Ruée sur le papier toilette : mais au fait, comment faisaient nos ancêtres ?

—Correspondance, Céline Deluzarche —

Durant la première semaine de confinement, les ventes de papier toilette ont bondi de 22 % en France et les rayons ont été pris d’assaut, certains clients en venant aux mains pour s’arracher les derniers rouleaux. Le papier toilette est pourtant une invention relativement récente.

Le papier toilette moderne a vu le jour en Angleterre en 1850. Son véritable essor interviendra pourtant au milieu du XXe siècle avec l’apparition du rouleau et des feuilles à détacher, à l’origine fabriquées à partir de sacs de toile et d’espadrilles. Jusqu’ici, les Européens utilisaient couramment du papier journal pour se nettoyer après avoir fait leurs besoins.

Un privilège d’empereur chinois

2 000 ans avant notre ère, les Chinois avaient mis au point le « bâton hygiénique », un bout de bois avec une pièce de tissu enroulé au bout. Des archéologues, qui ont découvert cet ustensile en 1992 dans des latrines du nord de la Chine, ont pu confirmer qu’il était bien destiné à un usage intime, en analysant les traces d’excrément et de bactéries intestinales sur le tissu.

Les Chinois sont également à l’origine du premier papier hygiénique, fabriqué en paille de riz et réservé à la famille de l’empereur. Dans leur livre Science and Civilisation in China, le biochimiste britannique Joseph Needham et le sinologue chinois Tsien Tsuen-Hsuin évoquent ainsi une commande datant de 1393 par le bureau des fournitures impériales, comprenant 720 000 feuilles de papier toilette parfumé de 60×90 cm. Ailleurs en Asie, on se contente alors de coquillages et coquilles de moules.

Antiquité : pierres polies, vêtements et bâtons

Dans l’Antiquité, les méthodes différaient selon les civilisations. Les Grecs se servent tout simplement de leur main, de cailloux lisses ou s’essuient avec leurs vêtements. « Trois pierres suffisent à se torcher le cul si elles sont raboteuses. Polies, il en faut quatre », écrit ainsi le poète comique Aristophane dans l’une de ses satires sociales. Pour se distinguer, la haute société a recours à des feuilles du poireau, précise l’auteur.

À Rome, les cailloux sont également très utilisés. Les nobles disposent de leur côté de serviettes en tissu ou en laine spécialement conçues à cet effet et parfumées à l’eau de rose. C’est aussi à cette époque qu’est inventé le tersorium, une sorte de bâton avec une éponge accrochée au bout qui se range dans une amphore d’eau salée ou vinaigrée. Il n’est cependant pas très clair si le tersorium servait à se laver le derrière ou à laver les latrines elles-mêmes, à l’instar de l’ancêtre du balai à WC.

Moyen Âge : le bout de chemise ou les courriers du cœur

Au Moyen Âge, on se sert de foin, de feuilles d’arbre ou de terre. Mais là encore, il faut l’avouer, c’est plus souvent un coin de chemise qui fait office d’essuie-fesses. Un peu plus tard, au XVIe siècle, les plus fortunés adoptent l’étoupe, un tissu fibreux composé de chanvre et de lin. Certains utilisent même du velours ou du satin, bien plus doux. Dernière maîtresse de Louis XV, la comtesse Du Barry demeure ainsi célèbre pour ses lingettes en dentelle.

À l’époque, le papier est encore rare et cher, réservé aux livres ou au courrier. Pas question de le gâcher pour d’aussi viles besognes que la toilette des parties intimes. On a néanmoins retrouvé lors de fouilles des fragments de manuscrits dans des latrines, suggérant que les lettres étaient aussi utilisées comme papier toilette une fois lues.

Le bidet, une invention française

Au XVIIe siècle est apparue une autre invention révolutionnaire pour la toilette : le bidet. Ce bassin ressemblant à une baignoire miniature est né en France dans l’aristocratie et les classes supérieures. Lorsque l’eau courante est arrivée dans les habitations, le bidet est passé de la chambre à la salle de bains et a conquis de nombreux pays en Europe, en Amérique latine et au Moyen-Orient. Seuls les États-Unis ont résisté, associant ces meubles à la prostitution après les avoir vus dans les bordels pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Le bidet est largement tombé en désuétude dans les années 1970, par manque de place et par économie. Depuis le début de l’épidémie, il connaît cependant un spectaculaire regain de popularité. En Australie, les ventes de l’entreprise Australian Bidets ont ainsi augmenté de 500 % ces dernières semaines, rapporte le Daily Mirror.

Les Français le préfèrent en rose…

Aujourd’hui, chaque Français achète en moyenne 70 rouleaux de papier toilette par an, soit 6,4 kg par personne. Loin derrière les États-Unis avec leurs 141 rouleaux annuels.

Triple épaisseur, ultra-doux, décoré ou humide, les fabricants rivalisent d’imagination pour vendre leurs produits, par ailleurs assez difficiles à promouvoir. Les Français gardent pourtant une petite spécificité : leur préférence pour la couleur rose, alors que le blanc s’est imposé partout ailleurs.

Les Américains sont les plus gros consommateurs de papier toilette. (Infographie : Statista)

Source Ouest-France