Rencontre avec Kheireddine Lardjam, metteur en scène. France-Algérie : la balle au centre !

— Propos recueillis par Dominique Daeschler —

Kheireddine Lardjam, metteur en scène de Désintégration (voir critique) travaille pour son prochain spectacle sur les relations franco- algériennes. Comment en est-on arrivé là ? pour lui qui a fait ses études et ses premières armes de metteur en scène en Algérie, la grille de lecture de la France sur l’Algérie reste figée, dans un déni de l’analyse du « aujourd’hui, maintenant ».
D Daeschler : C’est-à-dire que la relation reste compliquée, complexe ?
K Lardjam : Oui. La jeunesse d’aujourd’hui n’a connu ni la guerre d’Algérie ni la montée du FIS. De plus cette jeunesse est divisée. Entre ceux qui sont nés en France ou en Algérie, n’est pas vécue et racontée la même histoire. L’analyse de Germaine Tillion dans « Des ennemis complémentaires » traduit bien le passé commun entre les deux pays, les différences, l’attachement et son rejet.
DD : Que faudrait-il dire en tout premier lieu ?
KL : Que l’histoire de l’Algérie c’est aussi l’histoire de la France, de la Ve république.
DD : Cela nous conduit au post-colonialisme.
KL : Le problème c’est qu’il a été élaboré à partir d’un seul point de vue alors qu’il nécessitait une confrontation, un échange. Il y a nécessité d’aboutir à un récit commun, les imaginaires collectifs existent.
DD : On est passé à côté ?
KL : Il y a des professeurs d’université qui ne veulent pas enseigner le post-colonialisme et pourtant toute une génération mature est en demande mais on n’est plus « au temps de ». La grille de lecture est faussée. Il y a en moi du colonisé e du colonisateur. L’histoire du colonialisme est à écrire, la France est au pied du mur. Pour certains le passé est occulté, revisité, pour d’autres, il est inconnu.
DD : Et les artistes dans tout ça ? Que pensez-vous du mouvement « décoloniser les arts » ?
KL : Il n’y a pas de visibilité de ce qui se passe artistiquement en Algérie, pas d’intérêt français pour la création théâtrale algérienne. Les directeurs de théâtre ou les metteurs en scène d’origine algérienne (peu nombreux dans les structures culturelles subventionnées) n’ont pas créé sur leur pays… Pourtant il y a urgence à entrer dans l’histoire universelle. Il ne s’agit pas de décoloniser les arts mais de se battre pour l’égalité.
DD : Est-ce à dire qu’il y a encore peu d’artistes porte- parole de la diversité ?
KL : En théâtre, nous sommes quatre !
DD : La diversité c’est aussi l’identité….
KL : Depuis dix ans de jeunes français non nés en Algérie sortent des drapeaux algériens lors de manifestations sportives, se reconnaissant dans les joueurs sans identification à un pays. Pourquoi ?