Étiquette : Tsai Ming Liang

« Les chiens errants » : la tranquille beauté de la mort

Un film immense aux limites de l'insoutenable.

— Par Roland Sabra —

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Immobile… L’immobilité, ça dérange le siècle.
C’est un peu le sourire de la vitesse, et ça sourit pas lerche, la vitesse, en ces temps.
Léo Ferré « Il n’y a plus rien »

Il est des films comme des rencontres improbables. Ce soir là, dans la salle n°3 de Madiana, il y avait, au début de la séance, une douzaine de personnes tout au plus. A la fin de la projection les effectifs avaient fondu de moitié. Et pourtant !
Rares sont les moments de cinéma d’une telle intensité. Un long film, sans dialogue, avec une succession de plans fixes, avec pour seuls mouvements les battements de cils d’un homme perdu sous la pluie, le tremblement d’un panneau publicitaire tenu à bout de bras dans la violence du vent, un geste de la main, maintes fois répétées pour remettre en place une chevelure, la contemplation fascinée d’un paysage de ruines illuminées par un soleil nocturne…
Et le spectateur figé dans l’éternité de l’instant, à son cœur défendant, voit convoquer ses monologues intérieurs, ses pensées intimes, ses combats sans cesse oubliés et sans cesse devant lui.

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Tsai Ming-liang « Après quoi courons-nous ? »

— Entretien réalisé par Dominique Widemann —

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 Photo Lee Yi-Cheng, Lee Yi-Chieh, Shi Chen

Tsai Ming-liang est l’un des grands cinéastes. La Cinémathèque française lui rend hommage par une rétrospective au moment où son film les Chiens errants sort 
en salles.

Comme à chacun de vos 
films, vous remettez en 
scène l’acteur Lee Kang-sheng, que vous avez filmé pour la première fois encore adolescent. Le voilà 
dans les Chiens errants 
père de deux enfants et dépossédé de tout. Que représente ce comédien 
qui prend de l’âge devant 
votre caméra ?

Tsai Ming-liang. Je crois que je suis impatient de continuer à le voir vieillir. Nous ne tournons pas énormément de films. Depuis Visage, le précédent, quatre ans ont passé. Les traits de Lee Kang-sheng, sa démarche se sont modifiés. Je montre cela à l’écran sans rien épargner, parfois en très gros plans. Dans la vie également je le vois évoluer comme être humain. Il poursuit une performance de marche au ralenti entamée en 2011 et que je souhaitais d’abord destiner à la scène. Il m’a tellement bouleversé que cela a donné lieu au tournage d’une série de courts métrages, des « expéditions au ralenti » réalisées dans différentes villes et qui associent cinéma et installations artistiques.

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« Les chiens errants » : la beauté du désespoir

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 Il est le cinéaste des limbes, de la solitude urbaine, du désespoir moderne. Né en 1957, héritier revendiqué de la Nouvelle Vague française, petit frère des grands maîtres taïwanais Hou Hsiao-hsien et Edward Yang, qui ont placé, au milieu des années 1980, la petite île rebelle au cœur de la planète cinéphile, Tsai Ming-liang a pensé que ce nouveau long-métrage serait peut-être son dernier.

Gravement malade quand il en conçut le projet, au point qu’il pensait ses jours en danger, il avait rompu avec le cinéma, découragé par l’énergie démesurée que demande, aujourd’hui, la continuation d’une œuvre comme la sienne, mue par la seule croyance dans les puissances de son art. Cette condition n’a pas contribué à donner aux Chiens errants une tonalité riante, mais elle éclaire l’ambition de ce film sublime, qui organise la circulation entre le monde des vivants et celui des morts, entre espace physique et espace mental, entre rêve et réalité.

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Pour la première fois, le Lion d’or à Venise récompense un documentaire

Par Franck Nouchi

lion_or_veniseAu diable le consensus ! En attribuant le Lion d’or à Sacro GRA, un documentaire du réalisateur italien Gianfranco Rosi, et le Grand Prix du Jury à Jiaoyou (Stray Dogs) du cinéaste taïwanais Tsai Ming Liang, le jury de la 70e Mostra présidé par Bernardo Bertolucci a couronné deux films aussi réussis qu’orignaux.

Sacro GRA tout d’abord. Dans le petit monde des grands documentaristes, Gianfranco Rosi est loin d’être un inconnu. En 2008, il avait réalisé Below Sea Level (Sous le niveau de la mer), sorte d’immense voyage en solitude chez des marginaux vivant en plein désert au sud-est de Los Angeles.

Ce film formidable avait eu un prix à Venise et avait remporté le Grand Prix du cinéma du réel à Paris. Lui aussi primé à Venise (en 2010), le film suivant de Rosi, El sicario – Room 164, était consacré à un narco-trafiquant mexicain, expert en torture et en kidnapping, ayant à son actif plusieurs centaines de morts.

Une image de « Sacro GRA » documentaire de Gianfranco Rosi, Lion d’or de la 70e Mostra

AUTOUR DU PÉRIPHÉRIQUE DE ROME

Retour au pays – même s’il est vrai que Gianfranco Rosi est né à Asmara en Erythrée et qu’il vit à Paris – et changement radical d’ambiance avec Sacro GRA.

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