— Par Robert Lodimus —
… Et il pleuvait encore du sang et des larmes!
– Vous êtes à Fort Dimanche, vieux frère…
– Dieusifort Espérance!
– Ici, les noms ne comptent pas. Nous avons tous un seul nom : Camarade. Nos mangeons les mêmes déchets dans la même marmite crasseuse. Nous mourrons d’une seule maladie : la tuberculose, avec, si possible, une aspirine et une gorgée de pissat dans l’estomac.
L’homme toussa très faible.
– Tu connaissais Ézéchiel Abellard, le journaliste de Radio Métropole, ajouta-t-il avec la même lenteur ? Eh bien, il a crevé dans cette cellule, la tête appuyée contre ce récipient souillé de nos excréments qui se trouve à ta gauche. Ça fait déjà très longtemps… Pourtant, son ombre erre toujours au milieu de nous. Son nom est resté dans chaque cellule, inscrit sur tous les murs de Fort dimanche. Il en est ainsi pour chacun d’entre nous qui laisse sa vie dans un cachot de Fort Dimanche pour avoir rêvé de Liberté. Ne l’oublie pas Dieusifort! Quand on s’appelle Camarade, on ne meurt jamais…
Dieusifort Espérance, fils unique de Victoire Laguerre.

Le 7 février 1986, date de la chute de la dynastie Duvalier, est l’aboutissement de longues et terribles années de lutte qui ont emporté des milliers de compatriotes.
À quelques jours de la commémoration du tremblement de terre du 12 janvier 2010, l’année 2014 s’annonce déjà, en Haïti, sous le signe d’une mortifère et criminelle déflagration : le retour à visage découvert du duvaliérisme au pouvoir d’État avec la participation éhontée, provocatrice, du nazillon Jean Claude Duvalier –invité de Michel Martelly–, aux cérémonies officielles du Jour de l’Indépendance aux Gonaïves le 1er janvier 2014.