— par Janine Bailly et Paul Chéneau —
Quand le présent entre en résonance avec le passé
C’est à Julie Duclos qu’il est donné d’ouvrir à Rennes la nouvelle saison du Théâtre National de Bretagne. Nous avions aimé le Kliniken, de Lars Norén, qu’elle avait présenté en 2022 dans le cadre du Festival d’automne. Avec une infinie délicatesse, elle y montrait, au sein d’un établissement psychiatrique, le quotidien de treize patients qui, par la parole, trouvaient un chemin de survie. Julie Duclos se mesure aujourd’hui à une œuvre relativement peu jouée de Bertolt Brecht – mais dont on ne saurait dire qu’elle est facile –, Grand-peur et misère du IIIe Reich. De même façon que pour Kliniken, elle fait de la parole la colonne vertébrale de sa mise en scène. Car ici, chaque mot compte, qui selon l’usage qu’on en fait, ou l’interprétation qu’on en donne, peut conduire à la perte de qui l’a prononcé.
Lorsqu’il écrit la pièce, dans les années 30, Bertolt Brecht, chassé d’Allemagne par l’arrivée au pouvoir des nazis, est installé au Danemark.

Julie Duclos a eu la bonne idée de revisiter et dépoussiérer Pelleas et Mélisande ce drame symboliste de Maeterlinck écrit à la fin du 19ème siècle monté avec succès qui donna lieu à la création d’œuvres musicales, comme l’opéra de claude Debussy ou le poème symphonique de Schönberg parmi d’autres. L’histoire se construit autour de l’éternel trio amoureux, Mélisande, Golaud et Pelléas en l’occurrence. Golaud s’est perdu au cours d’une chasse sur les terres de son grand-père Arkel, le roi d’Allemonde. Près d’une fontaine il rencontre Mélisande une très jeune fille en pleurs, craintive, timide et envoûtante. Sauvage comme un bête blessée elle vient de jeter sa couronne dans l’eau et menace de se tuer si Golaud tente de la récupérer. On ne sait d’où elle vient. Elle est cette figure inquiétante de l’étrangeté. Elle dit avoir traversé l’épouvante et l’horreur de situations trop grandes pour elle. Guerres, massacres, persécutions. Elle est cette énigme vivante posée sur le chemin d’un Golaud grisonnant. Il l’emmène avec lui au château et l’épouse. C’est un mariage malheureux. Dans la sombre forteresse « règne l’odeur de la mort ».
Nos serments