Sonmiziksonpawol d’Annick Justin Joseph

— Par Selim Lander —

Il y a longtemps qu’Annick Justin Joseph porte ce projet d’hommage au musicien martiniquais Henri Brival (1933-), artiste lamentinois qualifié d’« extravagant », ce qui ne l’a pas empêché de voyager à travers le monde avec son « bwa ronflé » (ou « wonflé), instrument de son invention composé d’une caisse en bois (isorel) que l’on caresse avec un bâton et qui produit des sortes de barrissements. Sur la scène du théâtre municipal de Fort-de-France, un de ses disciples faisait la démonstration de cet instrument aussi rustique qu’original.

Sonmiziksonpawol mêle les chants, la danse et les chansons, par exemple « Alexandre pati » de Léona Gabriel-Soïme (dite « Estrella », 1891-1971), qui introduisit la biguine à Paris, et écrivit et interpréta de nombreuses chansons, en particulier cette fameuse « Alexandre pati » dont il reste d’ailleurs un enregistrement par elle-même. Cette diversité est l’un des atouts de Sonmiziksonpawol, une pièce servie ici par des interprètes appréciés des Martiniquais, y compris James Germain, grande voix d’Haïti, qui s’est produit à plusieurs reprises chez nous et qui impressionne toujours. On ne présente plus Papa Slam, connu pour ses talents de conteur, pas davantage qu’Yna Boulangé admirée naguère dans, par exemple, Cri de mes racines, ou la chanteuse Stella Gonis…

Tout n’est pas parfait dans ce spectacle mais grâce à l’enchaînement des séquences qui nous font passer rapidement d’un genre à l’autre, l’on ne s’ennuie jamais. Les modifications qui s’imposent concernent tout d’abord l’harmonica dont la portion est trop congrue pour justifier la présence sur le plateau d’un instrumentiste qui s’ennuie et le montre tout au long de la pièce. Quant au jeune Caserus Verin, faute d’expérience suffisante, non seulement sa performance en tant que danseur pâtit cruellement de la comparaison avec celle d’Yna Boulangé mais l’on est gêné de les voir s’exhiber ensemble. Il serait préférable, assurément, de le cantonner dans son rôle de saxophoniste (au risque, dans ce cas, il est vrai, de constater que sa prestation devient alors trop maigre pour justifier sa présence sur le plateau…)

On ne salue pas moins l’ambiance bon enfant d’une pièce dans laquelle le public n’hésite pas à applaudir à l’issue d’une séquence particulièrement réussie et où la fin le voit debout pour applaudir longuement et entonner une chanson avec les interprètes restés sur le plateau.

Avec James Germain (chant, Haïti), Stella Gonis (chant, bélé, conque de lambi), Yna Boulangé (danse, texte, chant), Christophe Rangoly (« Papa slam », texte, flute), Daniel Bardury (bwa wonflé), Medhy Caserus Verin (saxophone, danse), Jean-Luis Nguyen (harmonica).

Théâtre municipal de Fort-de-France, 17-19 juin 2021.