Sauver le M.I.M.

— Par Fernand Tiburce Fortuné —

Chers amis, 

C’est avec une certaine tristesse, que j’ai assisté au naufrage de Alfred MARIE-JEANNE, dit Chabin, notre héros politique, celui avec lequel nous avons grandi dans l’espérance de grands changements de notre Martinique, ce Pays-nôtre.

Non pas à cause de sa cuisante défaite électorale. Des élections, nous en avons perdu, nous en avons gagné, nous avons dû faire des alliances, voire des compromis.

Non, c’est avec sa fin électorale malheureuse, le naufrage politique du MIM. C’est l’évaporation continue du contenu politique. C’est L’absence ou l’interdiction de la confrontation libératoire des idées. Ceux qui ont voulu sauver le MIM en 2018 ont eu le sentiment que « l‘idée nationale martiniquaise » leur avait été confisquée. C’est tout cela qui me rend triste, mais pas du tout aigri et revanchard.

Je viens d’écouter mon ami Loulou Duville, sur la radio RCI., combattant de la première heure (Parole au Peuple, Création du MIM, élu), lui le fidèle des fidèles, le conseiller non écouté qui était prêt à organiser une sortie de la politique, la tête haute, de AMJ. Loulou, il a été parfait, serein, clair, précis et net. Il a pointé du doigt sans acrimonie, d’une façon lucide et intelligemment politique, ceux qui portent la responsabilité de cet effondrement idéologique et politique.

Je terminerai, sans prévoir ou proposer pour demain qui ne m’appartient plus, en citant Lénine: Que faire? Pour Quelle Martinique?

Je vous mets en PJ, mon article du 19-08-2022, publié par Antilla – que je remercie-  en son temps.

Fernand Tiburce FORTUNE

Ducos, le 20-062022

Je rappelle tout d’abord que je suis membre fondateur du MIM, son premier trésorier,  à jour de ses cotisations. Que malgré la pétition signée en 1981, pour améliorer le fonctionnement du Mouvement, je n’ai pas enfoncé le clou, et j’ai toujours dans des articles signés, défendu AMJ, lors du Congrès, et récemment encore, lors du succès de la mise en place de la CTM (voir Antilla).

Je soutiens la ligne du groupe de réflexion et une phase de transition. On verra après pour les noms. 

Il faut sauver le MIM. Pas Alfred. Il est déjà dans notre Panthéon et nos livres d’histoire. Pour couper court à toute polémique stérile et non productive, comme chacun l’aura compris, très bien compris, en écrivant cela, je n’enterre pas notre Leader historique, je lui rends hommage. Nous lui devons beaucoup. Bravo Alfred. Merci Alfred.  Tu as toute notre amitié dans cette joute démocratique. Dans ce débat critique initié par une vraie crise, chacun s’exprime à sa manière, avec ses arguments , ses arguties aussi et son art , il ne faut pas se le cacher, de la manipulation.
 Une contribution, signée Elodie Bonvent ( contrairement à d’autres, anonymes), bien que faisant une concession à l’argument du rajeunissement de la classe politique,  est ancrée dans le passé. Oui, dans ce passé – et qui le conteste?-  forgé – argument après argument-par Alfred , qui mérite notre respect et la reconnaissance de tout le Pays-Martinique, de tout un peuple et même de ses adversaires politiques. Quelle force de conviction, alors…

AMJ a tout fait, beaucoup fait, réussi presque tout (nous avons échoué pour l’article 74,  nous avons été minoritaires à l’élection de la CTM), lui qui a été trois fois Président des Assemblées du Pays-Martinique, qui a aidé, mieux et plus que d’autres, à l’avènement et à l’ancrage d’une conscience historique martiniquaise.

Mais, force est de constater que d’autres militants ont une autre vision pour la Martinique, demain. AMJ ne peut et ne doit exiger, obliger ses enfants politiques à une reconnaissance éternelle. Celui ou celle qui a épousé ses idées et son combat ne peut plus, en toute intelligence et clarté politique, en 2018, 48 ans après 1970, ne pas vouloir dépoussiérer de vieux dogmes et des pratiques politiques consensuelles à une certaine époque. Ce n’est pas de la haine. Ce n’est pas du dénigrement. C’est la vie politique qui le veut. On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve.

Et, c’est bien cela qu’exprimait Telcide dans son appel. Je le connais depuis toujours, fondateur, militant infatigable, colleur d’affiches sous le harcèlement de la gendarmerie française et devant la menace armée d’une certaine droite, démocrate sincère, soucieux de l’avancée du pays. Telcide, a, au sein du groupe critique de réflexion, peut-être initié, sans le vouloir, une chose inédite dans notre Pays, le contrôle judiciaire du mal fonctionnement d’un mouvement politique. C’est bien dommage d’en être arrivé là, malgré les alertes militantes ignorées. Mais ce faisant, le groupe de réflexion entraîne un mouvement de fond de réappropriation collective par les militants, d’une création collective d’antan. Pour certains militants, cette revendication serait même l’expression de « la récupération du sentiment nationaliste unilatéralement confisqué ».

Comme en 1970/74, il faut aller vers des bouleversements, nous bousculer, bousculer le temps avec ceux qui, aujourd’hui ( ce n’est pas du jeunisme) ont l’âge que nous avions, quand le bastion de Rivière-Pilote a été pris de haute lutte. Une fois l’héritage acquis, il faut le faire prospérer. Ceux qui nous écoutent, qui votent ou voudraient voter pour nous, sont allés sur les bancs de l’école beaucoup plus longtemps que ceux de 1970, ils ont le monde comme un livre ouvert devant eux. Il faut les écouter avec leurs idées, avec leur volonté  de changement sur un mode différent pour le même objectif: construire la Nation martiniquaise.

Nos luttes passées, dont ils bénéficient, sont bien loin pour eux. Ce sont des acquis. Ok, merci, on fait quoi maintenant? Ils en ont assez de nous les entendre ressasser. Car c’est demain qui les intéresse. Et cela est valable pour tous les Mouvements et Partis politiques du Pays-Martinique1.
Certains camarades, que je connais, brillants, bons dialecticiens, font cependant,  une mauvaise lecture d’anciens concepts,  et sèment la confusion, volontairement, entre antagonisme et contradiction. Pour moi, et heureusement, nous en sommes au stade fructueux de la  saine et stimulante contradiction, qui se résout dans le débat, même vif.

Allons, camarades, du calme!

Dans cette course, il faut passer le témoin à la bonne vitesse, au bon moment dans la bonne zone, et au bon partenaire qui assure le finish victorieux. Où est la trahison, quand l’époque, les événements et la pensée du moment ordonnent, exigent des transformations? Glissant et Placoly n’ont pas diminué le talent et l’aura de Césaire. Bernabé, Chamoiseau et Confiant, ont proclamé haut et fort ce qu’ils devaient à la Négritude et à l’Antillanité, et ont poussé plus haut, plus loin notre littérature. Le groupe de plasticiens « Fwomajé », en bousculant les cloisonnements et un certain académisme,  ont modifié notre perspective esthétique. Demain, nous aurons une autre littérature, d’autres discours politiques, d’autres inventions esthétiques qui, s’appuyant sur un socle, vont à leur tour ouvrir d’autres portes, qui à leur tour ouvriront sur des débats fructueux. Il en est ainsi du débat actuel, « Pour sauver le MIM ».

Le 19/08/2018, publié dans Antilla
Fernand Tiburce FORTUNE

1Dans d’autres partis politiques, il se murmure que des Modernes pris par le doute, n’osent cependant pas encore franchir le pas de la révolte, même sans passer par les tribunaux.