— Par Caroline Constant —
Avec Carole Matthieu, ce soir à 20h55 sur Arte, Louis-Julien Petit signe une fiction glaçante sur le monde du travail. Isabelle Adjani, en médecin du travail impuissant devant un management sans pitié, montre l’étendue de son talent.
Elle a essayé d’alerter, Carole Matthieu. Cette femme médecin du travail, complètement investie dans sa mission, a appuyé sur tous les signaux d’urgence à sa portée : la direction, l’inspection du travail, les syndicats. Personne ne l’a écoutée, lorsqu’elle alertait sur la façon de diriger les salariés de la plateforme téléphonique de Melidem : double écoute, infantilisation des personnels, à qui l’on demande même, parfois, de changer de prénom, brimades, harcèlement moral… La liste est longue. Au point que des salariés craquent. Comme Vincent, à bout, qui, un jour, lui demande de l’aider à se suicider en posant devant elle un revolver. Et Carole Matthieu appuie sur la détente. « Une euthanasie d’entreprise », résume Louis-Julien Petit, le réalisateur de ce téléfilm glaçant sur le monde du travail.
Car de travail, il en est question, beaucoup : quand on demande aux hommes de devenir des machines, de n’avoir plus de liens entre eux, de laisser à la porte leur identité, forcément, les dégâts sont considérables.


Au moment où la souffrance au travail s’impose comme un problème majeur, le management moderne persiste à placer, dans son discours au sujet des salariés, leur épanouissement au cœur de son projet. Un consensus nouveau serait né entre patrons et employés. Or, selon Danièle Linhart dans son dernier ouvrage, « la Comédie humaine du travail », « le drame du travail contemporain » réside précisément dans « le fait qu’il joue sur les aspects les plus profondément humains des individus », au lieu de mobiliser leurs registres professionnels. Aux antipodes du vieux taylorisme déshumanisant ? Seulement en apparence, montre ici la sociologue.
Le « caïdat » et les organisations mafieuses commencent à coloniser les zones exclues de la prospérité.