans le respect des limites planétaires. Alors que l’Ouganda est considéré comme la perle de l’Afrique, TotalEnergies prévoit de forer plus de 400 puits de pétrole, dont 132 au sein du plus grand et plus vieux parc naturel du pays, le parc des Murchison Falls.

En plus des atteintes avérées aux droits humains et à l’environnement, ces projets sont une véritable bombe climatique. Alors que TotalEnergies va de nouveau communiquer cette semaine sur sa stratégie d’atteinte de la neutralité carbone (son « plan climat »), ce méga-projet pétrolier est une nouvelle illustration du double discours de Total, qui veut se présenter comme un leader de l’énergie verte, alors que plus de 80 % des investissements sont toujours dans les énergies fossiles.

Ce projet sera responsable à terme d’émissions de plus de 34 millions de tonnes équivalent CO2 par an (six fois les émissions de CO2 de l’Ouganda), l’exploitation de ces réserves de pétrole démontre un mépris flagrant de l’ensemble des études scientifiques qui nous alertent sur la nécessité de stopper toute exploitation d’énergies fossiles dès à présent pour ne pas dépasser les 1,5 °C de réchauffement, dont l’Agence Internationale de l’Energie (AIE).

Pas soutenir ce projet climaticide
L’une de nos missions fixées par la Constitution, en tant que députés, est de contrôler l’action du gouvernement. Or, il a été démontré que l’Etat Français soutient activement, avec son appareil diplomatique, les projets de TotalEnergies en Ouganda et en Tanzanie, notamment par la formation de l’armée ougandaise qui est déployée dans la zone pétrolière mais également en facilitant les relations entre la multinationale et les décideurs du pays.

Parce que l’avenir ne se trouve ni dans l’exploitation des humains, ni dans celle du pétrole, TotalEnergies doit immédiatement stopper le développement de ses projets EACOP et Tilenga en Ouganda et en Tanzanie. C’est pourquoi nous demandons également au président de la République et au gouvernement français de stopper tout soutien diplomatique à ces projets climaticides, qui vont à l’encontre de l’ambition climatique prônée par la France sur la scène internationale.

Les signataires de cette tribune sont des députés et députées Delphine Bagarry, (Alpes-de-Haute-Provence, non inscrite, ex-Ecologie Démocratie Solidarité) ; Delphine Batho, (Deux-Sèvres, non inscrite, ex-EDS) ; Anne Blanc, (Aveyron, LRM) ; Moetai Brotherson, (Polynésie française, Gauche démocrate et républicaine) ; Annie Chapelier, (Gard, Agir) ; Jennifer De Temmerman, (Nord, Libertés et territoires) ; Frédérique Dumas, (Hauts-de-Seine, L & T) ; Paula Forteza, (Français établis hors de France, Amérique latine et Caraïbes, non inscrite, ex-EDS) ; Albane Gaillot, (Val-de-Marne, non inscrite, ex-EDS) ; Chantal Jourdan, (Orne, Socialistes) ; Jean-Paul Lecoq, (Seine-Maritime, GDS) ; David Lorion, (La Réunion, Les Républicains) ; Sandrine Mörch, (Haute-Garonne, LRM) ; Sébastien Nadot, (Haute-Garonne, L & T) ; Jean-Philippe Nilor, (Martinique, GDR) ; Matthieu Orphelin, (Maine-et-Loire, non inscrit, ex-EDS) ; Loïc Prud’homme, (Gironde, LFI) ; Cédric Villani, (Essonne, non inscrit, ex-EDS).