Reprise d’un article écrit le 16 juillet 2017.
« Le dorlis de ces dames » : un quart de siècle et pas une ride
— par Roland Sabra —
Deux couples, deux maisons, deux modes de vie, des anciens et des jeunes, des gens du cru et des acculturés. Entre les deux dans une grotte, un ababa qui la nuit venue, fait perdre la tête aux dames du coin, un dorlis en un mot comme en cent. Personnage typiquement martiniquais, il n’existe pas en dehors de l’île aux fleurs, il se glisse la nuit dans le lit des femmes et leur impose des rapports sexuels à faire pâlir d’envie tous les DSK, Rocco Siffredi, et autres queutards de grands chemins. Il fait jouir les femmes et à l’occasion s’autorise quelques extras avec leurs maris. Rêve ou fantasme il a la réalité d’un désir, né sous l’esclavage quand le corps des femmes était nié, ravalé au statut d’objet.
« Le dorlis de ces dames » de Jocelyn Régina, écrit il y a 25 ans, ne s’appesantit pas sur le pourquoi et le comment de l’incube, ni sur les différentes figures qu’il a pris de la Mésopotamie à Rome en passant par la Grèce, ni sur son versant magico-religieux, médical ou psychiatrique.

Le projet de Jocelyn Régina est de faire entendre la parole de Césaire. Il invente pour ce faire une situation dans laquelle un vieillard habitant le quartier de Volga attend depuis dix ans la visite habituelle que lui rendait Aimé Césaire, sans savoir que celui-ci est décédé. Il est livré aux mains d’un couple de tortionnaires, une « assistante de vie » et son amant militaire qui n’ont que faire des écrits du poète, de l’écrivain, de l’homme politique. Césaire pour eux est au mieux un nom vide de contenu, au pire le nom d’un politicien aux positions ambiguës. Situation pas aussi irréaliste que cela quand on interroge les jeunes générations. La scène figure l’intérieur de la maison, pauvre en équipement, il y a là un lit coté jardin, un semblant de cuisine coté cour, quelques affiches sur les murs de la masure. Le vieux est handicapé, la goutte le cloue au lit, une corde sur le seul pied valide limite ses déplacements. Le couple n’a qu’un seul projet, celui de dilapider sans vergogne le pécule du vieux qui clame du Césaire nuit et jour.
« A Parté »
RÉSURGENCE
Alors que les festivaliers autant d’Avignon que de Fort de France déambulent avec ravissements entre les salles équipées et les spectacles donnés dans les rues ou sur la savane foyalaise, une petite troupe de comédiens arrachés à la torpeur insulaire par le 45eme Festival de la capitale de la Martinique, donnent à voir une comédie populaire désopilante dans les centres culturels de la périphérie de Fort de France : le Dorlis de ces dames.