— Par Guy Taillefer —
Il aura fallu l’hyperviolence des gangs criminels pour que Washington, et à sa traîne Ottawa, se résigne enfin à lâcher le premier ministre Ariel Henry et à envisager la formation d’un gouvernement de transition, ce que toutes les voix au sein de la société civile réclamaient depuis plus de deux ans. Que n’ont-elles été entendues plus tôt ? Les bandes armées contrôlent aujourd’hui 80 % de Port-au-Prince, les déplacés fuyant l’insécurité se comptent par centaines de milliers, la famine guette au moins un million d’Haïtiens. Il y a eu les tontons macoutes des Duvalier, les chimères de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide, il y a maintenant les gangs fédérés autour du puissant « G9 et famille », dont le contrôle territorial est tel que le chef, Jimmy « Barbecue » Chérizier, ex-policier, est aujourd’hui en mesure de peser politiquement sur la suite des choses. Ceux qui ont instrumentalisé les gangs au sein de la classe politique et de l’oligarchie actuelles ont fini par créer un monstre qui s’est autonomisé.
La crise est doublement grave puisqu’elle est simultanément politique et sécuritaire.

La démission du Premier ministre haïtien Ariel Henry, survenue le 11 mars, marque un tournant crucial dans la quête de stabilité pour le pays insulaire. Plongé dans le chaos et la violence des gangs depuis plus d’une semaine, Haïti subit une crise politique et humanitaire prolongée, exacerbée par l’absence d’élections depuis 2016.
Les récents évènements de Carrefour-Feuilles à Port-au-Prince ont fait ressortir, une fois de plus, la collusion entre le pouvoir politique et les gangs armés en Haïti. Après qu’un chef de gang ait annoncé plusieurs semaines à l’avance son intention d’attaquer ce quartier, aucun renfort n’a été envoyé au commissariat local. La population, avec l’aide de certains policiers a résisté tant qu’elle a pu mais des milliers de personnes ont finalement été obligées de quitter leurs domiciles pour échapper aux exactions des brigands. Après leurs méfaits à Carrefour-Feuilles, ces derniers commencent à investir des quartiers avoisinants. Ces évènements confirment, si besoin était, ce que disent les experts depuis bien des mois, sinon des années : l’insécurité en Haïti est d’abord un problème de gouvernance.