François Bourcier, passé par la Rue Blanche et le Conservatoire, est un comédien talentueux. Très talentueux. Il en faut, en effet, du talent pour endosser à un rythme effréné vingt-quatre personnages différents (si nous avons bien compté) et une dizaine de costumes, pendant presque deux heures d’horloge, sans jamais une hésitation, encore moins une erreur. La pièce approche des cinq cents représentations : autant dire qu’elle est rodée. On n’en admire pas moins le réglage au millimètre jamais pris en défaut. Car il faut changer d’allure, de ton, d’accent en fonction de chaque nouveau personnage tout en manipulant sans se tromper les costumes et les accessoires.
Les costumes à la mode des années quarante pendent des cintres. Si bien que la scène est remplie, sinon peuplée, au moment où le spectacle commence. Il faudra les enfiler, ces costumes, et par un mouvement des épaules les décrocher de leurs chaines puis se mettre aussitôt à jouer, et chaque fois sur un registre différent. Il s’agit de résistance, de risque, donc de mort pour beaucoup. Les héros le plus souvent anonymes qui se présentent à nous connaissent tous, ou presque, le même sort : une balle et c’est terminé.


Curieux film que ce documentaire politique consacré à la décolonisation en Afrique subsaharienne, des images d’époque éclairées par des extraits des Damnés de la terre de Frantz Fanon. Curieux parce que ce film monté a posteriori et distribué aujourd’hui s’en tient à la geste héroïque de la décolonisation et ne pipe mot de ses suites tragiques.






Un « Proverbe » : une comédie à deux personnages, trop brève pour faire à elle seule l’objet d’un spectacle. Isabelle Andréani a eu l’idée de lui adjoindre un prologue « pédagogique », non pour expliquer la pièce – qui ne le réclame pas – mais pour présenter Musset aux spectateurs. Il plaira même à ceux qui n’en apprendront rien, tant il est habilement construit et joué. Nous sommes dans le grenier du domicile de Musset, sa bonne et son cocher nouvellement engagé cherchent les harnais pour atteler la voiture du maître. Un maître dont ils sont tous les deux entichés au point de connaître par cœur certains de ses poèmes. Dans une cassette se trouvent de vieilles lettres parmi lesquelles l’échange de lettres codées (apocryphes) entre George Sand et Musset au contenu nettement pornographique. Le-dit échange se clôt sur deux vers de G. Sand (« Cette insigne faveur que votre cœur réclame / Nuit à ma renommée et répugne à mon âme ») dont il faut seulement retenir les deux premiers mots, « Cette nuit » : c’est dès cette nuit-là que Sand est prête à se donner à Musset…







Les vrais films d’horreur ne sont pas ceux qui mettent en scène des monstres imaginaires mais bien plutôt ceux qui montrent la réalité dans son implacable cruauté. Il y a certes une gradation dans le mal. On peut même se demander si le mal « radical » (Kant) existe. Un individu qui aurait choisi l’immoralité en toute liberté, qui se réjouirait d’infliger des souffrances abominables, incarnerait sans doute le mal absolu. Il est douteux cependant que l’on puisse trouver un tel individu. Si le héros négatif sadien correspond à ce schéma, il n’est en effet qu’un être de fiction, sorti de l’imagination quelque peu dérangée du « divin (?) marquis ». Tout porte à croire que les « sadiques » qui se rencontrent dans la réalité sont avant tout des malades : telle est sans nul doute la mère dans le film Chemin de croix de Dietrich Brüggemann. Quant à ceux qui ont penché du côté du mal du fait des circonstances, comme dans The Tribe de Myroslav Slaboshpytskiy, ils n’avaient en général pas d’autre choix : comment survivre en effet dans la jungle sans devenir une bête sauvage ?



